Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
On va parler du G7 de l'éducation, mais d'abord revenons en quelques mots sur la situation à la veille de la publication des résultats du bac. Vous avez hier annoncé une mesure technique pour faire face à la grève des correcteurs, pour les milliers ou dizaines de milliers, on ne sait pas encore, de lycéens qui n'auraient pas toutes leurs notes demain matin, vous avez dit, on prendra la note de contrôles continus de l'année à titre provisoire comme ça ceux qui doivent passer l'oral de rattrapage le saurons vendredi. Si en début de semaine, on a finalement la copie et que la note est meilleure, c'est celle-là qui sera prise en compte, sinon et c'est à cette phrase-là que je vais m'attacher, sinon on garde la note de contrôles continus. Est-ce que vous pouvez préciser les choses, qu'est ce que signifie exactement cette phrase, est-ce que ça signifie que des élèves qui n'auraient pas eu le baccalauréat dans des conditions normales, finalement pourraient l'obtenir grâce à cette mesure ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour se résumer, on peut dire tout simplement qu'on garde la meilleure des deux notes et c'est normal parce qu'on ne va pas léser les élèves qui auraient cru d'abord avoir le Baccalauréat en ne l'ayant pas. Donc, vous savez, si on remet tout en perspective, vous avez dit les enseignants qui font grève, il faut bien voir qu'il y a 175.000 correcteurs du baccalauréat, 175.000 correcteurs et il y a moins de 2.000 personnes qui se sont mises dans cette situation, que par ailleurs je trouve scandaleuse. Toute personne qui a un peu le sens du service public voit bien que c'est un mode d'action qui n'est pas acceptable. C'est pourquoi j'ai d'abord annoncé qu'il y aurait vraiment des sanctions financières assez importantes, puisque quelqu'un qui se met dans cette situation aura des retraits pour jour de grève, depuis le jour où les copies lui ont été remises jusqu'au jour où il aurait dû les remettre, ça peut aller jusqu'à 15 jours de retrait de salaire, donc je pense que c'est dissuasif et je pense qu'en réalité aujourd'hui nous allons avoir beaucoup de copies rendues et que du coup le phénomène va être très, très marginal. Il est déjà marginal par le nombre de personnes qui font ça, je pense qu'il va devenir marginal par le nombre de copies concernées. Et ensuite il se passera ce que vous avez résumé et je l'ai dit, c'est que je dois garantir à tous les élèves que vendredi, ils auront leurs résultats, parce que ça a des conséquences concrètes pour eux ensuite en termes d'inscription, de passage de l'oral, etc, et donc pour se faire nous retenons la moyenne de l'année dans la discipline où il y aurait un problème.
FREDERIC RIVIERE
Pour en finir sur ce sujet, vous ne craignez pas que ça crée ce qu'on appelle une rupture d'égalité et que du coup se multiplient des recours, des procédures ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, parce que d'abord c'est quelque chose qui parfois a pu se faire dans le passé pour des copies perdues et il est admis que face à des circonstances exceptionnelles, on puisse faire cela. Et donc non, je pense que la rupture d'égalité serait plus forte, il faut raisonner au moindre mal, la rupture d'égalité serait plus forte si des personnes se trouvaient sans résultat tandis que d'autres l'auraient. Mais je veux rassurer tout le monde, d'abord dans l'immense majorité des cas, les élèves auront leurs notes résultant des copies et dans quelques cas, il leur manquera une note et cette note sera celle du contrôle continu de l'année. Encore une fois, si elle est plus faible que la note qu'ils auront finalement, c'est la note qu'ils auront finalement qui comptera.
FREDERIC RIVIERE
Vous allez accueillir donc demain, Jean-Michel BLANQUER, le G7 de l'éducation dans le cadre de la préparation du G7 de Biarritz le mois prochain et il y a un sujet prégnant dans l'univers scolaire qui vient d'être dramatiquement illustré récemment par le suicide d'une collégienne de 11 ans, c'est le harcèlement à l'école. C'est un sujet qui va être abordé au cours de ce G7, vous souhaitez une convention internationale sur la question, ça signifie que c'est un problème qui n'est pas spécifiquement français ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, c'est un problème mondial, je dirais est un problème anthropologique. Au fond c'est le problème des enfants quand quelques règles ne l'ont pas été bien transmises, quand les valeurs du collectif n'ont pas été suffisamment partagées.
FREDERIC RIVIERE
Il n'y a pas de particularisme français.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, les Anglais appellent ça le bullying, c'est un problème mondial, vous avez d'ailleurs des pays qui ont des pratiques intéressantes pour mettre fin à ce phénomène et nous avons à nous inspirer les uns des autres pour avancer. Donc c'est pour ça que j'ai considéré que c'était un thème à mettre au centre du G7 éducation parce que finalement c'est un problème de notre humanisme à l'échelle mondiale. Est-ce que nous sommes capables tous, tous nos pays, d'avoir des systèmes éducatifs qui dès le début, dès l'école maternelle, l'école maternelle est un des grands autres thèmes du G7, dès l'école maternelle, apprend aux enfants finalement à se respecter les uns les autres, à aimer la différence, à écouter, à jouer collectif, à gagner à plusieurs plutôt que gagner tout seul, tout ça c'est les valeurs de la vie et le harcèlement, c'est l'antithèse de ces valeurs. Donc on a quelque chose qui n'est pas marginal, qui est un sujet très important, aujourd'hui dans un pays comme la France, on considère que 10 % des enfants peuvent être concernés.
