Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à France-Info le 27 mai 2019, sur les résultats des élections européennes du 26 mai 2019 et les conséquences sur l'échiquier français et européen.

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Média : France Info

Texte intégral


MARC FAUVELLE
La France a voté hier pour les européennes, elle a donc placé en tête le Rassemblement national de Marine LE PEN, comme elle l'avait fait d'ailleurs lors du dernier scrutin européen il y a 5 ans. Bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Ministre de l'Education. La liste que vous souteniez, celle de Nathalie LOISEAU, arrive en 2ème position, un point de retard sur le parti de Marine LE PEN. Est-ce que c'est un échec personnel pour le chef de l'Etat ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, on ne peut pas parler d'un échec quand on a un score qui en réalité est très proche du premier et qui, au contraire, montre la consolidation d'un mouvement qui n'existait pas il y a encore 3 ans. Et a fortiori quand on a le pouvoir depuis 2 ans avec le lot de difficultés, de d'obstacles, de contestations que tout pouvoir rencontre, on ne peut pas parler d'échec. Ce n'est pas une pleine réussite, je suis bien d'accord mais…

MARC FAUVELLE
Ça c'est une litote en revanche !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, enfin non, non mais écoutez, pour moi il y a 2 enseignements fondamentaux dans ce que l'on a vu. Il y a un enseignement national et un enseignement européen, n'oublions pas l'enseignement européen…

MARC FAUVELLE
On va y venir, si vous voulez bien Jean-Michel BLANQUER…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais sur la recomposition…

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'on peut faire… pardon de vous interrompre, toute la campagne des européennes en expliquant que la victoire de Marine LE PEN ou de son parti serait une catastrophe pour la France, c'est le mot qu'a utilisé Emmanuel MACRON, et finalement une fois qu'elle est en tête expliquer que ce n'est pas grave et que tout va bien ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je n'ai pas dit que ça n'était pas grave et que tout va bien, nous avons un problème qui est le fait que le Rassemblement national est en tête en effet. Ça a été le cas déjà il y a 5 ans pour les européennes, donc c'est un problème durable et nous le savons au moins depuis 2002. Donc mais que voulez-vous faire devant ça, vous devez tout simplement vous battre et avoir un projet constructif. Et je crois que la vraie distinction aujourd'hui dans le paysage politique, c'est entre ceux qui proposent quelque chose de faisable et quelque chose qui évidemment dessine l'avenir ; et puis ceux qui passent leur temps à invectiver. Et les meilleurs pour invectiver c'est sans aucun doute le Rassemblement national. C'est pourquoi les forces qui ont perdu hier, notamment LR et France insoumise, doivent évidemment avoir une réflexion sur cela, c'est-à-dire qu'à chaque fois qu'ils nourrissent la colère plutôt que les propositions, en réalité ils nourrissent le Front national et c'est-ce qu'on a vécu hier soir, pardonnez-moi de le dire, mais comme prévu. C'est-à-dire que cette stratégie consistant à être sans arrêt dans l'anti-macronisme facile, cette stratégie donne un Front national fort. Mais nous sommes forts aussi parce qu'il y a évidemment un très grand nombre de Français qui comprennent que ce gouvernement prend à bras-le-corps les problèmes concrets.

MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER, Emmanuel MACRON voulait chambouler l'Europe, la révolutionner, il est fâché avec Angela MERKEL, il est battu en France par le Rassemblement national et son groupe au Parlement européen sera 3ème seulement, c'est ça le retour à la réalité ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais justement, les élections européennes montrent la possibilité de cette ligne de crête que nous proposons, qui est une ligne de crête d'avenir encore une fois, parce que ce sont les forces pro-européennes quand même qui sont majoritaires au Parlement. Alors c'est une recomposition…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire, qui est majoritaire aujourd'hui ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est majoritaire c'est le PPE, donc les chrétiens démocrates…

MARC FAUVELLE
La droite !

JEAN-MICHEL BLANQUER
La droite, les socio-démocrates et nous-mêmes…

MARC FAUVELLE
Vous êtes troisième aujourd'hui !

