Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à Sud Radio le 17 juin 2019, sur la tenue des épreuves du baccalauréat et le projet de réforme de "l'école de la confiance".

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Intervenant(s) : 
  • Frédérique Vidal - Ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Frédérique VIDAL.

FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.

PATRICK ROGER
Dans un quart d'heure tout juste le début du bac, donc les épreuves vont-elles être perturbées par les profs grévistes, qui boycottent la surveillance ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel BLANQUER, a rappelé que tout avait été fait pour que les épreuves se déroulent normalement, et ce sera le cas, et il a rappelé aussi la confiance qu'il avait dans les enseignants, qui ont préparé pendant toute l'année les jeunes pour ces épreuves, et qui seront là pour les soutenir et les accompagner, j'en suis sûre.

PATRICK ROGER
Qu'est-ce que vous dites aux profs grévistes ce matin, Frédérique VIDAL ?

FREDERIQUE VIDAL
Disons qu'il y a eu 18 mois de concertation autour de la loi sur l'école de la confiance, et que, évidemment, j'entends bien que tout le monde ne soit pas forcément satisfait des résultats, mais la concertation a eu lieu, les discussions ont eu lieu, elles se poursuivent sur un certain nombre de sujets, et je crois que personne ne comprendrait qu'on prenne nos enfants en otages le jour du bac.

PATRICK ROGER
Oui, mais qu'est-ce qui bloque selon vous, est-ce que c'est le nouveau système qui va entrer en vigueur, ils dénoncent une usine à gaz avec ce nouveau système, avec le contrôle continu d'un côté, la notation par d'autres profs d'établissement, l'épreuve au final, et puis un grand oral, ou est-ce que ce sont des conditions financières ou autre chose ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, notre objectif c'est toujours le même, c'est de faire en sorte de donner toujours plus de choix et toujours plus d'opportunités à des jeunes qui sont de plus en plus divers, et c'est ce que va permettre la réforme du baccalauréat, et ça c'est évidemment quelque chose qui est essentiel. Alors, bien sûr, les choses changent, et chaque fois que les choses changent ça génère aussi du stress, parce que même quand un système est reconnu comme étant perfectible, on se dit que ça au moins on le connaît et que plonger dans l'inconnu c'est toujours un petit peu angoissant, donc ça c'est une première chose. Et puis il y a effectivement aussi des revendications salariales, mais là Jean-Michel BLANQUER a indiqué que les discussions se poursuivraient dans le cadre des négociations classiques.

PATRICK ROGER
Donc ce n'est pas fini, il va y avoir encore des discussions, des négociations, c'est ce que vous faites justement à ces profs grévistes.

FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, et Jean-Michel BLANQUER l'a indiqué de manière très claire, il n'a pas changé d'avis là-dessus, bien sûr que les discussions vont continuer.

PATRICK ROGER
Alors, futurs bacheliers, futurs étudiants évidemment, où en sont les affectations sur Parcoursup aujourd'hui ? Parce que c'est ça finalement le plus important, c'est l'orientation et la suite derrière, même s'il faut avoir le bac, bien sûr.

FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, l'orientation c'est effectivement quelque chose qui est essentiel. Aujourd'hui, au moment où les épreuves démarrent, il y a 85 % des bacheliers qui ont reçu des propositions…

PATRICK ROGER
85 % ont reçu des propositions d'affectation !

FREDERIQUE VIDAL
D'affectation, oui, donc voilà, le processus se déroule, normalement j'allais dire, et c'est pour ces bacheliers, évidemment, une sécurité et un peu plus de tranquillité que de savoir ce qui va se passer après, et ce que je veux dire aux autres c'est que les choses ne sont pas finies, bien sûr…

PATRICK ROGER
Tout le monde aura de la place ?

FREDERIQUE VIDAL
Oui, bien sûr, c'est l'objectif.

