Texte intégral
Q. La Côte-d’Azur est aujourd’hui secouée par l’incarcération de M. Mouillot, le maire de Cannes. Une arrestation qui a franchement surpris l’avocat que vous êtes dans la vie civile ?
P. Pasquini : Oui, c’est surprenant. Vous dites que « la Côte-d’Azur est secouée » mais elle l’a déjà été par l’affaire de Nice. Ça fait beaucoup pour les deux villes jumelles, d’intérêt socialement touristique. L’affaire Mouillot est inattendue. Il est inattendu que l’on apprenne que, depuis plusieurs jours, une équipe de policiers, anglais et allemands, avaient les bases d’un flagrant-délit sur lequel il semble, pour l’avocat que je suis, qu’il n’y ait pas grand-chose à dire. Il appartiendra à la justice de se prononcer. Cette situation est très regrettable pour Cannes. Elle a déjà connu tellement de maires différents. Cannes mérite la continuité dans une action heureuse et pour l’instant, elle ne l’a pas.
RTL : A.-M. Dupuy, ancien maire de Cannes, a dit hier à RTL : « Ça devait arriver ». Quant au Secrétaire général adjoint du RPR, P. Stefanini, qui s’était présenté à Nice en 1995, il s’est félicité que « la justice soit passée ». Y avait-il un système Mouillot ?
P. Pasquini : Certains le prétendaient car Mouillot est venu se présenter à Cannes, mais peut-on prendre ça au sérieux ? Beaucoup disaient que c’est un homme qui aura des histoires. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Ce que je peux dire, c’est qu’il est en effet un peu surprenant de constater qu’un homme politique va réclamer des subsides en échange d’un avantage pour une campagne électorale, alors qu’on sait désormais que c’est l’État qui avance les frais d’une campagne électorale. Je pense que son parti, le PR, qui a été mis en avant, ne devait pas être au courant d’une telle initiative. Seule la suite de l’instruction le démontrera.
RTL : Pourtant, le maire de Cannes se défend de tout enrichissement personnel et parle du financement du PR. Cela vous paraît-il possible de mettre en cause l’organisation du PR sur la Côte-d’Azur ?
P. Pasquini : Je ne pense pas que le PR ait une telle responsabilité dans une telle affaire ou plutôt une initiative personnelle. Et au demeurant, vous savez ce qu’ont répondu les policiers quand on leur a posé le problème de cette façon : ils ont dit que le fait de ne pas payer sa campagne électorale constitue un enrichissement personnel. Après tout, si tous les hommes politiques depuis le rang de conseiller municipal jusqu’à celui de député, sénateur, devaient aller chercher l’argent de leur campagne dans la poche des autres, il y aurait là quand même un débordement important.
RTL : Trouvez-vous normal que M. Mouillot, qui était déjà condamné à cinq ans d’inéligibilité en appel dans l’affaire Botton, soit resté à la tête de la ville de Cannes, grâce à un pouvoir suspensif de la cour de cassation ? Dans les cas d’élus, est-il normal que ces jugements soient suspensifs ?
P. Pasquini : Non. J’estime que le jugement ne doit pas être suspensif. Il y a des préceptes comme ça. On ne doit pas faire peser la suspicion. Dès lors qu’un homme est mis en examen, immédiatement il devrait démissionner de ses fonctions.
RTL : Vous pensez à la politique purement, ou à d’autres comme L. Le Floch-Prigent qui n’a pas démissionné automatiquement ?
P. Pasquini : C’est pareil. Quelle est la confiance que le public peut avoir en un homme qui se trouve en prison ? On assiste à des situations qui sont paradoxales : M. Carignon est en maison d’arrêt, il y est vraisemblablement pour longtemps, et il resterait toujours président du Conseil général ! Tout ça est…
RTL : Faut-il, selon vous, de nouvelles élections à Cannes, pour éviter une dérive à la grenobloise, comme on dit ?
P. Pasquini : Je ne sais pas. Je me mettrai en rapport, en qualité de chargé de mission du RPR, avec quelques élus de Cannes dans la matinée. Je pense qu’il y a, comme premier adjoint à Cannes, un ambassadeur qui est RPR, et qui est entouré de gens qui ne le sont pas puisque la municipalité de Cannes est composée de diverses tendances. Il ne faut absolument pas faire éclater la situation cannoise. Il ne faut pas aller vers de nouvelles élections.
RTL : P. Lellouche, qui était l’ancien candidat RPR en 1995 à la maire de Cannes, vous semble-t-il qualifié pour briguer la succession de M. Mouillot ?
P. Pasquini : Il l’a été, il n’a pas gagné. Toutes les ambitions sont permises, y compris pour P. Lellouche qui a fait déjà une première expérience malheureuse. Mais je pense qu’il est urgent de patienter. La municipalité cannoise actuelle, ce qu’il en reste en dehors du maire, me paraît devoir être attentive à stabiliser les choses, à redistribuer les délégations d’adjoints et à rester en place jusqu’à de nouvelles élections qui se feront incontestablement.
RTL : Vous avez présidé hier à Paris la cérémonie du 54ème anniversaire de la rafle du Vel-d’Hiv. Pensez-vous que l’occupant a été aidé, en 1942, par les Français et qu’il y a bien une responsabilité de la France, ainsi que J. Chirac l’avait reconnu l’année dernière ?
P. Pasquini : C’est tout à fait manifeste sur le plan des faits. Pour peu qu’on consulte les archives, on s’aperçoit que la rafle – pour utiliser le mot qui convient – des 16 et 17 juillet 1942 a été organisée dans un bureau allemand mais avec l’aide de toute une compagnie française, le commissaire aux Affaires juives, le sous-préfet français, le chef du ravitaillement, enfin toute une équipe française qui est là et qui organise la rafle. Elle est organisée dans des conditions ignominieuses, c’est le moins qu’on puisse dire parce qu’on prévoit qu’on va rentrer chez les gens à telle heure du matin, très tôt, on prévoit qu’on va leur demander de préparer une seule valise dans laquelle il y aura deux jours de vie parce qu’on ne va pas les nourrir et on prévoit que s’ils ont des bêtes, un chien, un chat, on les laisse à la concierge. S’il n’ay a pas de concierge, on les laisse dans la rue. Enfin, on est allé également arrêter les enfants. Il était prévu qu’on n’arrêtait aucun enfant au-dessous de seize ans ; on a arrêté des enfants de trois et quatre ans. Ça, c’était ignominieux. Quelle est la leçon qui se dégage de cela, si vous me permettez de vous le dire ? C’est que tout le monde dit : plus jamais ça.
RTL : C’est ce que vous avez dit hier.
P. Pasquini : Oui, et je réitère que le « plus jamais ça », ce sont les gens exténués qui ont subi l’épreuve, qui le disent, mais que c’est la génération suivante qui doit le mériter. Or notre génération suivante, elle est tellement dolente, elle a tellement perdu de repères, elle est tellement déstabilisée qu’elle risque plutôt d’être à nouveau la proie de démons. Je plaide souvent que le trépied essentiel de la société française et de la société occidentale s’est considérablement minoré. Ce trépied, c’était le père de famille qui n’a plus d’autorité, l’instituteur qui n’a plus l’autorité qu’il avait dans le passé, et le prêtre qui voit ses temples désertés.