Texte intégral
Q - Le premier invité de RTL soir, c'est le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères, bonsoir Jean-Baptiste Lemoyne.
R - Bonsoir.
Q - Plusieurs capitales européennes ont donc reconnu ce matin Juan Guaido comme président intérimaire du Venezuela chargé d'organiser de nouvelles élections présidentielles. La France le reconnaît président en charge, c'est de l'ingérence ?
R - Non, du tout. C'est tout simplement faire en sorte que le peuple vénézuélien puisse exprimer clairement ses choix. La dernière fois qu'il l'a fait c'était en 2015 et le président Maduro a été réélu au terme d'un processus qui n'a pas été reconnu par la communauté internationale.
Q - Est-ce que c'est à nous de le faire, Moscou critique par exemple les tentatives de légitimer l'usurpation du pouvoir comme une ingérence directe et indirecte dans les affaires internes du Venezuela. Jean-Luc Mélenchon dit ce n'est pas la France qui soutient les putschistes au Venezuela, c'est seulement Macron. Est-ce à nous de le faire ? Pourquoi, par exemple, on n'est pas simplement médiateurs plutôt que de, comme ça, reconnaître Juan Guaido ?
R - Vous savez, il y a un mois nous commérions les soixante-dix ans de la déclaration universelle des droits de l'homme. La question c'est ils sont bien universels, donc ils ont vocation à s'appliquer partout. Il est normal qu'on fasse respecter un certain nombre de droits élémentaires du peuple vénézuélien qui s'est exprimé avec force encore une fois en 2015, qui a élu l'Assemblée nationale de l'opposition et donc ce président de l'Assemblée nationale, Juan Guaido, est reconnu comme étant celui qui peut dénouer les choses, qui peut enclencher cette transition politique parce qu'aujourd'hui...
Q - Vous entendez les opposants, Jean-Baptiste Lemoyne, qui disent c'est comme si le Venezuela demandait à Emmanuel Macron de quitter la présidence à cause de la crise des gilets jaunes.
R - Regardez la mesure de Monsieur Mélenchon, ça ne le caractérise pas vraiment. Il est là dans des vieilles alliances avec d'ex-camarades quasiment soviétiques. Regardons de quoi on parle, un peuple en détresse, en souffrance, trois millions de vénézuéliens jetés sur les routes, qui ont fui le pays.
Q - Donc il y a une crise humanitaire.
R - Il y a une crise humanitaire.
Q - Politique.
R - Politique, humanitaire, elle prend toutes les formes, économique parce qu'en fait c'est là l'aboutissement de plusieurs années d'incompétence, de corruption, il faut le dire, et d'idéologie. Et aujourd'hui la communauté internationale, dans une grande majorité, parce que, quand on regarde l'Union européenne de façon très massive, a rejoint des pays d'Amérique du sud, d'Amérique latine.
Q - Si on regarde ça précisément, justement et c'est peut-être ça notre faiblesse. Au sein de l'Europe impossible de faire passer un message commun. 14 Pays dont la France, reconnaissent Guaido, mais l'Italie et la Grèce ne veulent pas rallier...
R - 18
Q - 18... Un texte le soutenant. En tout cas on est divisé. Est-ce que ce n'est pas notre fragilité.
R - Arrêtons-nous sur celui qui fait obstacle à l'unité du message européen, l'Italie.
Q - L'Italie, oui.
R - L'Italie pourquoi ? Parce qu'il y a une coalition qui est l'alliance de la carpe et du lapin, Monsieur Salvini et Monsieur Di Maio, qui ne sont pas d'accord entre eux. Donc, on voit bien les limites de cette coalition italienne. Ce que je veux dire c'est qu'on est à un moment important pour le peuple vénézuélien qui nous appartient, que ce soit en matière humanitaire, d'être au rendez-vous. L'Union européenne a mis 35 millions d'euros sur la table cette année pour pouvoir répondre à des besoins urgents, vitaux, de médicaments. Il est important qu'on puisse continuer dans cette voie-là et puis il est important que Monsieur Guaido qui se lance dans une démarche qui est très courageuse parce qu'il faut voir les menaces qui peuvent peser sur lui, sur sa famille. La police est venue intimider sa femme et sa fille, il y a quelques jours.
Q - Il y a aussi un Venezuela assez divisé malgré tout, il y a eu des manifestations pro Maduro, l'armée le soutient toujours, ça, ça existe aussi et c'est d'ailleurs ce qui pose question. À un moment pourquoi on n'est pas médiateur là-dedans et pourquoi on prend parti pour l'un plutôt que pour l'autre.
R - Les choses bougent à très grande vitesse et je pense que cette semaine va corroborer tout cela. Il y a des défections au sein de l'armée, par exemple un général très important de l'armée de l'air qui a annoncé son ralliement au président Guaido. Et puis, par ailleurs, les manifestations qui ont eu lieu hier et avant-hier, moi je suis en contact permanent avec notre ambassadeur, Monsieur Romain Nadal qui fait un travail formidable, je peux vous dire que les choses sont très claires. Les rues étaient envahies de façon massive par le peuple vénézuélien en soutien à l'alternance et par ailleurs le régime a voulu organiser une contre-manifestation et en fait ce sont des images fabriquées qui ont été diffusées dans la presse ou à la télévision. Parce qu'en réalité, cette manifestation en soutien au régime a été quasiment un échec.
Q - Pourquoi ne pas soutenir la proposition de Maduro d'organiser de nouvelles élections législatives. Ça, c'était une solution.
R - C'est une provocation de sa part.
Q - Pourquoi une provocation ?
R - Parce que, justement, les législatives ce sont les seules élections qu'il a perdues. C'est donc l'Assemblée nationale législative qui, elle, a la légitimité populaire parce que ces élections-là n'avaient pas été volées par le pouvoir en place. Aujourd'hui, l'élection qui a été volée c'est celle de la présidentielle qui a été une parodie. Et donc on voit qu'à travers cette provocation, il ne veut pas en sortir.
Q - Pour conclure, est-ce que vous craignez que Nicolas Maduro ait recours à l'armée ?... Et que ça se termine en bain de sang.
R - Je crois qu'il faut qu'il comprenne à un moment qu'il y a une minorité, peut-être chaviste, mais elle est une minorité, et qu'il est important que ce soit par le dialogue politique et par des élections qu'on redonne la parole au peuple pour qu'il puisse s'exprimer. J'espère que la raison l'emportera.
Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne d'être venu ce soir sur RTL, merci à vous.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 février 2019