Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, à Radio Classique le 9 septembre 2019, sur les élections municipales, l'encadrement des loyers et les impôts locaux.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Les remous de cette période pré-municipales, et puis évidemment son ministère, bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

GUILLAUME DURAND
Ville et logement, bienvenue sur l'antenne de Radio Classique.

(…) Chronique de Guillaume TABARD.

GUILLAUME DURAND
D'abord bienvenue encore une fois, évidemment la première question est toute simple, elle sort de l'éditorial de Guillaume TABARD, politiser une élection est-ce que c'est prendre le risque d'être désavoué ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je crois surtout que des élections municipales ce sont des élections locales et que localement vous votez pour une personnalité, vous votez pour un projet qui concerne votre ville, avant toute autre chose, et donc les élections municipales ne sont pas des élections nationales, ça j'en ai la conviction, et je crois que tous ceux qui nous écoutent le savent très bien.

GUILLAUME DURAND
Mais la conviction ça ne veut pas dire, Julien DENORMANDIE, que ce soit la réalité. Par exemple, regardez l'importance politique qu'a pris la bataille de Paris, on ne peut pas dire que ce soit une élection locale, c'est devenu une affaire nationale.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais parce que Paris, on le sait bien, Paris est un scrutin particulier, on ne va pas se mentir. Effectivement, Paris est regardée par tous, et Paris, d'ailleurs, a un impact sur d'autres élections locales, donc Paris est peut-être un cas à part. Mais encore une fois, moi je pense qu'il faut vraiment avoir en tête que des élections municipales ce sont des élections locales, que vous avez beaucoup de maires qui portent des listes de rassemblement. Et vous savez, ce qu'on a réussi à faire au niveau national, en créant En marche, en portant ce projet présidentiel de rassemblement, ce serait aberrant de ne pas réussir à le faire au niveau local, localement il faut rassembler, il faut se mettre autour d'une table, autour d'un projet qui…

GUILLAUME DURAND
Oui, mais à ce moment-là pourquoi présenter un candidat à Bordeaux, par exemple, contre celui qui est l'héritier, Thomas CAZENAVE, contre celui qui est l'héritier naturel, enfin naturel, d'Alain JUPPE, tout ça est quand même extrêmement peu compréhensible par beaucoup de gens, alors qu'en même temps BAYROU soutient cet homme ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, je ne crois pas. A Bordeaux on a un candidat la République en marche, un candidat excellent, Thomas CAZENAVE, qui est bordelais, bordelais depuis toujours, il y a fait ses études…

GUILLAUME DURAND
D'accord, mais il y a un maire sortant.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais vous pouvez croire dans une personnalité, en l'occurrence moi je crois en Thomas CAZENAVE, combien même cela pourrait vous amener à avoir des discussions avec des partenaires, des partenaires qui sont vraiment des alliés, comme le MoDem et les équipes de François BAYROU, mais tout ça, est très cohérent. Vous savez, la cohérence c'est le projet qu'on porte, ce projet présidentiel.

GUILLAUME DURAND
Franchement, vous dites tout ça est très cohérent, mais personne n'y… franchement, non mais parce que personne n'y comprend rien ?

JULIEN DENORMANDIE
Si, parce qu'il y a cette petite musique…

GUILLAUME DURAND
La paix armée aurait été très simple, vous laissez le candidat sortant, il n'y avait pas de candidat la République en marche, comme ça va être le cas dans de nombreuses autres villes où vous soutiendrez le sortant qui est proche, finalement, des thèses d'Emmanuel MACRON.

JULIEN DENORMANDIE
Mais parce que la cohérence c'est justement ce projet, ce projet localement, la cohérence ce n'est pas de se dire untel ou untel préfère telle personnalité parce que cette personnalité appartient à son mouvement, ce n'est pas ça la cohérence. La cohérence c'est qui est-ce que nous on pense être le mieux en mesure de porter ce projet, ce projet avec ses valeurs, écologiques, européennes, de travail, autour d'une spécificité locale qui est la ville où ces candidats se présentent.

GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il était utile justement, pendant cette réunion des Marcheurs en présence de hiérarques du parti, de soutenir Benjamin GRIVEAUX, est-ce que c'est votre cas ce matin ? Evidemment oui, puisque vous faites partie de ceux qui avaient aidé Emmanuel MACRON à accéder au pouvoir. Mais est-ce que ce soutien, n'est pas la marque je dirais, d'une relative faiblesse ?

JULIEN DENORMANDIE
Je pense qu'il était nécessaire, moi Benjamin GRIVEAUX je le connais depuis très longtemps - et d'ailleurs très tôt j'ai exprimé mon soutien envers lui – Benjamin GRIVEAUX aujourd'hui c'est l'unique candidat de la République en marche sur Paris, c'est le candidat qui a été investi. Alors, ici ou là il y a des commentaires, ici ou là il y avait des interrogations que Guillaume TABARD a très bien résumé, donc ces clarifications, en tous cas sont importantes, et permettent aujourd'hui d'être derrière ce candidat de la République en marche, Benjamin GRIVEAUX, sur Paris.

GUILLAUME DURAND
Mais si c'est le candidat de la République en marche, VILLANI c'est le candidat de qui ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais vous savez, VILLANI n'a pas été investi par la commission nationale d'investiture…

GUILLAUME DURAND
D'accord, mais ça, ça ne veut rien dire, parce que cette commission d'investiture, si c'est une bande de copains…

JULIEN DENORMANDIE
Non, ce n'est pas du tout une bande de copains. Vous savez, la commission nationale d'investiture elle a été décidée, dans son fonctionnement, dans son existence, par les statuts de nos mouvements, qui eux-mêmes ont été adoptés par l'ensemble des adhérents. Mais, je le redis, Benjamin GRIVEAUX c'est le candidat la République en marche. C'est Benjamin GRIVEAUX lui-même, et ça on ne le dit pas suffisamment, Benjamin GRIVEAUX lui-même qui dit « entre mon projet et celui de VILLANI, en fait, il n'y a pas de différence, et donc moi candidat… »

GUILLAUME DURAND
Donc c'est un appel au ralliement, vous considérez que c'est un appel au ralliement.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, « et moi candidat, Benjamin GRIVEAUX, je demande à ce qu'on n'exclut pas Cédric VILLANI parce que j'ai la conviction, puisque nous avons le même projet, qu'à la fin Cédric VILLANI ralliera ce projet… »

GUILLAUME DURAND
Mais il a dit le contraire VILLANI, il a dit partout qu'il irait jusqu'au bout.

JULIEN DENORMANDIE
L'avenir, je suis sûr, donnera raison à ce choix courageux qu'a porté Benjamin GRIVEAUX, et d'autres qui l'ont rejoint, comme Mounir MAHJOUBI la semaine dernière.

GUILLAUME DURAND
Question justement concernant Cédric VILLANI, mais là sur un terrain qui est celui de votre ministère, à propos du logement à Paris il dit au fond il faut regarder ce qui se passe à Berlin et peut-être envisager de bloquer sérieusement les loyers, puisque vous savez que le tarif foncier à Paris augmente, il y a cette question aussi de la taxe foncière, ce sont des questions que vous portez. Alors, première question, effectivement est-ce qu'il faut revenir à ce qui avait été, sous François HOLLANDE, extrêmement contesté, à savoir le blocage des loyers ?

JULIEN DENORMANDIE
L'encadrement des loyers, moi je suis pour l'encadrement des loyers, non seulement je suis pour…

GUILLAUME DURAND
C'est la même chose !