JEAN-MICHEL BLANQUER
On est troisième avec un groupe qui sera entre 100 et 120 députés…

MARC FAUVELLE
Sur 750 !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Sur 750, mais si vous ajoutez les 2 autres, vous pouvez très bien avoir des majorités d'idées sur des sujets comme les sujets environnementaux, qui sont des sujets où on doit construire des majorités. Au Parlement européen

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous incluez dans ces futures majorités Jean-Michel BLANQUER les écologistes et, notamment, ceux envoyés par la France de la liste JADOT, est-ce que vous pourriez travailler ensemble à Strasbourg ou à Bruxelles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Potentiellement oui. Au Parlement européen ça fonctionne un peu différemment du Parlement français, vous le savez bien. Ce sont des majorités d'idées domaine par domaine, ce qui est d'ailleurs évidemment intéressant. Il est évident que sur les sujets environnementaux, il y a certainement des majorités à trouver avec différents Verts, sachant que les Verts sont un peu différents d'un pays à l'autre en plus, donc chaque député est un cas particulier. Mais en tout cas, il y a un travail à faire avec l'ensemble de ceux qui veulent faire progresser l'Europe sur le sujet écologique bien entendu, qui est un sujet crucial, mais aussi sur d'autres sujets économiques et sociaux.

MARC FAUVELLE
Yannick JADOT est un Vert fréquentable, vous lui tendez la main ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez ! J'ai fait mes… vous savez moi par principe, je respecte les gens et je ne vais certainement pas le traiter d'infréquentable. Bien entendu qu'on peut discuter avec quelqu'un comme lui, ça va de soi.

RENAUD DELY
Cette poussée des écologistes en France et aussi au-delà en Europe, est-ce qu'elle vous oblige sur le plan gouvernemental à en tenir compte, est-ce qu'il faut une vraie inflexion dans cette direction de l'action du gouvernement, parce que, est-ce qu'à rebours, cette poussée elle ne souligne pas aujourd'hui les manques qu'il y a eu dans l'action du gouvernement depuis 2 ans sur cette question écologique ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, elle souligne quelque chose que l'on voit là aussi à chaque élection européenne et là, il faut distinguer les invariants aussi des élections européennes. Vous connaissez bien ces sujets, les Verts font toujours un bon score aux élections européennes, comme le Rassemblement national, parce que les citoyens européens sont conscients de l'aspect crucial de ce sujet. Heureusement…

RENAUD DELY
Donc ce n'est pas la peine d'en tirer des conséquences sur le plan…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous en avons tiré déjà de grandes conséquences, on ne peut pas nous qualifiée d'insensibles au sujet environnemental…

MARC FAUVELLE
A quel moment vous avez les conséquences du scrutin européen ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors on a tiré les conséquences de l'urgence du sujet environnemental. C'est pourquoi il est au coeur du… il était, il est toujours bien sûr au coeur du programme Renaissance. Que chacun lise ce programme de 79 propositions, l'environnement est au centre et détermine même d'une certaine façon les autres sujets, par exemple celui de l'emploi si nous réussissons à faire des grands investissements en faveur de l'environnement qui sont prévus dans le programme sur lequel (je suis sûr) il y aura non seulement les plus de 100 députés de notre groupe, mais aussi les députés d'autres groupes. Donc on voit bien que l'environnement, nous l'avons pris en compte et nous rendons services à l'environnement, nous, les différents mouvements qui prenons au sérieux l'environnement sans être qualifiés… sans avoir l'étiquette écologiste pour autant. Donc si vous voulez ce qui est important, c'est de faire des alliances par thèmes et sur le sujet de l'écologie, il y aura sûrement des alliances bien entendu.

MARC FAUVELLE
Sur la scène nationale Jean-Michel BLANQUER, ça veut dire qu'il n'y aura pas l'ombre du début d'un commencement de changement de cap de la politique menée par Edouard PHILIPPE sous les ordres d'Emmanuel MACRON ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr qu'il y a une évolution, cette évolution on en a vu les grands déterminants lors de la conférence de presse du président de la République…

