Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à France-Info le 4 juillet 2019, sur le déploiement du service national universel (SNU).

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE


Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Les résultats du bac 2019 seront donc dévoilés demain dans toute la France, savez-vous combien de copies manqueront à l'appel à cause de la grève des correcteurs ?

GABRIEL ATTAL
On aura un point en fin de matinée. Hier soir on a fait un point, on était à peu près à 80.000 copies manquantes, ce qui veut dire que ça a diminué de moitié en même pas 24 heures.

MARC FAUVELLE
80.000 sur un total d'environ 4.000.000.

GABRIEL ATTAL
Quatre millions, voilà, et donc là on saura, on espère, a priori en dessous des 50.000 aujourd'hui. Donc, c'est une difficulté, qui est réelle, qui cause du stress aux candidats, et moi c'est à eux que je veux penser, à leurs familles qui attendent leurs résultats avec une bonne dose de stress comme c'est toujours le cas dans le baccalauréat, et donc l'objectif c'est évidemment que ça ne leur soit pas préjudiciable.

MARC FAUVELLE
Vous reconnaissez que vous vous êtes trompé sur cette affaire ? Toute la semaine Jean-Michel BLANQUER avait expliqué que ça n'aurait pas de conséquences.

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, on a fait le pari de la confiance et de la sérénité avec les enseignants, et moi je veux insister sur le fait que l'écrasante majorité des professeurs joue le jeu, même si certains peuvent avoir des doutes, au fond on ne peut pas pénaliser des élèves, des candidats, que les professeurs ont préparé eux-mêmes pendant toute l'année à cette épreuve, qui est extrêmement importante pour eux. Et moi je veux vraiment insister là-dessus, saluer le corps professoral dans son ensemble, qui s'est mobilisé, parce qu'il ne faut pas que cette situation elle jette l'opprobre sur toute une profession. On nous avait expliqué d'abord qu'il y avait un risque que les épreuves ne puissent pas se tenir, qu'il n'y ait pas suffisamment de surveillants dans ces épreuves, ça s'est déroulé dans de bonnes conditions parce qu'on s'est mobilisé, et là on se mobilise pour que les résultats arrivent dans des conditions de sérénité.

RENAUD DELY
Alors Gabriel ATTAL, vous le disiez, il reste quand même un risque que demain quelques milliers de copies ne soient pas notées et rendues, que ces résultats ne soient pas communiqués aux candidats, votre ministre de tutelle, Jean-Michel BLANQUER, eh bien il pense avoir trouvé la parade.

JEAN-MICHEL BLANQUER, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE
Pour le cas où il y aurait encore quelques notes manques, ce qui arrive à chaque session du baccalauréat, parce que parfois vous avez des pertes de copies, vous avez des problèmes pratiques, dans ces cas-là la solution que l'on retient c'est de donner la note de contrôle continu de l'année, de l'élève, c'est donc ce que l'on fera, ça sera donné à titre provisoire vendredi, ce qui permettra à l'élève d'avoir son résultat. Si en début de semaine on a finalement la copie, et que la note est meilleure, c'est cette note-là qui sera retenue, mais sinon c'est la note provisoire qui sera la note définitive.

RENAUD DELY
C'est un peu acrobatique, non, c'est du bricolage cette solution Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
On répond à une situation exceptionnelle par une mesure exceptionnelle, mais qui, comme l'a dit Jean-Michel BLANQUER, est appliquée par exemple quand un paquet de copies est perdu, ce qui peut arriver.

RENAUD DELY
Ce qui est extrêmement rare…

GABRIEL ATTAL
Ce qui est rare, mais ce qui peut arriver. L'important, encore une fois, c'est la sérénité des candidats et que ce ne soit pas eux qui portent le préjudice de cette action extrêmement marginale, de professeurs qui ont décidé de faire payer aux élèves leur mobilisation, qui est parfois politique. Donc oui, on prend cette mesure qui est exceptionnelle, et on la prend de manière à ce que ça ne soit pas préjudiciable pour les élèves, en gros, aucun candidat au baccalauréat ne pourra apprendre, par exemple, qu'il a le baccalauréat vendredi, pour apprendre finalement qu'il ne l'a pas, ça serait…

MARC FAUVELLE
Non, mais il y en a par exemple qui vont passer le rattrapage alors qu'ils n'auraient pas dû, ça c'est possible.

