Texte intégral
LUCIE BARBARIN
Les tensions entre la France et l'Italie ne sont pas que purement politiques, elles sont aussi culturelles avec au coeur du bras de fer le génie Léonard de VINCI. Une grande expo sur le maître italien doit se tenir au Louvre au mois d'octobre pour célébrer les 500 ans de sa mort. Un accord avait été signé avec les musées italiens sauf que désormais le gouvernement populiste refuse de prêter les tableaux. Il reproche à la France de vouloir tout s'accaparer. C'est pourquoi le ministre de la Culture s'envole ce matin pour l'Italie et Franck RIESTER est en ligne avec nous. Bonjour.
FRANCK RIESTER, MINISTRE DE LA CULTURE
Oui, bonjour.
LUCIE BARBARIN
Vous allez bientôt embarquer, merci nous accorder quelques minutes. Est-ce qu'on peut parler de réunion de crise aujourd'hui avec votre homologue italien ?
FRANCK RIESTER
Non. J'étais invité dans le cadre de la triennale du design de Milan par mon homologue. On va avoir un moment d'échanges et de rencontres avec lui pour parler d'un certain nombre de sujets culturels, notamment le Pass culture, et je pense qu'évidemment nous parlerons aussi de cet échange de tableaux, de prêt de tableaux concernant Léonard de VINCI pour son 500ème anniversaire.
LUCIE BARBARDIN
Mais vous y allez dans quel état d'esprit ? Agacé, déterminé à obtenir gain de cause ?
FRANCK RIESTER
Non, écoutez. Il y a la volonté de dire que la culture est un élément de rassemblement des gens. C'est un élément qui permet, au-delà parfois des différences politiques qu'on peut avoir entre personnes dans un même pays, de se rassembler. Alors entre pays, c'est je crois un beau lien entre nos deux peuples qui sont des peuples amis et des peuples voisins et qui, depuis des années, ont toujours eu des échanges culturels entre eux. Et je pense que c'est une belle occasion là justement, malgré les tensions qu'il peut y avoir parfois entre nos gouvernements, qu'à travers les arts et à travers la culture, on puisse se retrouver.
LUCIE BARBARIN
Deux pays amis qui se déchirent aussi sur l'héritage souvent de Léonard de VINCI. Est-ce que vous entendez, Franck RIESTER, les arguments de l'Italie ? Elle veut elle aussi célébrer comme il se doit les 500 ans de la mort de de VINCI, que le maître était italien et que par conséquent c'est l'intérêt national qui doit primer.
FRANCK RIESTER
Enfin écoutez, évidemment que Léonard de VINCI était Italien. Après il aimait la France et il est venu en France avant sa mort. Il est mort en France. D'ailleurs, c'est un artiste qui est un artiste européen. C'est un artiste de l'humanité. Son patrimoine est un patrimoine italien et c'est un patrimoine de l'humanité. Et quand Léonard de VINCI a une formidable exposition comme nous la préparons pour la fin de l'année au Louvre, c'est l'Italie aussi qui rayonne. C'est ces grands artistes de renom et de talent qui le permettent. Sachant que bien évidemment nous avons…
LUCIE BARBARIN
Donc vous allez dire à votre homologue que l'Italie n'a pas le monopole de Léonard de VINCI. C'est ce que vous allez lui dire.
FRANCK RIESTER
Non, je ne vais pas le dire comme ça. Je vais dire simplement que c'est une formidable opportunité de mettre à l'honneur cet artiste italien qui, pendant des siècles, a inspiré des artistes italiens, des artistes français, des artistes européens, des artistes du monde entier. Que le Louvre a fait en sorte que cette exposition soit à la fin de l'année pour laisser toute l'année justement à l'Italie pour faire en sorte qu'il y ait des expositions Léonard de Vinci. Et que l'année prochaine (inaudible) et que le Louvre est prêt à prêter des oeuvres et la France est prête à prêter des oeuvres RAPHAEL pour qu'en Italie RAPHAEL puisse avoir des très belles expositions aussi. Vous voyez, on est vraiment dans une forme de réciprocité. On a une forme de volonté d'échanger pour que ce patrimoine de l'humanité puisse être mis à disposition certes des Italiens, certes des Français mais pourquoi pas aussi des Européens et toutes celles et ceux qui verront les expositions dans nos musées.
LUCIE BARBARIN
Oui. Franck RIESTER, la Galerie des Offices de Florence vous propose cinq dessins de Léonard de VINCI rarement exposés au public. Est-ce que ça c'est un lot de consolation qui est suffisant à défaut d'avoir tous les tableaux ?
