Texte intégral
Conférence de presse du ministre de la Défense (Hôtel de ville de Brienne, 21 mars 1996)
Service national (lancement du débat)
Mesdames, messieurs, tout d'abord un grand merci d'être venus ce matin à notre invitation. Je vais vous présenter le lancement du grand débat sur le service national, ou de la grande consultation qui est lancée à travers toute la France sur le service national.
Vous savez que c'était là un engagement du président de la République lors de son intervention télévisée, que le Premier ministre a réitéré à plusieurs reprises, et qu'hier, lors du débat à l'Assemblée nationale, il en a donné les modalités. Je précise, comme d'ailleurs un certain nombre d'entre vous ont pu le constater hier, qu'il s'agit d'un vrai débat. La question est ouverte, il n'y a pas de réponse présupposée, préétablie comme un certain nombre ont pu le craindre ou comme certains observateurs le suggèrent. S'il est vrai que le président de la République souhaite la mise en place d'une armée de métier – là, c'est une décision –, par contre, il souhaite que ce soit l'ensemble des Français qui décident de la forme du nouveau service national.
Service obligatoire ou volontaire – Trois formes civiles possibles
Le service national, tel qu'il est envisagé, pourra être soit obligatoire, soit volontaire. Ce service national aura des formes militaires et des formes civiles. Étant donné que l'armée de métier est une décision du président de la République, déclinée demain dans la future loi de programmation, il faudra faire évoluer les formes et en particulier les formes civiles.
Il conviendra donc d'expliquer les trois grandes orientations suggérées par le président de la République : la première, l'orientation « sécurité-prévention », la deuxième l’orientation « solidarité-cohésion sociale » et la troisième l’orientation « coopération internationale et action humanitaire ». Voilà pour ce qui est du thème du débat. Je crois que vous le connaissez bien et que ce n'est pas la peine en fait d'y revenir.
Je voudrais maintenant vous dire en quelques mots quelles vont être les modalités de ce débat. Ce débat ou cette consultation va se jouer à deux niveaux, sur le plan national et sur le plan local.
Débat local
Sur le plan local, il pourra avoir lieu à travers les mairies, les conseils municipaux et les municipalités. Pourquoi nous avons choisi ce lieu de consultation et de débat ? Pour une raison simple : c'est le lieu traditionnel en France où avaient lieu, où ont lieu les recensements. C'était le lieu où les conscrits, il y a quelques années, s'exprimaient bruyamment le soir de leur recensement. C'est là où l'on a sans doute le plus grand attachement à un service au pays, à un service à la République.
Nous souhaitons que les maires, les municipalités, les conseils municipaux mettent tout en œuvre pour qu'un débat le plus large possible puisse s'instaurer dans leur commune avec les associations de jeunes, avec les associations culturelles, avec les associations sociales, avec les associations familiales, avec les unions de réservistes et, bien sûr, lorsqu'il y a des régiments ou des bases qui sont implantées dans la commune.
Participation des militaires
Comme je l'ai précisé hier en réponse à des interrogations d'un certain nombre de députés, il est bien évident que les officiers, les sous-officiers et les hommes du rang sont invités à témoigner du service militaire, à témoigner de leur vie, à témoigner de leur vocation qu'ils assument pour la plupart d’entre eux et à témoigner aussi sur le lien armée-nation qui existe aujourd'hui ainsi que sur la façon dont il pourrait, demain, être maintenu ou être transformé. Voilà pour les contributions sur le plan local.
Groupe de pilotage ministériel
Ces contributions seront sans doute centralisées, au niveau de la municipalité, et seront réunies sur le plan départemental par le préfet qui lui-même les communiquera au ministère de la Défense, où il y aura un groupe de pilotage dirigé par M. Langlais, inspecteur général de l'administration. Sa mission sera double :
– d'une part, réunir toutes ces contributions qui viendront de toutes les associations, de tous les départements, de toutes les municipalités, et d'en faire une synthèse ;
– d'autre part, de répondre à toutes les questions qui vont être posées. Car, ce qui nous frappe le plus depuis le début de ce débat, c'est qu'il s'est ouvert avant même que la date officielle n'ait sonné. Nous sommes très frappés par le nombre de questions qui nous sont adressées sur le coût, sur les modalités...