FREDERIC RIVIERE
Ce qui est énorme.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est considérable, mais c'est malheureusement le même genre de chiffres un peu partout. Nous devons donc réduire complètement ce chiffre, être très volontariste, c'est pour ça que j'ai pris déjà dix nouvelles mesures sur le sujet et que j'ai demandé à Brigitte MACRON de s'impliquer personnellement, ce qu'elle a accepté et j'en suis très heureux, parce qu'on a besoin de sensibiliser toute la société française et même au-delà, et donc c'est ainsi qu'elle viendra au G7, aujourd'hui même d'ailleurs, pour parler de ce sujet du harcèlement qu'elle connaît bien.
FREDERIC RIVIERE
Le problème, il rejoint un peu la loi, le projet de loi qui est en discussion à l'Assemblée sur ce qu'on appelle la cyber-haine, parce qu'au fond il y a toujours eu dans les établissements scolaires des souffre-douleurs, des têtes de Turc, mais c'est les réseaux sociaux qui ont donné une caisse de résonance totalement démultipliée à ce phénomène.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, d'abord il y a toujours eu ce genre de phénomène et ça a toujours été quelque chose qu'il aurait fallu combattre, simplement on s'habitue, on s'accoutume moins à des choses…, vous savez c'est comme d'autres sujets qui étaient occultés dans le passé, dont on parle désormais parce que c'est quelque chose qui ensuite psychologiquement fait des dégâts. Je suis certain que parmi ceux qui nous écoutent, il y a eu des personnes qui ont vécu petit, même il y a 30 ans, il y a 50 ans, du harcèlement et qui en ont reçu un choc qui dure. Donc le phénomène existe depuis toujours certainement, mais il a pris une ampleur nouvelle liée peut-être aussi aux conditions de vie dans nos sociétés. Et puis effectivement, vous avez raison, aux nouvelles technologies avec le cyber-harcèlement contre lequel nous nous battons aussi de plusieurs façons, l'une d'entre elles étant maintenant d'avoir des accords avec les plateformes pour supprimer les messages de harcèlement qui peuvent exister sur Internet.
FREDERIC RIVIERE
Quatre grands thèmes seront abordés demain et vendredi, donc au cours de ce G7 de l'éducation avec vos homologues, les enjeux de la scolarisation précoce, la qualité de la formation des enseignants, l'éducation des filles et l'enseignement et la formation professionnelle dans les pays en développement. Commençons si vous le voulez bien par l'éducation des filles. C'est un enjeu extrêmement important à la fois dans le cadre de la lutte contre les inégalités, mais aussi pour le développement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, l'égalité garçon-fille là aussi c'est un sujet, d'abord qui parfois peut coïncider avec celui du harcèlement et puis surtout l'égalité garçon-fille, c'est un sujet qui est un sujet de bon développement de nos sociétés, à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Cette question de l'égalité garçon-fille, vous savez, elle est au centre de ce quinquennat, elle était aussi au centre du discours de Dakar du président de la République. Lorsqu'Emmanuel MACRON aux côtés du président sénégalais avait coprésidé la conférence sur l'éducation, il y a plus d'un an, il avait mis l'égalité garçon-fille au centre, ce qui signifie que la France a multiplié par dix son aide au développement en matière d'éducation, c'est-à-dire sa participation au fonds mondial pour l'éducation, que les moyens que nous mettons pour aider les pays se font sur trois axes, l'un des trois axes, c'est contribuer à une plus grande égalité garçon-fille. Ce qui signifie notamment que les petites filles aillent à l'école comme les petits garçons.
FREDERIC RIVIERE
Est-ce qu'on avance sur le sujet, c'est encore difficile, il y a des résistances dans certains pays ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, tous les pays a fortiori certains pays du Sud, c'est vrai, mais tous les pays peuvent être concernés par ce problème. C'est d'abord une question d'accès à l'école de tous qui est évidement le droit fondamental pour tous les enfants, que tout enfant aille à l'école tout simplement, qu'il soit un garçon ou une fille. Et puis ensuite une fois à l'école que les filles aient les mêmes chances que les garçons et qu'elles puissent s'épanouir à l'école comme les garçons.
FREDERIC RIVIERE
La scolarisation précoce, ça c'est une chose à laquelle vous êtes très attaché, il faut rentrer à l'école le plus tôt possible aujourd'hui ? C'est une chance pour l'évolution dans le parcours professionnel et même personnel au fond.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui, c'est un point fondamental, en plus c'est dans l'actualité puisqu'il se trouve que ce matin, avant le G7, je serais au Sénat pour le vote définitif de la loi pour l'école de la confiance, dont la mesure la plus emblématique, l'article 2, est l'instruction obligatoire à 3 ans. Et donc c'est une loi qui veut porter l'importance de l'école maternelle et nous avons voulu aussi que ce soit un thème mondial parce que c'est un sujet pour tous les pays parce qu'il est démontré que tous les enfants, tout enfant, donc tous les enfants du monde voient se déterminer des choses essentielles de 0 à 7 ans. Et que donc on doit se préoccuper beaucoup de ce qui se passe pendant la petite enfance et que l'accès à l'école tôt est un vecteur de qualité si on veut lutter contre les inégalités, notamment dans le rapport au langage. Vous voyez par exemple, on sait très bien qu'au cours préparatoire quand on commence à apprendre à lire, eh bien on va réussir cette entrée dans la lecture si on a beaucoup de vocabulaires avant et donc si on a acquis du vocabulaire soit dans sa famille, soit à l'école maternelle. Et donc l'école maternelle doit venir compenser les inégalités familiales et c'est important d'en discuter entre tous les pays, parce que nous allons inciter beaucoup à ce qu'à l'échelle mondiale, il y ait cet intérêt pour l'école maternelle. Et je vois des pays, j'en ai vu certains hier déjà, qui commencent justement à mettre plus tôt l'âge de l'instruction obligatoire.
FREDERIC RIVIERE
Merci Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
FREDERIC RIVIERE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juillet 2019