Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l'avenir de l'enseignement professionnel.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur de la demande du débat dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de ce débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains. Il est en effet important de pouvoir discuter de l'enseignement professionnel devant la représentation nationale.
Je vous suis donc très reconnaissant de ce moment, qui m'offre l'occasion de répondre à certaines de vos questions, monsieur Piednoir, et plus généralement d'exposer la logique de cette réforme.
Oui, un grand enjeu éducatif et social nous attend avec la réforme de l'enseignement professionnel. J'en prends toute la mesure, puisque j'affirme régulièrement qu'il s'agit de ma deuxième grande priorité en tant que ministre de l'éducation nationale, la première étant l'école primaire. Je la place même devant les enjeux immenses de l'actuelle réforme du baccalauréat général et technologique, ainsi que de la transformation du lycée général et technologique qui en résulte, réforme dans laquelle nous sommes engagés aujourd'hui.
En la tenant pour une priorité essentielle, je veux signifier que l'enseignement professionnel n'est pas marginal dans notre système et n'est pas la dernière de nos préoccupations. Il est au contraire au coeur de notre volonté de progrès, non seulement en raison de l'enjeu social que vous avez rappelé, mais aussi parce qu'il y va de l'avenir de notre pays.
Il s'agit non pas seulement d'améliorer grandement le parcours d'élèves socialement défavorisés et constituant une partie des décrocheurs scolaires de notre pays, mais aussi de préparer aux métiers du futur ceux qui suivent ce parcours.
C'est sous ce second angle que je voudrais aborder la question de l'enseignement professionnel, car une sorte d'inversion d'image pourrait en résulter.
Vous avez affirmé, monsieur le sénateur, que vous étiez relativement pessimiste quant à notre capacité de changer cette image. Je le regrette, car de tels propos font partie de l'image que nous donnons de l'enseignement professionnel.
Or cette espèce de fatalisme et de pessimisme qui caractérise en permanence les commentaires sur l'enseignement professionnel fait beaucoup de tort à ce dernier. J'ai été à la fois très intéressé par certaines de vos interpellations, mais aussi quelque peu étonné des axes que vous formez avec d'autres formes de contestation, qui, traditionnellement, n'ont pas toujours permis de faire progresser l'enseignement professionnel.
Or les réformes que nous proposons offrent la possibilité d'effectuer un renversement.
Tout d'abord, et je vous remercie de l'avoir souligné, nous mettons en avant une logique de campus et de réseaux. C'est un premier axe de réflexion qui résulte des travaux du rapport Calvez-Marcon, qui a permis d'engager cette réforme.
Je le rappelle, cette réforme a été préparée non seulement par une députée, mais aussi par un chef cuisinier, lui-même issu de la filière professionnelle et de l'apprentissage. Nous avons beaucoup gagné à ce travail préparatoire, qui a permis la consultation de nombreux professeurs de l'enseignement professionnel et de professionnels de différents secteurs.
Le premier axe de cette réforme valorise donc la notion de campus, autrement dit la notion d'excellence. J'ai parlé de « Harvard du pro » pendant la préparation de la réforme. Je persiste et signe : cette formule trouvera une incarnation au cours des prochaines semaines lorsque nous présenterons les premiers projets de campus conçus avec des régions.
Nous partirons de lycées professionnels existants ou parfois de projet ex nihilo, avec pour ambition de montrer qu'il peut y avoir des lieux qui font envie, avec des internats, des équipements sportifs, et une articulation d'institutions différentes, qu'il s'agisse du lycée professionnel lui-même, mais aussi du CFA, des incubateurs d'entreprises, des laboratoires, des établissements d'enseignement supérieur, etc.
Bref des lieux où les élèves auront envie d'aller dès la fin de la troisième, non parce qu'ils ont un mauvais bulletin scolaire, mais parce qu'ils ont envie d'apprendre autrement et de se diriger vers des métiers d'avenir.
Le fonctionnement en campus va de pair avec le fonctionnement en réseau. Tout lycée professionnel de France, dans le futur, se trouvera désormais à la fois dans un réseau géographique et dans un réseau thématique.
Le réseau géographique repose sur l'idée de pouvoir offrir des formations variées dans un certain périmètre. Nous voulons en finir avec la logique du « lycée mobylette », autrement dit du lycée où l'on va parce qu'il est le plus proche de son domicile. Notre ambition est d'offrir un panel de possibilités à chaque élève de France voulant s'inscrire en lycée professionnel. C'est le sens du fonctionnement en réseaux géographiques.
Nous voulons aussi des réseaux thématiques : tous les lycées d'un même thème doivent être articulés avec des branches professionnelles et avec des domaines de recherche afin d'aller vers une plus grande modernité et une meilleure adaptation en temps réel.
Il a été question de l'automobile, secteur qui se développe considérablement d'un point de vue technique. Il importe, à mon sens, que tous les lycées professionnels de l'automobile soient reliés en réseau, pour qu'ils puissent bénéficier des acquis de la recherche, des avancées de l'industrie et de toutes les possibilités d'emplois offertes aux jeunes. Cette notion de réseau est donc essentielle.
Le deuxième axe de la réforme, c'est le lien avec les grandes thématiques d'avenir. J'en signalerai deux.
Il s'agit, tout d'abord, de la révolution écologique. Des établissements la prendront pleinement en compte, car elle est pourvoyeuse de métiers d'avenir. Je pense évidemment aux métiers qui ont trait à l'énergie et aux bâtiments, qui sont déjà en tension, puisqu'il existe des besoins en termes de recrutement.
Or il n'y a pas assez d'élèves formés. Ces métiers du bâtiment et de l'énergie, notamment, pourront trouver une nouvelle attractivité grâce aux nouvelles caractéristiques de l'industrie et de la construction ; d'où nos efforts en matière d'information et d'orientation pour attirer les jeunes vers ces métiers.
Il s'agit, ensuite, de la révolution numérique, qui caractérise bien sûr notre époque. Tous les campus professionnels doivent être numériques, et certains d'entre eux doivent être dédiés aux métiers numériques.
J'ai précisé qu'un élève de troisième doit pouvoir s'orienter par envie dans un lycée professionnel et non parce que son bulletin scolaire est faible. Il est évident que ce sera le cas demain si nous instaurons des campus numériques.
C'est cela aussi qui doit nous conduire à développer des parcours post-bac ambitieux pour les bacheliers professionnels. Ceux-ci pourront travailler après le bac, ce qui reste le désir de près de la moitié des élèves, mais ils pourront aussi poursuivre leurs études, comme dans cet internat d'excellence de Montceau-les-Mines, où l'un des étudiants en prépa bac pro est même allé jusqu'à Polytechnique. L'objectif n'est certes pas que tout le monde en fasse autant, mais c'est la preuve que l'enseignement professionnel ouvre la voie à toutes sortes de destins !
Nous sommes dans une logique de formation tout au long de la vie. Et c'est cette logique qui a un impact en amont sur ce qu'est le lycée professionnel.
Notre ambition, je vous l'accorde, monsieur le sénateur, est très forte, puisqu'il s'agit de changer à la fois le fond et l'image de l'enseignement professionnel pour le rendre attractif, voire pour le placer à la pointe de l'enseignement scolaire.
Notre troisième axe est la pédagogie. C'est elle qui doit montrer le chemin. Je souhaite que cette réforme puisse amener le reste de l'enseignement scolaire à considérer, d'ici à quelques années, certaines évolutions de l'enseignement professionnel comme intéressantes.
Je pense à l'esprit d'équipe. Je pense aussi à l'instauration d'une pédagogie d'équipe et de projets, qui sont des compétences fondamentales dans la vie professionnelle et qui pourront avoir un impact sur des modalités pédagogiques en dehors de l'enseignement professionnel. Je pense enfin à la mixité des publics, que vous avez critiquée à l'instant. Il me semble au contraire qu'il s'agit d'un grand atout, en ce qu'elle permet l'émulation et une approche très concrète.
Vous avez évoqué la co-intervention, thème éminemment pédagogique, et je vous en remercie, même s'il me semble que votre critique aurait pu être mieux fondée.
Comme vous l'avez souligné, la co-intervention existe déjà, et elle a fait la preuve de son intérêt pédagogique. En effet, le nombre d'heures que suit un élève n'est certainement pas un indicateur de bon fonctionnement d'un système. Si tel était le cas, le lycéen professionnel français serait aujourd'hui le meilleur lycéen du monde, car il bénéficie de 34 heures à 35 heures de cours hebdomadaires. Or il décroche, il ne suit pas, il assiste à des cours d'enseignement général dans des classes de 35 élèves.
Soit on fait semblant d'ignorer ces réalités et on formule des critiques assez faciles. Soit on les prend à bras-le-corps, en s'appuyant sur les pratiques pédagogiques qui fonctionnent.
