Déclaration de Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des armées, sur le budget de la Défense, à Montpellier le 2 juillet 2019.

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Circonstance : Colloque "Singularités des finances de la défense et de la sécurité"

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Monsieur le président de l'université de Montpellier,
Monsieur le président de la Société française de Finances Publiques (SFFP),
Monsieur le président de l'Association Française de Droit de la Sécurité et de la Défense (AFDSD),
Monsieur le directeur de l'Institut de préparation à l'administration générale (IPAG),
Mesdames, messieurs,


Comme le dit l'adage, « l'argent est le nerf de la guerre ». La défense au sens large représente le deuxième budget de l'Etat ; et il est, en 2019, celui de la remontée en puissance.

Ouvrir ce colloque sur « la ou les singularité(s) des finances de la défense et de la sécurité » est d'abord une satisfaction. Je me réjouis que ce questionnement autour de notre défense prenne une place centrale dans cette 2ème Université d'Été de la Société Française de Finances Publiques.

Ce colloque constitue un apport de connaissances et un focus bienvenu sur des problématiques parfois laissées en marge.

Je félicite les organisateurs et les remercie de m'avoir proposé d'introduire cette journée. En premier lieu, je souhaite saluer la SFFP dont je connais la vitalité à promouvoir la connaissance et l'expertise sur les finances publiques. Je salue également l'AFDSD qui par son action permet de favoriser l'échange d'expérience et d'analyses sur le droit de la sécurité et de la défense. J'adresse mes remerciements aux nombreux intervenants qui vont rythmer cette journée.

Je m'adresse à vous non pas en tant qu'experte du sujet ni en tant que théoricienne des questions financières liées à la Défense mais bel et bien en tant que praticienne du quotidien.

Le budget, c'est un instrument qui se trouve au confluent de trois préoccupations :

- le droit, celui des finances publiques, porté, pour l'Etat, par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF),

- l'économie, puisque nous parlons d'argent, de fiscalité et de dépenses publiques qui soutiennent l'activité économique ; c'est particulièrement vrai dans le domaine de la base industrielle et technologique de défense ;

- la politique, enfin, parce qu'il s'agit de traduire en termes financiers des choix qui sont des choix stratégiques pour nos sociétés.

C'est l'autorité politique chargée de faire des choix, de rendre des décisions et de prendre des orientations en fonction des avis, des conseils et des besoins qui s'exprime devant vous. Je serai particulièrement attentive aux synthèses de vos travaux.


Dans le cadre très général que je viens de dresser, je me rends compte, depuis deux ans que j'exerce mes fonctions, à quel point le ministère des Armées occupe une place à part. C'est cette fameuse singularité qui est le sujet de ce colloque.

Les Armées, notre défense, concentrent de nombreux défis actuels. Comme le disait le général DE GAULLE dans son second discours de Bayeux, « La défense ! c'est la première raison d'être de l'Etat. Il n'y peut manquer sans se détruire lui-même. » C'est sans doute là qu'il faut trouver sur le plan politique, la source de la particularité des finances publiques de la défense. C'est ce qui explique l'existence des lois de programmation militaire, dont la première remonte à 1960. Première singularité : préparer la guerre ou conserver la paix, protéger la France et préserver les Français, c'est nécessairement planifier.

Second constat : pour analyser ce qui fait la spécificité financière de la défense au sens le plus large, ce colloque est par essence interdisciplinaire. Il associe des juristes, des économistes et des historiens… Il prend un pari : celui de s'emparer de sujets d'actualité et de les replacer dans la profondeur historique.

Le financement des armements, le financement des opérations extérieures, la retraite militaire dans la future réforme, le suivi des dépenses militaires, le bon paiement de la solde… voici autant de sujets qui ont fait et feront l'actualité. Autant de questions contemporaines qui peuvent bénéficier de votre éclairage et de vos analyses.

Parce que les finances publiques de la défense, c'est hériter d'un passé, gérer un présent et préparer l'avenir. Prenons le porte-avions Charles de Gaulle, fleuron de notre Marine nationale qui fait aujourd'hui la fierté de notre pays : commandé en 1986, il a été mis en service en 2001 ; il navigue depuis vingt ans et naviguera encore vingt ans ou plus. Le 23 octobre 2018, la ministre des armées, Florence PARLY a annoncé le début de la phase d'études pour son successeur, qui naviguera probablement encore en 2080. Voilà, l'horizon dans lequel s'inscrivent les armées. Il s'envisage donc sur plusieurs décennies voire, de manière plus imagée, sur la durée d'une vie humaine, bien loin de la simple annualité budgétaire.

Ainsi, dans vos quatre sessions, vous poserez la question fondamentale de la confiance dans les finances de la défense, celle du paiement des soldats, celle de leurs équipements et enfin celle du financement de la sécurité. C'est un programme très riche et particulièrement ambitieux.

Comme l'est la Loi de Programmation Militaire 2019-2025, promulguée il y a presque un an par le Président de la République. Son ambition est double. D'une part, redonner dès à présent aux armées les moyens de remplir durablement leurs missions. D'autre part, préparer la défense de la France pour demain.

Dans un contexte international plus instable, plus incertain et plus dangereux, le Président de la République a décidé un effort sans précédent pour nos armées : celui de porter le budget à hauteur de 2% du produit intérieur brut d'ici 2025. En 2016, ce budget était de 32 milliards d'euros hors pensions et depuis 2017, sans attendre la LPM, le Président de la République a décidé d'accroître le budget des armées de 1,7 milliard d'euros par an, environ ; il est de près de 36 milliards aujourd'hui. Il pourrait atteindre 50 milliards d'euros en 2025.

Dans un contexte budgétaire contraint, chacun perçoit qu'il s'agit là d'un choix politique puissant et volontariste. C'est un effort financier majeur voulu par le Président de la République.

