Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur la restructuration de la DGA, sa compétence en matière de programmes militaires et la coopération européenne pour l'industrie d'armement, Vernon le 12 février 1996.

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Circonstance : Visite de M. Millon au laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques à Vernon le 12 février 1996

Texte intégral

DGA (restructuration)

Si j'ai souhaité me rendre au sein de la DGA aujourd'hui, c'est parce que cette dernière joue un rôle primordial au sein du ministère. Les événements qui se sont succédé depuis que j'ai pris mes fonctions m'ont malheureusement empêché de faire cette visite plus tôt. Ce que j'ai vu aujourd'hui en matière de conduite des programmes et d'expertise technique, comme ce que j'ai pu voir il y a quinze jours lors des journées « Sciences et Défense » sur la préparation de l'avenir, m'a paru tout à fait intéressant et prometteur. En particulier, cette visite m'a permis de comprendre le rôle que joue un centre technique tel que le vôtre dans la conduite des programmes d'armement.

Si je n'étais pas encore rendu auparavant dans un de ses établissements, je connais la DGA grâce aux nombreuses réunions que j'ai pu tenir avec M. Conze et avec ses représentants, dont certains sont ici présents. Cette visite me donne l'occasion d'une approche plus concrète, et surtout d'une rencontre qui va me permettre de répondre à vos questions et surtout vous écouter : je serai donc bref.

Nous sommes dans une période de mutation, c'est pourquoi je voudrais vous parler du changement, en répondant à trois questions décisives : pourquoi changer, que changer et comment changer ?

Réduction des déficits publics

Pourquoi changer ?

Je rappellerai tout d'abord que l'action que nous menons s'inscrit dans la nécessité, pour le ministère, de participer à l'effort de réduction des déficits publics. Cela pourrait déjà constituer, en soi, une condition suffisante de changement.

Contrôle géostratégique

La transformation de notre horizon géostratégique, l'évolution des menaces qui pèsent sur notre pays, constituent une deuxième obligation d'adaptation de notre politique de défense. La France doit pouvoir disposer, à l'orée du XXIe siècle, d'une défense crédible qui lui permette de tenir son rang dans un monde qui n'aura cessé de se modifier.

Comme l'avait énoncé le général de Gaulle en 1945 lors de la constitution du gouvernement, c'est par la diplomatie qu'une nation exprime sa politique étrangère et par sa défense qu'elle la soutient. Il paraît dès lors indispensable que nos forces armées puissent disposer demain des équipements correspondant à leurs besoins et qui permettront de remplir leurs missions dans un monde particulièrement évolutif.

Base technologique et industrielle européenne

Enfin, la construction européenne nous autorisera demain à préserver avec d'autres pays européens notre base technologique et industrielle en élargissant à l'Europe l'indépendance de notre outil de défense.

Voilà, dans les grandes lignes, le nouveau décor qui se présente à nous. Comme l'avait dit le général de Gaulle, « il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ». Vous comprenez donc que les bouleversements qui touchent notre environnement obligent tous les acteurs, au premier rang desquels se trouve le ministère, à faire évoluer notre politique de défense. C'est ce que je me suis employé à faire depuis que je suis à la tête du ministère. Ces changements, la DGA doit pleinement y participer.

Que changer ?

J'aborderai maintenant ce qu'il me paraît important de prendre en compte pour permettre l'adaptation de la DGA. Avant tout, il me semble primordial de conserver la richesse et la compétence dont vous pouvez légitimement être fiers. Tout le monde reconnaît le succès technique de notre force de dissuasion, de notre aéronautique militaire, avec les Mirage, le Rafale ou les hélicoptères, sans oublier les missiles qui les équipent de nos programmes navals, par exemple les sous-marins, les porte-avions ou les frégates La Fayette, de nos armements terrestres. Nos succès à l'exportation sont également autant de preuves de notre réussite. Cette richesse, j'ai pu la mesurer, aujourd'hui, avec le travail que réalise votre établissement au profit des programmes d'armement, notamment dans le domaine de la navigation.

À l'heure où le monde de l'armement ne parle que de restructurations, sachons nous souvenir que c'est avant tout aux compétences humaines que cette richesse est due.

Effectifs (diminution)

Les réductions d'effectifs, lorsqu'elles sont nécessaires, doivent être menées avec prudence, en tenant compte au mieux de la situation de chacun. D'ailleurs, les gains de productivité ne sauraient se réduire à de simples diminutions de personnels. Il faut aussi, peut-être même prioritairement, changer les méthodes de travail comme vous avez commencé à le faire en améliorant le décloisonnement et la transparence, en favorisant la mobilité professionnelle, en accentuant l'effort de réduction des coûts des matériels.

Coopération européenne en armements

Enfin, une plus grande place doit être faite à la coopération européenne. Je l'ai déjà dit à d'autres occasions, la France n'aura peut-être plus, dans l'avenir, les ressources financières, technologiques ou humaines pour développer seule toute sa panoplie d'armements. Je sais, monsieur le délégué, que vous étiez la semaine dernière en Allemagne pour l'installation de l'élément précurseur de la future agence franco-allemande de l'armement. Créée par le Président Chirac et le chancelier Kohl au sommet de Baden-Baden, cette agence franco-allemande doit nous permettre d'atteindre trois objectifs qui vont dans le sens d'une politique de défense plus efficace pour la France et l'Allemagne :

Retombées technologiques :

- le partage des activités de nos industries de défense dans le cadre d'une solidarité mutuelle ;
- l'harmonisation des cadres politiques et administratifs en matière d'armement ;
- la coordination des besoins respectifs d'armement.

En outre, la DGA doit privilégier dans sa démarche les transferts technologiques vers l'industrie, notamment l'irrigation des PME-PMI. Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée de saluer la présence de monsieur le député Leroy qui a été chargé par le Premier ministre de mener une mission d'étude sur le rôle de la DGA dans le soutien aux PME-PMI du secteur de la défense.

Comme vous le voyez, la tâche qui attend la DGA pour améliorer notre outil de défense est considérable. Les défis qu'elle doit relever seront déterminants pour préserver les capacités opérationnelles de nos forces et l'acquis économique de nos industries. Je sais que certains d'entre vous s'inquiètent de l'avenir de leur travail. Aussi, aimerais-je terminer en vous parlant de la méthode que j'entends employer pour mener à bien ces transformations.

Comment changer ?

Comité stratégique (bilan)

Avant d'entreprendre toute modification profonde, la réalisation d'un bilan, mené sans a priori, est indispensable afin de définir le plus clairement possible les besoins. C'est dans cette perspective que j'ai mis en place, en juillet 1995, un comité stratégique chargé de préparer les choix du président de la République en matière de défense.

Concertation

Dans un deuxième temps, et parce que l'efficacité de notre défense repose en grande partie sur un véritable consensus national, je souhaite entamer une vaste concertation. Elle doit débuter par un débat au Parlement, dont je salue les représentants présents dans la salle, notamment M. Asphe, député-maire de Vernon, membre de la commission de la défense nationale. Ce débat permettra de dégager des orientations préalables au départ d'un projet de loi de programmation militaire.

Parallèlement, je souhaite dialoguer avec les personnels de la DGA, ou avec leurs représentants, afin que chacun comprenne l'enjeu des réformes et que tous se considèrent comme responsables de leur bonne application. Cette deuxième phase de concertation va s'ouvrir. Je suis convaincu que vous y contribuerez pleinement.