Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous allons parler du Bac, nous allons parler des enseignants, nous allons parler de la possibilité donnée à des étudiants de grande école de commerce ou d'ingénieurs de rejoindre pendant un à deux ans à l'issue de leurs études des PME ou entreprises de taille intermédiaire en région. Gabriel ATTAL sera avec nous dans un instant, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse.
///
(Sujet info : Sultanat de Brunei en Malaisie)
///
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gabriel ATTAL, vous boycottez ces deux palaces parisiens ?
GABRIEL ATTAL
Moi, je n'ai pas l'habitude d'aller dans ces palaces, mais si ça permet de faire tomber un peu le mythe qu'il y a autour de ces grands établissements, en montrant que derrière il y a une réalité qui est un peu moins belle, je pense que c'est une bonne initiative.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonne initiative, vous la soutenez, George CLOONEY, Elton JOHN qui demandent ce boycott. Bien Gabriel ATTAL, on va parler du Bac, on va parler aussi de ces étudiants qui pourront aller faire des stages dans les PME, à tout de suite.
///
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gabriel ATTAL est avec nous, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Gabriel ATTAL, jeudi les professeurs des écoles renouvelleront leur grève pour la deuxième fois en un mois, ils ont raison ?
GABRIEL ATTAL
Non, moi je ne pense pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pourquoi ont-ils tort alors, vous n'allez pas me dire qu'ils ont raison, mais pourtant je dois vous poser la question ?
GABRIEL ATTAL
Il y a des réformes importantes qui sont engagées et pour le coup sur le primaire, sur le premier degré on met le paquet depuis deux ans. On met le paquet en dédoublant les classes, en CP, en CE1, dans les territoires REP et REP+. On met le paquet en augmentant les moyens partout, y compris dans la ruralité pour faire en sorte que le taux d'encadrement reste important. On met le paquet en faisant en sorte qu'il y ait plus de passerelles entre le primaire et le collège, c'est des projets qu'on porte. Ça peut inquiéter parce que c'est des transformations, donc moi je comprends qu'il y ait des professeurs qui puissent se dire, mais comment est-ce que concrètement ça va s'organiser ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le regroupement, le regroupement d'écoles élémentaires et de collèges ?
GABRIEL ATTAL
C'est exactement ça, c'est les établissements publics des savoirs fondamentaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
GABRIEL ATTAL
Ça s'appuie sur quoi ? Un constat qui revient de partout, c'est qu'entre l'école et le collège, vous avez une coupure, et qu'il y a des élèves qui peuvent être désorientés quand ils arrivent au collège, ce n'est quand même pas la même organisation, ce n'est pas la même maîtrise de son agenda.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si vous regroupez école et collège, il faudra, je ne sais pas moi, moins d'encadrement, vous faites des économies. Ce que vous reprochent les syndicats, si j'ai bien compris, c'est que vous voulez faire des économies sur le dos de l'école.
GABRIEL ATTAL
En fait l'inquiétude, elle est là-dessus effectivement, quand on dit regroupement, certains disent, mais est-ce que ça ne veut pas dire déjà qu'on va regrouper tout physiquement et donc il y aura moins de proximité avec les parents et les élèves ? Evidemment non. Est-ce ça veut dire qu'on va supprimer des postes et qu'il y aura moins de liens avec les familles, évidemment non. L'objectif c'est quoi ? C'est de dire qu'aujourd'hui vous avez des initiatives qui sont portées dans des territoires. Je donne quelques exemples, vous avez par exemple des professeurs des écoles qui continuent à suivre un peu leurs élèves une fois qu'ils sont au collège, qui parlent avec leurs enseignants au collège parce qu'ils les connaissent, pour leur dire voilà, il a besoin de ça etc… Vous avez des initiatives en matière de sciences, en matière pédagogique sur d'autres sujets. Aujourd'hui elles n'ont pas de base institutionnelle, c'est-à-dire que si un professeur porte ça et qu'il s'en va, qu'il est muté, ça disparaît. Nous, ce qu'on veut, c'est dans les territoires qui le souhaitent si les acteurs de la communauté éducative le souhaitent, mettre en place un cadre institutionnel qui permet de faire en sorte que ça s'inscrive dans la durée, parce qu'il faut moins de rupture entre l'école et le collège. Mais encore une fois c'est sur la base du volontariat, de la communauté éducative, il faudra qu'ils soient volontaires et encore une fois ce n'est que du plus pour les élèves et les familles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gabriel ATTAL, autre contestation, cette fois dans le secondaire, le lycée, les épreuves du Bac pourraient être perturbées, c'est ce que laissent entendre des enseignants opposés à la réforme du lycée, et le SNES principal syndicat du secondaire, lancera une consultation, jusqu'où êtes-vous prêt à aller dans l'idée du dépôt d'un préavis de grève pour le 17 juin, jour de l'épreuve de Philo, vous imaginez une grève le jour du Bac ?