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, et non seulement je suis pour, mais en plus j'ai permis, j'ai porté une loi, il y a six mois, et dans cette loi j'ai permis à ce que l'encadrement des loyers, qui avait été imaginé sous le précédent quinquennat, mais qui avait été mis en oeuvre d'une telle façon que ça ne marchait pas, et même la justice a mis fin…

GUILLAUME DURAND
Qu'est-ce qu'elle n'avait pas entendu Cécile DUFLOT à l'époque quand elle a mis en place !

JULIEN DENORMANDIE
Oui, peut-être, mais moi…

GUILLAUME DURAND
On a dit, elle assassine des propriétaires, et ceux qui nous écoutent, qui sont propriétaires, ça leur fait peur.

JULIEN DENORMANDIE
Mais moi je n'ai aucun dogmatisme là-dessus, moi je pense que c'est une situation qui est nécessaire, pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui on voit, dans une ville comme Paris, que lorsque vous êtes étudiant, que lorsque vous êtes d'une classe modeste, que lorsque vous êtes une femme à la tête d'une famille monoparentale, eh bien c'est tout simplement impossible de se loger, de plus en plus. Et donc on ne peut pas rester immobile face à ça, et que, au bout d'un moment, le marché par lui-même, qui a beaucoup de vertus, eh bien il y a des moments où il a des effets, des effets négatifs, des effets qui conduisent à construire une société qui n'est pas celle que souhaite… personne, qui nous écoute, ne peut se dire demain une ville ne sera composée que de personnes qui ont les moyens et plus du tout…

GUILLAUME DURAND
Oui, mais ceux-là ils deviennent propriétaires, ils ne sont pas dans le locatif, ceux-là ils deviennent propriétaires, et les tarifs du mètre carré à Paris sont en train d'exploser.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais vous savez qu'il y a un lien direct entre le prix de l'achat, quand vous êtes propriétaire, et le prix des loyers, donc le fait de remettre l'encadrement des loyers, pour moi c'est aussi une question très profonde, qui est, quand vous faites une ville, vous faites société, et quelle est la société qu'on souhaite. Donc moi je n'ai aucun dogmatisme dessus, et je suis pour le retour de l'encadrement des loyers, non seulement je suis pour, mais je l'ai même permis en modifiant la loi. Et je dis ça, encore une fois… Vous savez, j'ai une ancre dans mon ministère, c'est d'être le ministre, ni des propriétaires, ni des locataires, mais être le ministre à la fois des propriétaires et des locataires. Avant, quand vous étiez de droite, vous étiez le ministre des propriétaires, de gauche le ministre des locataires, et on opposait toujours les uns aux autres, c'est de la folie, c'est ça, par exemple, qui fait qu'on a des logements vacants, parce qu'un propriétaire se dit un locataire il n'est pas convenable, et un locataire se dit un propriétaire c'est un nanti, tout ça c'est faux. Un propriétaire, la majeure partie des propriétaires, sont des ménages modestes, et l'immense exclusivité des locataires sont des personnes tout à fait raisonnables.

GUILLAUME DURAND
Mais enfin vous savez très bien que si vous bloquez les loyers, une grande partie des propriétaires vont s'inquiéter, vous le savez.

JULIEN DENORMANDIE
Mais il ne faut pas, il ne faut pas. Aujourd'hui…

GUILLAUME DURAND
Il ne faut pas, c'est la réalité.

JULIEN DENORMANDIE
Non, parce qu'aujourd'hui il s'agit de bloquer, d'encadrer les loyers, donc c'est-à-dire les loyers qui sont déjà à des montants très importants, en plus avec un investissement dans l'immobilier qui est un investissement qui aujourd'hui rapporte énormément. Donc moi je suis tout à fait confiant, je n'ai pas de dogmatisme, et j'en appelle aussi, vraiment, à la réflexion collégiale : c'est quoi la société qu'on souhaite demain, est-ce qu'on veut des villes populaires, ou pas ?

