Interview de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à RFI le 5 septembre 2019, sur la réforme des retraites, le Brexit et les élections municipales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Jacqueline Gourault - Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

ANNE SOETEMONDT
Bonjour Jacqueline GOURAULT

JACQUELINE GOURAULT
Bonjour.

ANNE SOETEMONDT
Alors les partenaires sociaux ont rendez-vous aujourd'hui et demain à Matignon pour de nouvelles concertations sur la fameuse réforme des retraites, l'occasion pour l'exécutif de mettre en pratique ce fameux changement de méthode qui a été longuement expliqué. Est-ce qu'il n'y a pas pour autant maintenant urgence à trancher, il y a déjà eu 18 mois de concertations sur ce sujet ?

JACQUELINE GOURAULT
Alors, il y a eu 18 mois de concertations par le Haut-commissaire Jean-Paul DELEVOYE, qui est d'ailleurs rentré au gouvernement hier, et ces concertations ont eu lieu, je dirais, avec les partenaires sociaux et avec des spécialistes, dans chaque syndicat, vous savez, il y a des gens spécialisés, et les discussions ont eu lieu, elles ont été fructueuses, mais le président de la République et le Premier ministre veulent poursuivre, 1°) : les négociations transversales, si je puis dire, avec l'ensemble des syndicats, c'est ce qui a lieu ce matin, il y aura également des négociations avec la population française, je dirais, un peu sur…

ANNE SOETEMONDT
Une consultation citoyenne, une sorte de nouveau grand débat ?

JACQUELINE GOURAULT
Une consultation citoyenne, absolument…

ANNE SOETEMONDT
Mais là-dessus par exemple, l'un des partenaires sociaux, Laurent BERGER, de la CFDT, dit ce matin dans plusieurs titres : c'est bien, mais il ne faut pour autant pas recommencer à zéro, sous-entendu, on a déjà tout dit.

JACQUELINE GOURAULT Non, il ne s'agit pas de recommencer à zéro, enfin, les partenaires sociaux ont peut-être déjà tout dit, mais la population, elle aussi, a le droit de dire, de s'exprimer, d'exprimer les choix qu'elle préférerait dans cette réforme, et puis, je n'oublie pas aussi qu'il y aura une négociation, je dirais particulière et verticale, avec tous les régimes spéciaux, puisque vous savez qu'il y a 42 régimes spéciaux.

ANNE SOETEMONDT
Et l'idée, c'est d'uniformiser. J'entends ce que vous dites, plus parler, éviter ce qui s'est passé dans l'acte 1 du quinquennat, des réformes pas comprises, mais pour autant, est-ce que, maintenant, il ne faut pas trancher ?

JACQUELINE GOURAULT
Ah, il y aura un texte qui sera déposé et qui sera, je dirais, le fruit de toutes ces consultations, le président de la République rappelle déjà pourquoi on fait une réforme, on fait une réforme parce que nous sommes dans un système aujourd'hui qui est assez inégal, qui est peu lisible, et vous savez que l'objectif, c'est de faire au fond un régime de retraite, bien sûr par répartition universelle et par point, c'est-à-dire que chaque euro cotisé apportera les mêmes retraites.

ANNE SOETEMONDT
Alors ça, on le sait, pour autant, il y a eu une forme de flou, puisque, vous l'avez dit, vous l'avez rappelé, Jean-Paul DELEVOYE est entré au gouvernement, on l'a su, il y a 48 heures, hier, c'était son premier rendez-vous officiel, il avait dit : moi, je suis pour un âge pivot à 64 ans, c'était sa préconisation dans son rapport. Quelques jours plus tôt, le président avait dit : ah, moi, je préférerais plutôt un âge, enfin une durée de cotisation, alors, est-ce que, hier, Emmanuel MACRON vous en a dit un peu plus, laquelle des deux options va être retenue ?

JACQUELINE GOURAULT
Non, non, justement, il a surtout dit qu'il faut discuter avec les Français de ce genre de sujet, enfin, ce n'est pas un genre de sujet, de ce sujet, parce que, évidemment, c'est très important. Est-ce que l'âge pivot est… comment dire… le centre de la discussion ou est-ce qu'il faut laisser les gens partir à retraite complète, c'est-à-dire à 100 % quand ils le souhaitent, c'est le sujet de la discussion…

ANNE SOETEMONDT
Ça n'est toujours pas tranché. Un mot d'international, nous sommes sur RFI, la soirée d'hier à Londres, on l'a entendu, il y a encore quelques minutes, de nouveaux débats enflammés au Parlement avec des parlementaires qui ont refusé la convocation de nouvelles élections le 15 octobre, ce qui était proposé par Boris JOHNSON, est-ce que le gouvernement français est inquiet ?

JACQUELINE GOURAULT
Comme dirait Michel BARNIER, notre commissaire, les Européens sont calmes résolus et regardent ce qui se passe, bien sûr.

