Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe parlementaire RCV à l'Assemblée nationale, sur le conflit du Kosovo, notamment la recherche d'un réglement politique par l'ONU, Paris le 27 avril 1999.

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Texte intégral

Monsieur le Premier ministre,

J'ai apprécié votre déclaration, très équilibré, et votre souci d'informer et de consulter le Parlement. Comme le 26 mars, cette déclaration est suivie d'un débat est suivie d'un débat, mais non d'un vote. S'il devait y avoir un jour un débat sur la participation de militaires français à une éventuelle intervention terrestre – qui n'est pas d'actualité – il serait alors nécessaire que l'Assemblée soit appelée à exprimer un vote. Il en va du rôle de la représentation nationale dans une démocratie comme la nôtre. La force des démocraties réside dans le débat, mais aussi dans le vote du Parlement sur les questions essentielles pour le pays. Notre pensée va naturellement vers les militaires français engagés dans cette opération. Elle va aussi vers les civils et les volontaires qui incarnent, ici et là-bas, l'élan de solidarité envers les réfugiés qui anime notre peuple. Les Balkans, c'est beaucoup d'histoire pour trop peu de géographie. Cette région de l'Europe, pas plus grande que la France, a toujours juxtaposé les Etats, les peuples, les langues et les religions. Souvent dans les convulsions, dès 1389 à la bataille de Kosovo Polje, du « champ des merles », qui avait opposé Turcs et Serbes. Parfois dans l'harmonie relative. Ainsi, sans être un modèle de démocratie, la Yougoslavie d'avant les années 1990 parvenait à faire coexister six républiques fédérées et deux provinces autonomes, dont le Kosovo, en respectant les droits des minorités. Cet Etat fédéral multiethnique faisait vivre ensemble des communautés nationales diverses.

Le malheur de la Yougoslavie porte un double nom – Milosevic et Tudjman – et s'inscrit dans une double date. Quand en 1990, Slobodan Milosevic, jouant la carte du nationalisme serbe, supprime le statut d'autonomie du Kosovo et ranime en réaction l'extrémisme albanais, quand en 1991, Franjo Tudjman, ressuscitant la rhétorique nationaliste croate, proclame l'indépendance de la Croatie, ils provoquent ensemble l'éclatement de la Yougoslavie. Ce qu'on a appelé « le suicide d'une nation ». Il faudrait d'ailleurs préciser : « suicide assisté », l'Allemagne d'alors et le poids de certaines forces religieuses ayant contribué à la désintégration de la Yougoslavie par la reconnaissance précipitée de l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie. On connaît la suite et les conséquences dramatiques de ce retour du nationalisme ethnique, qui a défait la Yougoslavie et dressé ses communautés les unes contres autres. En particulier en Bosnie.

En réalité, ce qui s'affronte aujourd'hui dans cette partie de l'Europe, ce sont deux conceptions de l'Etat. D'un côté, la conception républicaine fondée sur la citoyenneté. Conception à laquelle les radicaux et bien d'autres sont très attachés. De l'autre, la conception nationaliste reposant sur l'ethnicité. La grandeur de la République, c'est de faire vivre ensemble des personnes qui n'ont pas toutes la même origine ou la même confession. La République ignore les communautés. Elle ne connaît que les citoyens, « sans distinction d'origine, de race ou de religion », comme le rappelle notre Constitution dès son article 1er. Elle fonde cette citoyenneté sur le droit du sol et non sur le droit du sang. De même, la République repose sur la laïcité : elle respecte toutes les croyances, mais elle ne fonde l'Etat sur aucune, mais elle sépare les Eglises et l'Etat. Enfin, la République propose à tous des valeurs universelles, qui concernent l'homme en tant que tel, quelle que soit sa communauté d'origine ou son appartenance nationale. Quand le Révolution de 1789 établit et définit la liberté, quand elle proclame « Les Droits de l'homme et du citoyen », elle pose des principes à portée universelle qui s'adressent à tous et à chacun, d'où qu'il vienne et où qu'il soit. Cette conception républicaine de l'Etat sous-tend toute notre histoire. Condorcet et Desmoulins, Lamartine et Arago, Ferry et Gambetta, Zola et Jaurès, Brossolette et Jean Moulin : tous ont défendu et illustré cette vision de la société. Tous se sont battus pour elle, de Valmy ay Mont-Valérien. La France a toujours proposé des valeurs universelles à l'adhésion de tous. Elle a toujours défendu, sauf sous Vichy, une conception éthique de la république. Alors que d'autres pays, dont l'Allemagne nazie, soutenaient une conception éthique de la société, fondée sur des critères raciaux. Aujourd'hui, comme hier, il faut que l'éthique l'emporte sur l'ethnique. Partout dans le monde, on observe la montée des nationalismes, des pulsions ethniques et des dérives communautaristes. Partout, on constate cette montée du communautarisme qui enferme chacun dans son particularisme, qui refuse la tolérance, l'écoute d'autrui et le respect des différences.

