Déclaration de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, sur l'installation de l'Agence nationale du sport et la préparation des Jeux Olympiques de 2024.

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Circonstance : Discussion d'un projet de loi sur l'Agence nationale du sport à l'Assemblée nationale le 16 juillet 2019

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 (nos 2106, 2128).

- Présentation -

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. Nous sommes à un tournant pour le sport français. Nous vivons un moment important pour nos clubs, nos pratiquants, nos concitoyens et nos concitoyennes – donc pour vous, mesdames et messieurs les députés, qui êtes les garants de la bonne mise en oeuvre de nos politiques publiques.

Il s'agit d'un moment également important pour nos collectivités – nos régions, nos départements, nos communes, nos intercommunalités. Nous avons la volonté de mieux répondre aux besoins des territoires et des Français en matière de politique sportive. Le moment est venu de donner les moyens d'agir à ceux qui sont les mieux placés pour ce faire.

Je suis très heureuse que nous puissions débattre dès à présent de ces évolutions à l'Assemblée nationale, cinq ans avant l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques en France, en 2024.

Nos débats en commission ont été riches et constructifs. Ils ont permis d'enrichir le texte collectivement et de répondre, je l'espère, aux inquiétudes naturelles qui, souvent, accompagnent un changement.

Je remercie tout particulièrement M. le rapporteur, Stéphane Testé, pour le travail qu'il a fourni – dans des délais assez courts – lors de l'élaboration du texte, ainsi que le président Bruno Studer et Mmes Anne Brugnera et Stéphanie Atger, qui ont soutenu le texte – et soutiennent, plus généralement, les travaux engagés par le ministère des sports, en lien avec ceux de l'Assemblée nationale.

Nous sommes donc à un tournant. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui vise à accompagner la réforme de notre modèle sportif, comme ont su le faire, en leur temps, les créateurs du modèle actuel.

Nous voulons offrir aux acteurs la possibilité de s'adapter aux enjeux de demain. Nous le faisons avec humilité – en reconnaissant la valeur de chacun, ainsi que celle des actions précédemment entreprises par le ministère, dont la plupart sont allées dans le bon sens –, mais aussi avec ambition et exigence, car nous sommes le sport, et nous savons que le progrès résulte de l'ambition et de l'exigence.

Accompagner la réforme : tel est tout l'enjeu de l'article 3, qui, au plan national, consacre dans la loi l'Agence nationale du sport et, au plan territorial, prévoit la mise en place de conférences régionales du sport et de conférences des financeurs.

Comme vous le savez, l'Agence nationale du sport est un nouvel outil de décision. Nouveau, parce qu'on y parle de décision en partenariat, parce que le financement y sera partagé et coordonné au niveau local, au service des projets citoyens, et enfin parce qu'on l'envisage plus agile qu'une administration et plus ouvert à d'autres acteurs qui veulent participer à la mise en oeuvre des politiques publiques du sport.

L'Agence opère une réunion inédite de l'ensemble des acteurs du monde du sport : l'État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs économiques. Sa mission est de coordonner les politiques sportives de ses membres, dans un esprit de concertation, de mobilisation et de proximité – proximité tant dans la différentiation selon les territoires que parce que nous voulons nous inspirer des bonnes pratiques des acteurs, les faire connaître et leur permettre de les appliquer à plus grande échelle.

Comme le précise l'article 3, l'Agence est chargée de développer l'accès à la pratique sportive pour toutes et tous, et de favoriser le haut niveau et la haute performance. Je tiens profondément à ces deux grands piliers, car ils sont indissociables et indispensables au maintien d'une politique publique sportive ambitieuse dans notre pays.

C'est après une large période de concertation que l'Agence nationale du sport a été créée, le 24 avril dernier, sous la forme d'un groupement d'intérêt public. Nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter lors de mes auditions en commission et vous avez également pu entendre, voilà quelques semaines, le président de l'Agence, Jean Castex, et son directeur général, Frédéric Sanaur.

Plébiscitée par les fédérations et toutes les associations d'élus, l'Agence est déjà en action. Des programmes innovants ont déjà été mis en oeuvre et d'autres vont être décidés à la rentrée prochaine. En ce qui concerne par exemple, le soutien aux sportifs de haut niveau, l'Agence va déployer dès les prochains mois un système de bourses pour les 500 athlètes médaillables pour les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo, de Pékin et, évidemment, de Paris en 2024, en complément des aides personnalisées versées à près de 5 000 sportifs.

De nouveaux modes de soutien financier des clubs et de leurs fédérations ont déjà été engagés : plus de 37 millions d'euros ont ainsi été attribués à vingt-huit fédérations pour déployer un programme de développement, nouveau pour certaines d'entre elles. Ce qui est nouveau pour la majorité des fédérations est que ce programme s'appuie sur des ligues, des comités et des clubs affiliés.

