Interview de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, à France Bleu Normandie le 12 avril 2019, sur l'avenir de la centrale à charbon du Havre et la sécurité d'approvisionnement en électricité.

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Média : France Bleu

Texte intégral

DELPHINE GARNAULT
Bonjour François de RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour !

DELPHINE GARNAULT
Vous serez tout à l'heure au Havre pour rencontrer élus et syndicats sur le devenir de la centrale à charbon de la ville. A l'horizon 2022, elle ne pourra plus produire de l'électricité à partir du charbon. Ça veut dire que ce sera une centrale morte ?

FRANÇOIS DE RUGY
Nous avons décidé de sortir de la production d'électricité par le charbon car c'est le mode de production d'électricité qui détériore le plus le climat. C'est le mode de production d'électricité, le charbon, qui émet le plus de gaz à effet de serre et donc nous avons décidé de fermer les quatre dernières centrales à charbon qui fonctionnent encore en France et cela devra être fait, pourra être fait d'ici 2022.

DELPHINE GARNAULT
Alors qu'est-ce qu'on va faire des quelque 200 salariés qui travaillent dans cette centrale ?

FRANÇOIS DE RUGY
Nous accompagnons à la fois les entreprises concernées, EDF, une société allemande, UNIPER, les salariés bien sûr, mais aussi les territoires concernés par ces quatre sites de centrales à charbon pour envisager la reconversion, le reclassement du personnel à l'intérieur des entreprises concernées, notamment au Havre à l'intérieur de l'entreprise EDF. C'est sur quoi nous travaillons depuis des mois. C'est ce dont nous allons parler aujourd'hui même au Havre alors que lors des précédentes fermetures de centrales, notamment en 2017, c'est assez récent, la grosse centrale de Porcheville dans les Yvelines a été fermée sans qu'il y ait le moindre accompagnement de l'Etat.

DELPHINE GARNAULT
Alors, ça ne veut pas dire qu'ils n'auront plus d'emploi au Havre dans trois ans.

FRANÇOIS DE RUGY
Cela veut dire que nous ferons tout bien sûr pour accompagner les entreprises, les territoires, pour envisager les projets de reconversion pour envisager d'autres projets industriels sur la zone portuaire du Havre. On sait qu'il y a un développement des activités, on sait qu'il y a un projet d'usines d'éoliennes par exemple avec un investisseur, SIEMENS, qui est prêt à créer une usine nouvelle qui pourrait créer de 750 à 1 000 emplois sur la zone portuaire du Havre. Nous avons donc des possibilités de développement d'autres activités qui prennent le relais. C'est la transition énergétique. Les nouvelles énergies remplacent les vieilles énergies.

DELPHINE GARNAULT
Alors, on sait aussi qu'on ne travaille pas le charbon comme on construit une pale d'éolienne !

FRANÇOIS DE RUGY
Bien sûr pour les personnels concernés, cela ne veut pas forcément dire qu'on passera directement de la centrale thermique au charbon à la production d'éoliennes mais cela veut dire que l'entreprise EDF est capable – c'est une grande entreprise, c'est un grand groupe –¸ de reclasser les personnels en interne et cela veut dire aussi qu'il y a bien sûr des possibilités sur le territoire de reconversion, de formation et donc de nouveaux emplois.

DELPHINE GARNAULT
On sait aussi qu'au sein de la centrale EDF du Havre, on a travaillé sur la biomasse. Est-ce que ça, ça peut aussi être une solution de reconversion pour la centrale même ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est ce dont nous allons discuter, nous en avons déjà discuté avec les représentants des salariés au niveau national. Nous en avons parlé avec EDF. Le président d'EDF m'a dit que le projet « Ecocombust » puisque c'est comme cela qu'on appelle …

DELPHINE GARNAULT
Tout à fait.

FRANÇOIS DE RUGY
…cette idée de réutiliser les déchets de bois pour fabriquer des pellets de bois qui, ensuite, pourraient être utilisés soit pour produire de la chaleur soit éventuellement pour produire de l'électricité, eh bien, c'est un projet EDF. Aujourd'hui, ce n'est plus simplement un projet porté par des salariés et donc nous avons posé un certain nombre de questions à EDF pour voir si ce projet est faisable et dans quelles conditions.

DELPHINE GARNAULT
Alors, dans les enseignements que vous aviez tirés des analyses complémentaires de Réseau Transport Electricité, il semblait que la centrale de Cordemais était mieux partie sur ce projet « Ecocombust » de biomasse. Est-ce que ça veut dire que ce serait plutôt Cordemais qui serait favorisée, la centrale de Loire-Atlantique ?

FRANÇOIS DE RUGY
Non, il y a plusieurs sujets différents et il y a un sujet qui est celui de la sécurité d'apprivoisement en électricité. Nous sommes évidemment très vigilants à garantir aux Français, y compris dans trois ans, dans quatre ans, cinq ans, moi, je travaille y compris pour des périodes bien sûr où je ne serai plus ministre et je veux garantir, tout faire pour que la sécurité d'approvisionnement en électricité soit garantie aux Français. Cela passe bien sûr par des mesures de précaution dans le cadre de la transformation de la production d'électricité en France qui a déjà commencé et qui va se poursuivre et donc parmi ces mesures de précaution, il y a la possibilité que la centrale de Cordemais soit mise en veille et qu'elle ne fonctionne plus que quelques centaines d'heures par an. Cela n'est pas encore décidé. Cela sera également discuté avec EDF.

DELPHINE GARNAULT
Oui parce qu'on peut vous reprocher d'avoir favorisé votre territoire au détriment de la Seine-Maritime. C'est ce que certains disent en fait puisque vous êtes originaire de Loire-Atlantique !

FRANÇOIS DE RUGY
Je connais ces polémiques politiciennes. Moi, ce que je sais, c'est que je me suis présenté aux élections en 2017 en Loire-Atlantique dont je suis élu, je suis né à Nantes, j'ai fait tous mes mandats à Nantes, eh bien, j'ai dit aux électeurs, à cette période-là en 2017, de toute façon, il faudra fermer les centrales à charbon en France, y compris celle de Cordemais en Loire-Atlantique. Donc moi, j'ai assumé avant même, voyez-vous, les élections, avant même que cette décision soit annoncée formellement, je l'ai assumée publiquement et j'ai été élu d'ailleurs en pleine connaissance de cause car je crois qu'il faut dire la vérité aux Français : nous sommes engagés dans une transition énergétique. Ça veut dire qu'on passe d'un état actuel où il y a un certain type de mode de production à un état futur dans lequel il y aura de nouveaux types de production et qui seront, bien sûr, beaucoup plus tournés vers les énergies renouvelables qui sont non polluantes, qui n'émettent pas de gaz à effet de serre.

DELPHINE GARNAULT
Merci François de RUGY, je vous souhaite une bonne …

FRANÇOIS DE RUGY
Merci !

DELPHINE GARNAULT
…journée au Havre.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2019