Cette tendance atteint son paroxysme dans les Balkans, où Slobodan Milosevic entend imposer sa conception de l'Etat, fondée sur le nationalisme ethnique, sur ce qu'on pourrait appeler le « national-ethnique ». Pour le maître de Belgrade, le mot d'ordre, c'est : « un peuple, un Etat, un chef ». On sait comment cela se traduit en allemand. Ce qui anime Milosevic, c'est l'obsession de la nation homogène, définie d'abord par un critère ethnique. C'est la volonté de créer un espace national uniforme, d'où les communautés minoritaires jugées indésirables sont expulsées par la violence et la terreur. C'est l'épuration ethnique. Cette obsession a périodiquement animé les Balkans. Si les Serbes d'aujourd'hui pratiquent le nettoyage ethnique, ils en ont été hier les victimes, expulsées ou massacrées par l'Etat croate d'Ante Pavelic, allié des nazis. Plus récemment, en août 1995, 300 000 Serbes ont été chassés des Krajina croates par les forces de Zagreb. Puis en février 1996, 200 000 autres ont dû les banlieues de la capitale bosniaque qui revenaient sous le contrôle des autorités de Sarajevo.

Aujourd'hui, le plan systématique de violence et de terreur mis en oeuvre au Kosovo par M. Milosevic procède de la même volonté : fonder l'Etat sur le nationalisme ethnique. Il s'agit de chasser les Albanais du Kosovo, de vider cette province de sa population musulmane, d'y inverser par la force l'équilibre démographique en faveur des Serbes. 1 800 000 Albanais vivaient au Kosovo : 750 000 ont déjà été poussés hors des frontières de leur province. 850 000 autres ont dû abandonner leur foyer et sont contraints à l'errance à l'intérieur de la province. Bref, 1 600 000 Albanais du Kosovo sur un total de 1 800 000 sont ainsi des personnes « déplacées », chassées de leur foyer et souvent de leur pays. Exécutions sommaires, tueries et incendies, viols et mutilations, déportations de masse. La Commission des droits de l'homme de l'ONU a commencé à relever ces crimes de guerre et ces crimes contre l'humanité qui sont perpétrés au coeur de l'Europe et qui marquent le retour de la barbarie sur notre continent.

Pouvait-on laisser faire ? La réponse est évidemment non. Bien sûr, chacun aurait préféré que, d'emblée, une solution diplomatique soit dégagée pour résoudre cette crise majeure. C'était le sens des accords de Rambouillet, acceptés par les Kosovars et refusés par les Serbes. Pouvait-on alors ne rien faire, rester inerte et envisager la non-intervention ? Comme l'a dit Joshka Fischer, « laisser faire Milosevic, ce serait accepter une Europe qui ne soit pas celle de la paix, de la tolérance et des valeurs de la Révolution française. Ce serait accepter une Europe du nationalisme, du racisme et de la guerre ». Bref, ce serait accepter le retour à l'Europe des années 30 et 40, fondée sur la haine, la fureur et le sang. Nous l'avons appris d'une amère expérience : céder aux dictatures, confondre démocratie et faiblesse, c'est toujours préparer le pire. Il fallait donner un coup d'arrêt à cette résurgence de la barbarie au centre de l'Europe. Face au pouvoir dictatorial et xénophobe de Belgrade, l'Alliance ne se bat pas pour des intérêts nationaux, des gains territoriaux ou des avantages économiques. Elle se bat pour des impératifs éthiques, pour des valeurs universelles. Vous l'avez très justement souligné, monsieur le Premier ministre : « nous agissons au nom d'une morale, au nom d'une philosophie et d'une conception de la civilisation ». Nous agissons pour défendre les droits de l'homme et les droits des minorités en Europe.

