Texte intégral
JULIEN LANGLET
Bonjour à tous et bienvenue politique de France Info à huit heures et demie comme chaque matin avec Neila LATROUS à mes côtés. Bonjour Neila.
NEILA LATROUS
Bonjour Julien. C'est vous qui allez poser la première question à notre invité, aujourd'hui Didier GUILLAUME, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Bonjour.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
NEILA LATROUS
Didier GUILLAUME, vous êtes depuis quelques jours la bête noire des associations de protection animale, depuis cette photo de vous à Bayonne en train d'assister à une corrida. Est-ce que vous comprenez l'émotion que cette photo a suscitée ?
DIDIER GUILLAUME
Oui. Je la comprends et je regrette que ça ait pu choquer un certain nombre de citoyens qui sont contre ces pratiques. Ce qui a été terrible sur les réseaux sociaux, ç'a été la récupération politique politicienne faite par d'autres. Je le comprends et je suis désolé si j'ai pu les choquer. Mais ce que je ne voudrais pas, c'est que l'on résume la maltraitance animale ou la lutte pour le bien-être animal à une photo dans un spectacle. Je suis le premier ministre de l'agriculture à avoir une collaboratrice, une conseillère au cabinet en charge du bien-être animal. Je suis le premier ministre de l'agriculture en charge du bien-être animal qui a pérennisé le conseil national de surveillance des abattoirs.
NEILA LATROUS
C'est-à-dire que vous craignez que ça fragilise votre action en la matière ?
DIDIER GUILLAUME
Pas du tout. Je ne crois pas un instant. Je pense qu'il ne faut pas mélanger les choses, qu'il ne faut pas faire… Il faut faire le distinguo entre ce qui a pu se passer un soir dans un spectacle. Et, je le dis, si j'ai pu choquer un certain nombre de citoyens qui sont contre cela, je le regrette. Mais je ne voudrais pas qu'en fonction de cela, on passe de côté tout le travail qui est fait, les mesures qui seront prises à la rentrée qui n'ont jamais été prises sur la lutte pour le bien-être animal…
NEILA LATROUS
Quelles sont-elles ?
DIDIER GUILLAUME
Vous verrez bien le moment venu lorsque nous annoncerons avec le gouvernement le travail qui est fait avec le président de la République et avec le Premier ministre. Donc voilà, ça a duré vingt-quatre heures, ça a tapé fort. C'est la vie.
JULIEN LANGLET
Alors il y en a qui a tapé fort à ce sujet, c'est Julien BAYOU, le porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts. On va l'écouter.
JULIEN BAYOU, PORTE-PAROLE D'EUROPE ECOLOGIE-LES VERTS
Non, il n'y a pas de question de vie privée. Encore une fois, c'est un soutien clair et net à un spectacle, un massacre. Un spectacle lugubre. Je ne comprends pas ce gouvernement, si ce n'est tout simplement un soutien aux lobbies.
JULIEN LANGLET
Didier GUILLAUME, c'est une récupération politique que fait Julien BAYOU ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, je crois. Je crois qu'il a profité d'un moment de notoriété pour taper fort. L'objectif de cette personne et de ce parti, c'est de faire tomber le gouvernement. C'est de taper contre le président de la République. Moi, je regrette d'avoir été au milieu de cela et je regrette d'avoir été la cible…
JULIEN LANGLET
Vous regrettez d'avoir été à la corrida ?
DIDIER GUILLAUME
Non. Je regrette d'avoir été la cible de ce débat politicien, mais bon c'est comme cela. Jusque-là ce que je constate, c'est que celles et ceux qui se sont déchaînés… Je parle des responsables politiques, je ne parle pas des associations et des citoyens : je fais la différence. Mais celles et ceux qui se sont déchaînés, les responsables politiques, jusqu'à preuve du contraire nous avons fait la démonstration que ce gouvernement tient la barre ; que le président de la République tient la barre ; que deux ans après l'élection présidentielle, nous sommes arrivés à un score très important aux élections européennes, ce qui n'a pas été le cas d'autres. Donc voilà, il faut maintenant arrêter le cinéma. La rentrée reprend, il va y avoir le G7, il y a aujourd'hui le président POUTINE qui est à Brégançon, il y a la réforme des retraites, il y a l'assurance-chômage. Les Français attendent autre chose que de vaines polémiques. Le président de la République l'a dit encore récemment : il faut la réconciliation et l'apaisement. Et moi je prône, dans ma fonction de ministre de l'Agriculture, la réconciliation et l'apaisement. On ne peut pas avoir une société hystérisées. On ne peut pas avoir une société où ces gens-là se déchaînent sur les réseaux sociaux. Des torrents de boue, d'insultes, d'appels à la haine voire plus, je ne veux pas en rajouter. Donc ça suffit maintenant, regardons les choses tranquillement et rassemblons ce pays. Nous avons tellement de choses à faire pour que l'équité, que l'égalité soit la plus forte possible, que le pouvoir d'achat puisse être une réalité pour nos concitoyens dans les semaines qui viennent, la baisse des impôts. Tout cela, ça compte.