GABRIEL ATTAL
Non, je ne veux pas l'imaginer. Je ne veux pas l'imaginer parce que ce qui doit primer, c'est l'intérêt des élèves et je sais que les enseignants, ils ont l'intérêt des élèves chevillé au corps. Donc ils lancent une consultation, moi j'ai plutôt tendance à penser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la réforme du lycée qui est contestée.
GABRIEL ATTAL
Oui, mais la réforme du lycée, c'est pareil.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les maths par exemple.
GABRIEL ATTAL
Tout le monde dit, Jean-Jacques BOURDIN, tout le monde dit que ce n'est pas normal ce système où on doit choisir en Seconde, entre L, ES et S et qu'on rentre après dans un silo qui fait que ce que vous décidez en Seconde pour votre lycée, ça va conditionner ce que vous ferez dans vos études supérieures et donc les boulot que vous pourrez avoir plus tard dans votre vie. On rentre aujourd'hui dans des tuyaux avec ces filières qui n'ont plus aucun sens, où on considère que la filière S, c'est la seule filière d'excellence, on ne sait pas trop pourquoi, que maintenant la majorité des élèves la choisissent dans vouloir faire de science, donc l'idée, c'est de dire, on veut que les élèves puissent se construire progressivement un parcours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais là on comprend, on comprend les élèves pourront choisir à la carte parmi 12 spécialités, on comprend. Sauf que parallèlement le ministre BLANQUER annonce 2.600 suppressions de postes dans le secondaire. Pardon, moi je veux bien, mais on fait une réforme en supprimant des postes dans le secondaire, ce n'est pas ça qui va permettre d'appliquer parfaitement la réforme, non, ou alors encore une fois, la réforme est faite pour faire des économies.
GABRIEL ATTAL
Non, deux choses, la première c'est, pourquoi est-ce qu'on supprime des postes ? Parce qu'on en crée dans le primaire. Vous savez quand on regarde les système éducatif français, on dépense grosso modo ce que dépensent nos grands voisins européens qui réussissent mieux que nous dans les classements. Pourtant on dépense beaucoup moins sur le primaire et beaucoup plus sur le secondaire, donc on rééquilibre. Mais supprimer des postes, ça ne veut pas dire qu'il y aura plus d'élèves par classe partout. Ça veut dire qu'on supprime des postes administratifs et ça veut dire que les professeurs vont faire quelques heures supplémentaires, ce qui par ailleurs est du pouvoir d'achat puisqu'on les a défiscalisées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui parce qu'ils sont très mal payés et vous ne les augmentez pas.
GABRIEL ATTAL
Vous discutez avec des professeurs, ils vous disent, vous savez moi, je préfère faire une ou deux heures supplémentaires, je préfère avoir peut-être un ou deux élèves en plus dans ma classe, si les élèves qui arrivent, ils savent lire, écrire, compter et respecter autrui parce qu'ils ont plus de moyens au primaire ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, vous lancez une initiative qui me parait très intéressante, qui s'appelle le volontariat territorial en entreprise, les étudiants de grande école de commerce, ou d'ingénieurs pourront rejoindre une PME pendant un ou deux ans, à l'issue de leurs études, sous quelles conditions ?
GABRIEL ATTAL
L'idée, c'est de dire qu'on veut permettre à des élèves qui sortent de grandes écoles ou d'écoles d'ingénieurs d'aller passer un an ou deux ans dans une PME, une TPE qui est hors des métropoles pour faire le bras droit du chef d'entreprise. C'est bon pour l'entreprise parce que c'est des compétences qui sortent de grandes écoles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui paiera alors ?
GABRIEL ATTAL
Qui vont venir dans l'entreprise. Et c'est bon pour les jeunes parce que quand vous êtes dans une PME auprès du chef d'entreprise, vous avez beaucoup plus de responsabilités, vous êtes beaucoup plus aux prises avec les cercles de décisions que si vous êtes dans une multinationale où la chaîne hiérarchique, elle est près de vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc qui paiera…
GABRIEL ATTAL
C'est les entreprises qui paieront et là ce qu'on fait et ce que je lance aujourd'hui c'est un travail avec les collectivités locales et notamment les régions pour qu'elles proposent des facilités en matière de logement, de transport, voire même de bourse si elles le souhaitent, sur la base du volontariat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ne pas défiscaliser ces salaires-là ?