PATRICK ROGER
Par rapport à l'année dernière, c'était la première année, donc cette année – bon, on a dit il y a eu quelques petits bugs au début – vous avez le sentiment que ça avance mieux Parcoursup ?

FREDERIQUE VIDAL
Moi c'est ce que me disent, d'abord, les proviseurs, qui disent que le fait que le système tourne pour la deuxième année fait que les professeurs principaux, les conseils d'orientation, les élèves, leurs familles, ont vu que ça avait fonctionné la première année, donc sont aussi, probablement, un peu moins angoissés. Mais, ce que j'ai envie de dire c'est que l'année du bac, par définition, c'est une année spéciale, préparer son entrée dans le supérieur, par définition, c'est un moment particulier.

PATRICK ROGER
Est-ce qu'on ne devrait pas améliorer l'orientation justement, aussi, parce que sur l'orientation, on sent parfois les élèves un petit peu perdus !

FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, c'est très important, et non seulement il faut améliorer l'orientation, mais il faut arrêter d'en faire un enjeu définitif, c'est-à-dire que, une orientation ça se construit, on commence par regarder ce qu'on apprécie comme matières, et puis à partir de là on essaie de regarder quels sont les métiers qu'on apprécie, et puis après on essaie de faire correspondre à la fois ses aptitudes, et ses goûts, et c'est un processus très long l'orientation, c'est pourquoi on a décidé de faire démarrer l'orientation dès le début du lycée, et d'avoir même des…

PATRICK ROGER
Dans la réforme, dans la nouvelle réforme, il y a…

FREDERIQUE VIDAL
Absolument, 52 heures d'orientation à partir de la seconde, et puis, même, en amont, la possibilité, et c'est quelque chose qu'on travaille avec les régions, puisque maintenant les régions sont très impliquées dans l'orientation, la possibilité de faire rencontrer à des jeunes collégiens, des professionnels qui vont venir parler de leur métier, parce qu'on se rend compte que globalement les jeunes choisissent des métiers par rapport à leur environnement et par rapport au métier qu'exercent les gens qui sont autour d'eux, et on pense que c'est très important qu'ils rencontrent des professionnels qui viennent parler avec passion de ce qu'ils font.

PATRICK ROGER
Et qu'on leur dise aussi les métiers qui seront encore là dans 15 ans, dans 20 ans, ou les nouveaux métiers, parce que c'est ça, quand même, tout l'enjeu.

FREDERIQUE VIDAL
Oui, mais tout l'enjeu du supérieur c'est vraiment d'être dans cette dynamique où on apprend à apprendre, et il faut absolument développer la formation tout au long de la vie, et la formation continue. On n'a plus des carrières linéaires aujourd'hui, les jeunes le savent d'ailleurs, et je crois que pour beaucoup d'entre eux ils sont prêts à avoir cette vie professionnelle riche et variée, mais évidemment il faut que les conditions, d'obtention d'un premier diplôme, le fait de travailler, le fait d'être capable de valoriser ce qu'on a appris pendant qu'on travaillait, pour aller vers un autre diplôme plus tard, c'est vraiment tout ça qu'il faut… il faut donner une respiration, en fait, à l'enseignement supérieur.

PATRICK ROGER
Frédérique VIDAL, en tant que ministre de l'Enseignement supérieur justement, alors sur les 743.000 candidats au bac ce matin, près de la moitié, 47%, passent un bac technologique ou professionnel. Souvent on parle des généraux et un peu moins, en fait, des autres, est-ce qu'on ne devrait pas les mettre en évidence parce que, pour éviter toute stigmatisation, et c'est eux aussi qui peuvent permettre de lutter contre le chômage, non ?

FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, et on sait qu'on a des demandes extrêmement fortes, notamment au niveau de l'industrie, le Salon du Bourget ouvre aujourd'hui, dans l'aéronautique…

PATRICK ROGER
Ce matin, bien sûr.