Pour quelle raison ? Parce que nos armées ont trop longtemps dû tirer sur la corde. Elles ont été engagées au-delà de ce qui était prévu, avec des moyens humains et financiers en baisse, avec un niveau d'investissement trop réduit dans ses matériels comme dans ses infrastructures.

Voilà ce que change la décision du Président de la République, voilà le sens de ce que le ministère des Armées met en œuvre.

Cet engagement : il faut le respecter. C'est le sens de la première session : faut-il avoir confiance dans les finances publiques, quand trop souvent les LPM ont été abandonnées sitôt votées. Là-dessus, l'engagement du Gouvernement est clair. Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre l'a rappelé : dans ce domaine, les mots d'ordre sont « constance » et « cohérence ».


Dès le début, cela a été l'objectif : la LPM 2019-2025 ne dépend pas d'hypothèses de recettes exceptionnelles ou de plans d'économies aux gains incertains. La programmation repose intégralement sur des crédits budgétaires et se caractérise par sa sincérité dans l'adéquation des ressources aux dépenses programmées. Il en est de même pour la hausse de la provision pour les opérations extérieures, inscrite au budget qui était notoirement insuffisante (elle passe de 450 millions d'euros en 2017 à 1,1 milliard d'euros en 2020). Cette LPM est celle de la soutenabilité financière.

Le « terrien », l'aviateur, le marin et le personnel civil de la défense sont au cœur de cette LPM à « hauteur d'homme ». Nous donnons aux femmes et aux hommes de notre ministère les moyens de leurs missions tout en améliorant leurs conditions de travail.

Cela passe par une attention portée aux besoins individuels, aux petits équipements et au paquetage de ceux qui sont déployés chaque jours en opération : du casque nouvelle génération au treillis F3 en passant par les gilets pare-balles.

Cela passe également par la rénovation d'espaces d'entraînement. Un effort accru de 11 milliards d'euros répare l'existant et modernise les infrastructures. Nous améliorons ainsi l'offre de logement ainsi que les locaux de travail, d'hébergement et de restauration.

Il ne peut y avoir d'armée performante sans familles épanouies. Elles assument les contraintes de l'engagement, notamment celles liées aux absences ou à la mobilité opérationnelle. Ainsi, nous poursuivons la mise en œuvre du plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires. Ce sont près de 530 millions d'euros qui seront investis d'ici 2025, dont 57 millions en 2019.

Enfin, nous maintenons notre autonomie stratégique et nous renouvelons nos capacités opérationnelles.

En effet, en 2019, nous finançons le remplacement des matériels les plus anciens et nous entamons une modernisation accélérée de nos moyens matériels. Le budget d'équipement du ministère des Armées en 2019, c'est plus de 19,5 milliards d'euros.

A titre d'exemple, nous poursuivons la montée en puissance de certaines capacités avec cette année la livraison d'une FREMM (la Normandie inaugurée la semaine dernière par Florence PARLY), de véhicules blindés multirôles GRIFFON.

Le maintien de notre autonomie et de notre excellence technologique passe également par la recherche et l'innovation, par l'adaptation aux conflits du futur. Les réflexions sur les équipements de nos armées seront poursuivies pour la conception d'un futur porte-avions, du char de combat de demain et du système de combat aérien du futur, qui entreront en service après 2030. Les enjeux liés à la sphère spatiale est un point central de nos réflexions.

Cette autonomie repose également sur des entreprises et sur des industries d'armement fortes et solides car, je le rappelle : la Défense est de loin le premier investisseur de l'Etat, notre industrie de défense ne représente pas moins de 4 000 entreprises qui génèrent plus de 200 000 emplois. Il ne s'agit pas simplement des grandes industries mais aussi de leur réseau de sous-traitants, des petites et moyennes entreprises ou industries, parfois très spécialisées qui sont les compléments indispensables de notre effort de défense. Ce sont aussi nos emplois, ce sont nos territoires.

Mais, en tant qu'élue locale, je connais l'importance de nos armées pour nos communes et pour l'économie de nos territoires, y compris ruraux. J'ai eu l'occasion de visiter la 13ème demi-brigade de la légion étrangère, qui s'est installée dans le Larzac et dont l'impact positif sur le tissu économique est perceptible. Les travaux et l'entretien des infrastructures, les besoins quotidien d'une implantation militaire, sont des sources d'activités pour les entreprises locales qui peuvent répondre aux marchés publics.

C'est cela aussi la hausse du budget des armées : pour nos armées, pour nos territoires et pour nos emplois.

Mesdames, messieurs, vous l'avez compris nous avons fait le choix de consolider les fondements de notre outil de défense par la modernisation et l'innovation. Nous plaçons les conditions de vie de nos personnels au centre de nos projets.

Nous le faisons avec une LPM de la confiance et de la sincérité. Nous le faisons en augmentant nos moyens.

Le ministère des Armées s'attache également à renforcer le lien armées-nation. C'est le sens de ma mission auprès de la ministre Florence PARLY.

Ce colloque, en rassemblant un public et des intervenants variés, en réunissant des civils comme des militaires, en proposant des approches et des visions diverses, constitue un maillon supplémentaire de ce lien si indispensable pour la cohésion nationale.

Je m'en réjouis car toutes les actions et événements qui concourent à le construire et à le renforcer sont positifs pour notre société.

Mesdames et messieurs, les réflexions de votre colloque me seront rapportées ainsi qu'à Florence PARLY. Elles nous aideront collectivement à mieux cerner les spécificités des finances de la défense et de la sécurité.


Je vous souhaite une belle journée et un bon colloque.

Je vous remercie.


Source https://www.defense.gouv.fr, le 19 juillet 2019