C'est ce que j'ai fait, non pas en tirant cette solution de mon chapeau, mais à la suite d'un travail d'intelligence collective accompli notamment dans le cadre du rapport Calvez-Marcon. Cette co-intervention, qui enthousiasme beaucoup d'enseignants généraux des lycées professionnels, contrairement à ce que l'on prétend parfois, permettra de travailler en plus petits groupes et de façon inductive.
Après le tragique incendie de Notre-Dame-de-Paris, j'ai souvent cité l'exemple du cours de tailleur de pierre et du cours d'histoire des cathédrales. C'est ce type de démarche inductive, concrète, réalisée en petits groupes, qui permettra aux élèves de l'enseignement professionnel d'acquérir les compétences générales dont ils ont besoin et de bénéficier d'un enseignement qui fait sens.
Je n'aime pas le procès qui nous est fait selon lequel nous voudrions brader l'enseignement général des lycéens professionnels. C'est tout le contraire. Nous voulons simplement ne pas nous payer de mots, ni d'heures.
Pour autant, nous ne réalisons aucune économie avec cette réforme. Nous pourrions en faire, car il ne s'agit pas d'un gros mot, mais ce n'est pas le cas, puisqu'il y aura deux professeurs pour un groupe. L'objectif au coeur de cette réforme est donc non pas un objectif de gestion, mais est un objectif pédagogique fondamental. Bien des choses superficielles ont été dites sur ce sujet ; c'est pourquoi je tenais à les corriger.
Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La famille professionnelle, en classe de seconde, est emblématique de notre ambition : nous voulons que les élèves ne soient pas prédéterminés trop tôt, mais qu'ils puissent, en fonction d'une famille de métiers, choisir leur orientation sciemment, au fil d'un parcours réfléchi.
Nous voulons remettre la notion de chef-d'oeuvre au coeur du lycée professionnel, pour renouer avec une image d'excellence professionnelle et permettre à l'élève d'être fier de ce qu'il fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
- Débat interactif -
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d'une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel vient considérablement modifier le financement des centres de formation d'apprentis, les CFA.
À la suite des premiers retours des coûts contrats en apprentissage, les coûts pour certaines formations seront inférieurs aux coûts régionaux. Par exemple, en Vendée, pour un CAP de maçon, le coût contrat présenté par France compétences est de 5 500 euros, contre 5 910 euros actuellement pour le coût régional.
Si ces différences étaient confirmées sur tous les établissements ayant un cycle de formation CAP, brevet professionnel ou bac pro, cela représenterait un manque à gagner de plus de 100 000 euros.
Par ailleurs, dans les coûts, la question du financement des investissements reste en suspens. Avant la réforme de 2018, les investissements pouvaient être financés par la région, car l'apprentissage était de la compétence de cette dernière. À l'heure actuelle, nous ignorons si c'est avec le coût contrat que les établissements CFA devront financer les investissements et s'ils auront, notamment, la capacité de poursuivre ces investissements pour adapter les plateaux techniques.
Aujourd'hui, les textes annoncent des financements complémentaires aux coûts contrats pour accompagner l'hébergement, la restauration et l'aide au premier équipement, ainsi que pour aider à la mobilité internationale. Mais, à ce jour, le flou demeure et les établissements professionnels sont contraints de préparer leurs budgets prévisionnels sans disposer de toutes ces informations.
Enfin, la suppression du dispositif d'initiation aux métiers par alternance, ou DIMA, sans proposition d'une formation en remplacement, pénalise les jeunes qui, depuis des années, s'inscrivaient dans ce dispositif. Que deviendront ces jeunes, sachant que, a priori, les classes de « troisième prépa métiers » ont été ouvertes, mais pas dans les CFA ?
Au vu de ces éléments, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur la façon dont seront déterminés les coûts, sur les modalités d'attribution des financements complémentaires et, enfin, sur le devenir des jeunes, qui ne peuvent plus bénéficier du DIMA au sein des CFA ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je vous remercie, madame la sénatrice, d'avoir rappelé la dynamique autour de l'apprentissage, à la suite des propos de M. le sénateur Piednoir.
Il est en effet important de rappeler que la réforme pour la liberté de choisir son avenir professionnel a ouvert une nouvelle phase de l'apprentissage, une nouvelle étape, à laquelle l'enseignement professionnel contribue. Cette nouvelle phase nous permet déjà d'avoir plus d'apprentis, en cette année 2018-2019, que l'année précédente.
L'orientation des élèves a également évolué. J'ai dit à chaque principal de collège de France que son établissement ne serait plus évalué en fonction du nombre d'élèves qui partent en voie générale, en voie technologique, en voie professionnelle ou en apprentissage, et cela a eu un impact.
Comme vous l'avez rappelé, la responsabilité de définir le montant du coût du contrat d'apprentissage appartient désormais aux branches professionnelles. Il s'agit d'un coût national : chaque diplôme ou titre aura un coût précis, qui s'appliquera uniformément sur l'ensemble du territoire.
Jusqu'alors, les coûts de l'apprentissage, que l'on appelait « coûts préfectoraux », étaient déterminés au niveau régional, et ils pouvaient être très hétérogènes pour une même formation, ce qui était parfois surprenant. C'est pourquoi il me paraît difficile d'affirmer que, pour tel ou tel diplôme – CAP, brevet professionnel ou autre –, préparé sur l'ensemble du territoire national, le coût proposé par France compétences sur la base des coûts branches professionnelles est inférieur aux coûts régionaux.
S'agissant des coûts annexes de la formation, ceux qui ne sont pas partie prenante du coût contrat sont pris en charge par les opérateurs de compétences, ou OPCO, de façon complémentaire. Il s'agit, notamment, de l'hébergement par nuitée et de la restauration par repas, pour un montant maximal déterminé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle, ou encore du premier équipement pédagogique nécessaire à l'exécution de la formation, selon les besoins définis par domaine d'activité, identiques pour l'ensemble des centres de formation d'apprentis concernés, avec un plafond de 500 euros.
Les frais de mobilité à l'étranger sont également prévus et sont à la charge de l'OPCO. Il s'agit, d'une part, d'un forfait obligatoire déterminé par ce dernier,…
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … et, d'autre part, d'un complément en fonction de la politique de chaque opérateur.
Mme la présidente. Pardonnez-moi de vous avoir interrompu, monsieur le ministre, mais si nous voulons respecter les délais qui nous sont impartis, nous devons tous nous astreindre à respecter la règle.
La parole est à M. Franck Menonville. (M. Alain Marc applaudit.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, connaissez-vous celles et ceux que l'on appelle les « nouveaux artisans » ? Ils sont boulangers, coiffeurs, restaurateurs ou encore agriculteurs et ils ont décidé de se reconvertir volontairement pour répondre, enfin, à leur volonté d'exercer un métier manuel. Ils abandonnent parfois des carrières prestigieuses pour retourner sur les bancs de l'école et apprendre un nouveau métier, celui dont ils rêvaient vraiment.
Ces jeunes en quête de sens et de concret forcent l'admiration. Ils dénoncent aussi, en creux, le mal profond qui ronge l'enseignement professionnel. Parce qu'il n'a pas été suffisamment encouragé et valorisé par les pouvoirs publics, celui-ci est trop souvent perçu comme une voie de garage. Des décennies de politiques malheureuses ont ainsi organisé un immense gâchis, en remplissant des filières d'élèves condamnés à des parcours scolaires et professionnels de second rang. En effet, l'enseignement professionnel est encore trop souvent la dernière option envisagée.
Pourtant, l'enseignement professionnel semble la pièce manquante du puzzle, dans un pays où plus d'un jeune sur cinq est encore au chômage. À l'heure où nous cherchons à diffuser plus largement l'envie d'entreprendre, cette voie pourrait bien constituer l'un des leviers pour redynamiser notre économie et réconcilier notre société avec elle-même.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous lutter contre le blocage culturel qui plombe cette filière ? Comment valoriser efficacement la voie professionnelle auprès des jeunes et des familles ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, votre question est fondamentale. Il est toujours difficile de changer une image, mais je pense que nous avons des atouts pour le faire, à commencer par le solide optimisme qui accompagne cette réforme – j'invite chacun à adopter la même attitude.
Il y a aussi les éléments d'évolution de notre société que vous avez mentionnés. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes titulaires d'un master passent un CAP pâtisserie, et certains fondent ensuite de magnifiques entreprises – je pense en particulier au cofondateur d'une célèbre marque de biscuits. De tels cas sont de plus en plus nombreux. Ils tirent vers le haut l'image de l'enseignement professionnel, la valorisation du travail manuel étant une conséquence des évolutions de la société.
Enfin, les grandes évolutions de notre économie vont renforcer le prestige de l'enseignement professionnel. Je pense notamment à la semaine de l'industrie, que nous avons organisée voilà quelques semaines et qui a permis de montrer que l'industrie du XXIe siècle n'a plus rien à voir avec celle du XIXe siècle, ni même avec celle du XXe siècle. La dimension numérique est forte, et les carrières peuvent être très belles, avec un grand volontarisme des jeunes filles.