GUILLAUME DURAND
Parmi les deux dernières questions que j'ai à vous poser, je l'évoquais tout à l'heure, la taxe foncière, alors on en est où exactement, parce qu'on parle d'une forte hausse de la taxe foncière, certains disent qu'on est en train de s'acheminer vers une sorte de choc fiscal, ce qui pose aussi la question du budget, quelle est la situation exacte ce matin ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je vais être très clair, et c'est des engagements qu'on a toujours pris, il ne s'agit en aucun cas de faire des augmentations d'impôts, en aucun cas. La taxe foncière, ou la taxe d'habitation, sont des taxes qui, en revanche, peuvent présenter des difficultés. On a supprimé, on est en train de supprimer la taxe d'habitation pour tous, on est en train, comme vous le savez. Pourquoi ? Parce que la taxe d'habitation était un impôt totalement délirant et totalement injuste, vous payiez beaucoup plus de taxe d'habitation dans les endroits les plus pauvres.

GUILLAUME DURAND
D'accord… mais j'attends toujours la réponse.

JULIEN DENORMANDIE
Et sur la taxe foncière il s'avère que c'est une taxe qui résulte de paramètres qui avaient été définis en 1970, selon des réalités du territoire qui aujourd'hui ne sont plus celles qu'on observe. Et donc, si les parlementaires le décident, on va entamer un travail, mais un travail de très longue haleine, ça prendra plus de 5 ans, pour se demander est-ce qu'on peut recalculer ces taxes foncières, mais avec un seul objectif, c'est, un, de prendre le temps, le temps de… c'est un travail très fastidieux, et deux, de ne pas augmenter ces impôts, qui sont en plus des impôts spécifiques selon les…

GUILLAUME DURAND
Attendez, ce matin il n'y a pas d'augmentation de taxe foncière prévue avant le débat qui va avoir lieu sur la taxe foncière ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais, vous savez, les taxes foncières ce sont des impôts locaux, ce n'est pas l'Etat qui le décide…

GUILLAUME DURAND
Oui, je sais, mais enfin la réflexion de l'Etat est importante.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais l'Etat a toujours été très clair, l'Etat ne veut pas d'augmentation générale des impôts, on a une chronique de baisse des impôts, de baisse de l'impôt sur le revenu, de baisse des cotisations, donc on ne va pas commencer à se mettre à faire des augmentations générales d'impôts.

GUILLAUME DURAND
Dernière question que j'annonçais tout à l'heure. L'opposition vous taxe d'immobilisme, Marine LE PEN dit que c'est un régime qui a dressé les Français les uns contre les autres. Alors, pour les uns vous êtes, les hommes ou les femmes qui armez les CRS, et pour les autres vous êtes pire, j'allais dire, ce n'est pas un jugement de valeur de ma peur, mais c'est l'immobilisme chiraquien ou l'immobilisme « hollandais » qui est en train de s'emparer, sur le territoire national, d'Emmanuel MACRON ?

JULIEN DENORMANDIE
Je crois que vous l'avez très bien résumé.

GUILLAUME DURAND
Non, je ne l'ai pas résumé, je vous pose la question.

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais je veux dire, certains nous disent qu'on va beaucoup trop vite et d'autres nous disent qu'on ne bouge plus du tout, moi je pense qu'on est tout simplement…

GUILLAUME DURAND
Vous êtes des violents qui ne faites rien, en gros c'est ça…

JULIEN DENORMANDIE
Non, non, moi je pense qu'on est tout simplement sur le bon chemin, c'est-à-dire on réforme et on continuera de réformer jusqu'au dernier jour, on a de grandes réformes à venir, la réforme des retraites, le plan santé qui sera annoncé cet après-midi, et en même temps on veut le faire avec les Français, avec de la concertation, avec de l'écoute, mais écouter ce n'est pas rester immobile. Donc on continuera à réformer, avec beaucoup de détermination, mais en prenant le temps, cette proximité de discuter avec les Français.

GUILLAUME DURAND
Merci mille fois.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2019