Texte intégral
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Mesdames, messieurs les officiers généraux,
Officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots,
L'horizon est clair, le pavillon français déployé, le vent se lève, et c'est l'heure. Il y a des départs au goût amer, mais pas le vôtre. Le vôtre a déjà une saveur de victoire.
En vous engageant dans la Marine, vous avez fait le choix de dompter les flots, de partir à la découverte des mers lointaines, et de partager chaque aventure avec votre équipage. Vous avez fait le choix d'une maison exigeante, belle, et fière, pour porter haut vos valeurs, pour défendre notre liberté. Vous avez fait le choix de servir la France.
Et chaque jour, vous honorez la France de votre engagement. Vous êtes un exemple de dévouement, de service, de valeurs, dans un monde qui parfois semble les perdre toutes. Je devine la fierté de vos familles, et j'espère que c'est cette fierté qui atténuera pour elles, l'amertume de votre départ.
Votre embarquement aujourd'hui est l'accomplissement de votre métier de marin. Vous embarquez, mais vous n'êtes pas seuls. Vous êtes un équipage de plus de 2 000 femmes et hommes, et c'est ensemble que vous réaliserez la mission que l'on vous a confiée. Et si votre embarquement a une saveur de victoire, je veux vous dire aussi ma fierté de vivre ici, avec vous, le départ en mission du groupe aéronaval. C'est absolument unique.
Rendre aux flots le Charles de Gaulle, prêt à sillonner mers et océans, c'est l'achèvement d'une prouesse humaine et technique sans précédent. Seulement 18 mois d'arrêt technique auront été nécessaires pour redonner une nouvelle vie à ce géant, régénéré pour attendre son successeur, un successeur que nous préparons déjà activement pour la seconde moitié des années 2030.
C'est une véritable ville flottante sur laquelle vous embarquez. Et elle est le fruit de votre travail remarquable. Ce navire dont les dimensions dépassent l'entendement, c'est le vôtre. Sans vous, il ne prendrait pas le large aujourd'hui. C'est tout votre attachement, toute l'ardeur que vous mettez à en prendre soin, à sans cesse perfectionner ses équipements qui donnent au porte-avions une seconde jeunesse. Et cette seconde jeunesse est nécessaire pour relever les défis technologiques qui, déjà, nous guettent.
Car lorsque le vent tourne, il faut virer de bord. Et face aux innovations qui transforment la nature des menaces, des systèmes de combat et complexifient le champ de bataille, nous devons manoeuvrer rondement. La modernisation du Charles de Gaulle était indispensable : de nouveaux senseurs, des radars plus précis, une meilleure résilience cyber et surtout le passage au « tout Rafale » avec la capacité inédite d'accueillir 30 avions, comme il y a quelques jours. Et aujourd'hui, quelle image de puissance de voir 20 Rafale, 2 Hawkeye et 1 Caïman embarqués sur le Charles de Gaulle !
Avions, hélicoptères, frégates, le groupe aéronaval est un ballet qu'il faut chorégraphier : les uns voguent, les autres passent, certains se posent et repartent, c'est un véritable travail de précision et d'enchaînement. Et je sais tous les efforts qu'il faut fournir sans relâche pour réussir à s'entraîner d'abord en équipage, ensuite avec le groupe aérien, puis avec les bateaux d'escorte et l'état-major embarqué. Tous ensemble, vous formez un groupe aéronaval puissant, à l'aube de la grande mission où vous démontrerez toute l'excellence que vous avez acquise au cours de ces mois d'entraînement intensif.
Partis de Méditerranée, vous sillonnerez l'océan Indien jusqu'en Asie. Et en haute mer, vous démontrerez, encore une fois, l'excellence de notre groupe aéronaval, excellence que vous mettrez au service des trois missions qui n'en font qu'une, et qui porte le nom de Clemenceau.
Protéger les Français, c'est ce que vous avez chaque seconde à l'esprit, peu importe la mer, peu importe le rivage. Et c'est votre première mission. Tout au long de votre périple, vous honorerez nos engagements de longue date au service de la paix, en apportant un soutien précieux aux déploiements navals et aériens dans chaque région traversée. Au Levant d'abord, car durant un mois entier, vous intégrerez la coalition internationale contre Daech. En rejoignant vos frères d'armes de Chammal, vous serez de véritables piliers de notre lutte contre le terrorisme et poursuivrez activement le combat contre Daech, qui ne se terminera pas avec la chute de son dernier réduit, d'ici quelques jours. Et pour cela, vous avez toute la confiance des Français ; ils vous regardent, et ils sont fiers, comme je suis fière aujourd'hui, au moment même où vous prenez le large, de vous voir équipés, au service de la France.