Nous devons utiliser ce nouveau contexte pour changer l'image de l'enseignement professionnel.
De plus, l'éducation nationale, en tant qu'institution, doit être cohérente avec ce message de prestige de l'enseignement professionnel. C'est le sens du message que j'ai adressé aux principaux de collèges sur la fin de la hiérarchie dans l'orientation.
Enfin, nous devons valoriser le travail manuel dès la petite enfance. On le fait spontanément à l'école maternelle, mais on cesse ensuite. Ici même, lors de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance, j'ai accepté un amendement sur le travail manuel, parce que je souhaite qu'il soit présent tout au long du parcours.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, les lycées d'enseignement général, technologique et professionnel ainsi que les CFA partagent la même ambition, quelle que soit l'orientation choisie par les élèves : leur réussite.
Toutefois, les réformes du bac professionnel et de l'apprentissage risquent de remettre en question cet objectif.
D'une part, comme l'a rappelé Stéphane Piednoir, la diminution du nombre d'heures d'enseignement général et technique – 40 % en CAP, 20 % en lycée professionnel – met en péril la possibilité pour les élèves d'accéder aux filières supérieures de BTS, faute d'une formation suffisante au regard des exigences.
Ce constat est unanimement partagé par les professeurs, qui signalent également que les nouvelles heures d'enseignement en co-intervention réduisent les mathématiques, le français et les enseignements techniques. Or, si la formation venait à se dégrader, les offres d'embauches présentées seraient, de fait, moins exigeantes et les salaires plus bas.
D'autre part, la réforme de la nouvelle répartition de la taxe d'apprentissage va engendrer des inégalités, alors que cette taxe a pour objet de favoriser l'égal accès à l'apprentissage sur le territoire. La perte de redevance pour la tranche « hors quota » est une inquiétude légitime des enseignants, car ce solde, réduit de 23 % à 13 %, est destiné aux formations professionnalisantes en lycées professionnels.
Monsieur le ministre, comment compenser cette perte de moyens tout en garantissant la qualité et l'attractivité de ces filières, qui ont besoin d'équipements ? Par ailleurs, comment comptez-vous former de futurs professionnels accomplis, passionnés et motivés, alors que le volume horaire d'enseignement ne cesse de baisser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je veux insister sur cet enjeu de la co-intervention. Encore une fois, si la situation actuelle était parfaite, nous n'aurions pas les résultats que nous avons en matière de décrochage et de chômage.
Il faut donc bien agir sur autre chose que des leviers purement quantitatifs. Sinon, il faudrait passer de 35 heures à 40 heures de cours par semaine, et même à 50 heures si cela ne va pas encore… Sortons de « l'absurdie » qui consiste à avoir une vision purement quantitative de ce qui doit être donné aux élèves.
En effet, la réalité, c'est l'absentéisme des élèves, qui décrochent parce qu'ils ne se passionnent pas pour certains types d'enseignement. Les professeurs sont malheureux de cette situation, les conditions générales ne permettant pas l'attractivité de l'enseignement professionnel.
La co-intervention, pour laquelle nous ne partons pas de zéro, est évidemment une piste très intéressante. Et il est faux de dire que les professeurs sont unanimement contre, fort heureusement. L'un des deux grands syndicats représentatifs de l'enseignement professionnel a été très intéressé par certains aspects de cette réforme, et les professeurs d'enseignement général de lycées professionnels en voient très bien l'intérêt. On est donc loin de la contestation que vous avez décrite.
Quant aux moyens en matière d'apprentissage, vous devriez tout d'abord souligner que nous sommes en train de pousser l'apprentissage en lycée professionnel. J'encourage les lycées professionnels à se mettre à la pointe de ce nouveau dynamisme de l'apprentissage, avec la création systématique d'unités de formation par l'apprentissage dans chaque lycée de France, en partenariat avec les régions.
Le mode de calcul de la redevance « hors quota » a changé, mais pas son montant, qui restera de 90 millions d'euros. Ce qui peut changer, en revanche, c'est le dynamisme mis en oeuvre, pour aller chercher plus de moyens grâce à la modernisation de chaque lycée professionnel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Sur le second point, monsieur le ministre, de nombreux enseignants demeurent inquiets, nous le voyons dans les territoires.
Aujourd'hui, les projets comme les séjours professionnels, les visites d'entreprises ou les visites de sites européens sont financés sur la redevance « hors quota ». Demain, ces projets pourraient être purement et simplement annulés. Ce serait très préjudiciable pour les élèves, qui ont aussi besoin de ces découvertes pratiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, quarante-huit heures après un rendez-vous électoral européen majeur, je souhaitais aborder aujourd'hui la possible montée en puissance du programme Erasmus+ à destination des apprentis et des lycéens professionnels.
Le 23 mai dernier, vous avez dévoilé, dans un quotidien national, un nouveau système d'équivalence, afin de conduire plus de la moitié des futurs professeurs, notamment dans l'enseignement professionnel, à faire un stage ou un séjour dans un autre pays d'Europe. De même, les élèves de CAP ou de bac pro pourront obtenir des points en plus s'ils effectuent une mobilité. L'objectif est d'encourager les mobilités européennes et de les valoriser afin de les rendre plus accessibles à des jeunes, en particulier ceux qui sont issus de milieux modestes.
Vous appelez à un « Bologne de l'enseignement professionnel », avec des équivalences par-delà les frontières, qui contribuerait à créer un espace européen de l'enseignement supérieur.
Nous le savons, cet espace ne sera viable que s'il ne laisse aucun territoire de côté. Monsieur le ministre, quels sont les objectifs en la matière, en nombre de bourses, en dispositifs d'accompagnement ? Combien d'élèves de l'enseignement professionnel pourraient être concernés ? Quelle action est-elle possible au niveau européen ?
Je pense également à la possibilité d'un parrainage ou marrainage de la part des étudiants étrangers en mobilité en France et de la part des étudiants français revenus de leur mobilité. En effet, derrière la possibilité matérielle d'une mobilité, il y a aussi le désir de celle-ci, qu'il est possible de susciter en faisant tomber certaines barrières symboliques auprès des élèves les plus éloignés, en les sensibilisant et en les informant.
Il s'agirait d'une sorte de réserve citoyenne européenne, qui ne laisserait de côté ni les enfants de la banlieue ni ceux de la France rurale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, c'est effectivement un enjeu à la fois d'actualité et tout à fait structurel.
Cet objectif de tripler les bourses Erasmus dans les cinq prochaines années figurait dans le programme de la liste Renaissance, et nous allons évidemment pousser ces idées, sur la base des succès déjà existants.
Erasmus est un programme dont tout le monde se félicite, qui a d'ores et déjà un impact sur les élèves en lycée professionnel et les apprentis. Ils étaient 18 500 à en bénéficier l'an dernier, huit sur dix se déclarant satisfaits d'une expérience qui leur a permis d'améliorer leurs compétences techniques, linguistiques et personnelles, mais aussi d'avoir davantage confiance en eux.
Pour le programme Erasmus+ 2021-2027, nous voulons que ce budget soit au moins multiplié par deux, pour atteindre 30 milliards d'euros, ce qui devrait nous permettre de multiplier par trois le nombre de bourses.
Nous voulons que cette nouvelle réalité bénéficie encore davantage à la formation des professeurs, aux apprentis et aux lycéens professionnels. Nous voulons que la fameuse tradition du tour de France des compagnons devienne un tour d'Europe des compagnons et des lycées professionnels, ce qui contribuera aussi à l'évolution du prestige de ces formations.
Nous pouvons donc doubler le nombre de mobilités d'ici à trois ans, pour atteindre 40 000 lycéens et apprentis concernés et 20 000 jeunes passant l'épreuve de mobilité, laquelle est également très appréciée.
Erasmus peut aussi être une façon d'européaniser les lycées professionnels. Nous voulons aboutir à plus de jumelages entre les campus professionnels de France et d'autres pays européens. Nous avons d'ores et déjà des discussions avec les Länder allemands sur ce point, mais nous souhaitons le faire aussi avec d'autres pays européens. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, par une décision du 18 janvier dernier, le Défenseur des droits demandait au Gouvernement de « mener une analyse approfondie concernant la situation de l'affectation des bacheliers technologiques et professionnels dans l'enseignement supérieur et de prendre les mesures nécessaires pour favoriser davantage leur accès dans les formations de leur choix » – je remercie M. Toubon de m'avoir ainsi aidé à rédiger cette intervention ! (Sourires.)
