Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à CNews le 20 mars 2019, sur le niveau général des études et le dédoublement des classes dans le primaire.

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Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Les violences dans les manifestations, évidemment il en sera question avec Jean-Michel BLANQUER, le ministre de l'Education nationale invité de Jean-Pierre ELKABBACH dans quelques instants, mais aussi le classement des lycées ou encore l'amiante dans nombre d'établissements scolaires. L'interview de Jean-Pierre ELKABBACH c'est tout de suite.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'actualité vous gâte, décidément. Bienvenue Jean-Michel BLANQUER. Bonjour.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Chaque année, depuis 26 ans, les équipes spécialisées du ministère de l'Education, l'IVAL, publient la liste des meilleures des 4 300 lycées généraux, techniques, professionnels, publics et privés, que compte le pays, la France. Et ça tombe bien, ça tombe aujourd'hui. Est-ce que c'est inquiétant, est-ce que c'est réconfortant ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oh, c'est plutôt réconfortant, puisque ce que l'on voit c'est que tout établissement peut progresser, et c'est le sens de tout ce que nous faisons actuellement. Et un établissement qui progresse, ça repose sur plusieurs choses, c'est non seulement les progrès pédagogiques, c'est-à-dire le fait de transmettre plus de connaissances aux élèves, mais c'est aussi le climat scolaire, c'est l'esprit d'équipe que l'on fait régner dans un établissement, toutes ces choses qui font ce que j'appelle l'école de la confiance. Et on voit bien que les établissements qui réussissent sont ceux qui réussissent ce cocktail humain, finalement, qui fait qu'un…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas seulement les taux de réussite au bac en fin d'année.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah non, d'ailleurs IVAL c'est plus subtil que ça, puisque c'est comment vous réussissez d'amener un élève d'un point X à un point Y, eh bien grâce à une valeur ajoutée, c'est le sens de... c'est le VA de IVAL, et cette valeur ajoutée c'est notamment la qualité de l'enseignement mais aussi le climat scolaire, deux choses fondamentales.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce qu'un bon lycée ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Un bon lycée, c'est un lycée qui fait régner l'esprit d'équipe, où on vient avec plaisir et où les équipes sont soudées…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais avec des résultats, c'est-à-dire…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et donc les résultats viennent avec ça.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
... on prend des gens en Seconde, Première et Terminale, et on les conduit ou on les aide vers le supérieur.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait. Alors, vous avez, là je vous parlais des causes et vous me parliez des conséquences. Le climat scolaire, la cohésion entre tous, les adultes et les élèves et les parents bien sûr, lorsqu'on réussit à faire équipe, et qu'il a une certaine pérennité des équipes aussi, eh bien tout ceci mène immanquablement au succès, et donc la valeur ajoutée c'est en effet ensuite de faire réussir les élèves, bien entendu.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, ces lycées qui marchent, ils sont dans les beaux quartiers, dans les... ils favorisent toujours les milieux sociaux, ou est-ce que les inégalités commencent à se réduire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Justement non, les lycées qui souvent se détachent dans ce type de classement, peuvent être parfaitement des lycées qu'on considère comme étant dans des territoires défavorisés. Un très bon exemple, on voit dans ce classement que le lycée Gallieni de Toulouse qui avait un petit peu défrayé l'actualité il y a un an et demi pour des questions de violences, en particulier, eh bien nous avons fait beaucoup de travail avec le rectorat de Toulouse pour le remettre en selle et aujourd'hui c'est un lycée qui apparaît très bien classé, qui fait une remontada, si vous me permettez l'expression, formidable, tout simplement parce qu'il y a une équipe soudée, en train de faire ce qu'il y a à faire.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que ça va contre les idées reçues.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, parce que les idées reçues sont souvent des idées de fatalisme. On pense toujours que tout va aller plus mal demain. Moi j'essaie de dire que par l'éducation, les choses peuvent aller mieux, et quand on se prend en main, école par école, collège par collège, lycée par lycée, avec le soutien de l'institution scolaire, on peut arriver à des beaux résultats, et c'est bon aussi de montrer de temps en temps ce qui va bien, il y a des choses qui vont bien dans le système scolaire.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Rien n'est perdu, mais il y a encore beaucoup à faire.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On peut aller plus loin et être meilleur.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a encore beaucoup à faire, c'est le sens de la loi telle qu'elle vient d'être adoptée en première lecture.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Attention, pas trop d'autosatisfaction.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah non non, ce n'est pas de l'autosatisfaction, j'essaie d'expliciter les buts. Beaucoup de choses restent à faire et en particulier un système d'évaluation qui nous permet justement d'aider les établissements à progresser, c'est une des mesures de la loi qui vient d'être votée.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut rappeler que ce n'est pas un classement, ce n'est pas un verdict, c'est une sorte de photo, de diagnostic, de l'Etat. Et votre palmarès à vous, ce serait quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mon palmarès de quoi ?

