Déclaration de Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des armées, sur les anciens combattants, à Paris le 3 juillet 2019.

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Circonstance : Allocution d'introduction "Le monde combattant 1918-2018, quelle histoire, quelles mémoires, quel devenir ?"

Texte intégral

Messieurs les ambassadeurs, excellences,
Monsieur le directeur des Patrimoines, de la Mémoire et des Archives,
Madame la directrice de l'ONAC-VG,
Monsieur le directeur général de la Carac,
Monsieur le président de la Mission du Centenaire,
Monsieur le directeur général,
Monsieur le président du conseil scientifique,
Messieurs les présidents d'association,
Mesdames, messieurs,


Je suis heureuse de vous retrouver aujourd'hui pour cette journée d'étude.

Je salue très sincèrement et avec beaucoup d'amitié les deux organisateurs que sont la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale et la CARAC. J'adresse mes remerciements aux nombreux intervenants qui vont rythmer ces quatre tables rondes. Ce sera, j'en suis certaine, une journée passionnante. Réunir une telle équipe d'universitaires, de chercheurs, d'intellectuels, de spécialistes, est une chance rare.

Ce colloque place le monde combattant au centre de nos attentions et de nos réflexions. Il démontre tout notre attachement et notre respect pour nos anciens combattants, et il poursuit l'hommage rendu à « ceux de 14 ».

Ce colloque clôture également le remarquable cycle du centenaire de la Grande Guerre qui a animé tous nos territoires depuis 2013. Il est une des dernières contributions de la Mission du Centenaire.

Je tiens à nouveau à saluer le travail considérable qui a été accompli avec les collectivités et les établissements scolaires, qui a rencontré un très large écho auprès de nos compatriotes.

Mesdames, messieurs, vous allez brosser le portrait d'un siècle d'existence du monde combattant à travers 4 tables rondes. Une par génération du feu.

Chacune a mérité de la Nation et a le droit à la reconnaissance de la patrie. C'est désormais aussi le sens de la journée nationale du 11 novembre qui rend hommage à tous les combattants pour la France par-delà les années et les conflits.

Chaque génération du feu a son histoire. Nous y retrouvons évidemment des traits communs mais aussi des spécificités et des singularités. C'est évidemment ce que vous nous décrirez, dans quelques minutes, dans chacune des tables rondes. Je souhaite en dire quelques mots.


La naissance du monde combattant d'abord.

La Première Guerre mondiale est à l'origine de la naissance du monde combattant : vaste, organisé, structuré et actif.

De 1914 à 1918, des millions de Français ont participé aux combats sur les fronts d'Occident et d'Orient. Toute la société a été concernée au plus profond d'elle-même. Ainsi, en 1919, plus de 5 millions d'anciens combattants irriguent la société.

Quelques 3 millions de Français ont subi un dommage grave ou léger, plus d'un million sont invalides. Le mutilé devient un personnage familier qui s'installe dans le quotidien - pensons aux œuvres d'Otto DIX.

Pensons à la délégation de « gueules cassées » qui assistait à la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919. C'est à CLEMENCEAU lui-même que revient l'initiative d'avoir associé des mutilés à la cérémonie. Au moment de signer la paix, ces visages témoignaient de la violence du traumatisme et de la brutalité de la guerre.

C'était une reconnaissance de la patrie à l'égard de ceux qui se sont sacrifiés pour elle ; c'est un début de réparation morale et symbolique.

Pensons aux blessés et aux mutilés qui, le 14 juillet 1919, conduisaient le défilé de la Victoire sous l'Arc de Triomphe sous les ovations de la foule. La gloire des armes était ainsi associée à la douleur des victimes. C'était pour ainsi dire les premiers pas du monde combattant, c'était l'acte de naissance d'un nouvel acteur au cœur de notre société.

Comme l'a montré Antoine PROST, qui nous fait l'honneur de sa participation, l'expérience de la Grande Guerre a été fondatrice d'identité. L'ancien combattant est devenu une figure centrale de la société de l'Entre-deux-guerres. Les associations combattantes sont nées et se sont multipliées. L'expérience du front a profondément marqué la première génération du feu et par là-même a traversé l'ensemble de la société.

Il y eut d'abord les premières formes de l'ONAC-VG en 1916 et 1917. Il y eut ensuite, en mars 1919, la loi LUGOL votée sous l'impulsion de Georges CLEMENCEAU. Elle donnait naissance à l'ancêtre de notre Code des Pensions Militaires d'Invalidité et des Victimes de Guerre.

Elle mettait en place un véritable système de reconnaissance et de réparation en faveur de ceux qui ont été atteints dans leur chair parce qu'ils portaient nos armes. La carte du combattant fut créée en 1926.

C'est le début d'une longue histoire. D'une histoire qui accompagne celle de la France au cours du XXème et du XXIème siècle.


La place de la Seconde Guerre mondiale dans le monde combattant.