JULIEN LANGLET
Votre présence en tout cas à cette corrida n'a rien à voir avec les ambitions qu'on vous prête à Biarritz. Ambitions électorales en tout cas dans la région ou pas ?
DIDIER GUILLAUME
Non, je ne vois pas. Je ne vois pas quelle référence vous faites.
JULIEN LANGLET
Je vous demande si vous avez des ambitions électorales dans la région.
DIDIER GUILLAUME
Non. Je vous dis tout simplement qu'on ne peut pas tout amalgamer.
JULIEN LANGLET
D'accord.
DIDIER GUILLAUME
Et que ce qui s'est passé là, ç'a été un instant à un instant T. Moi je travaille pour l'agriculture et pour le bien-être animal.
NEILA LATROUS
Et les agriculteurs, ils se sont fait remarquer d'une certaine façon cet été avec cette manifestation. C'est du vandalisme ou de la colère d'ailleurs ? Du fumier déversé devant des permanences d'élus, des tags.
DIDIER GUILLAUME
C'est une habitude du mouvement syndical agricole que de verser du fumier, que de faire tout cela. Ça, c'est une chose. Moi je veux dire très clairement ce matin chez vous, sur ce sur cette antenne et à votre télé…
NEILA LATROUS
Sur France Info.
DIDIER GUILLAUME
Oui, sur France Info. Qu'il y a une souffrance dans le monde agricole et que, là encore, moi j'en ai marre. Je n'en peux plus de tous ces gens qui stigmatisent et qui montrent les agriculteurs du doigt. Les agriculteurs ne sont pas des empoisonneurs, ce ne sont pas des pollueurs. Ce sont des gens qui souffrent, ce sont des gens qui ne gagnent pas leur vie. Et ça, c'est ça le vrai problème. Ils travaillent sept jours sur sept pour gagner quatre cents euros, cinq cents euros par mois, et ils font une alimentation qui est une des plus enviées en Europe. Une alimentation qui est sûre, qui est saine, qui est durable. L'agriculture française se transforme comme jamais. Ce gouvernement est le premier gouvernement au monde qui va supprimer le glyphosate, le premier gouvernement en Europe qui va diminuer les pesticides de 50 %. Vous vous rendez compte ?
NEILA LATROUS
Ça soulève des craintes, notamment dans le cadre du traité de libre-échange avec le Canada. Les agriculteurs craignent des distorsions de concurrence.
DIDIER GUILLAUME
Non mais attendez, attendez. Je vous parle de la réalité. Ce que je veux dire, c'est qu'on demande beaucoup aux agriculteurs – beaucoup, beaucoup, beaucoup - et que moi je peux comprendre qu'ils soient en colère. Par contre, je ne peux pas accepter que l'on attaque des permanences. Je ne peux pas accepter que l'on mette en cause le vote de députés et je regrette que ça ce soit passé comme cela. Mais je veux mon rôle, moi, et je veux rassurer les agriculteurs. Leur dire que le traité avec le Canada, nous allons le surveiller comme le lait sur le feu. Il est en application d'ailleurs depuis deux ans, c'est ça qui est dingue.
NEILA LATROUS
On va y revenir.
DIDIER GUILLAUME
Il est en application depuis deux ans et ça n'a pas déstabilisé les choses. Le vrai problème qui s'est passé, c'est que parallèlement il y a eu le CETA et le Mercosur…
NEILA LATROUS
Le traité de libre-échange avec l'Amérique latine.