L'Agence sera regardante et exigeante dans l'attribution de financements aux fédérations ; elle redonnera une cohérence à ces actions, décidées de manière collégiale au niveau national, et elle aura un effet de levier sur les financements à l'échelle locale, par l'intermédiaire des projets sportifs de territoire. Elle contrôlera, avec l'aide du ministère des sports, la bonne redistribution des moyens – leur « ruissellement » – jusqu'aux vrais acteurs sur le territoire. Comme vous le voyez, il s'agit donc d'un outil complémentaire du ministère et de ses partenaires.

Ce projet de loi s'inscrit clairement dans cette logique de complémentarité. Il permet, avant tout, de renforcer le rôle de l'État au sein de l'Agence et prévoit différentes obligations en matière de contrôle et de transparence, conformément aux avis du Conseil d'État.

C'est pourquoi, au-delà de la convention constitutive, qui a fixé des premiers garde-fous importants pour l'État, le projet de loi prévoit notamment que les missions de l'Agence seront exercées en lien étroit avec l'État, dont la stratégie sera déclinée dans une convention d'objectifs, que l'Agence sera soumise au contrôle d'un commissaire du Gouvernement, au contrôle économique et financier de l'État et aux procédures de l'Agence française anticorruption, et enfin que ses trois grands responsables seront soumis aux obligations relevant de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Au-delà du contrôle de l'État, s'exerce aussi celui, indispensable, du Parlement. J'y étais favorable depuis le début et c'est pourquoi je me félicite que, sénateurs comme députés, vous ayez complété le texte sur ce sujet.

Vous avez, d'abord, sanctuarisé la place des parlementaires au sein du conseil d'administration de l'Agence, et vous les avez intégrés aux conférences régionales du sport. Je saisis cette occasion de réaffirmer que je soutiens pleinement le choix fait en commission d'imposer, dans un délai assez rapide, la parité au conseil d'administration de l'Agence, de même qu'au sein de son assemblée générale. C'est une décision importante, qui doit se prolonger par une féminisation plus grande de l'ensemble de l'écosystème sportif, en particulier des fédérations sportives et de leurs organes déconcentrés.

Les parlementaires sont également associés par la présentation en commission, chaque année, du rapport d'activité de l'Agence, qui rend notamment compte de l'emploi de ses ressources et de l'exécution de la convention d'objectifs conclue avec l'État.

Enfin, au-delà de la loi, il me paraît essentiel que les parlementaires puissent servir de relais à l'Agence autant qu'au ministère, notamment en faisant connaître les bonnes pratiques identifiées dans les territoires.

Vous l'avez compris, l'apport majeur de cette agence est d'offrir une gouvernance collégiale, partagée, pour mettre en oeuvre les politiques publiques du sport. Il s'agit de changer de méthode par une meilleure collaboration avec tous les acteurs qui financent le sport français et l'animent.

Cette logique, il fallait absolument la retrouver dans l'organisation territoriale de notre nouveau modèle. C'est pourquoi vous auriez parfaitement raison de confirmer la consécration, dans le code du sport, des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs. Nos travaux en commission ont permis d'apporter à ces dispositions les ajustements nécessaires, en respectant les grands principes qui relèvent de la loi : les missions de ces conférences, en précisant notamment l'identité et le rôle du délégué territorial de l'Agence, leur composition, dans toute la diversité des acteurs, et l'articulation entre les différents niveaux territoriaux.

Un décret précisera les modalités d'application de ces dispositifs. Ce travail, qui doit se poursuivre avec les membres de l'Agence, associera les députés et sénateurs qui s'intéressent à la gouvernance du sport, quelle que soit leur sensibilité politique. Notre objectif commun doit être d'aboutir à un dispositif partagé, efficace et véritablement opérationnel. C'est la garantie d'une simplification de notre action au niveau local, au bénéfice d'une plus grande proximité avec les associations et avec nos concitoyens.

Ces objectifs d'efficacité et de proximité doivent également guider les évolutions concernant les conseillers techniques sportifs – CTS – qui exercent leurs missions, auprès des fédérations et sur le terrain, avec engagement et professionnalisme. Si nous avons souhaité collectivement, en commission, que le sujet ne soit pas traité dans le cadre de ce projet de loi, je sais que des amendements ont été déposés en ce sens.

M. Maxime Minot. Eh oui !

Mme Roxana Maracineanu, ministre. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de m'exprimer sur la méthode que j'ai adoptée pour réfléchir à la façon la plus adaptée de redéfinir les relations entre les CTS, l'État et les fédérations sportives. J'ai entendu la colère et les critiques émanant des premiers concernés et je redis ici, devant la représentation nationale, que je ne souhaite pas passer en force. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de nommer deux tiers de confiance, MM. Yann Cucherat et Alain Resplandy-Bernard, et les ai chargés d'engager une large concertation, dans l'écoute et le dialogue – un dialogue ouvert, qui respecte l'expression de chacun, afin que toutes et tous puissent partager librement leur vision et, surtout, proposer des solutions innovantes.