La Seconde Guerre mondiale a plusieurs particularités pour le monde combattant. Contrairement à la Grande Guerre, elle n'est pas une épreuve englobante pour toute la Nation. Pour le monde combattant, elle est aussi synonyme de diversité et d'une multitude de parcours de vie.

Du fait des évènements, la mobilisation de septembre 1939 n'a pas imprégnée la société de la même manière que celle de 1914. Les combattants de 1940 ont longtemps souffert de la défaite, d'une certaine marginalisation.

A ces soldats de 1940, se sont ajoutés les réfractaires à la défaite, les Français Libres, les résistants, puis les combattants de 1944 et 1945. Nous ne pouvons pas oublier les prisonniers et les déportés. Ces engagements différents ont entraîné des reconnaissances, des droits et des statuts spécifiques.


Le monde combattant des guerres de décolonisation.

Il me parait opportun de distinguer ici la guerre d'Indochine de la guerre d'Algérie.

La guerre d'Indochine est une expérience lointaine et souvent marquante pour des soldats engagés. De 1946 à 1954, très loin de la métropole, parfois dans l'indifférence ou dans l'incompréhension, près de 450 000 soldats de l'ex-Union française ont combattu en Indochine. Des dizaines de milliers d'hommes ont subi une éprouvante et meurtrière captivité.

Cette mémoire est souvent douloureuse et imprégnée de la défaite de Dien-Bien-Phu. Le Premier ministre l'a rappelé le 8 juin dernier.

La guerre d'Algérie, elle, est une guerre englobante qui touche beaucoup de familles, qui impacte la société toute entière. Au côté de l'armée d'active, les soldats sont en majorité des appelés accomplissant leurs mois de service. Toute une génération d'appelés a eu « 20 ans dans les Aurès ». Elle y a découvert le visage d'une guerre âpre et éprouvante! D'une guerre qui marque pour la vie.

De 1954 à 1962, près de deux millions d'hommes y ont servi nos armes. Le monde combattant s'est enrichi d'une nouvelle et vaste génération du feu à laquelle il faut rajouter les supplétifs.

Toute cette génération ne s'est pas rencontrée en Algérie mais dans les solidarités nées au sein des associations combattantes, dont pour certaine elle a été à l'origine. Cette génération s'est inscrite dans les dispositifs existants mais a demandé une reconnaissance spécifique.

Ces hommes et ces femmes sont encore le « gros des troupes » de notre monde combattant.


Quel avenir pour le monde combattant ?

La quatrième génération du feu est celle des soldats de nos opérations extérieures : au Liban, en Yougoslavie, en Afghanistan, au Sahel… Plus de 100 000 cartes du combattant ont déjà été attribués à ce titre.

Cette génération présente elle aussi ses spécificités propres : jeunesse, engagement, armée professionnelle, volontariat, technicité, goût pour les associations régimentaires, priorité à la reconversion professionnelle. C'est une génération qui peut compter encore plus que les autres sur l'action des autorités en faveur des parcours des blessés et de leur réinsertion.

Ils sont le futur du monde combattant. Le travail sur l'avenir est une mission essentielle qui me tient particulièrement à cœur.

Et maintenant ?

C'est une évidence : le monde combattant change et se transforme ! Le nombre de ressortissants de l'ONAC-VG diminue.

Cela nous donne des responsabilités majeures pour adapter nos structures et continuer à faire vivre la mémoire combattante. C'est le travail que nous menons avec nos opérateurs pour les moderniser et les faire perdurer.

Il y a également, je crois, une réflexion globale à mener sur le rôle futur des associations combattantes et mémorielles, peut-être en les regroupant ainsi que sur la forme de nos commémorations. C'est un enjeu important. C'est pour cela que je serai particulièrement attentive aux synthèses de vos travaux.


Mesdames, messieurs, le Président de la République et le Gouvernement sont très attachés au monde combattant, à la reconnaissance et à la réparation.

C'est ce que nous faisons avec l'attribution de la carte du combattant aux militaires qui ont stationné pendant au moins quatre mois sur le territoire algérien entre juillet 1962 et juillet 1964.

C'est ce que nous faisons aussi avec l'édification du monument en hommage aux morts pour la France en opérations extérieures. Il sera inauguré dans quelques mois au parc André Citroën à Paris. Cet hommage de la Nation est attendu depuis longtemps. Et, il est mérité.

Chers amis, l'histoire du monde combattant n'est pas autre chose que l'histoire de France telle qu'elle a été faite par celles et ceux qui ont versé leur sang pour elle.

Ce monde combattant, je suis fière de le servir et de travailler pour lui au sein du Gouvernement et plus particulièrement au ministère des Armées.

Le monde combattant mérite un anniversaire, il mérite un centenaire digne de ce nom.

Merci de le lui offrir et d'y participer.


Je vous remercie.


Source https://www.defense.gouv.fr, le 19 juillet 2019