Alors oui, c'est une rupture avec le droit international classique, fondé sur le sacro-saint principe de la souveraineté des Etats. Jusqu'ici, chaque Etat souverain était libre d'agir comme bon lui semblait sur son propre territoire. Chacun était libre d'opprimer à l'abri de ses frontières. Un régime pouvait violer chez lui les droits de l'homme, réprimer brutalement ses propres nationaux, persécuter des groupes minoritaires, cela relevait de ses affaires intérieures et ne regardait que lui. C'est au nom de ce principe que le IIIe Reich a pu dès 1933 opprimer des milliers de citoyens allemands sans que personne ou presque dans la communauté des nations n'y trouve à redire. Depuis, en 1946, le tribunal de Nuremberg a condamné ce qu'il a appelé « l'exercice criminel de la souveraineté de l'Etat ». Aujourd'hui, le droit d'ingérence humanitaire tend heureusement à limiter le principe de souveraineté. Avec la conscience que l'humanité est une, par-delà les frontières. La mondialisation n'existe pas qu'au plan économique. Pour le reste aussi, le monde tend à s'unifier et à devenir un « village planétaire » avec les satellites, les télévisions globales et internet. Personne ne se sent plus étranger à ce qui se passe ailleurs, dans tel autre point du monde. Personne ne peut plus dire : « nous ne savions pas ». Personne ne peut plus rester indifférent à un massacre ethnique, même s'il se produit à quelques centaines ou milliers de kilomètres, au Cambodge, au Rwanda ou au Kosovo. Loin d'être une régression du droit international, l'ingérence humanitaire est plutôt le signe de son progrès. Pour ce que nous sommes en train de devenir. C'est-à-dire des citoyens du monde.

L'action militaire qui est engagée depuis un mois est donc juste dans son fondement. Mais elle provoque des pertes civiles, qu'on ne peut continuer à dénommer euphémiquement « dommages collatéraux », et qu'il faut déplorer. Ce n'est pas surtout Milosevic, c'est surtout le peuple serbe qui se trouve sous les bombes. Et cela ne peut nous laisser indifférents. La Serbie a longtemps été notre amie et notre alliée. Sous la conduite de Pierre Ier, les Serbes ont été des combattants exceptionnels en 14-18. Puis, de 41 à 44, ils ont été des résistants exemplaires face à l'oppression nazie. Les Serbes n'ont pas mérité Milosevic. Ils sont les premiers à pâtir de cette dictature et à souffrir aujourd'hui des bombardements, qui n'épargnent pas les civils comme au siège de la télévision serbe. Raison de plus pour vouloir que ces opérations militaires ne durent pas encore plusieurs semaines et pour que soit rapidement dégagée une issue politique et diplomatique. On connaît la phrase de Clausewitz : « la guerre est la continuité de la politique par d'autres moyens. » Il est temps maintenant d'inverser la formule et de dire : « la politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens ».

On connaît les 5 conditions posées par l'OTAN pour interrompre sa campagne aérienne. Belgrade doit mettre fin à la répression au Kosovo, accepter « le retour de tous les réfugiés et personnes déplacées », retirer ses forces de la province, y admettre « une présence militaire internationale » et travailler à « un accord-cadre politique s'appuyant sur les accords de Rambouillet ». L'OTAN, on le sait, se déclare prête à suspendre ses frappes aériennes une fois que Belgrade aura accepté ces conditions et entamé un retrait rapide de ses forces du Kosovo.