GABRIEL ATTAL
Ça sera peut-être le cas dans certains cas marginaux, mais encore une fois, il vaut mieux ça plutôt que l'inverse, il vaut mieux ça plutôt que des élèves qui…

MARC FAUVELLE
On n'aurait pas pu repousser l'annonce des résultats de quelques jours ?

GABRIEL ATTAL
Je pense que vous pouvez interroger des candidats au baccalauréat et leurs familles…

MARC FAUVELLE
Je n'interroge pas les candidats, j'interroge le ministre.

GABRIEL ATTAL
Là, en plus, vous faites payer à l'ensemble des candidats, encore une fois, une action qui concerne 2 % des correcteurs, ce n'est pas 2 % des correcteurs qui peuvent bloquer les résultats du baccalauréat pour 800.000 composants.

RENAUD DELY
Et quelles sont aujourd'hui les académies les plus touchées potentiellement par ce mouvement ?

GABRIEL ATTAL
Les académies les plus touchées sont les académies d'Ile-de-France, donc Créteil, Versailles, Paris, c'est celles qui concentrent le plus de, qui concentraient en tout cas, au début du mouvement, le plus de retard, mais encore une fois les copies et les notes remontent très vite depuis 24 heures, donc en a espoir que les choses puissent rentrer dans l'ordre rapidement.

MARC FAUVELLE
Alors voici justement ce qu'en dit une enseignante gréviste, enseignante en mathématiques en Ile-de-France, elle était ce matin sur France Info, elle s'appelle Sakina.

SAKINA, PROFESSEUR DE MATHEMATIQUES EN ILE-DE-FRANCE
C'est un tour de passe-passe pour essayer de respecter l'engagement qu'il a pris lundi sur la parution des résultats vendredi, c'est encore une fois pour essayer « d'invisibiliser » nos luttes de toute l'année et pour essayer de satisfaire l'opinion publique.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il n'aurait pas été plus simple, et plus sain, de rétablir le dialogue avec les syndicats ?

GABRIEL ATTAL
Mais le dialogue il n'a cessé d'avoir lieu. Cette réforme du lycée…

MARC FAUVELLE
A quand remonte la dernière réunion avec les syndicats d'enseignants ?

GABRIEL ATTAL
Je pense, il y a plusieurs mois maintenant, mais je veux dire la réforme elle date quand même, maintenant, d'il y a plus d'un an.

MARC FAUVELLE
Mais vous entendez que ça coince ?

GABRIEL ATTAL
Il y a un rapport qui a été rédigé par Pierre MATHIOT, qui est une figure qui fait autorité dans le milieu de l'Education nationale, qui a consulté l'ensemble des syndicats, et qui a remis un rapport avec ses propositions pour réformer le lycée, le baccalauréat, ce rapport a été reçu par Jean-Michel BLANQUER il y a maintenant plus d'un an. Ensuite il y a eu des concertations avec les syndicats, les représentants des professeurs, par Jean-Michel BLANQUER, sur cette réforme, qui a aussi été construite, avec une consultation numérique, où 40.000 lycéens ont donné leur avis, ont fait des propositions, ont dit parfois leurs inquiétudes sur certaines pistes, et à partir de tout ce travail y a une réforme qui a été construite. A un moment la réforme il faut l'appliquer, et moi j'y crois à cette réforme.

MARC FAUVELLE
Vous ne bougerez plus sur cette réforme ?

GABRIEL ATTAL
Non, la réforme, elle a commencé à être appliquée, les jeunes qui sont…

MARC FAUVELLE
Rien n'est négociable à présent…

GABRIEL ATTAL
Les jeunes qui sont aujourd'hui en seconde ont choisi les spécialités, les matières qui seront les leurs en 1ère et en Terminale. La réforme, elle avance, encore une fois, on sort d'un système où on avait ces trois filières : S, ES, L, qui étaient devenues des espèces de silos où on rentrait dont on ne pouvait plus sortir, qui ne correspondaient plus vraiment à la réalité des choses, la filière S, scientifique sur le papier, était devenue dans l'imaginaire collectif la seule filière d'excellence au lycée, avec des jeunes, plus de la moitié des jeunes, qui rejoignaient cette filière S, alors même que plus de la moitié d'entre eux ne se destinaient pas à des carrières scientifiques. Donc ça n'avait plus grand sens.