« Est-ce qu'il est possible de faire un service national d'un mois obligatoire et ensuite volontaire ? Est-ce qu'il est possible d'avoir un service national qui soit complètement civil ? » Je vous donne ici quelques questions qui nous sont posées, auxquelles il conviendra de donner des réponses les plus précises possibles. Par ailleurs, il y a un certain nombre d'associations, un certain nombre de mouvements qui nous interrogent sur les expériences étrangères ; là aussi, nous donnerons toutes les informations qui s'imposent.
Débat de société
C'est un débat que nous souhaitons relayer le plus possible par les médias, c'est évident, et c'est pourquoi je compte sur vous pour que, dans le cadre de votre mission, vous puissiez être l'écho de ce débat qui va traverser la France. Je crois que c'est un débat qui se réfère à un choix de société.
On a vu par le passé que pour la peine de mort, le vote à 18 ans ou des décisions de ce type là, il y a eu véritablement un débat à travers le pays. Je crois que nous avons pour mission, nous avons même pour obligation civique de créer les conditions de ce débat. Nous serons, là aussi, à votre disposition pour vous donner tous les moyens qui vous permettront de vous faire l'écho des positions qui pourraient être prises ou des analyses qui pourraient être faites.
Débat national (mission d’information à l’Assemblée nationale)
Sur le plan national, en deux mots, je vous en rappelle les conditions. Le Premier ministre a saisi le président de l'Assemblée, ainsi que le président du Sénat, le président de l'Assemblée et le bureau de l'Assemblée ont semble-t-il décidé d'une mission d'information. Cette mission procédera comme elle le peut et comme elle le doit à des consultations et rendra un rapport durant les semaines à venir.
Débat national (consultations à la commission des affaires étrangères de la défense)
Hier, le Premier ministre a clairement annoncé qu'il laisserait sans doute plus de temps qu'il n'était prévu au départ. Je ne sais quelle sera la date butoir définitive. Je pense qu'une concertation entre le président de l'Assemblée, le président du Sénat et le Premier ministre aura lieu à ce sujet. Le président du Sénat, si je suis bien informé à la date d'aujourd'hui, a plutôt opté pour saisir la commission de la défense et des affaires étrangères, qui remplira la même mission que la mission d'information de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire mener un certain nombre de consultations.
Ces deux débats ne vont-ils pas faire la même chose, avoir une action de répétition ? Je ne le crois pas. Je crois que les débats, au niveau de la mission d'information et de la commission, seront plutôt des débats sur le plan national. Seront consultées à mon avis les grandes organisations, qu'elles soient syndicales, qu'elles soient culturelles, qu'elles soient engagées dans la vie militaire ou engagées dans le service civil.
La mission d'information et la commission du Sénat qui en auront la responsabilité nous feront connaître et feront connaître à l'exécutif leurs conclusions. J'indique d'ailleurs que les présidents du Sénat et de l'Assemblée sont décidés à médiatiser cette information et cette consultation. Personnellement, je ne peux que m'en féliciter.
Projet de loi sur le service national
J'indique que ces deux consultations, cette consultation locale et cette consultation nationale, donneront lieu à des conclusions qui seront transmises ensuite au gouvernement et au ministère de la Défense en particulier, et que nous aurons à ce moment-là la responsabilité d'établir un projet de loi, qui sera discuté dans les deux Assemblées.