Le Gouvernement n'a pas répondu formellement au Défenseur des droits, me semble-t-il. Monsieur le ministre, au nom de la représentation nationale, je souhaite savoir si vous avez progressé pour remédier à ces discriminations et donner les mêmes droits aux lycéens de l'enseignement professionnel dans la procédure Parcoursup ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, c'est un sujet extrêmement important, et je suis heureux de pouvoir vous répondre très positivement. Je le suis d'autant plus que, tout au long de l'année dernière, nous avons entendu craintes, inquiétudes et angoisses ; elles sont d'ailleurs assez constantes sur ces sujets et finissent par être en partie autoréalisatrices, même si elles sont en partie compréhensibles.
Pour preuve, malgré des chiffres très positifs, nous avons ancré par des discours d'angoisse l'idée que les bacheliers professionnels seraient discriminés. C'est tout le contraire, mais, à force d'entendre qu'ils vont l'être, ils pensent que c'est le cas. C'est pourquoi j'insiste toujours sur le fait que nos discours font aussi partie de la solution.
J'étais en Seine-Saint-Denis en décembre dernier ; j'ai parlé avec des proviseurs qui constataient objectivement que leurs bacheliers professionnels avaient été davantage admis dans l'enseignement supérieur, notamment en BTS. Néanmoins, les lycéens pensaient que c'était l'inverse et, évidemment, ils bridaient leurs ambitions.
Nous devrions tenir des discours fondés sur les chiffres pour créer ce cercle vertueux de l'ambition et de la désinhibition.
Quels sont ces chiffres ? Lors de la dernière rentrée, quelque 68 757 bacheliers professionnels ont reçu des propositions d'admission en BTS, contre 53 729 lors de la précédente rentrée. Pour moi, c'est un chiffre clé, un chiffre social par excellence. Ils sont donc 15 028 de plus, ou 28 %, à avoir reçu une proposition d'admission par rapport au système admission post-bac ou APB.
Nous voulons conforter ces progrès, car, nous le savons, c'est surtout en BTS que les bacheliers professionnels réussissent dans l'enseignement supérieur. C'est la raison pour laquelle, en tant que ministre de l'éducation nationale, j'ai mené une politique volontariste en la matière, en demandant aux proviseurs de réserver plus de places à ces bacheliers professionnels. On en voit les résultats au travers des statistiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, les faits sont ceux du Défenseur des droits, et non les miens : après une enquête et une analyse, il a montré que, dans la procédure Parcoursup, le nombre de réponses favorables pour les lycéens issus des filières professionnelles était nettement moindre. Et les premiers chiffres disponibles montrent que, malheureusement, pour l'épisode 2 de Parcoursup, c'est exactement la même chose. Les discriminations sont là !
J'entends vos chiffres, monsieur le ministre, mais il faudrait aussi les mettre en relation avec l'augmentation importante du nombre de bacheliers.
J'espère vivement que votre collègue Mme Vidal nous transmettra les chiffres pour cette année – à cette heure, nous n'avons toujours pas de bilan complet de la première année de Parcoursup pour les lycéens de l'enseignement professionnel. Nous les examinerons, et je reviendrai peut-être vers vous, monsieur le ministre, ainsi que vers M. Toubon, pour faire valoir les droits des lycéens professionnels, qui ont, selon moi, malheureusement souffert de discriminations dans Parcoursup.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit de l'excellence des formations, force est de constater que le taux d'échec demeure important dans l'enseignement professionnel.
Malgré vos propos très positifs, auxquels on ne peut que souscrire, les mesures contenues dans la réforme présentée il y a tout juste un an ne semblent pas répondre aux enjeux et traduisent plutôt une logique gestionnaire. Si j'en crois l'une de vos déclarations, monsieur le ministre, « le lycée professionnel est celui qui coûte le plus cher, a le plus d'heures de cours et n'est pas synonyme de réussite ».
Est-ce dans la continuité de ce raisonnement que vous réduisez le volume d'heures d'enseignement global à 30 heures par semaine, notamment celui des matières générales ? Le contenu des programmes lui-même a été pour le moins resserré ! Ces aspects risquent fort de minorer la qualité du bac pro et, par là même, l'insertion professionnelle des bacheliers.
En classe de seconde, vous avez annoncé la création des « familles de métiers ». Leur mise en oeuvre effective apparaît toutefois difficile dans certains territoires. Comment cette mesure sera-t-elle appliquée dans les académies qui ne disposent pas de tous les bacs d'une même famille de métiers ?
Cette première année, très généraliste, aura également pour conséquence de déprofessionnaliser les bacheliers professionnels, ramenant le bac pro à deux années de préparation réelle seulement, alors que les entreprises expriment avec force leur besoin de main-d'oeuvre spécialisée. Le Conseil supérieur de l'emploi, le CSE, partageait cette analyse dans son avis de décembre dernier.
Monsieur le ministre, il apparaît que votre réforme ne déploie pas des moyens à la hauteur des enjeux de l'enseignement professionnel, qui contribue pourtant à la réussite et à l'image d'excellence de la France !
Quelles dispositions entendez-vous prendre pour améliorer l'insertion dans le monde du travail de jeunes issus de la voie professionnelle ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, la question que vous posez est importante. J'y ai répondu s'agissant des critères de gestion et, encore une fois, je le redis : notre but n'a pas été de faire des économies.
Nos projets de campus, qui sont bien entendu de la responsabilité des régions, bénéficieront d'un appui financier du programme d'investissements d'avenir. J'ai en effet choisi de mettre en priorité les moyens sur les campus professionnels, et c'est bien là le signe de notre volonté d'investir dans l'enseignement professionnel. Nous voulons non pas faire des économies, mais dépenser utilement pour les élèves.
S'agissant des familles de métiers, il faudrait que chacun fasse le tri de ses arguments. J'entends très souvent que les élèves des filières professionnelles seraient placés trop tôt dans une forme de tuyau dépourvu de réflexivité et de réversibilité, et que cela pourrait expliquer le décrochage de jeunes qui, à 16 ans, ne savent pas encore précisément quel métier ils veulent exercer.
Ce raisonnement par familles de métiers comprend d'ailleurs une certaine symétrie avec ce que nous faisons pour le bac général et technologique, où nous fixons des horizons de grands domaines, et non de métiers précis.
Pour la rentrée de 2019, nous commençons par trois familles : métiers de la construction durable, du bâtiment et des travaux publics, métiers de la relation client et métiers de la gestion administrative, du transport et de la logistique.
C'est l'occasion aussi de moderniser l'approche, en mettant l'accent sur les compétences. J'ai rappelé que nous voulions organiser une forme de « Bologne des lycées professionnels », en raisonnant par briques de compétences pour l'ensemble des diplômes que nous délivrons, avec des équivalences européennes.
En définissant des familles de métiers, l'on raisonnera par grandes compétences et l'on permettra à l'élève d'avoir, dès le départ, des éléments de spécialité forts, mais modulables, pour qu'il puisse ensuite faire des choix au fil de son parcours.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Monsieur le ministre, la réforme de l'enseignement professionnel que veut engager le Gouvernement pour la rentrée de 2019 va conduire à une baisse importante du nombre d'heures d'enseignement général dans le cursus des élèves choisissant cette voie. En effet, le français, l'histoire-géographie et l'éducation morale et civique perdent un volume total de 113 heures sur trois ans.
Or cet enseignement général est indispensable à la formation de ces jeunes élèves, au parcours parfois chaotique et pour qui le lycée professionnel est souvent la seule chance d'avoir un emploi ou de poursuivre des études supérieures.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
Mme Josiane Costes. Aujourd'hui, 38 % des élèves de lycées professionnels poursuivent leur cursus après le bac. Ils n'étaient que 17 % en 2000. C'est une belle progression !
Toutefois, leurs résultats en BTS sont mitigés : seuls 62 % d'entre eux décrochent le diplôme, pour 87 % des bacheliers généraux. En réduisant la part de l'enseignement disciplinaire, on risque de creuser l'écart entre le lycée professionnel et la poursuite d'études.
Les lycéens professionnels ne doivent pas être privés de culture générale. C'est une erreur de croire qu'ils n'en auront pas besoin. Privilégier la pratique et la technique est certes une bonne chose, mais cela ne doit pas se faire au détriment de matières fondamentales pour le développement intellectuel de ces élèves. Seul un socle de valeurs culturelles et citoyennes permettra à ces jeunes de s'adapter aux évolutions du monde et aux métiers qu'ils pratiqueront.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous pallier la baisse de ce nombre d'heures d'enseignement des matières générales en lycée professionnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, j'ai déjà partiellement répondu à votre question, même si j'essaye de dire des choses nouvelles à chaque fois. (Sourires.)
Encore une fois, il s'agit d'une évolution qualitative. Avec la réforme, nous arrivons à 995 heures sur un parcours comprenant la seconde, la première et la terminale – respectivement 360 heures, 336 heures et 299 heures –, auxquelles il faut ajouter les heures de consolidation, d'accompagnement personnalisé et de choix d'orientation, soit 265 heures supplémentaires sur l'ensemble du parcours. La réduction n'est donc pas si forte que cela, et il faut y ajouter la co-intervention. Par comparaison avec d'autres pays, nous conservons un enseignement général extrêmement fort au sein de notre enseignement professionnel.