Même si ces conditions sont justifiées, l'OTAN n'est qu'une alliance militaire. Elle ne peut prétendre se substituer à l'ONU, qui est l'organisation de la communauté des nations, seule fondée à ce titre à dire le droit et à autoriser le recours à la force pour la résolution des conflits. 19 Etats, constitués en organisation militaire, ne peuvent décider au lieu et place des 185 Etats qui forment la communauté internationale. L'ONU est le cadre légitime pour parvenir à la définition d'une solution diplomatique. Elle doit désormais retrouver tout son rôle dans la recherche du règlement de ce conflit. Il serait donc très souhaitable de parvenir à l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité ordonnant le retrait des forces serbes du Kosovo et autorisant le déploiement d'une force internationale, qui agirait donc avec un mandat de l'ONU pour garantir le retour rapide de tous les réfugiés. Pour être acceptable par tous, cette force de sécurité internationale, cette force d'interposition qui serait déployée au Kosovo, ne devrait pas être une pure et simple émanation de l'OTAN. Elle devrait comporter aussi des contingents de pays non membres de l'Alliance, comme la Russie.

La Russie a un rôle important à jouer dans la recherche d'une solution politique au Kosovo et dans sa mise en oeuvre. Il faut la réinsérer dans ce processus. Au moins pour deux raisons. D'abord, la Russie peut avoir une influence particulière dans la région et auprès de Belgrade, même si les démarches effectuées par M. Primakov, puis par M. Tchernomyrdine ont donné jusqu'ici des résultats mineurs. Ensuite, tenir la Russie à l'écart, la marginaliser, ce serait le plus sûr moyen de susciter la solidarité slave et orthodoxe, de ranimer le panslavisme et de favoriser la flambée des forces nationalistes et populistes à Moscou. Déjà, aux élections à la Douma de 1995, le nouveau parti communiste rouge-brun de M. Zouganov est arrivé très nettement en tête (avec 22,31 % des voix), suivi de la formation d'extrême droite de M. Jirinovski (avec 11,6 % des suffrages), les partisans de M. Eltsine n'arrivant qu'en troisième position (avec seulement 9,89 % des voix). En outre, au premier tour de l'élection présidentielle de 1006, M. Eltsine (avec 35 % des suffrages) n'a devancé que de peu M. Ziouganov (qui en a obtenu 32 %). Les nouvelles élections législatives auront lieu en décembre 1999, dans 8 mois, et le nouveau scrutin présidentiel en juin 2000, dans 13 mois. Evitons dont tout ce qui pourrait marginaliser la Russie et provoquer en réaction, comme un choc en retour, une vague anti-occidentale et une victoire électorale des forces nationalistes. Certes, M. Milosevic présente un grave danger pour la sécurité dans la région. Mais l'élection à la présidence russe d'un national communiste comme M. Ziouganov constituerait un danger encore plus grand pour la stabilité du monde.
L'avenir du Kosovo

Pour terminer, reste la question essentielle : comment assurer l'avenir du Kosovo ? L'objectif fondamental, c'est de maintenir ou plutôt de restaurer un Kosovo pluriethnique et démocratique, qui fasse coexister pacifiquement et librement ses différentes communautés. Nous ne voulons ni une grande Serbie, ni une grande Albanie. Nous rejetons le nationalisme ethnique, d'où qu'il vienne. Celui de Belgrade comme celui de l'UCK. Accepter une partition du Kosovo, ce serait donner gain de cause aux extrémistes des deux camps. Ce serait de surcroît, provoquer une contagion de séparatisme dans tous les Balkans, où existent de nombreux conflits de nationalistes. Le Kosovo doit redevenir une province autonome, bénéficiant d'une autonomie substantielle à l'intérieur de la République fédérale de Yougoslavie, qui conserverait ses frontières actuelles et son intégrité territoriale. Pour parvenir à retrouver ce Kosovo pluriethnique et autonome, il faut établir, sous mandat de l'ONU, une administration provisoire internationale de cette province. Bref, une forme de tutelle internationale transitoire y assurant la coexistence des différentes communautés.