Service national (consultations locales et parlementaires)
Un certain nombre d'entre vous m'ont interrogé pour me dire : « mais pourquoi n'a-t-on pas maintenu la grande commission type “Marceau Long” qui, à un moment, avait été envisagée, qui avait même été proposée par le Premier ministre ? ». Je crois que la réponse est tout à fait simple : en raison de notre respect scrupuleux des droits du Parlement. Les présidents du Sénat et de l'Assemblée nous ont fait savoir qu’ils préféreraient que le débat se fasse dans le cadre des compétences classiques et normales du Parlement, que c'était un sujet où ils devaient prendre leurs responsabilités.
Pour respecter et même revaloriser les droits du Parlement, nous avons donc suivi la méthode que nous venons de vous indiquer. J'insiste sur le fait d'ailleurs que ce n'est pas parce qu'un débat a lieu au Parlement que c'est un débat qui devient un débat de spécialistes. Je me permets simplement de vous rappeler combien le débat sur la peine de mort par exemple, qui était un choix de société, avait mobilisé la société et combien le Parlement s'était fait l'écho des analyses, des expressions, des convictions qui s'étaient affirmées dans le pays.
Voilà le premier sujet de la réflexion que je voulais vous présenter. Vous connaissez le dossier et je n'y reviens pas. C'est un dossier classique, où vous trouverez les éléments qui seront envoyés à tous les maires et à toutes les associations qui seront concernées. C'est un dossier qui a été fait par les services du ministère et qui, je crois, réunit tous les moyens pour animer un débat.
Service national (débat de société)
En second lieu, je vous précise que ce débat ne sera pas un débat purement militaire, comme certains l'ont reproché à un moment. Ce sera un débat sur le service national, sur le lien armée-nation, sur le pacte républicain, sur les droits et les devoirs du citoyen, sur le sentiment d'appartenance à une collectivité, sur les moyens qu'une nation moderne offre aux citoyens pour exprimer leur générosité ou leur partage de convictions. C'est donc tout cela qui sera au centre du débat. Je ne dis pas que l'aspect militaire sera secondaire, et je serais le dernier à le dire en tant que ministre de la Défense. Je dis simplement que le débat est plus large qu'un débat qui ne toucherait qu'au service militaire.
Conscription – Lien entre la nation et les citoyens
Enfin, je vous précise que ce débat peut à mon avis être essentiel, car il peut permettre à la France de refonder ce lien entre la nation et les citoyens. Je crois que la France, et je l'ai dit hier à la tribune de l'Assemblée, était parvenue, de Valmy à la loi de 1905, à créer à travers la conscription militaire un lien spécifique entre la nation et les citoyens. C'était un lien qui s'enracinait dans un comportement de défense à travers un service militaire. Aujourd'hui, les mœurs ont changé et je crois que la France doit redécouvrir, inventer, imaginer, un nouveau lien entre la nation et les citoyens. Cela sera l'objet du débat et, je l'espère, ce sera ensuite l'objet du projet de loi qui sera présenté par le gouvernement au Parlement.
Date : 23 mars 1996
Propos du ministre de la Défense lors de l'émission « Objectifs » sur France 3 Lyon (12 heures) – Extraits
Q. : Nous ouvrons le débat sur la Défense et la réforme du service national. Armée de métier, service civil, service civique, conscription, autant de termes un peu éclectiques qui méritent des explications, et qui soulèvent au moins des questions. Ces questions, des jeunes appelés et lycéens vont pouvoir les poser au ministre de la Défense.
Près de 50 000 dossiers sont partis vers les mairies, les préfectures ; ils ont été remis cette semaine aux parlementaires, aux représentants d'associations et de syndicats. Qu'attendez-vous très concrètement de cette vaste consultation ? N'est-ce pas là une sorte de référendum déguisé ?