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des meilleurs lycées.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, je me garde bien de faire un quelconque palmarès, parce que le but n'est pas de faire des palmarès, mais d'amener tous les établissements à progresser.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, ce qui est important c'est qu'on ait des chances, de plus en plus de chance à des jeunes, de plus en plus de jeunes y compris des banlieues, d'avoir des chances et d'aller dans le Parcoursup et faire des études supérieures.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait. C'est ce que... L'année dernière d'ailleurs ce progrès a été important, pour tous les jeunes, tous les jeunes de toute la France, des banlieues, des milieux ruraux, des villes, petites, moyennes, grandes, ce qu'on doit c'est ouvrir l'avenir et ouvrir l'avenir par exemple c'est l'année dernière quand on a permis que beaucoup plus de bacheliers pro aillent en BTS, beaucoup plus de bacheliers technologiques aillent en DUT, qu'il y ait beaucoup plus de mobilité sociale par l'accès à l'enseignement supérieur, ou par l'accès à un métier. N'oublions pas aussi la réforme de l'enseignement professionnel en ce moment, dont le but est l'insertion professionnelle, la réussite des élèves qui sont dans l'enseignement professionnel.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a encore beaucoup à faire, mais il y a toujours des résultats, comme le Petit Poucet. Les résultats sont accessibles en ligne, je le dis, à partir de 09h00, sur education.gouv.fr. Et vous disiez tout à l'heure, c'est le côté positif de l'évaluation, votre système d'évaluation pour les CP/CE1 et même les 6ème, qui est aujourd'hui critiqué. Les enseignants qui refusent sont menacés de sanctions, ceux qui refusent les évaluations. Est-ce que vous pouvez supprimer ou abandonner les tests d'évaluation où ils vous sont tellement nécessaires que non ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce à quoi vous faites référence, c'est très très marginal, donc ça fait l'actualité, mais la très très grande majorité, plus de 90 % des enseignants ont fait ces évaluations, donc il n'y a pas de problème de ce côté-là.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y en a qui disent non.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien il y en a quelques-uns qui disent non, mais sur…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez entendu hier dans les défilés, au cours de la grève ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah oui oui oui. Mais je ne me laisse…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
« BLANQUER casse – disent-ils – les maternelles, favorise le privé, favorise les riches ».

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais c'est un festival de fake news comme on dit, un festival d'infox. Bien entendu nous nous sommes en train de valoriser l'école maternelle, nous nous sommes en train de valoriser le CP et le CE1, nous sommes en train d'améliorer le taux d'encadrement dans chaque département de France, à l'école primaire, en créant des postes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans l'intérêt de qui ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans l'intérêt des élèves bien sûr, dans l'intérêt de la France, puisque notre but, quand on fait une évaluation de CP et de CE1, ce n'est pas pour le plaisir de le faire, c'est que simplement ça nous permet d'avoir pour chaque enfant de France, chaque enfant de France, donc ça fait 2 fois 800 000 CP/CE1, pour chacun de ces enfants on a 3 fois, au cours d'une année, un portrait de là où il où elle en est, c'est-à-dire ses forces et ses faiblesses, notamment en français et en mathématiques. Et grâce à ce portrait, eh bien on permet d'avoir une personnalisation du parcours, les outils pour aider cet enfant à bien démarrer dans sa vie scolaire, pour savoir lire, écrire, compter, respecter autrui. Voilà. C'est ça le but, et évidemment l'immense majorité des professeurs comprennent ça très bien.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais il y en a beaucoup qui hier ont protesté, encore hier, dans les grèves…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais qu'il y ait des défilés, il y en a toujours eu en France.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez créé, si je me rappelle bien, 1 800 postes dans le primaire, vous en avez supprimé dans le secondaire, vous n'êtes pas récompensé, hier on gueulait contre BLANQUER, BLANQUER etc., dans les manifs, mais…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais il y a des gens, si vous voulez, enfin, des protestations il y en a toujours eu, je crains qu'il y en ait encore dans le futur, pas seulement avec moi, le sujet ne doit pas être de se focaliser sur les manifestations. Hier il y a eu en moyenne 13,5 % de grévistes, je le considère, je ne méprise pas ça, c'est à regarder j'écoute les organisations, mais ça ne doit pas nous faire oublier tout le reste, c'est-à-dire la nécessité de faire progresser nos élèves, de hausser le niveau. Vous savez, j'ai deux objectifs très clairs : élever le niveau général et la justice sociale, et les deux vont ensemble. Quand on divise les classes de CP et de CE1 par deux, et qu'on permet à des élèves…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les classes dédoublées.