Il serait très souhaitable que l'Union européenne, qui est si proche des Balkans par l'histoire et la géographie, se voit confier par l'ONU, lorsque la paix sera rétablie, la responsabilité d'administrer provisoirement le Kosovo. Les Balkans constituent la 3e péninsule méridionale de l'Europe. Il nous faut associer plus étroitement les Balkans à l'Europe et à son développement économique. Gerhard Schröder a avancé l'idée d'un « plan Marshall pour les Balkans ». La dénomination n'est sans doute pas la meilleure. Mais l'idée en elle-même est juste et opportune. Il faut aider à la reconstruction des Balkans. Au Kosovo, bien sûr. Mais, aussi, dans le reste de la Yougoslavie, ce pays pauvre et démuni dont l'appareil économique et industriel souffre beaucoup des bombardements actuels. Il faut aussi aider à la reconstruction des pays limitrophes qui se trouvent aujourd'hui déstabilisés, comme l'Albanie et la Macédoine. La totalité des Balkans – c'est-à-dire la Yougoslavie d'avant 1991, l'Albanie, la Bulgarie, la Grèce et la Turquie d'Europe – ne représente jamais que 550 000 Km2 et 40 millions d'habitants. Soutenir leur développement n'est donc nullement un enjeu au-dessus de nos forces. Pour l'Union européenne, les opérations militaires représentent un coût moral et économique élevé. Et, en toute hypothèse, mieux vaut financer la paix que la guerre. Au-delà de ce financement, l'Union européenne peut favoriser une sortie de crise par le haut. De 39 à 45, l'Allemagne, l'Italie et la France se sont durement et longuement affrontées. Quelques années après, elles créaient la CECA, puis la CEE. Cette communauté de superposition, cette structure non nationaliste par essence, a permis de dépasser les antagonismes traditionnels dans une perspective dynamique. Elle a permis de créer un nouvel ensemble, porteur d'un avenir commun. L'union européenne peut engager les Balkans à imiter son exemple. Elle peut les inciter à créer un nouvel ensemble régional, aidé par l'Union européenne, adossé à l'Union européenne et à terme peut-être confédéré à celle-ci. De la sorte, l'Europe retrouverait sa géographie naturelle et son destin commun. L'Europe véritable ne s'arrête pas à Trieste et à Vienne, pour recommencer ensuite à Thessalonique et à Athènes. Zagreb, Belgrade, Sarajevo, Pristina, Skopje, Tirana, Sofia sont aussi des villes européennes. Notre obligation, c'est de les considérer et de les traiter désormais comme telles. Comme partie intégrantes et vivantes du continent européen. Notre devoir envers elles, c'est la solidarité. C'est la main tendue et l'espoir partagé. En 1944, Camus écrivait ces phrases dans ses « Lettres à un ami allemand », rédigées pour dessiner et préparer le futur : « Il m'arrive quelquefois de penser à tous ces lieux d'Europe que je connais bien. C'est une terre magnifique faite de peine et d'histoire. Je recommence ces pèlerinages que j'ai faits avec tous les hommes d'Occident : les roses dans les cloîtres de Florence, les Bulbes dorés de Cracovie, le Hradshin et ses palais morts, les statues contorsionnées du pont Charles sur l'Ultava, les jardins délicats de Salzbourg. Mon souvenir a fondu ces images superposées pour en faire un seul visage, qui est celui de ma plus grande patrie « Ma plus grande patrie ». Telle peut être l'Europe des années futures. Faisons ensemble qu'à cette patrie puissent demain s'agréger aussi le Kosovo et la Serbie, le Champ des merles et les rives du Danube. Faisons ensemble que puisse alors se bâtir un autre avenir, fraternel et paisible. En prélude au siècle qui vient. Et dont il faut espérer qu'il soit nouveau. Vraiment nouveau.