Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à France 2 le 5 juillet 2019, sur les résultats du baccalauréat et la prise en compte du contrôle continu.

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Média : France 2

Texte intégral

DAMIEN THEVENOT
Jeff WITTENBERG, bonjour. Vous recevez ce matin un ministre très sollicité, c'est Jean-Michel BLANQUER.

JEFF WITTENBERG
Oui. C'est l'homme que l'on a envie d'entendre ce matin en ce jour de résultats du bac. Effectivement, bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

JEFF WITTENBERG
Ministre de l'Education nationale. Merci d'être avec nous ce matin.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.

JEFF WITTENBERG
Rarement l'organisation du baccalauréat n'aura connu, il faut bien le dire, une telle confusion que cette année. Maintenez-vous ce matin, alors que les premiers résultats vont tomber dans quelques minutes, à huit heures notamment dans les académies d'Aix, Marseille et Poitiers je crois, maintenez-vous que 100 % des candidats seront fixés aujourd'hui ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Je m'y étais engagé et ce sera donc le cas.

JEFF WITTENBERG
Il n'y aura aucun bug ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Je m'y étais engagé et ce sera donc le cas de même que je m'étais engagé à ce que le baccalauréat se déroule bien. Souvenez-vous, des gens avaient aussi menacé le bon fonctionnement des épreuves et j'avais dit aux élèves et à leur famille que, bien entendu, nous avions le devoir de faire que les choses s'organisent comme il convenait et c'est ce qui s'était passé. Maintenant, les mêmes personnes cherchent à menacer les corrections. C'est évidemment tout à fait scandaleux mais c'est mon devoir d'assurer le fait que les élèves ne soient pas lésés et c'est donc aujourd'hui ce qui se passe dans les 1 500 centres d'examens de France. Vous aurez les résultats tout simplement.

JEFF WITTENBERG
Alors pour contourner le fait que certaines copies effectivement sont retenues, vous avez mis en place un système de prise en compte du contrôle continu. Que répondez-vous à ceux qui estiment qu'avec ce système, le principe d'égalité sera battu en brèche ? Qu'est ce qui empêchera par exemple un élève qui estime que sa note au bac aurait été meilleure que celle qu'il a eue en contrôle continu, qui aurait peut-être eu une mention, qu'est ce qui empêchera cet élève de déposer un recours par exemple ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord j'observe que c'est ceux qui crient au désordre qui ont créé le désordre. J'observe que c'est ceux qui ont créé les conditions d'injustice qui crient à l'injustice. C'est ceux qui ont créé les conditions de l'inégalité qui crient à l'inégalité. Donc chacun voit bien la nature…

JEFF WITTENBERG
Mais il y aura une inégalité ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Bien sûr, je fais évidemment tout pour que ce ne soit pas le cas. Mais les mêmes qui font du sabotage essayent ensuite d'exploiter ce sabotage. Voyez, vous avez utilisé le mot confusion : je crois que ce n'est pas tout à fait le cas. Aujourd'hui tout le monde aura ses résultats, les élèves ne seront pas lésés, et donc il n'y a pas de confusion. Par contre certains cherchent à créer de la confusion, ça je vous l'accorde. Les médias ne sont pas obligés non plus de se faire les chambres d'écho de cela. Rappelons que nous parlons de 1 % des copies. Et même pour ce 1 %, la méthode que nous avons utilisée n'est pas injuste puisqu'il s'agit de prendre la note de contrôle continu. C'est ce qu'on faisait jusque-là quand une copie était perdue. Et par ailleurs, lorsque nous récupérons la copie, cette note-là pourra être donnée. Donc si vous voulez, on a pris la solution la meilleure possible pour garantir le fait que les élèves aient leurs résultats. Ils en ont besoin pour savoir s'ils vont passer le rattrapage, pour savoir s'ils vont s'inscrire dans l'enseignement supérieur, donc il était normal de leur garantir cela.

JEFF WITTENBERG
Monsieur BLANQUER, vous dites que tout le monde sera fixé mais enfin, il y a beaucoup d'élèves qui sont déboussolés et notamment par rapport à leurs conditions d'entrée dans les études supérieures. Est-ce que vous pouvez les rassurer ce matin ? Vous dites 1 %, mais pour ceux qui sont dans ce 1 %, c'est 100 % si j'ose dire. Ils n'auront pas la note, ils auront une note de contrôle continu.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ils auront… ils auront… c'est irréversible. Ceux qui seront admis au baccalauréat ce matin, ils sont certains de l'avoir.