J'attends des tiers de confiance qu'ils formulent des propositions nouvelles en matière d'organisation structurelle du modèle, de portage des politiques publiques de haute performance et d'accès au sport pour tous les publics. Leur rapport me sera remis en octobre 2019. Dans cette attente, et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, aucune réforme ni aucun détachement ne sera engagé. C'est pourquoi, comme un certain nombre d'entre vous, le Gouvernement souhaite que ce projet de loi n'évoque par les CTS, afin de laisser le temps à la concertation et de permettre aux tiers de confiance de mener à bien à leur mission.

Mme Valérie Boyer. Et les députés, vous ne leur faites pas confiance ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. Après avoir évoqué les éléments structurels liés à la réforme de la gouvernance du sport inscrite à l'article 3, il convient d'aborder les autres dispositions du texte, qui sont le prolongement de la loi olympique de mars 2018. En effet, ce projet de loi vise également, en ses articles 1er, 2 et 4, à préparer au mieux l'accueil des Jeux par la France en 2024.

L'article 1er porte sur les voies qui seront réservées à la famille olympique lors des Jeux de 2024, conformément au cahier des charges du Comité international olympique, afin de permettre aux athlètes, aux officiels, aux accompagnateurs et aux véhicules de secours et de sécurité de circuler plus facilement. Grâce à la loi olympique de mars 2018, le Gouvernement a pu inscrire ce dispositif dans l'ordonnance publiée le 20 mars dernier et c'est précisément cette ordonnance que l'article 1er du projet de loi ratifie, nous permettant ainsi de respecter le délai qui nous était assigné.

L'article 2 prévoit une procédure exceptionnelle de règlement des contentieux relatifs aux décisions préfectorales prises en matière d'urbanisme, de construction ou d'aménagement en lien avec les Jeux. La cour administrative d'appel de Paris aura la charge de statuer en premier et dernier ressort sur ces litiges. Il s'agit de tout mettre en oeuvre pour livrer en temps et en heure les infrastructures nouvelles construites pour les Jeux.

Sur ces deux dispositions, je me félicite, au nom du Gouvernement, que la commission ait souhaité revenir à la version initiale du texte, afin de préserver les équilibres dégagés lors de l'élaboration de l'ordonnance.

L'article 4 du projet de loi complète, lui aussi, la loi olympique, et plus précisément son article 17. Cette disposition, telle qu'elle a été votée par le Sénat, apporte une clarification : le Comité d'organisation des Jeux olympiques ne doit pas se voir imposer un double processus de sélection pour ses partenaires. En d'autres termes, si le COJOP – Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques – a déjà respecté les règles de la commande publique lorsqu'il a choisi ses partenaires, il n'aura pas besoin de recourir à la procédure spéciale de l'article 17 pour la délivrance de titres d'occupation ou de sous-occupation du domaine public.

J'évoquerai enfin, dans ce volet olympique, les deux ordonnances relatives au dopage publiées à la fin de l'année 2018, qui nous ont permis de transposer dans notre droit interne les règles du troisième code mondial antidopage. Grâce à ces textes, notre réglementation antidopage a été renforcée et l'indépendance des contrôles et des sanctions consolidée.

Après avoir été habilité par le Parlement dans le cadre de la loi olympique, le Gouvernement souhaite que ces deux ordonnances soient ratifiées au plus vite. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec certains d'entre vous, dont Mme Marie-Georges Buffet. Dans tous les cas, je proposerai que cela puisse être fait dans le cadre de la prochaine loi Sport, prévue en 2020.

Pour conclure, et comme je l'ai dit en commission, je suis très heureuse de pouvoir débattre avec vous de l'évolution du modèle sportif français que je défends et qui s'inscrit dans le cadre de notre politique publique ambitieuse en matière d'héritage des Jeux de 2024, héritage que nous voulons durable, social et solidaire.

Cette évolution du modèle passe par ce texte, pour lequel je compte sur votre soutien ; mais ce n'est là qu'une première étape. Au premier trimestre 2020, un projet de loi Sport, que vous attendez tous, permettra d'accompagner notre réforme, en matière notamment de gouvernance des fédérations sportives, mais également de développement de la pratique du sport pour toutes et tous, afin d'atteindre notre objectif d'augmenter de plus de 3 millions le nombre de pratiquants dans notre pays. Cet objectif est celui qu'a fixé le Président de la République et j'espère que nous pourrons relever le défi ensemble, collectivement, pour le sport français et pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 22 juillet 2019