DIDIER GUILLAUME
Et que les agriculteurs sont légitimement inquiets avec l'accord avec l'Amérique. Mais sur le CETA, nous allons veiller - le Premier ministre a mis en place une commission indépendante - veiller à ce que l'agriculture que nous allons importer soit une agriculture qui corresponde à nos normes. Nous ne pouvons pas importer une agriculture et une alimentation que nous ne voulons pas.
JULIEN LANGLET
Le CETA qui va revenir en débat au Sénat à la rentrée. O n va en reparler dans un instant.
(…)
- Nous étions sur le CETA, nous allons y rester, le CETA qui inquiète les agriculteurs, une opposition très diverse, il y a même quelques voix, Monsieur le ministre, qui se font entendre au sein même de la majorité pour dénoncer cet accord.
DIDIER GUILLAUME
Oui. Aujourd'hui, moi ce que je veux réaffirmer, c'est que nous sommes pour les accords internationaux, les accords économiques, on ne peut pas vivre sur une île déserte, l'Europe est un nain dans le monde. Ce qu'est en train de faire le président de la République c'est justement, avec les partenaires européens, de faire en sorte que l'Europe existe, mais on ne peut pas continuer à signer des traités qui sont préparés 20 ans en avance, le CETA, c'est depuis des années, le Mercosur c'est depuis plus de 20 ans. Donc, nous avons besoin de réfléchir à une nouvelle façon d'appréhender les traités internationaux, à une nouvelle façon d'appréhender l'alimentation, dans le cadre des débats internationaux. Mais, sur le CETA en tant que tel, moi ce que je veux dire ici c'est, essayer de rassurer. Aujourd'hui, dans d'autres secteurs, comme le fromage, comme le lait, comme les vins et spiritueux, c'est un accord qui est très positif, très positif économiquement, et l'inquiétude vient surtout des éleveurs, des éleveurs bovins, qui eux souffrent beaucoup, la sécheresse, les prix qui ne vont pas, ils souffrent beaucoup…
NEILA LATROUS
Et qui vous soupçonnent de signer cet accord pour favoriser certaines filières au détriment justement de l'élevage.
DIDIER GUILLAUME
Non, mais je ne crois pas que ce soit vraiment ça la réalité, et ce n'est pas ça leurs soupçons. Leurs craintes, c'est qu'ils perdent des parts de marché et qu'ils perdent encore plus de l'argent. Or, aujourd'hui, les vrais concurrents de la viande bovine française, ce n'est pas le Canada, c'est l'Europe, 97 % de la viande elle vient d'Europe. Aujourd'hui il y a seulement 36 fermes, au Canada, qui peuvent exporter de la viande bovine, et, l'année dernière, sur 1,5 million de tonnes, nous avons importé 12 tonnes seulement de viande bovine canadienne. Ce que je veux dire là, ce matin, très solennellement, au nom du gouvernement, c'est que nous allons tout contrôler, c'est que nous avons mis en place une commission, de travail, qui est faite avec des experts sanitaires, des experts alimentaires, des experts agricoles, et on va contrôler tout ce qui entre sur le sol français et tout ce qui…
NEILA LATROUS
Ce seront des contrôles aléatoires, comment se feront ces contrôles concrètement ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, des contrôles aléatoires évidemment, il y a des règles internationales qui font que, lorsqu'il y a un tampon qui est donné par un pays avec lequel nous avons des accords, on ne va pas aller contrôler ceux-là, sans ça, ça ne pourrait pas fonctionner, mais des contrôles qui font que nous allons surveiller cela comme le lait sur le feu, et je prends l'engagement que s'il devait y avoir des dérapages nous regarderons ça de près.
NEILA LATROUS
Et notamment sur les farines animales.
DIDIER GUILLAUME
Et notamment sur les farines animales, mais sur tous les sujets vous savez. Nous ne voulons pas importer une agriculture dont nous ne voudrions pas en France et en Europe, et nous ne voulons pas importer une agriculture avec des normes différentes de celles que nous avons. Nous ne voulons pas faire du dumping, nous ne voulons pas faire de la sous-alimentation, de la sous-agriculture.
JULIEN LANGLET
Vous craignez l'opposition du Sénat à la rentrée sur ce débat autour du CETA ?
