Interview de M. Charles Millon, ministre de la défense, à France-Inter le 8 mai 1996, sur le bilan d'une année de politique de défense et sur la réforme de l'armée.

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Média : France Inter

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France Inter : Vous allez participer tout à l’heure aux cérémonies célébrant le 8 mai 1945, la victoire sur l’Allemagne nazie et ce, au moment où l’armée est en pleine expectative. Interrogations sur le service national, sur les restructurations militaires et la loi de programmation et sur l’avenir de l’industrie d’armement. Le service national d’abord, c’est le sujet le plus populaire. Il apparaît que la mission parlementaire – la mission Séguin – est dans l’impasse, qu’aucune ligne de consensus ne se dégage, aucune solution parfaite. Quant aux consultations sur le terrain, on n’en entend guère parler. Alors où en est-on ?

R. : Tout d’abord, permettez-moi de faire un petit retour en arrière et de dire qu’en une année, il y a un certain nombre de décisions très importantes prises dans le domaine de la défense et surtout du positionnement de la France sous l’angle international. Je voudrais saluer l’action du président de la République.

Il faut se rappeler qu’il y a un an, nos forces étaient déjà, dans le cadre de la FORPRONU, en Bosnie-Herzégovine, mais elles étaient humiliées et que c’est grâce à la fermeté et à l’esprit de décision du président de la République qu’aujourd’hui, il y a eu un redressement de la situation : avec la FRR, les accords de Dayton et finalement l’IFOR.

Il y a un an, on doutait de la crédibilité de notre force de dissuasion. Il a fallu l’esprit de décision du président de la République pour que les essais nucléaires soient repris pour la dernière fois afin de crédibiliser notre force de dissuasion. Il y a un an, on s’interrogeait sur les réformes de la défense et des armées et ce matin, vous m’interrogez sur la grande réforme de la défense qui sera engagée depuis trente à quarante ans…

France Inter : Les deux sont liés, d’ailleurs, c’est parce que le président de la République veut une force de protection efficace qu’il a voulu cette réforme.

R. : Le président de la République a fait une analyse géostratégique et a demandé au ministère de la défense de bien vouloir pousser à terme la réflexion ; et à partir de ces réflexions qui reprennent par bien des points le Livre blanc de 1994, le président de la République a décidé le passage de l’armée de conscription à l’armée professionnelle dans les six années à venir.

Ceci pose d’ailleurs des questions au sujet des restructurations – vous en avez parlé – c’est-à-dire les dissolutions de régiments, les fermetures de base, mais aussi la réorganisation de l’armée en général ; ceci va donc engager le débat sur le service national puisqu’armée professionnelle signifie qu’il y aura beaucoup moins d’appelés si on garde le service national obligatoire, et qu’il y aura simplement environ 30 000 jeunes qui iront faire leur service chaque année, donc à partir de ce moment-là, il faut s’interroger si on garde un service national civil obligatoire ou si, au contraire, on se tourne vers la solution du volontariat. C’est tout le débat qui est engagé aujourd’hui dans le pays et c’est un débat qui a amené la mobilisation de l’Assemblée et du Sénat.

Je crois que le gouvernement a bien fait de respecter les droits du parlement : c’est la mission Séguin à l’Assemblée nationale, c’est la commission présidée par M. de Villepin au Sénat. Ces deux commissions ou missions sont déjà arrivées à des conclusions pratiques fort intéressantes : par exemple, la distinction entre le recensement de la jeunesse de France pour savoir quel est son état démographique, sanitaire et social, intellectuel et professionnel, c’est-à-dire de faire un bilan de la jeunesse de France.

C’est le problème de la fin et des moyens. Actuellement, une loi de programmation militaire a pour objectif de déterminer les missions de la défense. Ensuite, il y a un moyen, le service national. Il va donc bien falloir déterminer d’abord la loi de programmation, c’est la raison pour laquelle elle sera discutée à partir de juin, pour ensuite décider de la forme du service national compte tenu des décisions prises dans la loi de programmation militaire. Il y a une logique tout à fait évidente.

Vous vouliez savoir si cette loi de programmation militaire était différente des précédentes ? Je crois que oui, parce que le président de la République a pris un engagement personnel de se porter garant de l’application de cette loi et le chiffre a été fixé à 185 milliards de francs constants chaque année, durant six ans. Ceci permettra à la France d’avoir une modernisation de son système de défense, une adaptation de son service national, une restructuration de l’industrie d’armement. C’est une réforme très importante qui marquera les années à venir.