Service national (Débat)
R. : Ce que nous souhaitons tout simplement, c'est que les citoyens s'approprient le débat. Le président de la République aurait souhaité un référendum, il l'a dit. Malheureusement, sous l'angle constitutionnel, ce n'est pas possible. Nous avons donc opté pour une information générale de tous les citoyens, en leur demandant de débattre, soit au niveau du lycée, au niveau du collège, au niveau de l'université ; soit dans les usines, dans les mairies, dans les collectivités de toute sorte, afin que les citoyens nous disent exactement quel lien ils veulent établir, perpétuer, réformer entre l'année et la nation, entre le citoyen et la nation.
Q. : Joséphine, Grégory, Ziad sont en terminale au lycée du Parc. Ce sont les appelés de l'an 2000. Dans le cadre de cette émission, ils sont aussi les porte-parole de leurs camarades. Avec eux, Philippe – il est un peu plus âgé, l'armée, il connaît –, il est aspirant à la base aérienne 942 de Lyon Mont Verdun, titulaire d'un DEA et d'un DESS de sciences politiques. Il gère la logistique, la base. Son poste fait de lui le chef d'une petite entreprise. L'armée est pour lui une expérience professionnelle dont il pourra par la suite se servir dans sa vie civile.
Philippe : On a un peu le sentiment, actuellement, de vouloir remplacer absolument le service militaire par un service national. Dans la mesure où il existe déjà des associations, organisations non gouvernementales, ou même des administrations, qui accueillent des gens sur la base du volontariat, ne pensez-vous pas, au contraire, que la République, actuellement, n'a pas besoin d'un service national organisé, notamment dans la forme du volontariat ?
R. : Je crois qu'il faut reposer le problème tel qu'il apparaît. Jusqu'à présent, on avait une armée de conscription, c'est-à-dire une armée qui se basait sur le nombre. La France avait fait l'évaluation des menaces, et ce depuis des dizaines et des dizaines d'années, et pensait qu'elle devait résister à des « invasions ». Tout avait été conçu sur ce modèle-là. Il fallait donc avoir beaucoup de soldats pour résister. C'était « poitrine contre poitrine » à la frontière, pour défendre le sol national. On s'aperçoit maintenant que les menaces ne sont plus du tout au-delà des frontières, qu'elles sont plus loin : la Bosnie, le golfe Persique avec le contrôle de l'énergie. Il va falloir un nouveau type d'armée. On s'est rendu compte au moment de la guerre du Golfe, au moment du conflit de Bosnie, que notre armée était bonne pour pouvoir faire face à ce type de conflit, mais elle avait encore des progrès à faire.
Service civil volontaire
C'est à ce moment que l'on a vu apparaître la nécessité de ce que l'on appelle « l'armée de métier », une armée très professionnelle. À partir de l'instant où l'on se pose cette question, la conscription militaire a moins d'importance. La question qui se pose est : faut-il, à côté de la conscription militaire, maintenir un service civil ?
Vous dites qu'il existe beaucoup d'associations qui remplissent des missions d'utilité publique. Pourquoi alors avoir un service national ? Vous optez plutôt pour le volontariat. Vous souhaitez que les jeunes, volontairement, aillent s'engager dans ces associations. Cela peut être une voie. Le président de la République a laissé ouvertes ces deux possibilités. Mais, à ce moment-là, la nation doit être reconnaissante vis-à-vis de ces jeunes qui s'engagent et qui donnent six mois, douze mois, vingt-quatre mois de leur temps. Ou alors, le service peut être obligatoire, pour qu'il soit effectivement un pacte d'adhésion à la République, une adhésion au pacte républicain. C'est le choix qui vous est offert.
Solidarité
Q. (Grégory) : En quoi la réforme du service national est-elle une priorité, alors que des réformes économiques et sociales semblent actuellement plus primordiales ?