DIDIER GUILLAUME
Mais moi je ne crains pas, je vais voir l'opposition du Sénat, évidemment, qui globalement sera opposée, moi mon objectif c'est d'essayer de convaincre les éleveurs français de s'organiser et de faire en sorte que ça puisse être une chance, pas forcément le CETA, pour eux, mais que cette organisation de la filière d'élevage française, qui est une richesse fabuleuse, soit une force pour nous. Mais je le dis, je comprends les craintes qu'ils peuvent avoir, parce que quand les choses ne vont pas bien, quand les revenus ne sont pas là, quand il y a la sécheresse, quand on n'arrive pas à donner assez à manger aux animaux, il y a ces craintes-là, donc je les comprends, mais je ne peux pas accepter, et je ne peux pas tolérer, que cela se fasse en attaquant des permanences de parlementaires. J'ai entendu que la FNSEA allait organiser des manifestations à la rentrée là-dessus…
NEILA LATROUS
Vous avez obtenu des garanties d'ailleurs, sur l'apaisement de ce climat à la rentrée ?
DIDIER GUILLAUME
Non, mais il fait qu'il soit apaisé. Moi, qu'il y ait des manifestations, c'est la vie, c'est la démocratie, ce n'est absolument pas le sujet, et c'est normal, c'est une façon pour les syndicats de se faire entendre, mais ça ne peut pas être je vais aller chez un député, ou chez une députée, murer sa permanence. Enfin, moi quand j'ai vu le député de la Creuse, Jean-Baptiste MOREAU, où il y a l'affiche « Wanted », ça dépasse les bornes, je ne sais pas qui l'a fait…
JULIEN LANGLET
Ça vous a choqué.
DIDIER GUILLAUME
Je ne mets personne en cause, mais c'est choquant. Donc, qu'il y ait des manifestations, peut-être, mais ce que je veux dire aux agriculteurs c'est que le gouvernement est là pour les défendre et pour promouvoir la belle agriculture française.
JULIEN LANGLET
Est-ce que vous allez aider ces agriculteurs fortement frappés par la sécheresse notamment ? On l'a évoqué, vous en avez parlé il y a de cela quelques instants.
DIDIER GUILLAUME
Oui, nous avons commencé… vous savez, moi, dès le printemps, dès le mois d'avril, je me suis aperçu qu'il se passait des choses, nous avons beaucoup travaillé avec les syndicats agricoles, nous avons pris des mesures, des mesures qui n'avaient jamais été prises jusqu'alors, sur la sécheresse. Nous avons obtenu de l'Union européenne le droit de faucher des jachères – alors, c'est quoi des jachères ? C'est que, on garde du carbone pour que les sols ne s'appauvrissent pas, on doit garder des sols couverts avec de l'herbe, bref – on a obtenu de l'Europe qu'on puisse les faucher afin que l'on puisse donner de la nourriture pour les animaux. On a obtenu, certes, une aide, une avance, de 1 milliard d'euros, mais en octobre, là, le 16 octobre, les éleveurs vont toucher 1 milliard d'euros de plus d'aides pour leur permettre d'acheter de la nourriture pour les animaux. Et puis il faut travailler sur la pérennité avec l'eau, comment arriver à capter l'eau afin de pouvoir arroser, irriguer, c'est tout cela les choses. Mais vous savez, cette sécheresse, pour reprendre sur ce que vous évoquiez tout à l'heure sur le bien-être animal, la sécheresse elle a touché tout le monde, pour la première fois j'ai pris un arrêté interdisant le transport des animaux, pendant la sécheresse, dans les camions, tout cela ce sont des mesures qui sont fortes. Ce gouvernement travaille dans l'intérêt de l'élevage français, dans l'intérêt du bien-être animal, et dans l'intérêt de l'agriculture. Parce que, de quoi s'agit-il ? Quand on parle d'agriculture, on parle d'alimentation, et ce qui préoccupe le plus nos concitoyens aujourd'hui, en dehors du climat, de l'environnement, c'est l'alimentation. Que mangeons-nous ? Est-ce que cette alimentation elle est tracée ? Est-ce que je mange des produits avec des OGM ? C'est cela dont il faut aujourd'hui faire la démonstration que l'alimentation que l'on trouve dans les magasins français, dans les grandes surfaces, comme dans les marchés paysans, est une belle alimentation.