FREDERIQUE VIDAL
Il y a énormément de carrières. Moi j'ai tendance à dire que, c'est pour ça que c'est très important que les gens viennent parler de leur métier, parce que, être chaudronnier, je ne pense pas que ça fasse rêver qui que ce soit, pourtant, exercer ce métier, dans l'aéronautique par exemple, c'est juste passionnant, donc je crois que ça c'est très important. Et puis un bac professionnel, on a tendance à l'oublier, c'est en fait un bac qui est extrêmement exigeant, parce qu'il faut à la fois répondre aux conditions qui permettent d'avoir un bac, mais aussi être capable de faire des choses…

PATRICK ROGER
Oui, là il faudra sensibiliser les profs, qui n'ont pas tendance, aussi, à valoriser, bien souvent, ces filières professionnelles et technologiques, non ?

FREDERIQUE VIDAL
C'est tout le processus qui a été mis en place avec Muriel PENICAUD, avec Jean-Michel BLANQUER, avec moi, sur la valorisation de l'apprentissage. On a trop souvent pensé, en France, qu'on ne pouvait rentrer que par le savoir, en fait on peut… le savoir-faire est aussi très important, et rentrer par le savoir-faire pour aller, y compris plus tard, vers des diplômes qui exigent plus de savoir que de savoir-faire, c'est tout à fait possible, et c'est ça qu'il faut qu'on valorise.

PATRICK ROGER
Oui. Il y a la grève des urgences qui est toujours en cours, le relèvement du numerus clausus, ça c'est une bonne chose, ça peut susciter de nouvelles vocations ?

FREDERIQUE VIDAL
Le relèvement du numerus clausus c'est la fin d'un immense gâchis en fait, avec énormément de jeunes lycéens, bacheliers, brillants, qui finalement se retrouvaient exclus d'un système…

PATRICK ROGER
Ou alors qui allaient à l'étranger, qui allaient en Hongrie, en Espagne, etc.

FREDERIQUE VIDAL
Ou qui allaient à l'étranger, mais qui, avant toute chose, et moi je pense que c'est très important pour construire ensuite toute sa vie, prenaient deux échecs violents après, finalement, un lycée où ils avaient été plutôt considérés comme de bons élèves.

PATRICK ROGER
Le Service National Universel, c'est parti, vous serez à Tourcoing cet après-midi, c'est une bonne chose, même si ce n'est que 12 jours pour l'instant ?

FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'est une bonne chose, d'abord parce que ça permet de rencontrer d'autres jeunes, qu'on n'aurait pas forcément eu l'occasion de croiser, et ça c'est vraiment, le fait qu'on mélange les jeunes de façon géographique, et puis je crois qu'on néglige trop souvent l'angoisse qu'on peut avoir à 16 ans de se sentir seul, différent, et je crois que rencontrer d'autres jeunes, et voir que quelle que soit son origine sociale ou géographique, on partage les mêmes questions, ou les mêmes angoisses, ça participe aussi à créer de la cohésion.

PATRICK ROGER
Frédérique VIDAL, vous avez passé forcément votre bac, vous, un jour, c'était où ?

FREDERIQUE VIDAL
C'était à Nice.

PATRICK ROGER
Vous aviez réussi parfaitement, vous êtes une scientifique ?

FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'était un bac C à l'époque, et j'avais plutôt moins bien réussi les maths que ce que j'avais fait pendant toute l'année…

PATRICK ROGER
Ah ben, pour une scientifique !

FREDERIQUE VIDAL
Plutôt beaucoup mieux réussi la physique, voilà.

PATRICK ROGER
Oui, comme quoi on peut un peu se planter, et puis réussir par la suite quoi !

FREDERIQUE VIDAL
Mais oui, bien sûr, et je crois que ça c'est très important, heureusement qu'on n'est pas déterminé par une note, à un examen, une fois dans sa vie.

PATRICK ROGER
Le mot de la fin, Frédérique VIDAL, avec Cécile de MENIBUS.