JEAN-MICHEL BLANQUER
... dont les prédécesseurs ont accumulé des difficultés parfois dans les savoirs fondamentaux, quand on permet à ces enfants d'avoir des résultats comparables aux autres enfants de France alors on a réussi quelque chose à mes yeux de très important pour le futur du pays.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sur les classes dédoublées etc., et les enseignants on voit bien qu'ils font des efforts pour réduire les inégalités, et des inégalités qui remontent, mais il y en a beaucoup qui se sentent peut-être pas forcément engagés, concernés.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, je pense que l'ensemble des professeurs des écoles, en l'occurrence puisqu'on parle de l'école primaire, comprennent bien que, un, il y a une priorité à l'école primaire, c'est-à-dire des augmentations budgétaires, des augmentations de postes, mais aussi un changement de la formation, de la formation initiale et continue des professeurs, et puis un soutien de l'institution dans ce qu'ils font. Les évaluations c'est un soutien de l'institution, c'est un outil pour progresser.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le dédoublement des classes, on a vu lesquelles, après, qu'est-ce qu'ont fait et comment vous allez étendre les âges, les enfants, et en même temps, ces mesures, jusqu'à quelles classes, quel âge etc. ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
La mesure de dédoublement CP et CE1, c'est une mesure d'avant-garde, c'est la pointe avancée de beaucoup d'autres choses, c'est la pointe avancée d'une évolution pédagogique pour réussir à ce que tous les enfants notamment, en CP et en CE1, puissent cranter, consolider les savoirs fondamentaux sans lesquels rien n'est possible ensuite. C'est pour ça que j'ai accordé tant d'importance à ce lire, écrire, compter, et aux premières années de la vie, c'est-à-dire l'école maternelle, le CP et le CE1.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et après ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc il y a toute une série de mesures. Eh bien après, je pourrais vous faire tout le détail de ce que nous faisons, c'est une stratégie très vaste, notamment de formation initiale et de formation continue des professeurs, de leur donner les méthodes les meilleures, grâce à la recherche en particulier, ce que nous faisons, grâce aussi à des expérimentations, et tout ceci doit permettre de consolider notre premier degré. Si nous réussissons à donner à tous les enfants de France ces bases fondamentales, beaucoup de problèmes de notre société vont se résoudre à moyen et long terme par cette réussite-là.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui il y a 190 000 élèves qui sont concernés, à la rentrée 2019 il y en aura combien ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
300 000. 300 000 c'est-à-dire 150 000 par génération, une génération d'enfants c'est environ 750 à 800 000 enfants, donc vous avez à peu près 20 % d'une génération qui bénéficie de cela, et puis nous allons avoir des effets de contagion, c'est-à-dire que nous, par exemple voyez dans l'académie de Reims, en milieu rural, nous faisons aussi des classes dédoublées, même si ça n'est pas en REP ou REP+.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Libération publie ce matin une enquête de 7 pages sur le danger amiante. C'est-à-dire que 22 ans après l'interdiction en France de l'amiante et de ses poussières, qui donne le cancer, il y a des bâtiments scolaires qui seraient rongés aujourd'hui par l'amiante, qui blesse ou qui tue. Est-ce qu'il n'y a pas urgence à protéger à la fois les élèves et les enseignants ? Sans doute vous avez fait déjà des choses grandes ou petites, mais est-ce qu'il n'y a pas urgence à prendre le dossier. D'abord est-ce que c'est vous qui êtes responsable, vous et ceux qui vous ont précédé etc., c'est-à-dire les ministères, les collectivités locales, l'Etat, les promoteurs, qui ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est une responsabilité des collectivités locales, la responsabilité des bâtiments, bien entendu, mais bien entendu nous ne sommes pas du tout indifférents au sujet, il y a toujours une coopération entre les collectivités locales et l'Etat, notamment parce qu'il doit y avoir un diagnostic amiante pour chaque établissement, donc nous vérifions ça, et puis nous avons depuis plusieurs mois enclenché ce que nous appelons une cellule bâti scolaire, c'est-à-dire un conseil que l'Etat peut donner aux collectivités, une expertise que l'Etat peut donner aux collectivités, quand il y a un doute ou quand il y a un problème.