NEILA LATROUS
L'alimentation, mais aussi l'écologie. Pour le député de la République en marche, le président du groupe, Gilles LE GENDRE, le CETA, cet accord avec le Canada, est bénéfique pour l'environnement. On va l'écouter, on vous fait réagir juste après.
GILLES LE GENDRE
Le CETA a une particularité, c'est qu'il s'applique de manière provisoire depuis 18 mois, et que nous avons fait un travail d'étude, on appelle ça dans notre jargon « d'étude d'impact », pour voir les effets que ça avait, et par des autorités indépendantes. Nous avons pu démontrer que l'effet sur les émissions carbone était epsilonesque, quasiment proche de zéro.
NEILA LATROUS
Que vous a inspiré le dernier rapport du GIEC sur justement l'érosion des sols ?
DIDIER GUILLAUME
Mais moi c'est mon militantisme depuis des années, les circuits courts, le bio, les sols, l'appauvrissement des sols, je travaille là-dessus. Moi je ne veux pas opposer, là encore, les agricultures, on a besoin d'une agriculture qui produit, qui nourrit la planète, on a besoin de bio, on a besoin de circuits courts, et ces agricultures-là il faut les faire travailler ensemble. Et aujourd'hui ce que nous dit le GIEC, mais qui n'est pas une nouveauté, c'est de se dire attention, si nous continuons comme nous faisons depuis des années, alors nos sols seront pauvres, et c'est pour ça que l'agro-écologique, que la transition agro-écologique, que le gouvernement prône et que je porte tous les jours, est une des réponses. Il faut faire des couvertures de sols, nous en parlions, il faut capter du carbone. La forêt française est un gisement, un puits de carbone, incroyable, les sols français, les pâtures, lorsque les animaux paissent sur des prairies, c'est bon pour l'environnement, ce n'est pas un handicap. Lorsque, évidemment, il y a des grands élevages, où tout ça est entassé, ça c'est très mauvais, c'est pour ça que les Etats généraux de l'alimentation, la loi EGalim, interdit la construction de nouveaux élevages intensifs, mais ce que nous voulons faire c'est arriver à faire en sorte que les sols reprennent de la force et de la richesse, et pour qu'ils en prennent il faut faire des rotations de cultures, etc., on va pas rentrer dans le détail, mais c'est l'engagement qui est pris par les agriculteurs, c'est l'engagement du gouvernement suite aux Etats généraux de l'alimentation, et c'est ce que nous essayons de faire.
NEILA LATROUS
D'un mot. Le président américain Donald TRUMP menace de taxer le vin français, est-ce que le ministère de l'Agriculture prend au sérieux cette menace ?
DIDIER GUILLAUME
Oui. Oui, parce qu'il faut toujours prendre au sérieux ce que dit le président des Etats-Unis, parce que comme tous les jours… tantôt il achète le Groenland, tantôt il taxe le vin, tantôt il, enfin je ne sais pas quoi…
JULIEN LANGLET
Ce n'est pas très sérieux ça !
DIDIER GUILLAUME
Je crois que, nous regardons ça de très près, le niveau de taxe sera infime, nous verrons cela, mais enfin nous regardons cela parce que, aujourd'hui, on ne peut pas à la fois essayer de travailler sur le multilatéralisme et puis vouloir insulter le président de la République ou taper, en voulant taxer le vin, mais peut-être que ça fera partie des discussions qu'ils auront dans les jours qui viennent. (…)
NEILA LATROUS
Didier GUILLAUME, semble se diriger vers une Grande-Bretagne qui quitterait l'espace européen sans accord, le spectre du no deal. Comment protéger les pêcheurs du Nord qui sont fortement dépendants justement des accords de pêche avec la Grande-Bretagne ?