J'en profite pour adresser un message de considération et d'estime aux 50 000 professeurs des lycées professionnels de France, que ceux-ci enseignent les disciplines professionnelles ou générales. Je sais bien que, là encore, les inquiétudes sur l'avenir sont présentes. Mais leur carrière est importante et, je le dis officiellement, nous avons besoin d'eux pour que leurs compétences servent encore mieux aux élèves, dans un contexte de co-intervention et d'enseignement plus personnalisé.
Je pense que nous avons besoin aussi de plus de coopération et d'un travail d'équipe entre les différentes catégories de professeurs. C'est un point important.
Nous avons besoin d'imprégnation de la culture générale. C'est pourquoi, parmi mes priorités, figurent aussi les projets culturels menés en dehors des heures de cours. J'ai demandé aux recteurs d'accorder la priorité à l'enseignement professionnel en la matière. En outre, bien évidemment, l'enseignement professionnel recèle en lui-même une dimension conceptuelle et culturelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes. Monsieur le ministre, de nombreux élèves en échec scolaire au collège retrouvent confiance et réussite au lycée professionnel.
Un enseignement avec des pratiques pédagogiques souvent très innovantes, dont l'enseignement général s'inspire d'ailleurs, redonne confiance à ces élèves et les remet sur la voie de la réussite.
L'enseignement général au sein de ces établissements permet justement à ces élèves de retrouver confiance en eux en réussissant dans les matières dans lesquelles ils étaient en échec au collège, comme les lettres, les mathématiques ou encore les langues. Il est donc fondamental.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a, de manière fort ambitieuse – nous saluons cette action – rénové le statut des apprentis en s'attachant à corriger son opacité et sa complexité, ainsi qu'à effacer les travers qui contribuaient à en donner une image largement dégradée.
Or l'augmentation de la rémunération des apprentis, le remplacement du système d'aides par une aide unique aux employeurs d'apprentis pour les entreprises de moins de 250 salariés et la suppression des exonérations totales de charges sociales se traduisent par un surcroît significatif pour les employeurs dans certaines situations ; cela concerne particulièrement les apprentis plus âgés.
Par ailleurs, l'aide unique aux employeurs d'apprentis ne couvre pas les diplômes et titres de niveau III.
Or, si cette réforme a, en principe, pour objectif d'améliorer largement le dispositif, il ne faut pas qu'elle induise des conséquences financières délétères pour les employeurs, ce qui in fine les découragerait.
Par exemple, le coût global d'un apprenti de 27 ans embauché dans une entreprise de moins de 250 salariés pour préparer un CAP boulanger, s'élevait, dans le cadre d'un contrat conclu jusqu'au 31 décembre 2018, à 16 744,54 euros, contre 31 845,40 euros pour un contrat conclu à compter du 1er janvier 2019. Ce delta a été constaté dans d'autres secteurs comme la coiffure.
Compromis entre productivité et observation, l'apprentissage d'un jeune représente, malgré tous ces avantages, une charge pour l'entreprise, qu'il ne faut pas négliger.
Aussi, je souhaiterais recueillir votre avis sur deux points d'amélioration, monsieur le ministre.
Quid d'une éventuelle révision du système de rémunération des apprentis, à savoir la création d'un salaire minimum légal de l'apprenti basé sur le seul critère du niveau de diplôme préparé, et ce quel que soit l'âge ?
Par ailleurs, l'aide unique aux employeurs d'apprentis peut-elle être élargie aux formations de niveau III, à savoir le BTS ou le brevet de maîtrise ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir rappelé la dynamique de l'apprentissage que nous avons voulu favoriser.
Le développement de l'apprentissage est au coeur de l'action que nous menons. Nous souhaitons que l'apprentissage ne soit pas contradictoire avec le développement de l'enseignement professionnel, mais, au contraire, qu'ils se confortent l'un et l'autre.
Développer l'apprentissage implique, entre autres, de simplifier les démarches des employeurs afin d'augmenter le nombre de contrats offerts aux jeunes.
Désormais, dans les entreprises de moins de 250 salariés lorsqu'est signé un contrat d'apprentissage pour préparer un diplôme de niveau inférieur ou égal au baccalauréat, une aide unique, qui remplace les quatre aides précédentes, est versée aux employeurs d'apprentis. De plus, l'employeur n'a aucune démarche à engager : cette aide est versée immédiatement.
Ainsi, dès que le contrat d'apprentissage est enregistré par la chambre consulaire, l'aide est versée par l'Agence de services et de paiement chaque mois par anticipation de la rémunération. Le montant de l'aide unique est dégressif : 4 125 euros au maximum pour la première année d'exécution du contrat ; 2 000 euros au maximum pour la deuxième année et 1 200 euros pour la troisième. Un simulateur de calcul de rémunération est disponible sur le portail de l'alternance.
Par exemple, s'agissant d'un apprenti de 16 ans qui prépare un CAP dans une entreprise de moins de onze salariés, le reste à charge mensuel pour l'employeur, déduction faite de l'aide unique et des exonérations de cotisations sociales, s'élève à 73 euros par mois la première année et à 436 euros la seconde année.
Par ailleurs, vous avez insisté sur l'apprentissage après le baccalauréat. C'est un point fort de la France, vous le savez, et, là aussi, des moyens publics viennent en appui des employeurs.
Aujourd'hui, nous concentrons, il est vrai, les dispositifs nouveaux et notre capacité à encourager l'apprentissage sur les niveaux inférieurs parce que c'est là qu'il convient d'encourager le plus l'apprentissage. Mais nous considérons que l'apprentissage dans l'enseignement supérieur n'est pas contradictoire avec les niveaux inférieurs : au contraire, il joue un rôle de locomotive.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la question de l'orientation des élèves vers les filières professionnelles.
En effet, une étude du Conseil national d'évaluation du système scolaire réalisée auprès des 18-25 ans et publiée l'automne dernier a montré que ces jeunes ne sont pas suffisamment accompagnés dans la définition de leurs projets scolaire et professionnel. Ainsi, d'après cette étude, un jeune sur deux déclare ne pas avoir été bien accompagné dans son établissement pour ce qui concerne son projet d'orientation et un jeune sur cinq estime qu'il n'a pas eu le choix de son orientation.
En parallèle, l'objectif des gouvernements successifs de faire en sorte qu'un fort taux d'une même classe d'âge obtienne le baccalauréat – ce taux est passé de 20 % en 1970 à 80 % en 2017 – est de nature à augmenter ce ressenti chez les élèves.
La voie générale est souvent plébiscitée par le corps professoral et les professionnels de l'orientation. Pourtant, nombre de bacheliers échouent ensuite à l'université ou se lancent dans des études parfois longues et se rendent compte, en cours de route, qu'ils ne parviendront pas à les finir ou qu'ils se sont trompés de voie.
En parallèle, des heures de français et d'histoire-géographie ont été supprimées, ces dernières années, dans les filières professionnelles et des bacs pro ont été réduits de quatre à trois ans, voire moins bientôt. Pourtant, cet enseignement est important et les cursus, pourvu qu'ils soient dotés de suffisamment d'heures de cours bien sûr, sont déterminants pour la formation des futurs professionnels.
Au moment où l'on peine à embaucher dans de nombreuses filières professionnelles, ces formations devraient être valorisées.
Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions.
Premièrement – c'est une question plus générale –, pourriez-vous nous préciser les mesures que le Gouvernement entend mettre en place pour faire en sorte que l'enseignement professionnel retrouve ses lettres de noblesse et redevienne le pourvoyeur de jeunes employés formés pour les filières professionnelles qu'ils n'auraient jamais dû cesser d'être, et ce en adéquation avec le marché de l'emploi ?
Deuxièmement, ne pensez-vous pas que la professionnalisation des parcours devrait être abordée dès le collège, à partir de 14 ans, afin d'éviter le décrochage scolaire de certains jeunes, qui sont confrontés à des notions parfois trop abstraites dans les formations classiques ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, évitant tout suspense, je répondrai positivement à vos deux questions.
Premièrement, l'orientation est évidemment un thème fondamental. C'est d'ailleurs un sujet d'actualité : ce matin même, j'ai signé, ainsi que Frédérique Vidal, une convention avec Régions de France, la convention-cadre de la coopération entre l'État et les régions en matière d'orientation. Concrètement, cela signifie que, désormais, les régions ont un rôle direct pour ce qui concerne les heures d'orientation que nous dédions aux différentes classes du collège et du lycée.