CECILE DE MENIBUS
Moi je vais vous dire que, à l'heure des innovations technologiques, est-ce que, on parle bac justement, est-ce que vous avez anticipé les éventuelles tricheries ? Pour rappel, l'Algérie l'année dernière avait carrément coupé Internet, bon c'était très radical, dans tout le pays, pour éviter les fraudes, mais est-ce qu'on anticipe justement en disant comment ils vont tricher cette année ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors oui, il y a toujours, évidemment, cette question de la triche le jour du bac. D'abord je crois que c'est un phénomène qui est très minoritaire, et puis je pense qu'il faut surtout rappeler…

CECILE DE MENIBUS
C'est 1 sur 1000, ce n'est pas plus que ça.

FREDERIQUE VIDAL
Voilà, et je crois qu'il faut surtout rappeler les risques. Est-ce que ça vaut le coup de prendre le risque de tricher le jour du bac sachant qu'on peut ensuite aller jusqu'à être exclu pendant 5 ans de tous les examens et de l'inscription dans tous les établissements d'enseignement supérieur ? Moi je crois que ça vaut le coup de travailler et puis de donner le meilleur de soi-même pendant les épreuves.

CECILE DE MENIBUS
Ou de le rater et de recommencer…

FREDERIQUE VIDAL
Ou de le rater et de recommencer.

PATRICK ROGER
Ah ben non!

CECILE DE MENIBUS
L'année dernière il y avait une dame de 50 ans qui avait pris la place de sa fille qui en avait 16, et elles pensaient que ça ne se verrait pas, et ça s'est vu. Merci beaucoup. Vous avez un invité surprise.

IMITATION D'EMMANUEL MACRON PAR DANY MAURO
Salut Frédérique, c'est ton président. Tu as récemment déclaré qu'il était crucial pour la France de rester un acteur majeur du spatial européen, ça tombe bien, tu bosses avec un astre solaire, qui se surnomme Jupiter, qui a mis ses concurrents en orbite. Mais au-delà de cette voie lactée, que j'ai tracée depuis mon élection de 2017, si on devait construire un nouveau lanceur équipé d'une intelligence artificielle, plus puissant qu'Ariane 6, je devrai plutôt, d'après toi, le surnommer Edouard PHILIPPE 2 ou CASTANER 0 ?

FREDERIQUE VIDAL
Eh bien c'est tout l'objet de ce qu'on a créé, qui s'appelle ArianeWorks et qui est là pour justement préparer les lanceurs du futur, le nom je crois qu'on le choisira quand on aura regardé le lanceur, il y a toujours un peu de poésie dans le choix des noms.

EMMANUEL MACRON
Bon, Emmanuel III, c'est pas mal alors plutôt !

PATRICK ROGER
Voilà, c'est ça. En tout cas, confiance renouvelée pour tout le gouvernement, vous allez passer l'été tranquille ou pas, Frédérique VIDAL ?

FREDERIQUE VIDAL
Le gouvernement est au travail, il a toujours été…

PATRICK ROGER
Non, parce qu'on avait dit il y aura peut-être du remaniement après les européennes.

FREDERIQUE VIDAL
On entend toujours beaucoup de choses, je crois que l'important c'est de rester concentré sur ce qu'on fait.

PATRICK ROGER
Voilà, c'est ça. Eh bien ça c'est une bonne leçon aussi pour ceux qui vont aller…

CECILE DE MENIBUS
Les bacheliers.

PATRICK ROGER
Les candidats, là, qui vont aller dans quelques minutes…

FREDERIQUE VIDAL
Absolument.

PATRICK ROGER
Il ne faut pas qu'ils paniquent, c'est ça, quand ils reçoivent le sujet.

FREDERIQUE VIDAL
Je leur conseille de respirer et de lire le sujet, et ça va bien se passer.

PATRICK ROGER
Voilà, merci, les conseils de Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, qui était l'invitée de Sud Radio ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juin 2019