RENAUD DELY
Vous dites, Gabriel ATTAL, les discussions, c'est fini maintenant, la réforme du bac, on l'applique, mais est-ce qu'il y a une forme d'expérimentation, c'est-à-dire ce choix de spécialités, il inquiète aussi certains parents et certains élèves, ça va être une réforme, un système radicalement différent, est-ce qu'à la marge, ce serait encore modifiable si jamais la première année s'avère plus compliquée que prévu ?

GABRIEL ATTAL
D'abord, nous, on est pragmatiques, donc on regarde toujours, quand on met en place une réforme, comment elle s'applique, et il peut y avoir des corrections, évidemment, moi, ce que je constate dans les échanges que j'ai, à la fois là où je suis élu, dans les Hauts-de-Seine, mais aussi dans les discussions que j'ai dans mes déplacements en Provence chaque semaine, où la question, elle est revenue souvent ces derniers mois sur le nouveau lycée et le baccalauréat, c'est que, finalement, les inquiétudes ont été, pour beaucoup, rassurées, parce que les jeunes ont vu qu'il y avait des spécialités qui étaient présentes partout, que partout, dans tous les lycées, en France, il y a plus de choix et plus de possibilités aujourd'hui qu'il n'y en avait avant…

RENAUD DELY
Tous les jeunes sans exception peuvent avoir accès aux disciplines, aux spécialités de leur choix ?

GABRIEL ATTAL
Tous les jeunes aujourd'hui ont accès à plus de choix qu'ils n'en avaient avant dans leur lycée, vous aviez beaucoup de lycées en France avant où vous n'aviez pas les trois filières : S, ES, L. Aujourd'hui, vous avez dans tous les lycées de France plus de matières, plus de spécialités…

MARC FAUVELLE
Mais il n'y aura pas l'ensemble des spécialités dans l'ensemble des établissements, on le sait aussi…

GABRIEL ATTAL
Il n'y a pas l'ensemble, non, il n'y a pas l'ensemble dans tous les établissements, c'est pour ça qu'on a fait en sorte, 1°) : de garantir que les différentes spécialités soient accessibles, c'est-à-dire qu'un élève puisse aller dans un autre lycée suivre une spécialité qui lui tient à coeur, 2°) : qu'il puisse y avoir des suivis de spécialités à distance, on a beaucoup travaillé avec des grands professeurs pour que certaines matières puissent être accessibles à distance. Et 3°) : pour que les spécialités attractives soient mises en place dans des établissements dont on considère qu'ils sont moins attractifs que les autres, parce que c'est important que ces établissements-là puissent être renforcés par l'arrivée de nouvelles spécialités. Il y a de très belles spécialités, je pense notamment à l'informatique et au numérique, qui sont accessibles aujourd'hui dans beaucoup d'établissements.

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL, vous restez avec nous, on va parler dans la deuxième partie de cet entretien notamment de votre bébé, le service national universel qui a été expérimenté cette année, il y a quelques semaines, c‘est en cours d'ailleurs l'expérimentation, ça continue en ce moment même, mais d'abord le résumé de l'actualité.

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MARC FAUVELLE
Toujours avec le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunasse Gabriel ATTAL, et toujours au sujet du bac décidément perturbé cette année par des fuites sur plusieurs épreuves. D'abord est-ce que vous avez réussi à déterminer d'où elles venaient, ces fuites sur les sujets ?

GABRIEL ATTAL
Alors, il y a une enquête judiciaire qui est en cours, qui vise à le déterminer. Il y a un certain nombre de candidats…

MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas identifié la source pour l'instant.

GABRIEL ATTAL
Pas encore, c'est l'enquête qui doit le déterminer. Moi je n'ai pas d'informations particulières, c'est la justice qui est en train de faire son travail et évidemment l'objectif c'est de trouver la source et puis qu'il y ait des sanctions le cas échéant.

RENAUD DELY
Jean-Michel BLANQUER avait évoqué au départ des fuites qui ne concernaient que trois ou quatre établissements d'Ile-de-France, il y a eu des interpellations cette semaine, en Ile-de-France mais aussi à Marseille. Ça veut dire que ces fuites notamment concernant le sujet de maths, eh bien elles sont plus importantes que vous ne l'aviez envisagé au début ?