R. : La défense est la première fonction d'un gouvernement. C'est une fonction régalienne. Or, comme je viens de vous l'expliquer, il faut passer d'une armée de conscription à une armée de métier. Si l'on passe d'une armée de conscription à une armée de métier, la réforme du service national s'impose donc. Et cette réforme est importante aussi, puisqu'elle touche au lien entre la nation et les citoyens. C'est vrai qu'il existe des difficultés économiques et sociales ; ne faut-il pas retrouver un sentiment de solidarité ? Ce sentiment ne se trouve-t-il pas à travers un service national, qu'il soit obligatoire ou volontaire ?
Q. (Joséphine) : En passant du service militaire réservé aux hommes à un service civil ou civique qui pourrait être mixte, quel rôle voulez-vous donner au service national dans l'« égalité des sexes » ?
R. : Il faut rappeler qu'actuellement les filles voulant aller faire leur service national peuvent y aller volontairement. Je suis favorable à ce qu'il soit ouvert aussi bien aux garçons et aux filles ; car, comme vous venez de le dire, il n'y a pas de raison de faire de différence.
Service national (échéance de la réforme : 1998-99)
Q. (Ziad) : Je voudrais revenir sur un point plus pratique. Quelle que soit l'hypothèse qui va être envisagée sur la réforme du service national, une question angoisse un peu ceux qui vont être appelés : qui cette réforme va-t-elle concerner ? Quel sera le sort de ceux qui seront appelés entre le moment où la réforme sera décidée et celui où elle sera mise en application ? Le service national va-t-il changer par étapes ? Comment va se passer la transition ?
R. : Si on opte pour un service national rénové obligatoire, le seul problème qui se pose est de faire augmenter les formes civiles aux dépens des formes militaires. Ceci va se faire sur six ans. Si on passe au volontariat, il va falloir qu'à un moment donné, on passe de l'obligation au volontariat. Là aussi, nous allons le faire « en biseaux », si je peux utiliser cette expression : nous avons 1 600 000 sursitaires, ou personnes qui ont demandé le report de leur service. Donc, avec cette masse de jeunes qui attendent, on va pouvoir jouer pour avoir un système qui s'éteindra peu à peu sous l'angle obligatoire, et avoir une reprise par le système du volontariat. Quelle est la classe d'âge où le transfert va se faire ? Il se fera probablement dans les années 1998-1999, et 2002 pour l'application intégrale.
Relation armée-nation
Q. : Passons à un débat plus technique. Pourquoi une réforme de la défense nationale ? (Philippe) : Ne craignez-vous pas alors, qu'en supprimant le service militaire, une partie des Français se désintéresse de la défense, domaine qui sera alors réservé à un certain nombre d'« initiés » ?
R. : Vous posez là un vrai problème et c'est la raison pour laquelle il doit y avoir un débat. Il faut absolument qu'ils aient une connaissance du lien entre la nation et l'armée. Différentes possibilités existent : par l'éducation et l'enseignement, augmenter la part de l'instruction civique, qui a malheureusement un peu disparu. Deuxièmement, certains suggèrent qu'il y ait ce que l’on appelle une période de classe, une période d'orientation, ou une période préalable au service volontaire ou obligatoire, où les jeunes recevraient une certaine instruction civique et des bases sur la relation entre l'armée et la nation. Je ne sais pas si ce sera suffisant. Mais le débat est ouvert. Aujourd'hui, un certain nombre de responsables politiques et militaires me disent qu'il faudrait pendant un ou deux mois pour tout le monde des rudiments de maniement d'armes, une instruction civique. Certains disent effectuer le reste dans une obligation mais de leur choix ; d'autres, de rentrer dans le volontariat.
Service national volontaire (rémunération, compensation)
Q. (Philippe) : J'aimerais revenir sur le service national proprement dit, tel que vous proposez de le modifier, et notamment sur son aspect volontariat. Il avait été donc proposé des incitations pour des futurs volontaires, notamment pour les étudiants : la facilité pour eux d'obtenir des bourses. Il y aura donc certainement des volontaires pour obtenir ces bourses à la sortie de leur service national, et d'autres, qui n'auront pas besoin d'argent, ne feront pas ce service national. On peut se demander où sont les grands principes d'égalité et d'universalité qui étaient les valeurs du service militaire.
