Texte intégral
Monsieur le préfet,
Monsieur le maire,
Monsieur l'ambassadeur d'Autriche,
Madame le consul général d'Allemagne,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le président du Conseil départemental,
Mesdames, messieurs les élus,
Monsieur le président de l'Association nationale des familles des martyrs,
Cher monsieur HEBRAS,
Chers habitants d'Oradour-sur-Glane,
Mesdames, messieurs,
Depuis 75 ans, les cendres sont retombées et se sont dispersées. Le noir de l'incendie s'est effacé sur les murs témoins de la sauvagerie. Les empreintes de balles se confondent désormais avec l'usure du temps. Un seul homme porte encore aujourd'hui la voix des survivants.
75 années ont passé depuis le samedi 10 juin 1944, deux ou trois générations se sont succédé. Mais le massacre d'Oradour-sur-Glane demeure et demeurera dans la mémoire nationale.
Un deuil immense habite ce lieu. Découvrir le village martyr d'Oradour est toujours un choc. Il y a un an, M. HEBRAS, j'ai eu l'honneur avec des dizaines de jeunes de parcourir les ruines d'Oradour en votre compagnie. On ne ressort pas indemne de ce cheminement au bord du néant et de cette confrontation à l'abject.
La France sait qu'ici l'ignominie a frappé en son coeur ; que la cruauté a pris cent visages ; que la sauvagerie pure, sans limite, sans pitié, s'est déchaînée. Hélas, hélas, elle fut l'oeuvre d'êtres humains. L'horreur fut telle qu'il est difficile de trouver les mots. Peut-on dire l'indicible ? Peut-on décrire l'indescriptible ?
L'innocence. L'innocence assassinée, l'innocence massacrée. Voilà ce qu'est Oradour !
Les anonymes de la guerre pris par surprise et dévorés par la terreur de la barbarie nazie. Voilà ce qu'est Oradour !
Un cri d'une tristesse éternelle. Voilà ce qu'est Oradour !
Au nom du Gouvernement, je suis venue adresser l'affection de toute une Nation pour ce village martyr, pour ses habitants et pour les morts dont ils sont les gardiens. La Nation française n'a rien oublié de l'horreur du massacre, de la détresse des survivants et des familles. Du fond de son âme, la France s'insurge toujours contre ce qu'il s'est passé ici. Pour reprendre les mots du Président de la République : « Oradour est un scandale, un scandale absolu ».
C'était un jour d'école. C'était la guerre certes, mais, à Oradour, on n'avait pas vu de soldats allemands. On accueillait des réfugiés. On savait que, depuis quatre jours, les alliés foulaient le sol de la Normandie et on espérait que l'été 44 serait celui de la Libération. Les journées s'écoulaient loin du bruit et de la fureur.
Les sons, les visages, les odeurs, les paroles étaient ordinaires. Ils étaient ceux du quotidien, ceux de la vie. Le bourg était animé, il faisait chaud. Des habitants des villages alentour venaient pour la distribution de viande et de tabac.
Des gens qui échangent, qui discutent entre eux, qui parfois débattent. L'insouciance de cette journée témoignait d'un village limousin paisible. Un village comme notre pays en est rempli. Il régnait une agitation habituelle. Celle de la vie, de la civilisation.
Et pourtant, c'est sa négation qui survint.
En quelques heures, tout bascule ! L'arrivée de soldats de la Division SS Das Reich, le rassemblement dans un calme apparent, la séparation des hommes, des femmes et des enfants. Dans l'église, dans des garages, dans des granges, pendant 30 minutes, les bourreaux et les futures victimes se font face.
Tout bascule ! Une détonation puis les exécutions, les mitraillages, les fusillades, le feu, les flammes. Des bourreaux s'appliquent dans leur sauvagerie radicale avec froideur et acharnement. Le massacre, la moisson des innocents, la mort implacable, certaine, méticuleuse. La meute des assassins dévore 642 personnes. Là un bébé de quelques jours, là une grand-mère de 90 ans.
M. Robert HEBRAS, vous l'avez souvent dit : « Le drame d'Oradour c'est l'église. L'horreur suprême, c'est l'église ». Près de 450 femmes et enfants y périssent dans des conditions inimaginables. Des familles entières disparaissent, des enfants meurent dans les bras de leurs mères, des enfants seuls succombent loin de leurs parents. Dans la nef, dans le choeur, devant les portes, c'est l'enchevêtrement des corps, ce sont les derniers regards, c'est l'effroi absolu devant l'incompréhensible. C'est le chagrin de l'impuissance face à l'agonie de ses enfants.
Oui, cela a eu lieu.
Mesdames et messieurs, jamais nous n'oublierons.
Jamais, cher Robert HEBRAS, nous ne laisserons ce crime sombrer dans l'oubli. Toujours nous porterons le souvenir de ce martyr au coeur de notre identité et de notre unité nationale.
Toujours, les jeunes découvriront le sort des innocents. Inlassablement, la mémoire sera transmise. Infatigablement, les faits seront enseignés et présentés. Continuellement, nous appellerons les jeunes générations au respect de la dignité humaine et aux principes des droits de l'Homme, et à la nécessité de bâtir un monde toujours meilleur.
C'est la promesse de la Nation. C'est l'engagement de la France.
Alors que les voix s'éteignent les unes après les autres, « Oradour » reste le cri que l'on pousse pour affirmer à la face du monde « plus jamais ça ». C'est la plainte qui s'élève des tréfonds de notre histoire pour condamner les crimes perpétrés par la barbarie nazie. Cette plainte, les familles de Tulle, d'Ussel et de Maillé l'entonnent avec nous.
Ces crimes s'inscrivent dans la longue liste des massacres commis par les hommes dans l'Histoire. Des « Oradours » ont existé depuis 1944. Des « Oradours » existent encore de nos jours. Nous ne pouvons les ignorer, nous en sommes tous conscients. Car nous voyons ici ce dont les hommes sont capables lorsque la folie meurtrière s'empare d'eux.
Que la jeunesse entende le message d'Oradour. Qu'elle le comprenne, qu'elle le fasse sien. Qu'elle voit les ravages de la guerre et de la barbarie, qu'elle voit le cortège de souffrances qui l'accompagne.
Que chaque jeune qui foule ce sol martyr et qui visite le centre de mémoire rejoigne son foyer en gardien vigilant de nos valeurs et en passeur de mémoire. Qu'il devienne acteur et protecteur d'une société de la fraternité, de la tolérance et du dialogue.
Qu'à la fin de leur journée, chaque jeune ait aussi à l'esprit la valeur de la paix et de l'amitié franco-allemande que nous avons bâtie en Europe.
Que la jeunesse entende le cri d'Oradour. Il est un message pour le présent et pour l'avenir. Il signifie douleur, mais également devoir de vigilance devant l'humanité.
Vive la République !
Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 14 juin 2019