GABRIEL ATTAL
La encore il y a une enquête, donc moi je me prononcerai pas. C'est l'enquête judiciaire qui détermine les mesures à prendre pour regarder si la fuite a été plus importante que prévu. Moi je suis très prudent, je fais très attention à ne pas faire de déclarations, ce n'est pas mon rôle, ce n'est pas moi qui suis chargé de l'enquête. Encore une fois c'est visiblement des fuites qui ont été assez marginales, qui ont concerné assez peu de candidats, mais il faut trouver la source, parce qu'il ne faut pas que ça se reproduise, parce que ça peut être une rupture d'égalité pour des jeunes, et donc il y aura évidemment des sanctions.

MARC FAUVELLE
Que risquent ceux qui seront pris le doigt dans le pot de confiture ?

GABRIEL ATTAL
Encore une fois ça dépend de comment est-ce qu'ils ont été concernés. Je veux dire entre avoir organisé une fuite, avoir…

MARC FAUVELLE
Pour ceux qui ont relayé, notamment c'est une question qui se pose, il y a ceux qui ont fait fuiter à l'origine, mais ceux qui se sont « contentés » de relayer un message sur les réseaux sociaux. Il faut considérer qu'ils sont autant coupables que ceux qui ont fait fuiter ?

GABRIEL ATTAL
Alors là, encore une fois c'est des sanctions disciplinaires et ce n'est pas ni le ministre, ni secrétaire d'Etat qui les décident arbitrairement, ça peut aller jusqu'à l'interdiction de composer pour le baccalauréat pendant une ou plusieurs années, donc tout ça, ça va être regardé au cas par cas. Encore une fois il y a une enquête judiciaire, il faut rester serein.

RENAUD DELY
Vous avez porté et vous portez toujours la réforme du Service national universel, Gabriel ATTAL, une réforme qui a été expérimentée ces dernières semaines par un peu plus de 2 000 jeunes volontaires un peu partout en France. On a vu ces scènes, le lever des couleurs, La Marseillaise, le port d'un uniforme, qui ont parfois été moquées. Est-ce que le SNU c'est d'abord une façon de satisfaire ceux qui sont nostalgiques du service militaire ?

GABRIEL ATTAL
Non, moi je ne vois pas du tout les choses comme ça, et je m'étonne toujours qu'on considère que le drapeau français, La Marseillaise, ce serait réservé aux militaires. Quand il y a un match de foot de l'équipe de France pendant une Coupe du monde, tout le monde chante La Marseillaise…

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas d'obligation à chanter la Marseillaise sur un terrain de foot, ni dans les tribunes, alors que là c'est obligatoire.

GABRIEL ATTAL
Mais le symbole lui-même n'est pas réservé aux militaires, c'est un symbole patriotique et le service national universel a cette dimension patriotique, ses symboles républicains, ses valeurs républicaines, et moi je l'assume parfaitement parce que c'est aussi autour de ces symboles que se fait la cohésion entre les jeunes. Et je l'ai vu, moi j'ai fait mon service en quelque sorte, j'ai fait les 13 centres en 12 jours, je me suis déplacé…

MARC FAUVELLE
Ah vous l'avez fait en observateur.

GABRIEL ATTAL
En itinérant, j'ai dormi dans les dortoirs, j'ai dormi dans des chambrées, je me suis levé à la même heure, j'ai vécu cette expérience. Et ce que je peux vous dire c'est que les jeunes ont vécu cette cohésion autour de ces symboles.

RENAUD DELY
Et le SNU est indispensable pour ça .Vous par exemple Gabriel ATTAL, du fait de votre âge vous n'avez pas fait votre service militaire, évidemment…

GABRIEL ATTAL
Non.

RENAUD DELY
… mais pour autant vous êtes un bon patriote, pétri de valeurs républicaines.