R. : Ce n'est pas tout à fait exact... Si on choisit un service national volontaire, le principe d'universalité et d'égalité ne se pose pas de la même manière : c'est-à-dire que seuls les volontaires iront ; ils auront un remboursement de frais, un revenu minimum pour pouvoir vivre. Nous sommes un certain nombre à l'avoir dit : celui ou celle qui consacre trois mois, six mois, douze mois, dix-huit mois ou vingt-quatre mois à la nation tout entière ne doit-il pas avoir droit à une reconnaissance...
Q. (Philippe) : Une rémunération ?
R. : Non, une reconnaissance, pas une rémunération. Ils seront indemnisés de leurs frais durant les dix-huit mois, mais, après, n'auront-ils pas le droit à une reconnaissance ? Je réponds affirmativement. On doit reconnaître leur geste de service auprès de la nation, à la nation. Comment va se traduire cette reconnaissance ?
J'ai donné des exemples, je voudrais les redonner : le jeune agriculteur qui va faire profiter des agriculteurs africains de son expérience et de ses conseils. Quand il reviendra, je considérerai comme normal que la nation lui dise que sa dotation – c'est-à-dire l'argent qu'on lui donne pour pouvoir s'installer – augmente. Je trouverai normal qu'on dise à celui qui s'installe comme artisan ou chef d'entreprise qu’il aura des facilités pour emprunter. Je trouverai normal qu'on dise aux professeurs, aux chercheurs qu'ils auront une bourse d'études, de recherches. Je trouverai normal que celui qui veut rentrer dans l'administration ait une certaine priorité. Je trouverai normal que celui qui va être salarié ait la possibilité d'avoir un cycle de formation qui lui soit offert prioritairement. La nation devra donc reconnaître le volontariat, le service qu'auront rendu tous ces jeunes gens. C'est une proposition, mais revenons au débat. Tout est à faire et, si vous avez envie d'y participer, ce que démontre votre présence, je crois que, durant les deux mois qui viennent, soit dans votre lycée, soit dans votre régiment, soit dans votre commune, partout, vous devrez essayer de faire avancer les idées. Je suis convaincu que la forme du service national, volontaire ou obligatoire, civil ou militaire, qui va ensuite apparaître, devra être une forme presque acceptée par tous les Français, un consensus : car c'est un pacte qui va être passé entre la nation et les citoyens.
Débat sur le service national (50 000 dossiers)
Q. : Dernière question de ce débat : comment avez-vous sélectionné les destinataires de vos 50 000 dossiers ?
R. : C'est facile. Ce sont tout d'abord les maires. Toutes les communes ont donc reçu un dossier. Ensuite, tous les régiments, les commandants de troupe, et maintenant il existe autant de dossiers que l'on veut, je le dis très clairement : le ministère est prêt à en envoyer aux foyers socioculturels des lycées qui le demanderaient, aux associations de jeunes qui le souhaiteraient.
Nous, nous voulons que le débat soit le plus large et le plus libre possible. C'est la raison pour laquelle j'ai répondu cette semaine à un certain nombre de personnes me disant que je n'avais pas autorisé à parler les officiers, sous-officiers, hommes du rang. Je leur ai dit que c'était complètement inexact. Je leur ai même écrit une lettre leur demandant d'aller témoigner sur leur service militaire dans tous les groupes qui le souhaitaient, et de dire qu'elle était leur analyse du lien entre l'armée et la nation. Je crois que c'est très important. Vous savez, la France est un pays un peu exceptionnel : en 1905, elle a inventé la conscription militaire ; elle doit inventer en 1996 un nouveau type de conscription, de volontariat, un nouveau type de lien entre la nation et les citoyens. C'est à vous de le faire.