Je réponds donc tout de suite positivement à votre seconde question : nous prévoyons 12 heures d'orientation en classe de quatrième, 36 heures en classe de troisième, 54 heures en classe de seconde – c'est une réalité cette année –, ainsi qu'en classe de première et de terminale. Nous concevons toutes ces heures en partenariat avec les régions.
Les lycées sont ainsi appelés à avoir une dynamique particulière, ainsi que les collèges, au travers des semaines d'orientation, des journées portes ouvertes, des initiatives qu'ils souhaitent prendre et qui correspondent à ce volume horaire ou à un volume plus important encore, le tout en collaboration avec les régions, qui ont désormais compétence, en coordination avec l'enseignement supérieur et le monde économique, pour que soient présentés les métiers et les filières de formation. Il s'agit donc une nouvelle dynamique d'orientation.
Concernant la question du prestige et de l'orientation en fin de collège, comme je l'ai dit précédemment, nous avons opté pour la non-hiérarchisation des voeux établissement par établissement : depuis juin 2018 – ce sera a fortiori le cas en juin 2019 –, le collège n'est pas évalué en fonction du nombre d'élèves qui partent dans l'enseignement professionnel – c'en est fini !
C'est le voeu de l'élève qui compte. Selon moi, l'un des indicateurs sociaux et l'un des indicateurs de réussite d'un système scolaire est de voir que le premier voeu sur Affelnet à la fin de la troisième est satisfait, satisfaction que nous visons évidemment à accroître.
Il y aurait beaucoup à dire à propos de vos deux questions, mais, je le répète, c'est en effet dès le collège que nous devons engager un travail d'orientation pour valoriser l'enseignement professionnel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l'enseignement professionnel, annoncée dans ses grandes lignes au mois de mai dernier, doit entrer en vigueur à la prochaine rentrée.
Dans les rangs de la communauté éducative, les choix opérés par le Gouvernement, censés « conduire la voie professionnelle vers l'excellence », interpellent : déspécialisation et déqualification par la réduction des 80 formations existantes à quelques familles de métiers ; diminution des heures de cours ; personnalisation à outrance des parcours ; suppressions de postes d'enseignants ; nombre d'élèves par classe plus élevé. Il est vrai que l'on ne voit pas très bien comment toutes ces mesures peuvent conduire vers « l'excellence »…
L'excellence, nous la connaissons bien dans le Calvados. À cet égard, je citerai le lycée Victor-Lépine à Caen, qui propose le bac pro « Artisanat et métiers d'art option tapisserie d'ameublement », ou encore le lycée Paul-Cornu à Lisieux, qui propose un CAP et un BMA, le brevet des métiers d'art, « Arts de la reliure et de la dorure ». Là-bas, comme ailleurs, cette réforme suscite de légitimes inquiétudes. En effet, la baisse de la part de l'enseignement général dans les formations est considérée comme paradoxale par rapport, je le répète, à l'ambition d'« excellence » affichée.
Si je reconnais que l'école, en particulier l'enseignement professionnel, a pour rôle de préparer des jeunes au monde du travail, je n'oublie pas qu'elle doit aussi, et surtout, former des citoyens et des citoyennes.
Or les élèves seront privés chaque semaine de plusieurs heures de français, de mathématiques, d'histoire-géographie, et l'enseignement de ces matières générales sera principalement au service du métier et des seules compétences techniques.
Très souvent, nous le savons, l'enseignement professionnel permet à des jeunes qui se sentaient exclus du savoir et de la réussite scolaire de se remettre sur les rails.
L'équilibre entre des disciplines professionnelles destinées à l'apprentissage d'un métier et des matières générales qui ne sont pas systématiquement connectées à la profession est essentiel. Or cette réforme appauvrit les contenus des formations et risque de priver les élèves d'une insertion professionnelle véritablement qualifiante, comme de la possibilité de poursuivre des études.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer en quoi le fait de réduire les enseignements généraux dans la formation professionnelle des élèves permettra à ces derniers d'accéder à « l'excellence » ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, j'ai déjà répondu à votre question. J'essaierai, là encore, d'apporter un élément d'information complémentaire.
C'est un fait certain, je le répète, au travers des mesures qui ont été prises, on ne peut pas parler de dévalorisation de l'enseignement professionnel. Il s'agit plutôt d'une approche qualitative.
Dans l'énumération des reproches que vous faites, un terme m'a interpellé : vous avez parlé de « personnalisation à outrance ». Je ne sais pas ce que peut être la personnalisation à outrance, mais plus on personnalise, mieux c'est ! Il est évidemment nécessaire d'avoir une approche personnalisée du parcours de l'élève. Peut-être faites-vous référence au fait que nous ouvrons, par exemple, la possibilité, qui d'ailleurs, en pratique, existe parfois déjà, de préparer un CAP en un an, en deux ans ou en trois ans. Nous sommes fiers de cette personnalisation à outrance.
Comme je l'ai évoqué précédemment, si un élève titulaire d'un master veut préparer un CAP de pâtisserie, il est bon de lui proposer de le passer en un an. A contrario, si un élève a des difficultés d'apprentissage, pourquoi ne pas lui proposer de le faire en trois ans, pour s'adapter à son rythme ? C'est cette souplesse que nous proposons.
Le fait de raisonner par familles de métiers est de nature à éviter que les élèves ne décrochent. Cela leur permettra au contraire d'éprouver progressivement un intérêt de plus en plus précis. Quand on prend des mesures inverses, on nous accuse, je le sais parfaitement, de spécialiser trop tôt.
En raisonnant par grands domaines, l'objectif est de proposer quelque chose d'attractif en seconde. Par exemple, il est souhaitable qu'un cuisinier voie ce que fait un pâtissier et expérimente le service en salle pendant la classe de seconde pour connaître les autres métiers. Cette vision est évidemment au service de l'élève.
Je terminerai mon intervention en évoquant le chef-d'oeuvre, l'une des innovations très importantes qui va dans le sens du prestige de la voie professionnelle et qui englobe la dimension professionnelle et celle de l'enseignement général dans une même approche, avec la dimension de fierté que nous voulons mettre au coeur de cet enseignement professionnel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories.
Mme Pascale Bories. Madame la présidente, monsieur le ministre, de nombreux professionnels de tous horizons de mon département font remonter du terrain une pénurie croissante de personnes correctement formées aux besoins de l'entreprise. Pourtant, l'enseignement professionnel représente plus de 200 CAP et 100 bacs professionnels différents.
Par ailleurs, dans mon territoire du Gard rhodanien, situé en limite géographique départementale et régionale, la plupart des formations professionnelles situées à moins de vingt kilomètres sont installées dans la région voisine, avec un réseau de transport en commun accessible. Malgré tout, ces jeunes n'y ont pas accès, pour la seule raison qu'ils ne sont pas scolarisés dans la bonne académie.
Ma première question sera la suivante : comment permettre enfin à ces jeunes d'accéder à ces lycées professionnels en se fondant sur un raisonnement de bassin économique et d'infrastructures de transport en commun et non plus sur les limites d'académie ?
Ma deuxième question, qui revient sur mon propos en préambule, porte sur l'adéquation entre les demandes de formation et les besoins actuels des entreprises, notamment dans leur secteur géographique. Certaines entreprises n'hésitent plus à ouvrir leur propre centre de formation. Monsieur le ministre, pourriez-vous faciliter la création de ces centres de formation, en vue de développer l'accès à l'emploi ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, votre question est évidemment très importante, j'y ai fait quelque peu référence lors de mon discours liminaire. En effet, il y a un scandale français – il y en a plusieurs, mais c'est peut-être le premier des scandales ! –, c'est l'existence d'un chômage de masse.
Même si les chiffres du chômage s'améliorent – le taux de chômage est aujourd'hui au plus bas depuis 2009 –, la situation reste inacceptable, avec un taux d'un peu plus de 8 %, qui touche particulièrement les jeunes, alors même que des entreprises ne trouvent pas les personnes compétentes pour occuper les emplois qu'elles offrent. Cette situation est évidemment totalement anormale, c'est une spécificité française – nos voisins ne connaissent pas l'ampleur de ce phénomène –, et nous devons évidemment y remédier.
C'est le sens de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et du développement de l'apprentissage, et c'est aussi l'un des objets de la réforme de la voie professionnelle : il s'agit d'ouvrir des perspectives d'avenir.
Je l'ai dit précédemment en prenant l'exemple des industries : des emplois industriels attractifs, bien payés et offrant des perspectives de carrière sont aujourd'hui à pourvoir, mais les jeunes ne le savent pas assez. Il faut évidemment le leur faire savoir, parce que c'est leur intérêt d'y répondre.
Pour répondre concrètement à votre question, je dirai deux choses.
Aujourd'hui, des lycées professionnels offrent des formations magnifiques, qui permettent d'aller vers un emploi. Si des jeunes savaient qu'elles existent, ils les suivraient. Or ces lycées sont en sous-capacité.