DIDIER GUILLAUME
D'abord je voudrais dire qu'il vient de se passer un événement très important qui a été, à mon avis, passé un peu trop sous silence : c'est que la pêche électrique est interdite depuis quelques jours maintenant. C'est une grande victoire de la France, c'est une grande victoire de ce gouvernement. Nous l'avons obtenue au niveau européen, les Européens ont été favorables à cela. La pêche électrique est interdite, ça aussi c'est quelque chose d'important. Le Brexit est quelque chose de dramatique pour l'Union européenne. C'est la première fois qu'un pays quitte la zone européenne alors que jusqu'à maintenant, année après année, il y avait des nouveaux pays. C'est le choix démocratique des Britanniques, il n'y a pas à revenir dessus. Par contre, cela peut avoir des conséquences à deux niveaux : au niveau de la pêche et au niveau de la politique agricole commune. Sur la pêche, nous ce que nous disons, c'est que la pêche ne peut pas être la variable d'ajustement du Brexit. C'est-à-dire que ça ne peut pas se faire sur le dos des pêcheurs. L'activité économique de la pêche est une activité économique très importante et aujourd'hui les Britanniques n'ont aucune raison d'interdire leurs eaux aux pêcheurs français ou aux pêcheurs européens. Donc nous continuons à négocier et à travailler, à nous bagarrer, pour que les pêcheurs puissent continuer à aller dans les eaux britanniques comme ils vont partout, comme les Britanniques viennent chez nous.
NEILA LATROUS
Vous êtes modérément optimiste sur la possibilité d'un accord ?
DIDIER GUILLAUME
Non mais pour l'instant, je ne suis pas optimiste. Pour l'instant, nous sommes en discussions, en négociations. Michel BARNIER notamment, le négociateur européen, avait fait un travail remarquable et la nouvelle Commission et les nouvelles instances européennes doivent le faire. Pourquoi ? Parce que que cela signifierait-il d'interdire à des pêcheurs ? On va faire quoi ? C'est-à-dire que le Royaume-Uni va continuer à être une île à quelques dizaines de kilomètres de la France et de l'Europe. Et donc, il faudra bien qu'il y ait des échanges commerciaux. Il n'y a pas de problème de ressources, nous travaillons beaucoup sur la ressource, sur la régénération de la ressource, sur le biotope. Il n'y a pas de problème dans cette zone-là donc il faut y aller. Et puis le deuxième sujet, c'est évidemment la politique agricole commune. Aujourd'hui la politique agricole commune, c'est la première politique européenne intégrée qui permet de développer les agricultures de l'Union européenne et notamment l'agriculture française, qui permet d'aider directement les paysans à s'en sortir, qui permet aux jeunes de s'installer, qui permet de faire de l'agro-écologie au niveau de l'Union européenne. Bref, il faut absolument maintenir cette politique agricole commune. C'est l'engagement du président de la République.
NEILA LATROUS
Son budget va baisser avec le départ britannique.
DIDIER GUILLAUME
Alors évidemment, avec le départ du Royaume-Uni le budget global de la politique agricole commune va baisser parce que le budget global de l'Union européenne va baisser
JULIEN LANGLET
Et il y aura des conséquences pour les agriculteurs français ?
DIDIER GUILLAUME
Justement, pour qu'il n'y ait pas de conséquences il faut que le budget reste en l'état où il est aujourd'hui à 27. Pas à 28 mais à 27. Si ça devait baisser, il y aurait des conséquences. Et aujourd'hui, le travail que nous menons et l'engagement du président de la République, c'est de se dire : nous gardons le budget de la politique agricole commune au niveau où il est aujourd'hui après le départ des Britanniques. Et là, je pense que ce serait bien.
JULIEN LANGLET
Emmanuel MACRON reçoit Vladimir POUTINE aujourd'hui au Fort de Brégançon. Est-ce qu'il faut revenir sur l'embargo russe ?
DIDIER GUILLAUME
Alors ça, c'est un sujet qui ne dépend pas de la France et qui ne dépend pas du ministre de l'Agriculture. C'est un sujet plutôt européen…
JULIEN LANGLET
Non, mais ça pénalise beaucoup d'éleveurs français, notamment porcins.
DIDIER GUILLAUME
Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui la Russie est un grand pays et que le président de la République fait bien de recevoir Vladimir POUTINE quelques jours avant le G7. En 2014, la communauté internationale a choisi que la Russie ne soit plus membre du G8 puisqu'elle avait…
JULIEN LANGLET
L'annexion de la Crimée, oui.
DIDIER GUILLAUME
L'annexion de la Crimée mais on discute avec les grands pays. Donc ça, c'est quelque chose de très important. Ce que je sais aussi, c'est qu'il doit y avoir des discussions économiques et politiques avec la Russie sur l'embargo comme sur d'autres sujets, mais il ne m'appartient pas d'en parler aujourd'hui. Ce que je sais par contre, c'est que les éleveurs de porcs aujourd'hui bénéficient de nouvelles exportations en direction de l'Asie et notamment de la Chine liées à la peste porcine africaine, qu'en France nous en sommes indemnes et que ça fait du bien à la filière porcine.
