Texte intégral
Propos sur la Défense – N° 57 - 13 février 1996
Conférence de presse du ministre de la Défense à la suite de la publication du rapport de la DCN
DCN (rapport)
Je me permets simplement de rappeler qu’en septembre dernier j’ai demandé au délégué général pour l’armement de bien vouloir réunir un groupe de travail pour étudier la situation de la DCN, pour en faire un état des lieux ainsi qu’un diagnostic, pour faire l’inventaire de ses atouts, ou de ses contraintes. M. Conze m’a remis son rapport ce matin même. Il y rappelle la nature de la DCN : la DCN étatique et industrielle, dans un marché qui est celui de la construction navale ; deuxièmement, il rappelle aussi que la DCN est une réalité historique avec des arsenaux, un statut particulier du personnel, ainsi que des implantations locales…
Méthode ministérielle
Ce diagnostic ayant été fait ; une période de concertation va débuter. Je me permets de vous rappeler que le ministère a décidé d’aborder tous les dossiers industriels selon la même méthode avec trois phases successives. La phase de clarification, un état des lieux, c’est ce que vient d’effectuer ce que je pourrais appeler le « groupe Conze ». La deuxième phase est une phase de concertation qui aura lieu au niveau local dans les établissements et au niveau national. Je viens de rencontrer les représentants de tous les syndicats du ministère, je leur ai fait part de la méthode qui allait maintenant être suivie. Dans chaque établissement il va y avoir maintenant une information la plus générale et la plus complète possible.
Le rapport sera diffusé et il sera répondu à toutes les questions qui pourront être posées. Dès le 15 février prochain, le comité d’informations économiques et sociales se réunira dans chaque établissement. Un dialogue sera instauré ou se perpétuera entre la direction de l’établissement et les représentants du personnel. Nous souhaitons d’autre part qu’à partir des dix chantiers dont les thèmes sont précisés dans votre dossier, il puisse y avoir, information, dialogue dans chaque établissement.
Parallèlement, une concertation sera mise en place au niveau national. Elle débutera dès le début du mois de mars, à partir des éléments qui auront déjà été réunis par les partenaires. Cette concertation se poursuivra durant un mois et demi. Cette concertation ne concernera pas simplement l’encadrement et le personnel des établissements. Nous nous concerterons aussi avec les fournisseurs, avec les sous-traitants, avec les élus locaux bien évidemment, avec les parlementaires de ces régions que je rencontrerai à 19h pour pouvoir leur présenter le rapport du délégué général pour l’armement et répondre à leurs questions. Une fois cette concertation achevée, s’engagera une négociation avec les représentants syndicaux, avec les représentants du personnel. Cette démarche devra aboutir à des décisions que je prendrai, ou que le gouvernement prendra, dans le domaine des compétences qui sont les siennes.
DCN (atouts et contraintes)
Avant de vous donner la parole pour que vous puissiez m’interroger, je voudrais simplement souligner un certain nombre de points :
– le premier, c’est que les arsenaux ont des atouts importants. Ces atouts, c’est en premier lieu la grande compétence, le savoir-faire du personnel. Vous savez qu’il existe des écoles, un apprentissage, et que nous sommes décidés à valoriser notamment cet atout. Nous l’avons fait savoir aux représentants du personnel ;
– le deuxième atout c’est d’être un ensemblier – je parle sous le contrôle de membres du groupe de travail – c’est-à-dire que la DCN coordonne l’ensemble de la construction navale, soit en effectuant directement les travaux qui en sont conséquents, soit en les sous-traitant mais en surveillant leur réalisation. C’est là en fait un atout essentiel ;
– le troisième atout tient à la coordination qui existe entre la Marine nationale et la DCN, la Marine nationale ayant à sa disposition, si je peux utiliser l’expression, un constructeur qui peut dialoguer avec elle sur les équipements et sur les investissements qu’il convient d’effectuer pour lui permettre d’être à la hauteur de ce que l’on attend d’elle ;
– le quatrième atout, c’est d’avoir une activité de constructions neuves et une activité d’entretien. Tout à l’heure, en réponse à vos questions, M. Conze ou les membres du groupe de travail pourront vous dire que le fait d’avoir cette charge d’entretien permet d’avoir une meilleure connaissance de ce que souhaite le client – la Marine nationale –, de connaître aussi les aspects qu’il convient de prendre en compte pour ce qui est des améliorations, qu’elles soient techniques ou au niveau de l’assemblage.
