Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe parlementaire PS à l'Assemblée nationale, dans "Ouest-France" du 13 mars 1998, sur la campagne des élections régionales 1998 dans le grand Ouest et notamment le bilan de la présidence de M. Olivier Guichard à la tête de la région Pays-de-la-Loire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Ouest France

Texte intégral

Ouest-France : Quelle impression, au singulier ou au pluriel, retenez-vous de cette double campagne qui s’achève ? Celle de la montée en puissance du fait régional ?

J.-M. Ayrault : Indiscutablement, le fait régional a progressé, ces dernières semaines, même si je regrette qu’on n’ait pas assez parlé des programmes en présence. Il est clair que, dans la période qui s’annonce, la région est bien, à l’échelle européenne, l’espace pertinent. Ce que je ressens également, c’est que les Français abordent cette élection assez sereinement. Pour ma part, je souhaite qu’ils confirment le choix qu’ils ont fait aux législatives parce que tout gouvernement a besoin de durée pour agir. Et je mets en garde nos concitoyens contre le risque majeur de tout scrutin dit « intermédiaire » ; l’abstention.

Ouest-France : Seriez-vous girondin, c’est-à-dire désireux d’accentuer, en faveur des régions, le processus décentralisateur amorcé, en 1982, par les lois Defferre ?

J.-M. Ayrault : Le suis jacobin pour ce qui concerne les fonctions régaliennes de l’État dont l’école, et résolument girondin dès qu’il s’agit de ma ville ou de la région. L’élection du 15 mars doit être, dans les Pays de la Loire, l’occasion de donner un nouveau souffle après des années de léthargie et d’assouplissement.

Ouest-France : On ne peut réduire l’action d’Olivier Guichard à la tête de la région à un jugement aussi sommaire. Objectivement, vous n’êtes pas en désaccord sur tout ?

J.-M. Ayrault : Je respecte la personne d’Olivier Guichard…

Ouest-France : Sans doute, mais sur le bilan ?

J.-M. Ayrault : Son bilan est, à mes yeux, contrasté. Pour ce qui touche aux phénomènes de société, notamment le fait urbain (habitat, insertion), la Région n’a pas fait preuve d’un grand dynamisme. Là où il y a accord, au-delà des clivages politiques, c’est sur la volonté de conforter la métropole Nantes-Saint- Nazaire et sa vocation portuaire. Mais j’ai tout lieu d’être inquiet quand je lis le programme des héritiers d’Olivier Guichard. Leur vision de l’action politiques est archaïque. Sur la métropole régionale, je suis inquiet ; sur la desserte TGV et sur la priorité à accorder au « barreau sud » (le contournement de Paris par l’Essonne), François Fillon a été bien timide. Sur l’autre grand dossier, celui de l’aéroport Notre-Dame des Landes, il est temps de passer à la vitesse supérieure…

Ouest-France : Cette région a t-elle, dans sa forme actuelle, la dimension pertinente pour tenir son rang en Europe ? Et que pensez-vous de la revendication de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne ?

J.-M. Ayrault : Autant je trouve légitime la participation de Nantes et de la Loire-Atlantique au fait culturel breton, autant il me paraît irréaliste de poser le problème en termes de retour de la Loire-Atlantique dans le giron de la Bretagne. Je penche davantage en faveur d’une confédération Armorique et, pour tout dire, d’une grande région Ouest. Cela permettrait, au moment où se prépare le futur contrat de plan État-Région, de dessiner les contours d’une coopération interrégionale de dimension européenne. Je pense notamment à l’axe La Rochelle-Le Mont Saint-Michel.

Ouest-France : Conclusion : il faut donner plus de pouvoir aux régions ?

J.-M. Ayrault : La future loi sur l’Aménagement du territoire me semble être l’occasion privilégiée de renforcer les structures intercommunales, notamment dans les agglomérations et d’accroître les compétences des régions. Le moment est venu de franchir une nouvelle étape de la décentralisation. Cela répond, je crois, à une réelle prise de conscience de nos concitoyens et à une mise en conformité de nos régions dans l’espace européen…