GABRIEL ATTAL
Ecoutez, c'est une idée que je vais expertiser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment, ça aide le chef d'entreprise, non mais c'est vrai…
GABRIEL ATTAL
Pourquoi pas. On veut inciter effectivement, on veut faire en sorte qu'il y ait plus de liens entre ces jeunes diplômés de grandes écoles, d'écoles d'ingénieurs et les PME, c'est bon pour les jeunes parce qu'ils vont gagner plus de responsabilités très tôt et ensuite pour décrocher un emploi, ce sera plus facile et c'est bon pour les PME et TPE et l'industrie de notre pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous garde Gabriel ATTAL, nous sommes avec Eric BRUNET et Laurent NEUMANN. (…)
///
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous garde Gabriel ATTAL, nous sommes avec Eric BRUNET et Laurent NEUMANN.
///
Ça n'est pas responsable, Gabriel ATTAL ? Ça n'est pas responsable ?
LAURENT NEUMANN
Et quand un ancien président de la République tient les propos qu'il a tenus, je ne trouve pas ça très responsable non plus en l'occurrence, mais bon…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gabriel ATTAL, ça n'est pas responsable de ne pas recevoir le président de la République ?
GABRIEL ATTAL
Oui, moi, je pense qu'il y a beaucoup d'irresponsabilités qu'on voit en ce moment, vous avez cité les Hauts-de-France avec François RUFFIN ou d'autres élus, il y aura peut-être d'autres exemples, moi, par rapport à ce qui vient d'être dit, je ne comprends pas pourquoi on n'arriverait pas dans le débat public à concilier autorité et dialogue, finalement, on a l'impression quand on écoute les commentaires politiques, semaine après semaine, parfois, on critique le président de la République, en disant : il est trop autoritaire, et puis, parfois, on dit : mais il a perdu son autorité. La réalité, c'est qu'on peut décider, qu'on peut avoir une autorité, et en même temps, on peut ouvrir grand les portes et les fenêtres comme ça a été fait avec le grand débat et dialoguer avec les Français. Vous avez raison…
LAURENT NEUMANN
Je note par ailleurs que le ministre BLANQUER est prêt à écouter et à changer les choses, simplement...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, attendez, oui, à propos du ministre BLANQUER, je voudrais juste faire une parenthèse, il sera là vendredi, je pense, et surtout, il va répondre à vos questions, et tiens, juste un mot, Jeanne qui nous dit : je suis dans un village en Seine-et-Marne, ça fait deux ans qu'on nous ferme des classes, la maîtresse de mon fils a une classe de trois niveaux, elle ne peut pas s'occuper de tout le monde. Gabriel ATTAL, c'est une réalité aussi !
GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr, c'est une réalité, il faut regarder au cas par cas. La réalité, c'est que vous avez une baisse démographique dans beaucoup de territoires, et qu'aujourd'hui, vous avez des règles qui font que quand vous perdez des élèves, eh bien, pour garder un taux d'encadrement et pour pouvoir créer des classes là où il y a des élèves en plus, eh bien, on adapte, et effectivement, on ferme des classes là où on perd beaucoup d'élèves. Depuis deux ans, il y a 40.000 élèves en moins dans les territoires ruraux, dans le premier degré, on aurait dû fermer énormément de classes, on en a ouvert, au contraire, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des territoires où il y en a qui ferment et qui ouvrent, mais globalement, dans la ruralité, vous avez eu plus d'ouvertures de classes que de fermetures…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La réponse, c'est le regroupement justement ?
GABRIEL ATTAL
Non, la réponse, je pense que c'est peut-être de re-réfléchir à la règle et à comment est-ce que ça fonctionne par rapport à la baisse démographique. On va demander un rapport et on va regarder…
LAURENT NEUMANN
Juste un mot pour parler de l'autorité, et vous avez cité l'exemple de la Corse et de la future visite du président de la République, il y a quelque chose que personne ne dit sur la Corse, jamais dans l'histoire de France, jamais, une collectivité comme celle de la Corse n'a eu autant de pouvoirs, ceux qui dirigent la collectivité corse ont aujourd'hui plus de pouvoirs que toutes les collectivités locales françaises, et ils demandent quoi en plus, qu'ils agissent, qu'ils utilisent ses pouvoirs.
///
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Messieurs. Gabriel ATTAL, merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 avril 2019