Voilà en fait quels sont les atouts de la DCN. Il est vrai aussi que la DCN subit des contraintes, qu’on aimerait analyser maintenant dans le cours de la concertation et de l’information. Ces contraintes sont dues aux habitudes, aux réglementations parfois inadaptées, et c’est dans cet esprit-là que nous souhaitons mener une réflexion. Ces contraintes, ce sont aussi les problèmes que rencontre la DCN pour s’intégrer dans la coopération européenne et internationale.
La DCN n’a pas une personnalité juridique qui lui permette de négocier, de contracter des alliances. La DCN a une gestion de trésorerie qui n’existe pas puisque c’est l’État qui gère sa trésorerie. Ce sont en fait des aspects qu’il va falloir analyser, ceci fait partie de la liste des chantiers que l’on ouvrira.
Je ne connais pas les réponses, je le dis d’une manière très claire, par exemple pour ce qui est de la gestion de la trésorerie. Je pense à titre personnel qu’il faudra qu’il y ait un contrôle de la part de l’État qui soit extrêmement rigoureux – des expériences récentes ont attiré notre attention sur le fait dans ce domaine-là, la prudence était de règle.
Pour ce qui est des alliances, il faudra aussi réfléchir aux modes et aux moyens à mettre en œuvre afin de ne pas fragiliser l’outil DCN, mais en contrepartie permettre à la DCN de contracter des alliances à l’échelle européenne afin de faire face à une concurrence américaine de plus en plus agressive.
Voilà ce que je voulais vous dire à propos de la DCN. Je vous précise qu’aujourd’hui le ministère de la Défense a déjà engagé ce type de réflexion et d’action pour GIAT Industries. Nous l’engageons aujourd’hui pour la DCN, et pour ce qui des autres secteurs, il y a actuellement des réflexions qui sont menées. La France a en effet besoin d’une réorganisation de son industrie d’armement pour pouvoir faire face à la concurrence internationale et pour pouvoir augmenter sa compétitivité il nous apparaît évident que la France a besoin d’un pôle aéronautique fort, d’un pôle électronique qui soit constitué, et enfin d’un pôle d’industrie nucléaire, qui, vous le savez bien, existe déjà. Ceci fera l’objet d’un certain nombre de directions ou de décisions prises ou à prendre durant les semaines ou les mois qui viennent. J’aurai à ce moment-là l’occasion de vous en reparler.
Réponse du ministre de la Défense à une question orale de M. Daniel Colin, député du Var
DCN
Q. : Ma question s’adresse au ministre de la Défense. Vous avez mis en place il y a quelques mois un groupe de travail chargé de mener une réflexion sur l’avenir de la Direction des constructions navales (DCN). Cette direction, qui appartient à la DGA, s’interroge en effet sur son devenir, notamment dans le cadre des profondes mutations que va connaître notre industrie de la défense dans les mois et les années qui viennent.
Nous souhaitons monsieur le ministre que l’on redonne confiance à ce fleuron de notre industrie. Si le statut de la direction n’apparaît pas aujourd’hui comme le plus adapté aux conditions économiques, notamment en ce qui concerne les exportations, nous sommes nombreux à être attachés aux statuts du personnel. Le respect de ce statut étant le gage du respect et de la parole de l’État, il est aujourd’hui primordial que par-delà le diagnostic qui sera formulé, la discussion qui va s’engager sur l’avenir de la DCN soit largement ouverte et que chacun, parlementaires, élus locaux, représentants professionnels participent à la réflexion et examinent les propositions qui seront formulées.
Nous vous soutiendrons monsieur le ministre dans cette démarche et nous souhaiterions aujourd’hui savoir quelles sont les grandes lignes du diagnostic qui vous a été soumis et quelles initiatives vous envisagez de prendre sur ce dossier dans les mois qui viennent !
R. : Il est vrai qu’il y a maintenant trois mois, j’ai demandé au délégué général pour l’armement, Henri Conze, de bien vouloir mettre sur pied un groupe de travail et d’étude afin de décider de l’avenir de la DCN. La DCN, qui fait partie – comme vous venez de le rappeler – de la DGA qui a en charge tous les arsenaux, une grande partie de l’industrie de l’armement, est non seulement maître d’ouvrage pour ce qui est de nos équipements en matière navale, mais aussi pour un certain nombre d’équipements qui sont soient exportés, soient vendus à des donneurs d’ordre spécifiques.