GABRIEL ATTAL
Oui mais je vais vous dire, moi j'aurais aimé avoir un moment qui m'aurait permis de rencontrer des jeunes qui viennent d'autres horizons, y compris d'autres horizons géographiques. L'école ça doit être le lieu de la mixité sociale, où on rencontre des jeunes qui viennent d'autres milieux sociaux, mais il y a aujourd'hui une ségrégation territoriale, il y a aujourd'hui une assignation à résidence chez beaucoup de jeunes. Vous savez, j'ai rencontré les 2 038 jeunes qui étaient dans cette phase pilote. La grande majorité d'entre eux prenait le TGV pour la première fois, allait dans un autre territoire pour la première fois. Et pour beaucoup d'entre eux, même si c'était des volontaires, c'était une épreuve. C'est la première fois qu'ils quittaient le domicile familial, qu'ils avaient finalement ce dépaysement. Et je pense que c'est très important aussi dans la construction des jeunes. Vous avez encore trop de jeunes aujourd'hui qui font leur choix d'orientation, leur choix de formation, en se limitant à ce qui existe autour d'eux, et qui se ferment des portes parce qu'ils n'ont jamais eu d'expériences de mobilité. Et le service national c'est aussi cette expérience qui permet de montrer, de vivre le fait qu'on peut partir de chez soi pendant un temps pour ses études, par exemple, pour mieux revenir ensuite et que donc les jeunes ont aussi vocation à pouvoir bouger sur le territoire.

MARC FAUVELLE
On est à 2 000 volontaires cette année, combien il y en aura l'an prochain ?

GABRIEL ATTAL
L'objectif c'est d'en avoir 40 000.

MARC FAUVELLE
Tous volontaires encore l'an prochain.

GABRIEL ATTAL
Sur la base du volontariat.

MARC FAUVELLE
Et obligatoire quel terme ?

GABRIEL ATTAL
Alors, ça c'est la question qui revient très souvent…

MARC FAUVELLE
C'est pour ça que je vous la pose.

GABRIEL ATTAL
Il y a un premier rapport qui avait été remis par le Général Daniel MENAOUINE, avant ma nomination au gouvernement, qui proposait un scénario de monter en puissance, jusqu'en 2026, et avec une généralisation en 2026. Le président de la République m'a demandé de préparer un scénario qui permette d'aller plus vite. Et donc pour aller vite…

MARC FAUVELLE
Est-ce que ça veut dire dans ce quinquennat ?

GABRIEL ATTAL
Je n'annonce pas de date aujourd'hui, puisque pour construire ce scénario je m'appuie évidemment sur la phase pilote qui vient de se terminer, dont on est encore en train de tirer les enseignements. Il y avait des chercheurs, des sociologues, qui étaient présents sur tous les centres pour regarder la manière dont les choses se passent, et donc là dans les semaines qui viennent, dans l'été, je vais proposer au président, au Premier ministre, un scénario avec une date, donc la réponse à la question que vous posez, et j'espère que je reviendrai rapidement vous l'annoncer.

RENAUD DELY
Et avec quelle addition, qu'elle facture ? 1,6 milliard par an, c'est ça le coût du SNU à terme ?

GABRIEL ATTAL
Là c'est pareil, ça dépendra beaucoup des arbitrages qui seront faits, puisque la phase pilote elle visait aussi à regarder notre organisation, comment est-ce qu'on peut être plus efficace. C'est un projet qui concernera à terme 800 000 jeunes par an.

RENAUD DELY
C'est un projet très coûteux, 1,6 milliard par an, c'est est-ce que la France au vu de l'état de ses finances publiques aujourd'hui, peut se permettre, c'est une dépense indispensable pour la France ?

GABRIEL ATTAL
Alors, quand on se lance dans un tel projet, je veux d'abord insister là-dessus, on est pragmatique, économe de nos moyens, donc on passe par une phase pilote pour regarder comment être efficace. Et on voit bien qu'on sera bien en dessous de prévisions qui avaient été faites par certains et notamment des opposants politiques qui voulaient expliquer que ça coûterait trop cher, qui parlaient de 7 milliards, parfois 10 milliards, on sera bien en-dessous de ça et sans doute en dessous du chiffre que vous avez évoqué.

MARC FAUVELLE
Moins de 1,6 milliard par an.

GABRIEL ATTAL
Sans doute, c'est ce qu'on est en train de regarder. Mais moi ce sur quoi je veux insister, et le président de la République l'a fait systématiquement, c'est que c'est un investissement. Quand on fait un bilan de santé à tous les jeunes, on permet de détecter des pathologies qui potentiellement se seraient aggravées, auraient coûté plus cher à la Sécurité sociale. Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais là les 2 038 jeunes ils ont eu tous un bilan de santé, et je peux vous dire qu'il y a un certain nombre de choses qui ont été détectées, et qu'on est heureux qu'ils puissent, qu'ils aient pu avoir accès à ce bilan de santé.

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire que sans ça ils ne voyaient pas de médecin, ils n'avaient pas accès à la médecine.