MARC FAUVELLE
On a tout vu, rien d'autre, il n'y a pas de virage ce matin ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, après ce qui est tout à fait normal de faire, c'est une analyse du vote, notamment une analyse territoriale du vote. Et bien entendu comme toujours, respecter la démocratie, en tenir compte. Respecter la démocratie ça veut dire 2 choses : 1) respecter la nature du scrutin, donc d'abord tirer les conséquences d'abord européennes de ce scrutin et c'est ce que je viens de faire rapidement en brossant le portrait de l'actuel Parlement européen ; deuxièmement d'un point de vue plus national, regardez comment ont voté les Français dans le territoire. Or une des grandes leçons du grand débat, nous le savons bien, c'est un besoin de reconquête de notre propre territoire, de proximité des services publics en particulier. Et donc cette nouvelle donne, ce deuxième temps du quinquennat va particulièrement accentuer ces choses-là. En tant que ministre de l'Education nationale, je suis en première ligne sur cette question…

MARC FAUVELLE
Vous allez y rester, il n'y a pas de remaniement ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas à moi de le dire…

MARC FAUVELLE
Donc c'est toujours dans une semaine ou deux !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, j'ai toujours désiré en tout cas inscrire les grands enjeux de l'éducation dans la durée, ça c'est certain…

MARC FAUVELLE
Vous n'êtes pas candidat au départ ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je suis candidat à travailler pour l'intérêt général…

MARC FAUVELLE
Il y a peu de ministres d'ailleurs candidats au départ !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais c'est…

RENAUD DELY
Vous n'êtes pas candidat non plus à une promotion éventuelle à Matignon ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je suis candidat à travailler, à creuser le sillon nécessaire pour améliorer les choses. Vous savez en 2 ans vous faites certaines choses, vous ne pouvez pas tout faire. Et par exemple si on prend la question des écoles rurales auxquelles nous sommes tous très sensibles, le président vient de s'engager à ce qu'on n'en ferme plus sans l'accord d'un maire, c'est un sujet auquel je suis attelé, qui n'est pas facile parce que nous n'avons nous avons une baisse démographique en France et nous devons donc travailler à ce que les choses changent en terme d'attractivité de nos territoires ruraux. Mais je suis en première ligne avec les maires ruraux, avec l'ensemble de la population française pour que ceci change. Et ces changements bien entendu ne se font pas du jour au lendemain mais en tout cas, il faut que chacun comprenne que nous avons une claire conscience de ces enjeux qui ont été à l'origine de la crise que nous avons vécue entre novembre et mai.

MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER, le scrutin des européennes est passé, est-ce qu'il n'est pas tant que la France dise désormais qui elle va soutenir pour la présidence de la Commission européenne ; et si elle soutient ou non le Français Michel BARNIER !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors c'est encore trop tôt ce matin pour le dire, bien entendu c'est quelque chose qui se dira au cours des prochains jours, là aussi sur la base de différentes analyses. Ce qui est très important c'est que nous dégagions une capacité à agir en Europe, c'est cela qui était au coeur du programme, donc ça nécessite évidemment une très bonne présidence de la Commission, une évolution de nos institutions aussi. Mais nous allons respecter l'élan et l'énergie qui était dans notre programme et avec du poids, parce que cet axe central sur lequel nous sommes en Europe désormais peut nous permettre de donner l'élan. D'abord parce que nous avons des idées et ces idées elles sont dans le programme ; et ensuite parce que nous avons cette possibilité d'alliance sur nos 2 côtés.

MARC FAUVELLE
Vous pensez qu'Emmanuel MACRON va vous passer une soufflante Jean-Michel BLANQUER, comme il l'a fait à ses ministres il y a quelques jours pour leur dire qu'ils ne se mobilisaient pas assez pour les européennes ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je ne crois pas du tout…

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas le genre ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord parce qu'on s'est parlé…

MARC FAUVELLE
Quand je dis vous, c'est général, à tous les ministres, pas vous en particulier !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, non, je ne pense pas que… ce n'est pas du tout la tonalité. Non, vous savez ce à quoi vous faites référence, ça ressemble plutôt à ce qu'un bon entraîneur comme Aimé JACQUET faisait avec son équipe à la mi-temps…

MARC FAUVELLE
C'était parfois violent Aimé JACQUET !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr mais c'était…

MARC FAUVELLE
C'est la même chose avec le président ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'était plein d'affection. Mais le but c'est de se stimuler pour 2ème mi-temps et…

MARC FAUVELLE
Et de gagner la Coupe du monde à la fin évidemment.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Voilà !

MARC FAUVELLE
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education, invité ce matin de France Info.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juin 2019