Je cite toujours l'exemple d'un lycée que j'ai visité récemment dans les Hautes-Alpes et qui propose une formation à la fois de charpentier et de moniteur de ski : il offre 350 places, mais il compte 220 élèves environ, et l'internat n'est pas complet. Si des jeunes le savaient, il est certain qu'ils s'y rendraient.
Mme Catherine Troendlé. Oui !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C'est pourquoi nous lançons en ce moment même une campagne de publicité en faveur de ces lycées – nous avons recensé toutes les formations de ce type – sur internet. Nous essayons de faire en sorte que l'offre et la demande se rencontrent.
Concernant la création de nouvelles formations, je n'encourage pas les formations ad hoc, car elles peuvent avoir des effets pervers, et il ne me semble pas souhaitable de fragmenter la formation. En revanche, nous devons évidemment favoriser les partenariats entre les lycées professionnels et les branches ou les entreprises, pour faire coïncider les besoins avec les formations, et c'est l'un des objectifs de la présente réforme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Monsieur le ministre, le littoral français est le deuxième le plus étendu au monde. Il est une chance pour notre pays et un levier de croissance à ne pas négliger.
À Marseille, avec près de soixante kilomètres de façade maritime, la ville dispose d'importants atouts dans ce domaine et pourrait même à l'avenir être une vitrine pour notre pays. Pour ce faire, il est primordial d'encourager nos jeunes à se tourner vers les métiers de la mer, en créant un pôle des métiers d'activités maritimes.
Au-delà des traditionnelles activités portuaires, des filières émergentes, comme la protection de l'environnement et l'aménagement du littoral, l'exploitation des ressources biologiques marines, les énergies marines renouvelables ou encore la promotion de la culture de la mer, sont autant d'activités porteuses à stimuler.
Dans une ville où le chômage frappe plus qu'ailleurs et où de nombreux jeunes souhaitent rapidement s'orienter vers un parcours scolaire professionnalisant, ces activités représentent une chance, voire une aubaine.
Aussi, nous devons les inciter à se tourner vers ces métiers de la mer, car la demande est forte, tellement forte qu'elle pousse aujourd'hui, malheureusement, les professionnels à recourir à des travailleurs détachés ou à des entreprises étrangères, lesquelles répondent parfois à des marchés publics ou privés. Or nous pouvons former des jeunes.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question très importante sur un sujet qui m'est cher.
Vous avez raison, la France est un grand pays maritime, le deuxième domaine maritime mondial. Or nous ne sommes pas à la hauteur de cet immense potentiel dont nous disposons, pour les raisons que vous avez décrites.
Le problème que vous soulevez revêt plusieurs dimensions, au premier rang desquelles celle de l'outre-mer. L'outre-mer français, qui est évidemment à l'origine de cet atout, ne bénéficie pas assez de son potentiel maritime.
C'est pourquoi, dans le cadre des assises de l'outre-mer et des suites de ces travaux, j'ai particulièrement veillé à ce que, dans onze territoires d'outre-mer, soit lancé un projet de lycée de la mer – il en existe parfois déjà un –, de telle sorte qu'il en existe partout.
Dans la logique que j'ai évoquée précédemment, nous voulons créer, dans le futur, un réseau entre les lycées de la mer d'outre-mer et ceux de l'Hexagone. Ce grand réseau de la mer français sera de nature à tirer tous les atouts que recèle le littoral français.
Ce point me paraît très important. Sont concernés aussi bien les métiers de l'environnement, ceux du transport maritime que ceux qui sont en relation avec la marine nationale, pour ne prendre que ces exemples. Ce réseau peut nous rendre plus forts.
Par ailleurs, j'ai confié une mission à l'inspecteur général Tristan Lecoq, à laquelle participera aussi la navigatrice Maud Fontenoy, pour engager un travail autour de ces métiers et de ces propositions, non seulement en lycée professionnel d'ailleurs, mais aussi en amont. Trouver les compétences maritimes dans les lycées professionnels contribuerait au prestige de ces établissements.
Le temps me manque pour vous communiquer tous les détails des mesures que l'on pourrait prendre en lien avec votre question, mais nous pourrons en discuter ailleurs. Nous avons la même sensibilité que vous, et ces mesures peuvent aussi concerner le territoire auquel vous avez fait référence, c'est-à-dire Marseille.
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour la réplique.
Mme Samia Ghali. Je veux remercier M. le ministre de sa réponse, qui est essentielle. Si nous voulons que Marseille devienne une capitale euro-méditerranéenne et ne se fasse pas voler par les autres ports ce savoir-faire français, il importe d'aller dans cette voie. J'ai compris que vous vous l'avez entendu, et, pour moi, c'est important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les sections d'enseignement général et professionnel adapté, plus connues sous l'acronyme Segpa.
Comme vous le savez, les Segpa ont été créées en 1996, afin de répondre aux difficultés rencontrées par les élèves en situation d'échec scolaire important. Ces classes, restreintes en nombre d'élèves, ont pour vocation de mener les élèves vers une qualification diplômante, le plus souvent dans une filière d'enseignement professionnel. Ces classes spécialisées permettent, chaque année, à des élèves ayant décroché de rattraper un peu le train de leur scolarité. Cependant, des améliorations sont certainement possibles.
À une époque où chacun s'accorde sur le fait qu'il est nécessaire de revaloriser les professions manuelles, comme vous l'avez souligné, j'estime qu'il est fondamental que les formations préparant à ces professions bénéficient d'une image positive et attractive. Or, si l'on cantonne les enseignements manuels et la préparation au lycée professionnel aux seuls élèves en difficulté, on associe indirectement la profession manuelle à l'échec scolaire.
C'est pourquoi, tout en étant consciente que les élèves dans ces classes sont en grande difficulté, une modification de la structure des classes de Segpa me semble nécessaire et souhaitable, afin de rendre à ces derniers un peu de fierté dans la préparation de leur métier.
Ainsi, nous pourrions envisager des classes d'enseignements mixtes qui accueilleraient des élèves se prédestinant à une filière professionnelle où l'enseignement général et l'enseignement professionnel pourraient cohabiter de manière constructive, afin de les accompagner vers les filières professionnelles, tout en ne négligeant pas l'acquisition des savoirs fondamentaux. Peut-être vous souvenez-vous des classes de transition, mais les élèves de Segpa sont en plus grande difficulté encore.
Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement concernant l'éventualité de faire évoluer le cadre de la filière Segpa, en vue de l'inscrire dans un processus de revalorisation à la fois des élèves et des filières professionnelles ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui porte, là encore, sur un sujet très important.
Vous me donnez ainsi l'occasion de le dire pour la deuxième fois – je l'ai indiqué lors de la discussion de la loi pour une école de la confiance, mais je suis heureux de le répéter fortement –, je tiens beaucoup au dispositif des Segpa. Il est hors de question de l'affaiblir. Peut-être convient-il de le faire évoluer, mais certainement pas de l'affaiblir, car il a prouvé son utilité, et nous en avons besoin.
Toutefois, les évolutions souhaitables correspondent au raisonnement que nous avons concernant d'autres sujets. Il n'est pas souhaitable que la Segpa soit une bulle dans notre système ; il faut qu'elle soit articulée avec le reste du collège, et ce pour le bénéfice de tous, y compris des élèves qui ne sont pas dans ces sections.
Les Segpa disposent souvent d'équipements de grande valeur ou d'équipements intéressants, qui peuvent permettre à l'ensemble des élèves du collège de faire un travail manuel, ce qui valorise l'activité des élèves de Segpa. C'est aussi une façon de redonner du prestige au travail manuel et de préparer certains élèves au lycée professionnel.
La Segpa doit être conçue comme étant pleinement intégrée. Cette vision correspond évidemment aussi à notre politique de l'école inclusive : nous renforçons les différentes dimensions de l'école inclusive, donc aussi du collège inclusif. Vous le savez – c'est l'une des caractéristiques de la rentrée prochaine –, plus les Segpa sont justifiées dans leurs particularités, plus elles justifient le lien avec l'enseignement professionnel ensuite.
Par ailleurs, il est important que nous portions une attention très personnalisée sur les élèves des Segpa, notamment sur la suite de leur parcours après la classe de troisième. C'est le sens de la personnalisation dont nous parlons beaucoup dans le cadre de la réforme. Nous devons assurer un suivi, pour faire en sorte que ces élèves détiennent un diplôme à la sortie du système scolaire. Nous le savons, ceux-ci obtiennent très fréquemment un CAP.
Les Segpa nous montrent plutôt la voie de ce que nous devons faire en matière d'adaptation. C'est pourquoi les différents acteurs des Segpa peuvent être rassurés, même si, bien entendu, des évolutions en termes d'organisation sont souhaitables pour les renforcer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de votre volonté de continuer à soutenir les Segpa, même si celles-ci doivent connaître une évolution.