GABRIEL ATTAL
Bien sûr que si…

MARC FAUVELLE
Pour certains.

GABRIEL ATTAL
Pour certains et pour d'autres ils pouvaient en voir et ne pas aborder un certain nombre de questions avec leur médecin traitant, parce qu'il connaît leurs parents, voilà, le fait d'être dépaysé, d'avoir accès à un professionnel de santé dans un autre territoire, ça peut donner confiance aussi à certains jeunes. Voilà, c'est aussi des choses qu'on a observées, et c'est aussi un projet qui va nous permettre, on l'espère, de lutter contre le décrochage. Il y a environ 100 000 jeunes qui décrochent chaque année, c'est-à-dire qui quittent l'école sans diplôme, sans qualification et sans emploi. Et le Service national il a aussi vocation à permettre à ces jeunes de raccrocher. Un décrocheur, en termes d'accompagnement social à la collectivité, « ça coûte » 240 000 € par jeune pour son décrochage. Donc en réduisant le nombre de décrocheurs, en plus de faire du bien pour des jeunes et de permettre de trouver leur voie, on a aussi des économies à terme pour la collectivité.

RENAUD DELY
Donc le SNU a vocation aussi à réussir ce que l'éducation nationale ne réussit plus à faire aujourd'hui.

GABRIEL ATTAL
Moi je n'oppose pas les deux et je ne considère pas qu'il faut déverser sur le Service national des obligations qui sont celles de l'Education nationale. Mais je pense que c'est un moment complémentaire, ce n'est pas les mêmes missions, c'est pas les mêmes modalités, c'est un moment de brassage, de dépaysement autour des valeurs de la République, avec un certain nombre de formations, pour réagir, connaître les réflexes dans une situation et dans un monde où il y a des risques, catastrophes naturelles, attentats terroristes, accidents graves, les jeunes ont envie d'être formés aussi à ces enjeux-là. Et c'est un brassage territorial qui me semble intéressant. On a vu ces derniers mois dans notre pays le mouvement des Gilets jaunes avec finalement le sentiment pour des Français d'être assignés à résidence, de ne pas vivre les mêmes réalités que les autres, le sentiment qu'il y ait des fractures dans notre pays. Et il y a des fractures dans la jeunesse, et pour moi le Service national c'est un élément qui permet d'y répondre.

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL est l'invité de France-Info jusqu'à 09h00. Il est 08h50, David DAUBA nous rejoint pour le rappel de l'actualité.

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MARC FAUVELLE
Un mot, Gabriel ATTAL, du séminaire que votre parti de La République En Marche a organisé le week-end dernier pour ses futurs candidats aux élections municipales, c'est un document que nos confrères du Parisien Aujourd'hui en France ont révélé, on y apprend que les futurs candidats doivent jouer une sorte de jeu de rôle. La candidate du Rassemblement National est rebaptisée Jeanne fachos, le juppéiste s'appelle Jean Brutus, ce n'est pas un peu méprisant ?

GABRIEL ATTAL
Franchement moi je n'étais pas à ce séminaire, donc j'ai vu le document sur le site du Parisien. C'est un séminaire interne, je pense qu'il faut un peu se détendre, ce n'est quand même pas très grave et ça n'a pas vocation, à l'évidence pas vocation à être diffusé.

RENAUD DELY
C'est raté.

GABRIEL ATTAL
Voilà. Je ne pense pas que ça soit une affaire d'Etat franchement.

MARC FAUVELLE
Et ça a froissé accessoirement ou pas accessoirement d'ailleurs vos partenaires du MoDem qui n'ont pas vraiment apprécié qu'on se moque de Marielle de SARNEZ.

GABRIEL ATTAL
Oui enfin personne ne s'est moqué de Marielle de SARNEZ, encore une fois, c'est nos partenaires…

MARC FAUVELLE
Jeanne Fachos pour le RN…

GABRIEL ATTAL
Franchement c'est un jeu de simulation interne dans le cadre d'une formation, voilà je n'ai pas…

RENAUD DELY
Ce n'est pas un peu de la politique pour les nuls, est-ce que ça n'illustre pas aussi le fait que vous manquez en fait de candidats expérimenté, voilà, à présenter à ces élections municipales ?