JEFF WITTENBERG
Oui mais la mention, par exemple, peut être différente. On sait que pour accéder à certaines études supérieures, cela compte. Donc est-ce qu'il n'y aura pas, de toute façon, une certaine confusion pour certains ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Souvent la note de contrôle continu, quand on est bon dans une matière, elle est bonne. Et par contre…

JEFF WITTENBERG
Ce sera toujours rehaussé avec la meilleure note ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Les jurys sont souverains et donc les jurys peuvent le faire, bien sûr, et j'ai demandé qu'on puisse prendre en compte la meilleure note. Ce qui est bien normal parce que l'élève ne doit pas être victime de ce qu'ont fait, je le rappelle, 700 personnes sur 175 000. Donc si vous voulez, si dans un service public on peut admettre qu'une toute petite minorité de 700 sur 175 000 puisse faire sa loi, alors on n'est plus en République. Donc j'ai garanti le service public, garanti que les élèves auraient leurs résultats, garanti l'égalité au maximum et c'est la situation dans laquelle on est. Maintenant chacun voit bien que certains cherchent à créer du désordre. Comme ils n'y ont pas réussi, ils essayent maintenant médiatiquement de donner cette impression de confusion. Il n'y a pas de confusion.

JEFF WITTENBERG
Vous parlez de sabotage. Eux disent que vous êtes inflexible, que vous n'ouvrez pas la porte de votre ministère pour discuter de la réforme et que, finalement - c'est eux qui le disent - c'est vous le responsable de ce désordre même s'il est marginal.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais c'est une rhétorique facile. Ma porte, elle est ouverte ; ils le savent très bien. La réforme du baccalauréat…

JEFF WITTENBERG
Mais aujourd'hui sur la réforme du baccalauréat…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais non. Mais la réforme du baccalauréat, elle est conçue depuis que nous sommes arrivés, depuis plus de deux ans. Il y a eu des consultations qui ont duré plusieurs mois avec un responsable, monsieur Pierre MATHIOT, qui a coûté des centaines d'interlocuteurs dont les organisations syndicales concernées aujourd'hui. Moi-même ensuite j'ai mené une concertation…

JEFF WITTENBERG
Mais à un moment, vous avez tranché face à des désaccords.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien entendu. Si ce qui s'appelle dialogue social c'est être d'accord avec tout ce qu'ils disent, évidemment on ne va pas être d'accord. Mais en revanche, on a pris en compte un certain nombre de remarques. Cette réforme n'est pas surgie un beau matin de ma tête. Elle a surgi d'un travail très collectif. Il y a eu beaucoup de concertations. Même des sujets qui ont… des éléments qui ont trait à la réforme du baccalauréat continuent à se discuter aujourd'hui contrairement à ce qu'on dit. Par exemple l'oral du baccalauréat qui aura lieu en juin 2021, qui est un point important, la nature de cet oral nous en discutons encore avec les interlocuteurs. Donc on essaye de faire croire que ma porte est fermée : elle est encore ouverte aujourd'hui. Je peux publier la liste des réunions qu'il y a avec les organisations syndicales et les sujets qui ont avancé dans le cadre de ces dialogues, ils sont considérables.

JEFF WITTENBERG
Donc votre porte est ouverte.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Elle est ouverte bien sûr.

JEFF WITTENBERG
Mais elle est ouverte aujourd'hui.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais bien sûr.

JEFF WITTENBERG
C'est-à-dire que vous dites aux réfractaires : « Venez discuter. »

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Je dis à tout le monde que la discussion est possible.

JEFF WITTENBERG
Mais : « Donnez vos copies. »

JEAN-MICHEL BLANQUER
Maintenant, dans la vie je ne privilégie pas ceux qui crient le plus fort. Je ne suis pas non plus quelqu'un qui travaille sous pression ou sous le chantage. Ce n'est pas 700 personnes sur 175 000…

JEFF WITTENBERG
Mais il y en a beaucoup qui font leur devoir, entre guillemets, mais qui contestent aussi vos réformes. Vous le savez.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Oui mais ces gens-là, ceux que vous citez-là on le sens du service public. C'est-à-dire qu'eux ne considèrent pas que parce qu'ils ont un désaccord avec le ministre, ils doivent prendre les élèves en otages. Donc ça c'est digne. C'est normal qu'il y ait du désaccord, on est en démocratie. Je ne demande pas tout le monde d'être d'accord avec chaque chose, ce serait impossible et c'est ça il y a de l'espace de discussion. Il y a même l'espace pour évoluer. Vous savez, il y a des syndicats qui n'ont absolument pas appelé à faire cette grève des notes. Ils ont le sens du service public. C'est normal que je les écoute davantage.

JEFF WITTENBERG
C'est la méthode que vous dénoncez.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.

JEFF WITTENBERG
Pas le fond.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, on a besoin on a besoin en France, dans l'éducation comme dans d'autres domaines, d'un syndicalisme fort et constructif qui cherche vraiment l'intérêt général. Et là ce qu'on a, c'est simplement des petits groupes qui cherchent à faire valoir leur point de vue. J'observe que c'est d'ailleurs dans une ou deux disciplines. Il y a de l'idéologie derrière, il y a aussi des partis politiques donc il ne faut pas faire comme si on ne voyait pas ces problèmes-là.