Concertation sociale
Pour ces raisons-là, nous avons demandé une étude approfondie donnant lieu à un rapport, que j’ai ici et qui vous sera remis aujourd’hui même puisque M. Conze l’a rendu au ministère de la Défense ce matin à 10 h. Cet après-midi doivent être consultés ou plutôt informés, d’une part les syndicats, d’autre part les élus des villes ou des bassins concernés, ainsi que tous les députés ou sénateurs qui sont en charge des secteurs ou des communes qui sont concernés par l’avenir des arsenaux. Je vous précise simplement que notre objectif n’est pas de toucher aux statuts, n’est pas de revoir de fond en comble les arsenaux français. Ils sont actuellement parmi les arsenaux les plus compétitifs qui existent dans le monde.
Restructurations (modernisation)
Il est en réalité pour nous question de les moderniser, de leur ouvrir leurs marchés, de leur permettre d’assurer leur pérennité. Nous allons donc étudier les possibilités de l’exportation, la séparation entre la partie donneur d’ordre industriel et maître d’ouvrage étatique, l’étude d’une meilleure diffusion des responsabilités ainsi que l’augmentation de la compétitivité. J’aurai l’occasion à plusieurs reprises de venir soit devant la commission de la défense nationale, soit devant les parlementaires concernés pour les tenir au courant de l’évolution de ce dossier, mais j’ai en fait grande confiance dans le savoir-faire, la compétence des salariés de la DCN pour savoir qu’ils ont un avenir assuré si on prend les moyens de redressement.
Réponse du ministre de la Défense à une question orale de M. Bertrand Cousin, député du Finistère
DCN (rapport)
Q. : Ma question s’adresse au ministre de la Défense. Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris qu’après mon collègue Colin, député de Toulon, le député de Brest manifeste quelques inquiétudes dans l’attente du rapport de M. Conze sur l’évolution des constructions navales, et nous vous remercions d’ailleurs de nous donner la primeur au cours d’une réunion à votre ministère en fin de journée. Je ne puis qu’exprimer ma satisfaction et derrière moi je crois celle de l’ensemble des personnels de la DCN sur votre volonté de maintenir le statut du personnel, sur la reconnaissance que vous avez faite de la qualité professionnelle de ces personnels et surtout votre volonté d’engager résolument et de conforter l’avenir de cette belle entreprise française.
Cela dit, il est clair que nous nous dirigeons vers une diminution du plan de charge des arsenaux liée à la nouvelle posture de défense de notre pays et qu’il va falloir prendre un certain nombre de mesures… Et ma question est la suivante monsieur le ministre, quel dispositif entendent prendre le gouvernement et votre ministère pour faire face aux conséquences économiques, industrielles et sociales de ces restructurations, notamment dans une région qui sera touchée, celle de la Bretagne ?
Méthode ministérielle : trois options (application à la DCN)
R. : Comme je viens de le rappeler dans la réponse faite à M. Daniel Colin, le gouvernement poursuit une politique de redéploiement et de redressement de l’industrie de l’armement. À cette fin, sur la demande de monsieur le Premier ministre, j’ai engagé une procédure en trois phases : une phase de clarification ; une phase de concertation ; et finalement une phase de décision. Tout d’abord, une phase de clarification : c’est dans cette phase que s’inscrit le rapport de M. Conze.
Nous allons étudier la nature des problèmes posés aujourd’hui à la DCN, dans le domaine de la sous-traitance, dans le domaine de l’exportation, dans le domaine des alliances que l’on peut ou que l’on ne peut pas conclure avec des entreprises françaises ou étrangères. Deuxièmement, nous allons évaluer les atouts de la DCN, ainsi que les contraintes subies, c’est toute la phase de clarification qui, aujourd’hui, est terminée par la présentation du rapport de M. Conze.
Nous allons nous engager dans la deuxième phase, phase de concertation. Concertation nationale avec les personnels et leurs représentants, avec les élus, avec les partenaires économiques, qu’ils soient français ou européens, avec tous les responsables financiers qui permettront à la DCN de continuer à affirmer son rôle national et international. Concertation locale au niveau de chaque établissement, avec les personnels et leurs représentants, avec les élus locaux.
Et puis enfin, ceci interviendra sans doute aux alentours d’avril-mai, il y aura la phase de décision. Elle sera concomitante avec le dépôt du projet de loi de programmation militaire où l’on prendra les décisions qui permettront d’assurer l’avenir de la DCN.