J'évoquerai un sujet annexe, à savoir la question des élèves ayant décroché. Il conviendrait que notre système d'instruction favorise le développement des sports cérébraux. Certains enfants sont particulièrement doués dans cette activité, qui renforce l'estime de soi. Le joueur d'échecs qui, je le sais, sommeille en vous sera peut-être attentif à cette activité valorisante pour les élèves.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier.
M. Michel Forissier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteur pour le Sénat de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, j'ai oeuvré, avec mes collègues Frédérique Puissat et Catherine Fournier, pour une meilleure articulation entre la scolarité, l'orientation professionnelle et l'accompagnement de proximité des jeunes, qu'ils soient élèves, étudiants ou apprentis, dans leur parcours de formation, en insistant sur l'objectif de déboucher sur un métier porteur d'avenir.
Le travail porté sur la question de l'apprentissage en France vaut pour l'enseignement professionnel. Nous n'avons pas là deux entités qui s'affrontent, puisque l'objectif est commun : la réussite des jeunes, laquelle passe par un encadrement et une animation du système éducatif professionnel à la hauteur des besoins des métiers et des jeunes.
Je voudrais dire à cette occasion, comme je l'ai fait lors de l'examen de la loi de 2018, que l'État, par l'intermédiaire de l'éducation nationale, ne doit pas se priver de la connaissance du tissu économique dont disposent les régions, mais favoriser les pratiques de formation en alternance.
L'enseignement professionnel ne doit plus être un choix par défaut. Il concerne un quart des lycéens, et il n'est pas le parent pauvre de l'enseignement général ou de l'apprentissage.
Les campus de formation professionnelle existent déjà. Vous avez bien raison de vouloir les généraliser. Par exemple, dans les métiers de la restauration, les métiers de bouche et de l'hôtellerie, à Dardilly, près de Lyon, le lycée Rabelais, qui comprend aussi un CFA, fonctionne en relation avec la filière gastronomique de la région lyonnaise et porte des projets européens.
Cependant, dans votre volonté affirmée de sonner la mobilisation générale, il nous semble aberrant, monsieur le ministre, que la compétence des régions ait été réduite à une simple information sur l'orientation.
Comptez-vous revenir sur cette décision, qui, pour nous, est une erreur stratégique, et rendre une place plus importante aux régions, pour que celles-ci puissent agir sur des spécificités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. De nouveau, monsieur le sénateur, je suis en situation de répondre positivement à votre question, à la lumière de ce qui s'est passé ce matin. Toutefois, je n'utiliserai pas les mêmes termes que vous : nous ne réduisons pas les compétences des régions à la simple information.
Nous avons, ce matin même, en très bonne intelligence avec l'Association des régions de France, signé ce document, que vous pouvez évidemment prendre pour référence, et qui permet de définir le rôle des régions dans l'orientation. Il n'y a pas que l'information ; il s'agit d'un véritable rôle en matière d'orientation, qui sera évidemment différent d'une région à l'autre. Chacune se saisira à sa façon de ce rôle, mais je ne doute pas qu'une dynamique s'enclenchera dans chaque région.
Je tiens à votre disposition à la fois la convention signée ce matin et le dossier qui l'accompagnait, lequel permet de voir que les régions se sont déjà préparées pour cela.
Elles se sont préparées notamment pour occuper ce domaine horaire que nous avons défini pour chaque année d'enseignement. C'est important : dans le domaine de l'enseignement professionnel, cela représente une centaine d'heures par an, ce qui va permettre à la région d'exister dans ce cadre.
Nous venons d'ouvrir un chemin très important, qui ne correspond pas un désengagement de l'État – en effet, l'orientation représente une dimension stratégique pour l'éducation –, mais à un véritable partenariat entre les régions, l'État et l'éducation nationale. Cela signifie aussi que les régions vont pouvoir développer, prendre des initiatives, être créatives sur ces sujets, au moment même où la révolution numérique change certaines donnes de l'orientation.
Nous avons tous beaucoup à gagner dans ce partenariat entre, d'une part, l'éducation nationale, avec notamment une institution comme l'Onisep, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, et les régions, qui ont une bonne connaissance du terrain, du monde des entreprises locales, de l'économie régionale, mais également de l'enseignement supérieur régional.
Ce travail d'ensemblier que nous effectuons doit nous permettre d'être au service des élèves et de leurs familles. C'est tout le sens de notre action, qui suscitera, je le crois, une belle dynamique.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, pour la réplique.
M. Michel Forissier. Monsieur le ministre, je vous ai posé cette question, car, vu ce qui s'est passé ce matin, je comprends encore moins que vous n'ayez pas accepté les propositions du Sénat pour les graver dans le marbre de la loi ; en effet, elles allaient bien dans ce sens.
Pour ma part, je n'aime pas beaucoup les partenariats ou les chartes de coopération ; je préfère que tout soit gravé dans la loi, car cela justifie le travail du Parlement, qui doit être respecté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur deux situations parisiennes.
Tout d'abord, celle du CFA d'ameublement dit « La Bonne Graine ». En effet, les orientations et arbitrages récents de l'État modifient profondément l'attribution des ressources publiques pour ce type d'établissement.
Les responsables de La Bonne Graine ont calculé l'impact du nouveau modus operandi, qui risque de les fragiliser, voire de les contraindre à fermer leurs portes. La région d'Île-de-France est alertée, mais je souhaite surtout que l'État ne se désintéresse pas trop vite d'un CFA qui est vraiment la référence des métiers d'art en France.
Ensuite, je veux aborder le projet d'une grande école hôtelière dans le XVIIe arrondissement, à savoir le projet Médéric 2024.
La perspective est nettement plus positive, puisque ce projet, porté par Didier Chenet, le président du groupement national des indépendants, le GNI de l'hôtellerie-restauration, a pour ambition d'implanter à Paris la grande école hôtelière gratuite qui lui fait défaut. Un établissement pour les professionnels, géré par les professionnels, qui pourra rivaliser avec les plus grandes références internationales, et où 1 200 apprenants seront formés à plus de 25 métiers de l'hôtellerie-restauration, avec notamment un hôtel d'application, ce qui n'existe pas à Paris.
C'est un projet soutenu par les autorités politiques locales, le maire du XVIIe arrondissement, Geoffroy Boulard, ainsi que par un grand nombre de grands chefs étoilés et de professionnels divers. L'État doit soutenir activement ce projet, car il participe de la vitrine de la France et de l'excellence de l'apprentissage.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je ne pourrai bien sûr pas répondre sur chacun des projets particuliers que vous avez mentionnés, mais votre intervention montre bien que nous avons créé ces dernières années un écosystème, lequel permet aujourd'hui à plusieurs projets de ce type de s'épanouir. Cela peut prendre la forme de CFA ou de lycées professionnels, voire les deux à la fois.
À cet égard, je veux insister sur ce que nous mettons derrière l'idée de campus, qui suppose souvent l'alliance de deux structures en matière d'apprentissage et d'enseignement professionnel scolaire : en effet, l'une des caractéristiques de notre action est de ne plus opposer les deux et de considérer qu'un parcours d'élève personnalisé peut parfaitement mener, à certains moments, à l'enseignement professionnel scolaire et, à d'autres moments, à l'apprentissage.
Nous encourageons ce type de logique. Le Gouvernement sera en soutien de tout ce qui permet de favoriser l'emploi des jeunes et leur formation. Je rappelle que la loi pour l'école de la confiance, que vous avez récemment votée, prévoit aussi des formations pour tout jeune de 16 ans à 18 ans quand celui-ci n'est pas déjà dans une formation ou dans un emploi. Elle crée donc aussi un contexte très favorable pour ce type d'initiative.
Nous allons donc voir émerger, au cours des prochains mois et des prochaines années, de grands campus, qui correspondent aux grands domaines d'embauche. Il faut évidemment que des partenaires, qui peuvent être privés, comme dans les exemples que vous avez donnés, ou publics, réussissent ensemble à créer cette nouvelle dynamique au service des jeunes.
Je pense que nous aurons ainsi un modèle français de formation professionnelle extrêmement intéressant. Nous nous serons inspirés en partie de nos voisins, comme la Suisse et l'Allemagne, deux pays que nous avons beaucoup étudiés, mais il y en a eu aussi d'autres, tout en faisant quelque chose de proprement français, parce que notre tradition d'enseignement scolaire professionnel est magnifique. Elle constitue un atout considérable.
Nous avons à renforcer notre tradition d'apprentissage, qui est elle aussi très belle. En insistant sur les deux à la fois, nous obtiendrons un système mixte excellent pour nos élèves et les projets de ce type.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je voulais vraiment attirer votre attention sur ces métiers et ces secteurs, qui touchent à la tradition, à l'excellence française et à la transmission du savoir-vivre français dans le monde.
Source http://www.senat.fr, le 5 juin 2019