Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur,
Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, soldats,
Il y a un an et demi, j'étais venue rencontrer certains d'entre vous sur le camp de la Task Force Monsabert.
J'avais déjà pu vous faire part de la gratitude du gouvernement français, et de la nation toute entière, pour votre action. J'avais pu vous faire part de notre fierté à tous de vous voir porter si haut les couleurs de la France, dans cette coalition internationale où vous êtes respectés entre tous.
Le soir du 31 décembre, j'ai eu l'honneur de réveillonner avec vos camarades aviatrices et aviateurs de la base H5 projetée en Jordanie. Le temps d'une soirée, ils avaient oublié les rigueurs des vols en territoire ennemi, la vigilance de tous les instants, les responsabilités écrasantes du métier des armes. Mais je les savais, au fond d'eux-mêmes, et tels que je vous vois ce soir, tout entiers consacrés à la mission.
Et mon premier message est simple : merci.
Merci à vous, car vous n'êtes pas sur des terres éloignées, sous des cieux lointains. Vous êtes au coeur des préoccupations des Français. La lutte contre le terrorisme, c'est la préoccupation de sécurité numéro un de nos compatriotes. Oui, la Russie déstabilise l'Europe, oui, la Chine s'essaie aux politiques de puissances, oui, il y a des menaces dans l'espace et des attaques cyber. Mais le terrorisme, lui, frappe nos enfants, nos frères, nos écoles ; il hante nos villes, et veut corrompre notre mode de vie.
Je reviens à Bagdad un an plus tard, et je vous retrouve, avec le même courage, le même calme, le même professionnalisme, et l'engagement intact.
Vous méritez la haute estime dans laquelle vous tient la nation. Lorsque l'opération Chammal a été déclenchée, l'étendard de Daech flottait sur Mossoul, sur Raqqa, des villes populeuses et de vastes campagnes étaient sous la coupe de fanatiques.
Ville par ville, vallée par vallée, grâce à l'action des forces irakiennes, grâce à celle des femmes et des hommes de Chammal, les drapeaux ont disparu un par un. Ce furent quatre années de lutte, quatre années de sacrifices : mais aujourd'hui, l'Irak est libéré.
La reprise de ces territoires hier, et leur stabilisation demain, vous y jouez un rôle fondamental. Par la formation et les conseils que vous délivrez aux forces irakiennes de première ligne. Par votre détermination, votre dévouement, vos efforts que vous n'économisez jamais. Au quotidien, par vos gestes, votre vigilance, votre pédagogie et votre action : vous faites honneur à nos Armées, à nos valeurs, à votre drapeau.
Ne sous-estimons pas l'enjeu pour lequel vous vous battez. Les yeux de la nation sont sur vous. Aujourd'hui, à Paris, à Nice, à Joué les Tours, à St Etienne du Rouvray, on se dit : les terroristes sont-ils abattus ? Le sont-ils pour de bon ? on se dit : ont-ils fui ? vont-ils réapparaître ?
Oui, la chute du califat territorial est imminente. Nul ne se hasarde à des prédictions – car qui a observé le conflit toutes ces dernières années sait qu'il y a des respirations, des accélérations, des à-coups dans les offensives. Mais les djihadistes sont acculés, dispersés, contraints de changer de tactique et de retourner aux pratiques de la clandestinité. Ils ont perdu leur logistique, leurs finances, leurs communications ; ils ont perdu leur prestige, donc leur recrutement ; ils ont perdu leur moral, donc leur vigueur. Mais ils sont encore très dangereux ; c'est dos au mur qu'ils mordent le plus fort, pour tenter d'enrayer le récit de leur fin.
Alors mon deuxième message est simple : continuez.
La France a la mémoire longue, et la justice tenace. Elle est déterminée tout entière à achever ce combat contre ceux qui l'ont frappée. Nous les trouverons, nous les traquerons, nous les neutraliserons.
Mais il faut aussi penser au lendemain. Lorsque les derniers réduits de Hadjin et Al Marashida seront tombés, l'histoire ne sera pas encore dite. Ce n'est pas un combat d'un village ou d'une vallée, c'est un combat d'une génération. Les plaies ne seront pas pansées du jour au lendemain. Daech aura déserté toutes les villes, mais pas tous les coeurs.
Lorsque le Général de Gaulle s'est installé à l'hôtel de Brienne le 25 août 1944, dès la libération de Paris, il a eu cette phrase profonde : « des événements gigantesques ont bouleversé l'univers. Notre armée fut anéantie. La France a failli sombrer ; mais au ministère de la guerre, l'aspect des choses demeure immuable. Rien n'y manque, excepté l'Etat. Il m'appartient de l'y remettre. »
Cet enjeu résonne ici. Car dans ces vallées bientôt libérées de Daech, tout manque, et l'Etat manque aussi ; c'est sa souveraineté, mais aussi sa légitimité qui reste à rasseoir. C'est cette page noire de la profonde crise de gouvernance qu'il faut tourner, cette page qui avait permis à Daech d'émerger. Et là aussi, votre rôle est fondamental.
Jour après jour, semaine après semaine, vous entraînez les soldats de l'ICTS et de la 6ème Division, qui luttent contre le terrorisme et ses résurgences.
A Bagdad, votre mission de conseil et de formation est essentielle. Vous renforcez la colonne vertébrale d'un Etat soumis à des tensions bien connues, mais dont la stabilité est essentielle si l'on veut éteindre durablement la menace.
Nous avons une relation ancienne avec l'Irak, une relation d'amitié et de coopération. Notre présence se prolongera aussi longtemps que nos partenaires irakiens le souhaiteront.
Mon troisième et dernier message, c'est une réponse à ce que vous entendez sans doute ici ou là. Elle est simple aussi : ne vous laissez pas distraire.
Les Américains ont annoncé qu'ils se retireraient sans délais de Syrie. Ils ont ensuite un peu atténué leur propos. Nous sommes en contact étroit avec les différents échelons de l'administration pour discuter de la suite.
Je ne dis pas que cela ne changera pas le paysage, au plan tactique évidemment, mais au plan stratégique aussi. Nous sommes en particulier soucieux que ce retrait soit compatible avec l'éradication de Daech, et la préservation de nos partenaires de terrain qui ont tant donné dans cette lutte. Nous sommes soucieux aussi que cela n'aboutisse pas à un éparpillement des combattants détenus ou retenus en Rojava – car à Paris, à Nice, à Joué les Tours ou ailleurs, c'est un sujet bien légitime de préoccupation.
Mais pour nous, cela ne doit que nous renforcer dans la conviction de notre mission. Je compte sur vous pour la poursuivre avec la même vigueur et la même pugnacité. La mission d'aujourd'hui, qui est d'en finir avec le Califat, et la mission de demain, qui est de renforcer l'Etat irakien, et le doter des moyens d'éteindre tout regain de Daech. C'est une priorité absolue du gouvernement, une priorité absolue de mon ministère, et j'y consacrerai tous les moyens qu'il faut.
Vous êtes ces femmes et ces hommes grâce auxquels la République vit, se défend et prospère. Vous êtes de celles et ceux qui vous battez pour la sécurité de nos concitoyens. Pour leur liberté. La Nation vous doit énormément. Alors, à nouveau, et du fond du coeur, merci.
Vive la République ! Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 12 février 2019