GABRIEL ATTAL
Non, ce qui est certain, c'est qu'on est un parti politique nouveau, qu'on va présenter pour la première fois des candidats à des élections locales, ça veut dire qu'il faut le préparer et qu'on y travaille. On nous expliquait au début que les parlementaires de La République En Marche étaient inexpérimentés, qu'ils ne connaissaient pas le Parlement, etc, je veux dire qu'on a vu très vite qu'ils travaillent énormément et que finalement tout ça fonctionne parfaitement. Ça va être la même chose avec les municipales.

RENAUD DELY
Justement pour les municipales à Paris, il y a une compétition interne au sein de La République En Marche pour l'investiture, elle sera tranchée la semaine prochaine par une commission d'investiture. Il y a l'un des candidats et ancien secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir MAHJOUBI qui a rallié un autre candidat, Cédric VILLANI, le député de l'Essonne qui est candidat à l'investiture de La République En Marche, pourquoi est-ce que l'ancien parole du gouvernement, Benjamin GRIVEAUX n'arrive pas, lui, à rallier, à rassembler pour être le candidat de La République En Marche à la Mairie de Paris ?

GABRIEL ATTAL
Moi, je ne dirais pas ça, moi j'ai plutôt le sentiment, je le dis…

RENAUD DELY
Vous êtes tout seul.

GABRIEL ATTAL
Je le dis, je l'ai soutenu…

RENAUD DELY
C'est votre candidat.

GABRIEL ATTAL
Je l'ai soutenu à titre personnel, oui mais c'est une commission nationale d'investiture qui va décider la semaine prochaine, donc je fais attention…

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas plié à l'avance ?

GABRIEL ATTAL
… C'est dans quelques jours. Non, je ne crois pas, mais ce que je veux dire c'est que Benjamin GRIVEAUX, il rassemble aussi des référents La République En Marche des différents arrondissements parisiens, des parlementaires, il y a encore cinq candidats et peut-être qu'une clarification nouvelle va s'opérer dans les jours qui viennent. Moi, je suis prudent parce que maintenant il y a la commission d'investiture qui se réunit la semaine prochaine. Les cinq candidats vont être auditionnés, ils vont tous échanger avec cette commission, en dire sur leurs projets, sur leur état d'esprit et puis la commission va décider. Dans cette commission, il y a une pluralité de représentants, de responsables, il y a des Marcheurs, des adhérents du terrain, il y a des référents locaux de toute la France et il faut laisser cette commission travailler.

RENAUD DELY
Et Emmanuel MACRON choisira.

GABRIEL ATTAL
Non, c'est une commission qui choisit, c'est une commission nationale d'investiture qui choisit.

RENAUD DELY
Benjamin GRIVEAUX, c'est le candidat d'Emmanuel MACRON ?

GABRIEL ATTAL
A mon sens, le président de la République n'a pas pris position et ce n'est pas son rôle, il est chef de l'Etat, il n'a pas pris position sur cette élection locale.

MARC FAUVELLE
Donc à Lyon par exemple, Gérard COLLOMB n'a rien compris quand il expliquait le week-end dernier que la décision se prendrait à l'Elysée et pas ailleurs ?

GABRIEL ATTAL
Il y a une commission nationale d'investiture qui décidera des investitures, moi c'est tout ce que je peux vous dire.

MARC FAUVELLE
Gérard COLLOMB est mal informé.

GABRIEL ATTAL
Je n'ai pas entendu ses déclarations, mais à l'évidence.

MARC FAUVELLE
La loi contre la haine sur Internet est en cours d'examen en ce moment même à l'Assemblée nationale, elle prévoit d'obliger les plateformes, type AMAZON, GOOGLE ou encore YOUTUBE à retirer en 24 heures les contenus haineux, il y a d'ailleurs eu une bataille cette nuit sur ce qu'est un contenu haineux dans l'hémicycle, est-ce que vous espérez faire plier ces géants américains avec une petite loi française ?

GABRIEL ATTAL
Oui, on l'espère et d'ailleurs un certain nombre de géants du numérique ont déjà annoncé des mesures pour anticiper et pour retirer des contenus, pour faciliter le signalement. C'est extrêmement important. Il y a une étude qui a montré qu'au premier trimestre 2019, c'est 15 % des contenus en ligne qui relevaient de contenus haineux, on voit que c'est massif et on voit que ça a des impacts pour des jeunes à l'école. Il y a eu un cas gravissime qui a eu lieu…

MARC FAUVELLE
Une collégienne de 11 ans qui s'est suicidée après, je pense que c'est le cas auquel vous faites référence…

GABRIEL ATTAL
Oui, dans le Val d'Oise…

MARC FAUVELLE
Après une campagne de harcèlement.