Vous traverserez ensuite le canal de Suez pour poursuivre votre route dans le Golfe, puis naviguerez dans l'océan Indien jusqu'à Singapour. Là, il s'agira principalement d'anticipation et de connaissance de l'environnement, de zones que nous avons érigées au rang de priorités lors de la revue stratégique. Ne jamais se laisser surprendre, mieux appréhender les menaces et, lorsque c'est nécessaire, être paré au combat, c'est précisément ce que doit permettre le déploiement du groupe aéronaval. Votre connaissance de l'environnement stratégique est fondamentale pour assurer durablement la protection des Français.
La protection des Français, mais aussi celle des Européens. Car le groupe aéronaval, c'est le fruit de moyens collectifs, intégrant nos alliés européens et américains. Et voici votre deuxième mission : coopérer.
La Task Force 473 pourra en effet s'appuyer, en son sein et au cours de différents moments de la mission Clemenceau, sur des bâtiments issus de plusieurs marines étrangères. Ce sont le Portugal, le Danemark, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Australie et les Etats-Unis qui nous rejoignent dans le déploiement du groupe aéronaval.
Et c'est un message fort. C'est d'abord un message européen. Car chaque frégate alliée qui se joint au GAN, chaque hélicoptère qui apponte sur le Charles de Gaulle, c'est une des étoiles de notre drapeau européen. Celles qui, ensemble forment ce cercle parfait, symbole d'unité et de coopération.
Je vous parle d'étoiles et de symboles, mais vous savez très bien que cette coopération est avant tout concrète. C'est une opportunité de taille pour rapprocher nos armées sur le plan opérationnel, renforcer l'interopérabilité de nos marines, optimiser ensemble l'emploi de nos moyens. C'est échanger avec nos alliés, découvrir leurs propres habitudes de travail au quotidien et tisser des liens de confiance.
Ce sera une pierre de plus à l'édifice de l'Europe de la défense. Je tiens à adresser mes chaleureux remerciements à l'Amiral Calado, chef d'état-major de la marine portugaise pour sa présence aujourd'hui parmi nous, signe de l'amitié franco-portugaise qui unit nos deux pays.
Je tiens aussi à souligner l'implication de nos partenaires britanniques qui prouvent une fois de plus que le Brexit n'est pas un obstacle à une étroite coopération de nos armées, et je les en remercie.
C'est enfin un message de coopération internationale, puisque nous pourrons compter sur nos alliés américains et australiens, dont les moyens seront directement intégrés au GAN.
Internationale également, car en prenant le large, c'est la France que vous ferez rayonner. C'est votre troisième mission.
Grâce à vous, à chaque étape, de Toulon à Singapour où vous accosterez au moment du Shangri-La dialogue, la France sera présente, déterminée à affirmer son statut de puissance maritime, à défendre ses valeurs, à porter un message de paix qui semble aujourd'hui plus nécessaire que jamais, particulièrement dans l'océan Indien.
Et grâce à vous, à chaque étape, nous approfondirons notre coopération avec les précieux partenaires qui sont les nôtres, en Méditerranée, dans le Golfe et dans l'océan Indien. Ainsi, l'expertise aéromaritime mondialement reconnue du GAN sera mise au profit de plusieurs entraînements opérationnels organisés avec des pays riverains du déploiement. Le groupe aéronaval participera aux exercices égyptiens Ramsès au mois de mai, puis aux entraînements indiens, Varuna en juillet prochain. Ces exercices seront l'opportunité d'améliorer l'interopérabilité de nos forces avec l'Egypte et l'Inde qui constituent deux partenaires majeurs de notre pays.
D'autres rencontres sont prévues, notamment avec l'Australie. Elles viseront à renforcer la coopération entre nos marines et à consolider durablement les liens qui unissent nos pays, à l'heure où de nouveaux équilibres mondiaux émergent dans la région indopacifique.
Enfin, votre présence au Shangri-La dialogue sera le point d'orgue du rayonnement de la France en Asie.
Clemenceau, c'est le nom qui a été choisi pour la grande mission que vous conduirez. Ce nom de baptême est la parfaite synthèse des trois missions que je vous ai décrites. Il illustre à la fois la mémoire de la victoire, l'effort de coopération et de partenariat vers l'orient sur un chemin que Clemenceau lui-même avait emprunté en 1920 et enfin, le rayonnement de la France.
C'est une magnifique mission, pour un navire d'exception, que vous vivrez en équipage. Au-delà de l'accomplissement de votre devoir, de la réalisation de cette mission, je vous souhaite de vivre une aventure humaine : car c'est aussi ce qui fonde le sens de votre engagement.
Soyez attentifs les uns aux autres, c'est le ciment de l'esprit d'équipage qui vous anime. Je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d'entre vous et vous assure de l'attention que je porte à vos proches laissés au port.
On dit que prolonger les adieux fait inutilement durer les départs, je ne m'étendrai donc pas davantage. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter pour votre mission, tout le succès que présagent votre talent et votre engagement. Alors, bon vent et bonne mer !
Vive la République ! Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 14 mars 2019