JEFF WITTENBERG
Alors avant cette affaire néanmoins des notes et des correcteurs, il y a eu dans ce bac 2019 d'autres problèmes. Des grèves des surveillants, des suspicions de fuite - quatre personnes sont toujours en garde à vue -, des fuites aussi de résultats hier soir à Lille, des coquilles dans les énoncés. Est-ce que le ministère de l'Education nationale que vous dirigez ne porte aucune responsabilité dans cette série de couacs qui fait de ce bac 2019, disons au minimum un bac inédit ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Non, c'est parce que vous mettez le projecteur sur des choses qui se déroulent chaque année. Chaque année…

JEFF WITTENBERG
Vous admettez qu'il y a eu des couacs quand même.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Non mais il y en a chaque année. Vous avez quatre millions de copies, vous avez 750 000 candidats. Chaque année il y a un petit problème quelque part ou quelques problèmes quelque part. Il y en a eu cette année exactement comme chaque année.

JEFF WITTENBERG
Pas plus ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pas plus, non. Par contre ce qu'il y a eu qu'il n'y a pas eu les autres années, c'est des gens qui ont franchi les lignes en voulant saboter les épreuves d'abord, maintenant les corrections et ces personnes sont une petite minorité. Donc que voudriez-vous que je dise ? Que je cède à la première personne qui fait du chantage ? Ce n'est évidemment pas du tout ce que je compte faire. Est-ce que vous voulez que j'entretienne la confusion ? Non. Encore une fois, on a cherché à la créer cette confusion. Est-ce qu'il y a eu confusion au moment du passage des épreuves ? Absolument pas. Les épreuves se sont passées normalement parce que nous nous sommes organisés pour qu'elles se passent normalement. Est-ce qu'il y a aujourd'hui des élèves qui n'auront pas leurs résultats ? Non, ils auront tous leurs résultats.

JEFF WITTENBERG
Ils auront tous leurs résultats mais ils auront peut-être un autre résultat la semaine prochaine.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Après il y a évidemment ce problème…

JEFF WITTENBERG
Donc ce n'est pas si simple pour eux. Vous l'admettez quand même ce matin.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est pour 1 % des copies. Il y a des régions entières qui ne sont pas touchées par le problème dont nous parlons. La Bretagne, l'académie de Strasbourg, telle ou telle autre académie pour ne citer que ces exemples.

JEFF WITTENBERG
On parle forcément de ceux qui ont des problèmes et c'est normal, Monsieur le Ministre.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais encore une fois….

JEFF WITTENBERG
C'est le principe d'égalité. Il y aura des élèves lésés forcément.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais vous n'êtes pas obligés, vous les médias, de jouer le rôle de chambre d'écho de petites minorités qui essayent d'imposer leur loi à tous. Vous n'êtes pas obligés de faire comme si on était dans du 50-50. On n'est pas dans du 50-50. On est devant des gens qui veulent imposer leur point de vue parce qu'ils estiment qu'ils représentent la vérité ou que sais-je, alors qu'il y a des processus y compris de concertation sociale très importants qui ont eu lieu, et on n'a pas le droit de mettre les élèves en danger là-dessus. Donc j'ai fait tout ce qui est possible pour atténuer la confusion que cherchent à créer ces personnes. Vous n'êtes pas obligés, vous ensuite dans les commentaires que vous faites, de faire comme si…

JEFF WITTENBERG
Ce n'est pas des commentaires. Ce sont des questions et vous le savez bien.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non. Quand je dis « vous », ce n'est pas seulement vous : c'est ce que je vois dans les médias.

JEFF WITTENBERG
Non mais bien sûr.

JEAN-MICHEL BLANQUER
On accentue, on met le coup de projecteur sur tous ceux qui créent du désordre alors que l'immense majorité, elle est là tout simplement… Et je veux rendre hommage aux professeurs. Vous savez, moi je suis le ministre des professeurs, j'aime les professeurs et je sais le travail qu'ils font. Certains d'entre eux, et je pense aussi aux chefs d'établissement, aux personnels de l'éducation nationale, ils ont été sur-sollicités ces derniers temps pour compenser les mauvaises actions d'une petite minorité. Et c'est à eux que je pense et c'est cette image-là…

JEFF WITTENBERG
Vous n'avez pas l'impression de les diviser en disant cela ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, parce que c'est l'immense majorité. Je veux que les Français sachent que 95 % des personnels de l'Education nationale se sont surinvestis positivement dans cette session du baccalauréat et c'est eux le prestige et la dignité de l'Education nationale.

JEFF WITTENBERG
Merci Jean-Michel BLANQUER.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2019