GABRIEL ATTAL
Donc il y a une enquête et je ne sais si le numérique était concerné dans ce harcèlement, mais on voit que c'est dramatique pour beaucoup de jeunes, que c'est des campagnes en meute, de harcèlement qui suivent en dehors de l'école, un harcèlement qui se poursuit quand on est à la maison parce que c'est sur les réseaux sociaux etc… Et il faut lutter contre ce phénomène.

RENAUD DELY
Justement est-ce que l'éducation nationale, elle a une mission particulière pour lutter contre ce cyber harcèlement, Jean-Michel BLANQUER évoque la nécessité de prendre des mesures, que peut faire l'éducation nationale pour lutter contre ce cyber harcèlement dont les jeunes sont effectivement souvent les principales victimes ?

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GABRIEL ATTAL
Bien sûr que l'Education nationale a un rôle, et j'ai même envie de dire que c'est le rôle central, parce qu'il y a le fait de réprimer les contenus et finalement de sanctionner ceux qui les postent, mais il y a aussi le fait d'éduquer pour que tous les enfants, en France, comprennent qu'on ne peut pas se comporter comme ça et que ça a des conséquences. Et on a beaucoup agi depuis 2 ans sur ce sujet-là. Maintenant vous avez, dans tous les rectorats, un référent, un responsable sur les questions de harcèlement, avec une équipe mobile qui peut se déplacer dans les établissements qui sont concernés, parce que ce dont on se rendait compte c'est qu'il pouvait y avoir des professeurs démunis face à cette situation, qui ne savaient pas forcément comment la gérer. Donc, dans la formation continue des enseignants, on a rajouté des modules sur la gestion du harcèlement. On met en place des équipes qui peuvent soutenir les enseignants dans leurs établissements, sur cette question-là, on travaille avec des associations, qui peuvent aider les jeunes, je pense notamment à Net Ecoute et autres, il y a une mobilisation très forte, d'ailleurs Brigitte MACRON se mobilise particulièrement sur ce dossier qu'elle a décidé de prendre en main avec nous, et donc c'est très important d'insister là-dessus. Aujourd'hui vous avez le G7 de l'Education qui se tient à Paris avec les ministres de l'Education des pays du G7 qui sont réunis, et la France a souhaité que cette question du harcèlement elle soit au centre de ce G7 Education, on a souhaité l'organisation d'une conférence mondiale sur le harcèlement l'an prochain, parce que de quoi on se rend compte ? C'est un phénomène mondial. Dans tous les pays du monde on assiste à ce phénomène avec le numérique, et donc on peut aussi partager les bonnes pratiques.

MARC FAUVELLE
Est-ce que la fin de l'anonymat sur les réseaux sociaux serait une solution pour vous ?

GABRIEL ATTAL
Moi je pense que c'est un beau débat, mais je ne suis pas du tout convaincu par cette piste-là.

MARC FAUVELLE
Pourquoi ?

GABRIEL ATTAL
Parce que je pense que l'anonymat ça permet aussi à des personnes de libérer une certaine parole, de parler de sujets qui sont difficiles peut-être dans leur vie personnelle.

MARC FAUVELLE
Et de proférer parfois des menaces de mort avec la certitude de ne jamais être retrouvées ensuite.

GABRIEL ATTAL
Justement, c'est pour ça qu'on prend une loi, c'est pour ça qu'on travaille avec les plateformes. Vous avez FACEBOOK qui a annoncé maintenant qu'il transmettrait à la justice les adresses IP, c'est-à-dire ce qui permet de tracer l'ordinateur, des personnes qui sont à l'origine des menaces, qui vont les transmettre à la justice. Moi, ce que je veux, c'est que, quand il y a des contenus haineux, quand il y a des contenus menaçants, on puisse tracer les auteurs, et les sanctionner, mais pas sanctionner tous les utilisateurs d'Internet sur la question de l'anonymat, qui peut aussi être une forme de liberté pour des personnes qui vivent par exemple quelque chose de très difficile, des violences, ont besoin de se confier, de demander de l'aide, c'est un exemple parmi d'autres, mais je pense que c'est important de le maintenir.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juillet 2019