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On dit que les pouvoirs publics sont indifférents, aveugles et qu'ils s'en fichent.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non non, c'est un sujet au contraire que je regarde très régulièrement.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a des cas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr qu'il peut y avoir des cas, vous savez…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y en a des cas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il y a des cas de diagnostic amiante, mais dans ces cas-là, comme vous le savez, s'il n'y a pas de travaux quelque part, il n'y a pas de problème, c'est au moment où vous commencez à percer des trous, le moment où vous commencez à faire des travaux, que là il y a un sujet. Donc les collectivités le savent, il y a des procédures qui sont suivies, mais bien entendu s'il y a une anomalie, s'il y a un problème, le rectorat, l'Education nationale est là pour appuyer la collectivité locale dans les démarches obligatoires qu'elle doit faire.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, est-ce que ça veut dire qu'il va y avoir des lycées ou des bâtiments scolaires qui vont être désamiantés ? Et les populations profs et élèves etc., déplacés ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous avez des plans de désamiantage, par exemple, Libération donne l'exemple de du lycée Georges Brassens dans le Val-de-Marne, c'est un lycée, je vois très bien où il en est, il y a, avec la région Ile-de-France, tout un travail pour faire tout simplement le nouveau lycée, et actuellement les élèves ont été mis dans des bâtiments qui sont hors de cause du point de vue de l'amiante. Donc si vous voulez, le travail se fait, mais bien entendu je suis extrêmement sensible au sujet et ouvert chaque fois qu'on me signale un problème.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce problème ne restera pas sans réponse.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah non, il faut évidemment être d'un grand volontarisme. On a le sujet de l'amiante à l'échelle française, mais à l'échelle européenne et même à l'échelle mondiale…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Depuis des années.

JEAN-MICHEL BLANQUER
... et donc il n'est pas exclu aussi qu'il puisse y avoir des initiatives françaises ou européennes pour accélérer encore ce qui doit être fait en la matière. Encore une fois c'est un sujet qui se planifie. A partir du moment où il n'y a pas de travaux, il n'y a pas d'urgence particulière, et quand on voit un problème, on doit réagir immédiatement et les procédures sont prévues pour ça, mais bien entendu l'Education nationale a vocation à réagir immédiatement si un problème particulier est signalé.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai dit : « Vous êtes gâté par l'actualité ». Aujourd'hui c'est la Fête de la francophonie, je ne sais pas s'il y a de quoi faire la fête, les Français sont persuadés que la langue française, leur langue, perd de son influence et qu'elle décline.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est faux heureusement, mais en même temps ça peut être vrai si on n'est pas actif. C'est pourquoi d'ailleurs le président de la République a fait un plan pour la francophonie qu'il avait annoncé à l'Académie française il y a plusieurs mois et que nous mettons en oeuvre. Dans le domaine de l'éducation c'est plusieurs choses. D'abord c'est la qualité de notre langue. J'en parle très souvent, d'une certaine façon je viens d'en parler puisque quand je parle de consolider les savoirs fondamentaux, c'est évidemment faire que nos enfants parlent un bon français, c'est essentiel et nous savons qu'il y a parfois des dégradations de l'orthographe, de la qualité du vocabulaire, tout ceci doit…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça nécessite de la lecture, etc. etc.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ensuite, sur le plan international, nous agissons beaucoup. Il y a, au travers d'abord de nos lycées français de l'étranger, nous avons un plan pour doubler le nombre d'élèves dans les lycées français de l'étranger d'ici à la fin de l'année 2020.