NEILA LATROUS
Il y a un risque ou pas sur la peste porcine ?
DIDIER GUILLAUME
Pour l'instant, nous avons je crois réussi à…
NEILA LATROUS
C'est surveillé par le ministère de l'Agriculture ?
DIDIER GUILLAUME
Bien sûr. C'est surveillé matin, midi et soir, jour et nuit. Nous avons pris d'immenses mesures. Nous avons fait un vide sanitaire, nous avons construit une barrière infranchissable. Aujourd'hui la France est indemne. D'ailleurs le travail que nous avons fait est reconnu par l'ensemble de nos collègues, notamment par nos voisins belges qui sont touchés et ça nous permet d'exporter beaucoup de porc.
NEILA LATROUS
Pas d'inquiétude pour nos auditeurs ?
DIDIER GUILLAUME
Pas d'inquiétude, non. Je rappelle quand même que la peste porcine africaine se transmet entre animaux mais ne se transmet pas à l'homme. Ça, c'est scientifiquement prouvé.
NEILA LATROUS
Nos auditeurs qui insistent pour une autre question. Pour revenir sur la corrida avec cette question très précise : est-ce que la corrida, c'est de la souffrance animale ou pas ?
DIDIER GUILLAUME
Je crois qu'il ne faut pas opposer la maltraitance, le bien-être animal et des traditions séculaires. On a ce sujet sur la chasse, on a ce sujet sur la corrida mais si je remets un débat et j'essaie de le remettre un peu rationnel, on va encore en prendre et je vais encore en prendre plein la figure. Mais aujourd'hui, il y a une tradition séculaire. La corrida n'est pas interdite. On peut vouloir qu'elle le soit : elle ne l'est pas. Aujourd'hui il y a des types de chasse…
NEILA LATROUS
Les derniers sondages disent que les Français à 74 % aimeraient que…
DIDIER GUILLAUME
Voilà. Il y a des types de chasse aujourd'hui qui sont séculaires, qui sont ancestraux, qui existent et dont beaucoup de Français voudraient qu'ils soient supprimés. Je pense que nous avons besoin de mener cette réflexion au fond mais de façon dépassionnée, et je ne crois pas qu'aujourd'hui la période soit une période où elle puisse être dépassionnée. Je me suis exprimé sur le sujet et je ne veux pas y revenir.
JULIEN LANGLET
Les nappes phréatiques, comment réagir pour la sécheresse ? Est-ce qu'à l'avenir, il va falloir prendre des mesures plus radicales avec le réchauffement climatique ? Ce n'est que le début de tous ces problèmes peut-être d'approvisionnement en eau pour les agriculteurs. Et comment éventuellement les aider ?
DIDIER GUILLAUME
Pour les agriculteurs et puis pour nous, pour la consommation d'eau aussi. C'est un vrai sujet cela. On voit bien le dérèglement climatique, le réchauffement climatique, c'est une réalité. On ne sait pas ce qui se passera demain, je ne suis pas climatologue mais on sait qu'il y aura encore de la sécheresse puis il y aura peut-être encore des inondations. Il y aura encore tout cela. Donc ce qu'il faut faire, c'est préserver les nappes phréatiques, elles sont absolument indispensables. Mais peut-être réfléchir à comment faire en sorte que l'eau qui tombe du ciel puisse être récupérée pour servir à l'usage de l'agriculture. Vous savez, lorsqu'un citoyen récupère l'eau de pluie sur son garage, sur sa maison pour arroser son jardin on lui dit bravo. Et lorsque c'est un agriculteur, on lui dit qu'il prend l'eau. Ce débat, là encore, réconcilions, apaisons, dépassionnons, discutons. On ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant six mois apaisant des nous discutons on ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant six mois et en chercher les six autres mois de l'année.
JULIEN LANGLET
Merci Didier GUILLAUME, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, d'avoir été l'invité politique de France Info ce matin.
DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.
JULIEN LANGLET
Merci aussi à vous Neila LATROUS.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 août 2019