Extraits d'un entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à Europe 1 le 18 mars 2019, sur l'impact des manifestations violentes des "Gilets jaunes" sur le tourisme.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Bonsoir, Jean-Baptiste Lemoyne.

R - Bonsoir.

Q - L'image de la France malmenée, abîmée après des scènes de violences inacceptables le tout sur une avenue qui a valeur de symbole aux yeux du monde, l'avenue des Champs-Elysées. Ce sont là de lourds dommages à long terme que nous subissons déjà ?

R - Oui, nous les avons subis déjà. Et nous le voyons d'ailleurs dans la chute des arrivées aériennes au mois de janvier en France. Au moins 7,8%. Là où nos voisins italiens, espagnols connaissent aussi une chute. Il y a une tendance globale, mondiale, mais elle est accentuée en France du fait de la violence de ces images. Et moi, dès demain, je serai à Marseille pour m'attacher à rassurer les mille tours opérateurs mondiaux qui sont présents pour découvrir la destination France. C'est un message pour leur dire que naturellement en termes de sécurité on sera au rendez-vous. Et le Premier ministre a fait des annonces fortes dès ce soir. Et que, par ailleurs, les musées sont ouverts, les transports fonctionnent et que le monde du tourisme est toujours là, se met en quatre pour bien accueillir ces visiteurs internationaux qui font la richesse de la France.

Q - Oui, on va parler bien sûr des annonces du Premier ministre. Mais la réaction des touristes, Jean-Baptiste Lemoyne, on les entend à notre micro. Ils sont sidérés de voir ce qui se passe. Cela fait dix-huit semaines que les images sont partagées dans le monde entier, avec ce samedi, le chaos au coeur de Paris. Qu'est-ce que vous allez faire concrètement ? Quand vous vous dites que vous allez prendre conscience et rencontrer ces intervenants, ces agents, qu'est-ce que vous allez leur dire ?

R - Alors c'est très simple. Dès demain, il y aura un message très simple adressé à ces mille tour-opérateurs : nous sommes là, en matière de sécurité, à prendre les décisions qui conviennent et surtout à faire en sorte que les touristes puissent pleinement profiter de leur séjour. Et puis, par ailleurs, pour redresser cette image, il n'y a pas à tortiller, pardonnez-moi l'expression, mais il va falloir mettre des moyens supplémentaires sur la promotion pour pouvoir...

Q - Vous en avez pour faire une véritable campagne pour la destination France ?

R - Nous l'avons fait en 2016-2017 après les terribles événements que le pays avait connus. Donc, dès jeudi, je réunirai les professionnels du tourisme francilien pour que nous puissions nous pencher sur les mesures à prendre avec l'office de tourisme et des congrès de Paris, avec la région Ile de France. Parce que le tourisme c'est 8% du PIB de la France, c'est 2 millions d'emplois directs ou indirects. Et donc, je le dis, ces casseurs, ces vandales qui s'en prennent à la plus belle avenue du monde, ils s'en prennent aussi aux travailleurs qui font vivre ce secteur. Je trouve donc que tout cela est très antisocial de leur part.

Q - Quand vous dites moins 7,8% sur les vols aériens. Quels sont les chiffres précis d'impact sur les hôtels, notamment en Ile de France, sur les restaurants, pour les bus touristiques. Est-ce que vous avez une estimation globale de la perte en chiffre d'affaire ?

R - Alors la perte est différenciée selon les localisations d'hôtels. Naturellement, vous comprenez que ceux qui sont dans ce qu'on appelle le triangle d'or sont plus impactés que d'autres. Notamment, les hôtels de luxe puisque la clientèle haute gamme a tendance à se détourner de la destination Paris par exemple. Et pourtant, ce luxe est aussi l'image de certaines valeurs françaises.

Q - C'est important, on va s'arrêter là-dessus parce que le luxe ça devient presque un mot tabou. On a entendu, et pas seulement des casseurs ou des pilleurs, on a entendu, on a vu des gilets jaunes se faire filmer devant le Fouquet's et devant des boutiques de luxe vandalisées. Vous nous dites luxe c'est aussi le savoir-faire français ?

R - Bien sûr, le luxe est au coeur de nos exportations françaises. Le luxe, c'est ce qui fait la réindustrialisation d'un certain nombre de nos territoires. De grands fabricants du secteur du luxe ont relocalisé des activités. Et on a beaucoup d'ouvriers, d'ouvrières, qui s'attachent à confectionner des produits qui font la renommée de la France partout dans le monde. C'est pourquoi il est important de dénoncer ces agissements qui sont irresponsables.

Q - Mais une image, une réputation, c'est qu'il y a de plus difficile à redorer. Est-ce que vous diriez que la reprise du tourisme, ça avait commencé à repartir et à se stabiliser, est enrayée pour l'année 2019 ?

R - Oui, en fait, on se rend compte qu'une fois que les événements s'apaisent, on peut lancer de la promotion et les chiffres se redressent. Il y a quelques jours, le directeur général d'ADP me confiait que les chiffres d'arrivée au mois de mars commençaient à se redresser. On était à nouveau en croissance, on le voit bien, il y avait des résultats après déjà des mesures de relance. Mais il va falloir reprendre inlassablement. Parce que les images de samedi ont un impact.

Q - Mais si vous deviez imaginer, vous, le secrétaire d'Etat en charge du tourisme, une campagne aujourd'hui pour la destination France. Quels mots mettre en avant ? Est-ce qu'il ne faut pas d'ailleurs mettre plutôt en avant toutes nos belles régions, mis à part Paris où il y a encore beaucoup de tensions et de problèmes. Je ne sais pas mettre en avant l'Auvergne, la Bretagne, d'autres régions ?

R - C'est ce que nous ferons demain puisque ce sont les 13 régions métropolitaines et les régions ultramarines qui seront présentes à Marseille. Et d'ailleurs c'est la France dans toute sa diversité parce qu'effectivement nous devons veiller à ce que le tourisme irrigue l'ensemble des territoires. Et je peux vous dire que ce week-end ce sont des tour-opérateurs du monde entier qui ont fait 68 Eductour, ce qu'on appelle Eductour c'est qu'ils ont vécu les expériences qu'ils proposent aux touristes partout dans les régions de France et ça s'est très bien passé, y compris pour l'Eductour qui était en Ile de France. (...) 


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mars 2019