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pourquoi par exemple vous voulez donner de l'argent pour l'éducation des jeunes filles en Afrique ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que c'est un sujet clef. Le président de la République a fait un discours à Dakar, ceux qui veulent approfondir peuvent le regarder, dans lequel on a dit qu'il fallait évidemment que l'éducation s'améliore à un niveau mondial. Si on veut en finir avec d'abord la bombe démographique, le risque d'avoir beaucoup trop d'extension démographique sur tous les continents, et notamment en Afrique qui est le continent proche pour nous et le continent ami, si on veut les aider dans un développement durable, nous avons évidemment à agir sur plusieurs facteurs, notamment l'enseignement professionnel, la formation des professeurs, et l'égalité garçons-filles, donc la scolarisation des filles et c'est évidemment ce développement en douceur…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est capital pour l'émancipation.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est capital pour leur émancipation, pour les droits des femmes, et pour le continent et pour la démographie du continent.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi vous n'aidez pas davantage les étudiants étrangers qui veulent venir en France ? Ça c'est un investissement. Pourquoi pas davantage ? Il n'y en a pas assez.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, l'objectif c'est... Frédérique VIDAL porte un plan qui s'appelle « Bienvenue en France », et ce plan il est fait aussi d'abord un pour donner des bourses aux étudiants méritants, le but est si vous voulez de ne pas être un pays qui a accueille juste gratuitement, de manière un peu indifférenciée tout le monde, mais de faire comme font les tous les grands pays universitaires, c'est-à-dire être capable d'avoir du discernement dans notre accueil et ensuite d'aider réellement ceux qui viennent. Ensuite notre autre devoir, et encore plus important, c'est d'aider les pays en question, là si on parle de l'Afrique, à avoir leur propre université de grande qualité, sinon on contribue à la fuite des cerveaux. Donc il doit y avoir de la fluidité, il doit y avoir de la circulation, mais pas n'importe comment, et il doit y avoir un développement équilibré et ça passe par le développement de l'enseignement supérieur dans les pays amis.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai noté que Leïla SLIMANI, prix Goncourt, qui est surtout ambassadrice de la francophonie, mais surtout elle est écrivain, 'encourage la lecture et la découverte d'auteurs francophones qui viennent d'Afrique, du Maghreb, d'Asie et là elle a raison.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Elle a évidemment raison, bien sûr.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a différents sujets, lequel va être choisi ? Vous aviez annoncé un plan pour sécuriser l'espace scolaire et éviter les violences, et de semaine en semaine, il est retardé. Quels sont les obstacles ? Pourquoi vous n'y arrivez pas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est que nous l'approfondissons en permanence parce qu'il y a un travail interministériel…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais enfin, à un moment il faut décider.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non, mais de toute façon ce plan est pour la rentrée prochaine, depuis le début nous le disons, donc de toutes les façons, ce que nous sommes en train de faire c'est tout simplement d'améliorer sa qualité. Il va y avoir un travail, il y a un travail qui a été fait très important sur ce qui est à bord des établissements, autrement dit plus de présence de la police dans les quartiers qui le nécessitent. Vous aurez ensuite une dimension de responsabilisation avec les familles, autrement dit on prend au sérieux la notion de coéducation, et ça c'est ce détail là, que je donnerai dans les prochains jours.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous supprimerez les allocations suspendant les allocations familiales…

JEAN-MICHEL BLANQUER
On a toujours... Non, il y a beaucoup de confusion dans le débat public là-dessus, il y a beaucoup de confusion parce qu'on confond le sujet violence et le sujet absentéisme. Les sujets d'allocations peuvent, pourraient éventuellement concerner les sujets d'absentéisme. Sur le sujet violence, c'est notre capacité, soit accompagner, soit sanctionner les parents d'élèves, qui est la question…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, vous gardez l'idée.