FRANCK RIESTER
D'abord, écoutez, on est preneur. Vous savez, c'étaient des dessins et il y a des peintures, quelque chose qui est plus identifié et plus marquant. Il y a des très beaux dessins de Léonard de VINCI et on les verra évidemment à l'exposition que nous préparons au Louvre et je vais essayer de continuer à échanger avec mon homologue. Aussi des échanges entre musées, entre patrons de musée, entre équipes techniques, scientifiques de musée pour essayer de pouvoir mettre à disposition du Louvre, pour certains qui sont Italiens peut-être aussi évidemment, des tableaux de l'Annonciation notamment qui seraient bien exposés à l'automne au Louvre. Ce serait formidable. Ce serait une belle marque d'amitié entre nos peuples.
LUCIE BARBARIN
On connaît, vous l'évoquiez, les tensions en matière d'immigration entre Rome et Paris. Il y a aussi eu la visite surprise de Luigi Di MAIO auprès de gilets jaunes dans le Loiret qui a créé un incident diplomatique. Pour vous, c'est une manoeuvre de plus aujourd'hui du gouvernement populiste envers la France ?
FRANCK RIESTER
Non. Ecoutez, je ne veux pas rentrer dans un débat comme ça. C'est vrai qu'on a exprimé notre mécontentement très fort sur la manoeuvre de Luigi Di MAIO. Voilà, ça a été fait. Le Président de la République s'est exprimé. Là, moi je viens à l'invitation de mon homologue pour le lancement de la triennale du design de Milan avec la volonté d'avoir des échanges sur notre différents sujets dont le Pass culture et avec la volonté de faire en sorte, en dépassant d'éventuels désaccords que nous pouvons avoir par ailleurs, montrer que les peuples italien et français sont des peuples amis à travers notamment leur culture.
LUCIE BARBARIN
Mais quand les représentants italiens disent que la France ne doit pas tout s'accaparer, que la France est arrogante, ça ressemble quand même à de nouvelles représailles cette fois sur le terrain culturel.
FRANCK RIESTER
Ecoutez, je vais vous dire, les paroles d'estrade ou les polémiques ne m'intéressent pas. Moi ce que je regarde c'est les faits, c'est essayer de convaincre mon homologue de la pertinence de ce qu'on propose et ça ne remet pas du tout en cause des expositions en Italie. Ce n'est pas la volonté de la France de s'accaparer quoi que ce soit. C'est au contraire une belle preuve d'amitié puisque mettre à l'honneur un artiste italien, c'est mettre à l'honneur l'Italie tout entière. Et donc je n'entrerai pas dans les polémiques.
LUCIE BARBARIN
Oui.
FRANCK RIESTER
Simplement j'y vais dans un esprit de rassemblement, ferme sur un certain nombre de points comme l'a été le président de la République par rapport à la venue de monsieur Di MAIO il y a quelques jours, avec la volonté très claire aussi de démontrer, de pacifier une grande amitié entre nos deux peuples.
LUCIE BARBARIN
Mais vu la position ferme de l'Italie aujourd'hui, est-ce que vous craignez, si on pousse le bouchon un peu plus loin, qu'un jour le gouvernement italien réclame, pourquoi pas, le retour de la Joconde ? Est-ce que ça c'est une possibilité ?
FRANCK RIESTER
Non, écoutez, franchement je ne le pense pas du tout. La Joconde a été acquise d'une façon tout à fait légale. D'ailleurs quand la Joconde a été volée au début du XXème siècle et qu'elle a été retrouvée en Italie, l'Italie a restitué La Joconde à la France. Et donc il n'y a pas de raison du tout que l'Italie veuille réclamer la Joconde bien entendu.
LUCIE BARBARIN
Et si rien ne bouge, Franck RIESTER, après votre visite aujourd'hui à Milan, est-ce que le Louvre va maintenir sa grande exposition sur Léonard de VINCI cet automne ?
FRANCK RIESTER
Oui, bien sûr.
LUCIE BARBARIN
Pas question de l'annuler ?
FRANCK RIESTER
Non, non. Ça ne remet en rien en cause l'exposition au Louvre. Simplement si on peut avoir les dessins, si on peut avoir (inaudible) qui sont à Florence, écoutez, on en sera ravi. Si ce n'est pas le cas, on le regrettera. Il y aura quand même malgré tout à l'automne une formidable exposition Léonard de VINCI au Louvre.
LUCIE BARBARIN
Merci beaucoup Franck RIESTER, ministre de la Culture en direct sur Franceinfo.
FRANCK RIESTER
Merci à vous.
LUCIE BARBARIN
Merci de nous avoir accordé quelques minutes avant d'embarquer pour l'Italie et pour Milan. Donc vous avez rendez-vous aujourd'hui avec votre homologue de la Culture italien.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er mars 2019