ANNE SOETEMONDT
C'est le 31 octobre, la limite, à priori, du Brexit, c'est dans deux mois…

JACQUELINE GOURAULT
Oui, et regardent ce qui se passe en Angleterre avec attention, bien évidemment. Mais la position est toujours la même, il y a eu pendant deux ans des négociations qui ont abouti à un accord, nous attendons bien sûr de la part du nouveau gouvernement britannique des réponses sur cet accord. Et ce qu'on a vu hier, c'est que le Parlement a pris la main, au fond, sur le Premier ministre, sur Boris JOHNSON, et que, non seulement, il a refusé le no deal, puisque c'est ça, en fait, pour être simple…

ANNE SOETEMONDT
Une sortie sans accord, vous nous dites, pour nos auditeurs…

JACQUELINE GOURAULT
Une sortie sans accord, et a refusé aussi des élections anticipées par peur, bien sûr, que le calendrier qu'a imposé Boris JOHNSON avec une suspension de la vie parlementaire n'entraîne des élections au-delà de la date prévue pour le Brexit…

ANNE SOETEMONDT
Donc vous regardez, vous ne commentez pas plus que cela ?

JACQUELINE GOURAULT
Non, et on est ouvert, au fond, à une reprise de discussions avec le gouvernement, mais des propositions concrètes et qui n'effacent pas les deux ans de négociations et l'accord global que nous avons eus, même si des adaptations effectivement, mais concrètes et précises, pourraient être envisagées.

ANNE SOETEMONDT
Je voudrais qu'on en vienne aux municipales, hier, un premier frondeur au sein de La République En Marche a émergé ; Cédric VILLANI a annoncé qu'il était candidat à la Mairie de Paris. Cédric VILLANI, c'est un ancien MoDem, votre parti, est-ce que cela veut dire qu'entre Cédric VILLANI et Benjamin GRIVEAUX, le candidat officiellement investi par La République En marche, le MoDem, vous, François BAYROU, Jacqueline GOURAULT, avez une préférence, c'est votre candidat ?

JACQUELINE GOURAULT
Non, ça n'est pas notre candidat, ce que nous voyons, c'est qu'il y a un candidat officiellement investi, c'est Benjamin GRIVEAUX, que, effectivement, Cédric VILLANI a… comment dire… déclaré sa candidature, mais même s'il est passé par le MoDem, c'est vrai, à l'époque où il habitait Lyon, aujourd'hui, il est LREM, et, bien sûr, c'est donc à l'intérieur de la famille LREM que les choses posent un sujet, et nous, d'une manière générale, que ce soit pour Paris ou pour d'autres villes, nous avons désigné des chefs de file, mais nous n'avons pas encore investi nos candidats, et bien sûr, nous avons des discussions avec notre parti frère, si je puis dire, LREM, mais d'une manière générale, François BAYROU était plutôt pour des discussions qui engendrent des annonces maintenant à l'automne. Et c'était un petit décalage avec LREM, qui a préféré faire des annonces avant l'été.

ANNE SOETEMONDT
Et d'ailleurs, il y a eu quelques frictions, en tout cas, on en a le sentiment, à propos de ces municipales, prenons l'exemple de Bordeaux, aujourd'hui, le MoDem travaille avec le maire Nicolas FLORIAN qui, lui, est donc LREM… LR, pardon, Les Républicains, c'est…

JACQUELINE GOURAULT
Et le numéro deux est MoDem.

ANNE SOETEMONDT
Voilà. Et pour autant, La République En Marche a, elle, désigné un autre candidat. Alors, est-ce que cela veut dire que c'est juste une réalité locale ou qu'il y a une forme de friction entre votre parti frère, LREM, que vous venez de citer, et le MoDem ?

JACQUELINE GOURAULT
Il n'y a pas de friction, et d'ailleurs, le président de la République a bien insisté sur le fait que les élections municipales ne sont pas des élections nationales, c'est-à-dire qu'il y a autant d'élections municipales qu'il y a de communes en France, alors, bien sûr, il y a… comment dire… certaines villes qui sont plus visibles, puisque ce sont les grandes villes françaises, et vous venez de parler de ce qui se passe à Paris, bon, effectivement, à Bordeaux, il y a eu quelqu'un qui a été investi, monsieur CAZENAVE, mais le MoDem n'a pas encore pris sa décision de ce qui se passerait à Bordeaux, mais comme vous l'avez rappelé vous-même, nous sommes engagés, nous étions engagés avec Alain JUPPE, et bien sûr, nous sommes toujours engagés avec l'équipe actuelle, qui est l'héritière et dans la continuité d'Alain JUPPE.

ANNE SOETEMONDT
Donc réalité locale, pas de friction avec votre partenaire, ce partenariat est toujours solide, vous êtes au gouvernement évidemment…

JACQUELINE GOURAULT
Oui, bien sûr, on peut… comment dire… imaginer que sur l'ensemble des communes de France, il n'y ait pas 100 % d'accord, mais ça ne sera pas un drame, nous avons déjà la différence peut-être, mais nous avons connu ça au MoDem, donc nous comprenons aussi la situation de LREM. Nous, nous avons des sortants, eux ont très, très peu de sortants, en tout cas, ceux qui sont sortants pour LREM, ce sont des gens qui se retrouvent dans la politique du président de la République, mais nous, nous avons aussi des engagements passés, je dirais, un historique un tout petit peu plus long que celui des LREM…

ANNE SOETEMONDT
Donc il faut leur exister. Juste, parce qu'il nous reste quelques secondes, vous êtes attendue ce week-end à Bordeaux justement pourquoi l'université d'été de La République En Marche. Juste, François BAYROU, est-ce qu'il faut qu'il y aille ?

JACQUELINE GOURAULT
Absolument. En tout cas, il est invité, et je pense qu'il ira.

ANNE SOETEMONDT
Merci beaucoup Jacqueline GOURAULT.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2019