Texte intégral
La réforme globale de la défense nationale décidée par le président de la République, le 22 février 1996, comprend deux volets essentiels : la transformation des armées qui a été traduite dans une loi de programmation militaire et la modernisation de notre outil d'armement tant dans ses structures que dans ses méthodes. Les décisions de privatisation de Thomson SA et de fusion d'Aérospatiale et de Dassault Aviation, le plan de retour à l'équilibre de GIAT Industries et les orientations pour l'avenir de la direction des constructions navales sont autant d'éléments du pilier industriel de la réforme.
Mais la réforme ne saurait être complète et efficace sans une redéfinition complète des modes d'acquisition des armements et des relations entre l'État investisseur et le tissu industriel de défense. Les transformations du contexte géostratégique, technologique et économique nécessitent une remise à plat du processus de réalisation des armements. L'objectif que j'ai fixé au délégué général pour l'armement doit se traduire par une diminution de 30 % des coûts et des délais des programmes, répartie sur les six années de la programmation militaire.
Une telle remise à plat concerne en tout premier lieu la délégation générale pour l'armement.
Cette administration, créée par le général de Gaulle au début des années soixante, a pour mission de fournir aux forces armées les matériels d'armement qui leur sont nécessaires. Elle a remarquablement atteint les objectifs qui lui ont été assignés.
La qualité des matériels d'armement français, la richesse du tissu industriel de la défense et le haut niveau technologique atteint par notre pays sont là pour l'attester. La force de dissuasion nucléaire, dont la réalisation a été à l'origine de la création de la DGA, donne aujourd'hui à la France une place majeure dans le concert des nations.
La situation est aujourd'hui radicalement différente. Les menaces sont plus diversifiées, les budgets sont plus contraints, l'industrie de défense, autrefois naissante, a atteint sa maturité, les technologies se sont banalisées, il importe donc d'intégrer pleinement la dimension économique et de tirer profit des complémentarités avec l'industrie civile.
Les objectifs de réduction des coûts ne peuvent être atteints sans une modification en profondeur des modes de fonctionnement des méthodes de travail et de l'organisation de la DGA.
Je voudrais à ce stade, répondre tout de suite à une question que vous ne manquerez pas de me poser : quelles réductions d'effectifs, combien de suppressions supplémentaires d'emplois ?
Cette réforme est une réforme des structures et des méthodes d'acquisition. Elle ne comprend donc ni plan social, ni fermeture de site, ni restructurations. Les réductions d'effectifs prévues pour la DGA sont celles inscrites dans la loi de programmation militaire votée par le Parlement en juin dernier. Elles se feront par départ naturel.
La DGA doit tout d'abord se recentrer sur sa mission première de conduite des programmes d'armements. Pour ce faire, elle doit renforcer ses capacités de prospective et de contrôle de la cohérence des systèmes d'armes et de forces. Enfin, la réforme proposée met fin à l'existence des directions dites « de milieu » qui correspondaient chacune à un état-major d'armée et réalisaient ses programmes. Elle achève donc le processus interarmées qui avait été à l'origine de la création de la DGA.
Tout conduit la France vers une politique d'armement résolument européenne : la volonté politique, la grande communauté de besoins opérationnels, le besoin vital ressenti par l'industrie d'armement d'échapper aux inconvénients liés à son morcellement, et la nécessité de partager les frais de développement de nouveaux matériels dont la charge devient insupportable dans un cadre exclusivement national.
La part du financement des programmes conduits en coopération est actuellement de 15 %. Mais pour être plus efficace, la coopération doit découler d'une vision et d'une préparation commune de l'avenir, et s'appuyer sur de véritables programmes intégrés européens.
La réforme de la DGA que je vous présente ici est un chantier d'envergure. Elle est née de la lettre de mission que j'ai adressée, en avril dernier, au nouveau délégué général pour l'armement. Elle est le fruit d'une réflexion conduite, en plusieurs étapes, par plus de 4 000 fonctionnaires qui ont, à travers 12 chantiers regroupant l'ensemble des activités de la DGA, permis à chacun de faire part de ses observations.
La réforme, au-delà de l'ambition de réduction des coûts, pourrait se résumer sous trois traits principaux :
- la mise en application au sein d'une administration d'État des méthodes de gestion qui ont fait leurs preuves dans le secteur privé ;
- le souci de plus en plus intégrer la dimension européenne ;
- le lien étroit entre cette réforme et celle des industries d'armement dans les quatre secteurs clés que sont le nucléaire, l'aéronautique et l'espace, l'électronique et l'électromécanique.
Je ne voudrais pas conclure sans évoquer en quelques mots la direction des constructions navales.
Les orientations pour l'avenir de la DCN que j'ai annoncées en juin dernier correspondent à un constat objectif de la situation économique de la DCN. Il ne faut pas oublier que lorsque nous avons pris le dossier en main en juillet 1995, nous avons trouvé un chiffre d'affaires annuel de 15 milliards de francs ; dans le même temps, les charges étaient de 22 milliards de francs. Laisser les choses en l'état aurait conduit la DCN à sa perte. Il fallait réagir ! Les orientations que j'ai retenues visent au développement de la DCN sur les marchés extérieurs et son aptitude à jouer un rôle pivot dans la recomposition européenne des industries de la construction navale.
La méthode du ministère de la Défense, c'est tout d'abord la clarification. Après une concertation avec toutes les parties prenantes, nous avons élaboré un projet industriel global exposé en juin dernier puis il y a eu des études pratiques, pragmatiques, des négociations avec toutes les parties prenantes. C'est ce que j'ai annoncé hier. Un tel travail ne peut être effectué qu'au niveau local, site par site, atelier par atelier, et c'est la démarche qui est engagée aujourd'hui.
Avant de passer la parole à Jean-Yves Helmer, je tiens à dire quelques mots sur la réforme. Voulue par le président de la République, elle a trouvé sa première application à travers la loi de programmation militaire. Elle devrait se poursuivre par le projet de loi relatif au nouveau service national, que j'aurai l'honneur de présenter devant le Conseil des ministres dans quelques semaines. Elle marque aujourd'hui une étape majeure dans la rénovation de notre appareil industriel d'armement.
Et je dois d'ailleurs rendre hommage à tous les personnels du ministère, dans les armées, la DGA, les services. C'est grâce à leur grand sens de l'intérêt général que toutes les réformes que nous avons citées ont pu être engagées. Grâce à eux, elles seront menées à bien. Le ministère de la Défense est celui de la « grande muette ». On y parle peu de réformes, on y fait des réformes.