JEAN-MICHEL BLANQUER
On garde l'idée de faire et l'un, et l'autre. Parce que chaque cas est un cas particulier. Si vous êtes une mère de famille seule avec 4 enfants, et que l'un de vos enfants fait n'importe quoi, ça ne sert à rien d'aller embêter cette dame, au contraire il faut aller l'aider, voir pourquoi ça ne va pas. En revanche si vous êtes un père de famille qui a encouragé son enfant à faire n'importe quoi, eh bien à il y a évidemment un problème, et dans ces cas-là il y a aussi des solutions qui sont de nature parfois qui peuvent aller jusqu'à la nature judiciaire, c'est pour ça que nous travaillons avec le ministère de la Justice, et nous regardons cette vision complète. Et puis la troisième chose c'est la création de structures particulières pour les poli-exclus, autrement dit les élèves particulièrement violents.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce qu'on leur fait Ceux qui sont jetés de lycée en lycée.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien voilà, pour éviter que…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'on crée des établissements spécialisés ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il va y avoir effectivement une capacité à les accueillir dans des établissements spécialisés. Vous savez, quand on lutte contre la violence, on lutte pour la protection du plus faible, et on lutte pour l'éducation. Donc cette double dimension qui est là et ça va être un plan comme il n'y en a jamais eu jusqu'à présent pour prendre enfin à. bras-le-corps la question de la violence.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça ne sera pas enterré, ça sort, vous l'avez dit, à la rentrée.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je l'annoncerai dans très peu de temps, et ce sera valable pour la rentrée prochaine.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous l'annoncez déjà ici. Les lycéens, je veux parler de la réforme du bac, 2021 les lycéens en seconde sont en train de préparer le bac de juillet 2020. Plus de bachotage moins d'épreuves angoissantes mais un contrôle continu à partir de la 1ère et la terminale. Selon quelle répartition ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est-à-dire ? Les élèves en seconde choisissent leur spécialité en ce moment même, ils ont jusqu'au mois de juin pour choisir donc trois spécialités, et puis en 2021, lorsqu'ils passeront le baccalauréat, ils auront deux épreuves de spécialités à passer en contrôle terminale, auxquels s'ajoutent l'épreuve de philosophie plus le grand oral que nous installons, qui permet d'envoyer un message à tout le système éducatif français de l'importance de savoir s'exprimer, que les enfants…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais là, est-ce qu'on ne va pas sanctionner ou punir ceux qui viennent de milieux sociaux défavorisés, qui n'auront pas les mêmes facilités que les enfants de bourgeois qui peuvent parler avec leurs parents, lire...?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est tout le contraire d'abord…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Idée reçue.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Idée reçue, d'abord parce que vous pouvez êtes bourgeois et timide, et être de banlieue et tout à fait extraverti.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je sais ce que c'est.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc il n'y a pas de... il ne faut pas non plus avoir trop d'idées reçues là-dessus, mais surtout, quel que soit le milieu social que l'on a, le signal que l'on envoie à tous, c'est important de préparer l'oral ,de savoir s'exprimer en France.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais au milieu de toutes les spécialités, je crois qu'il y en a 19, ça c'est quoi, un bac... 12 + 7.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, 7 + 5.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un bac, comment s'y retrouver, un bac à la carte, un bac dont vous ne supprimez pas les maths, les gens ont cru que les maths allaient disparaître, que vous leur donnez moins de place etc.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est tout le contraire…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il ne faut pas déplaire à Cédric VILLANI.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, au contraire, on l'a conçu d'ailleurs et Cédric VILLANI pour avoir un parcours plus personnalisé en maths. Si vous voulez vraiment vous spécialiser en maths, vous pouvez faire plus de maths que jamais, plus de maths qu'auparavant, autrement dit vous faites, quand vous êtes en terminale vous faites 6 heures d'enseignement de spécialité en maths plus 3 heures de maths expertes, ça fait 9 heures, alors qu'aujourd'hui si vous êtes en terminale S vous fait 8 heures. Par contre, si vous ne voulez pas faire de maths, vous avez juste un petit peu de maths dans le bloc commun dans l'enseignement qu'on appelle enseignement scientifique, et puis il y a des situations intermédiaires, il y a notamment une option qu'on appelle Maths complémentaires, qui vous permet de faire 3 heures de maths. Donc si vous voulez ça permet, à l'image de tout le reste, ça permet d'avoir un parcours personnalisé, pour être adapté à chacun tout simplement.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai dit que l'actualité vous gâtais, je signale simplement que depuis lundi vous avez inauguré la Semaine contre le racisme et l'antisémitisme à l'école, en allant vous recueillir devant le mémorial de la Shoah. Est-ce que vous vous êtes sûr aujourd'hui qu'on peut enseigner l'extermination des juifs sous HITLER dans tous les collèges et lycées de France, sans se faire taper dessus par ceux qui ne veulent pas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, d'abord…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Une phrase.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais s'il y a des exceptions, et ça peut arriver malheureusement qu'il y ait des exceptions, nous nous sommes organisés pour venir en appui aux enseignants qui rencontrent ces situations.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui il vaut mieux être Jean-Michel BLANQUER ou Christophe CASTANER ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Les deux, chacun est dans son domaine, l'éducation, l'ordre public…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il a été secoué par les sénateurs hier, Christophe CASTANER, pour les dysfonctionnements qui ont... et les défaillances de certains services et de leur chef, bousculé encore aujourd'hui par la Presse, il est probablement fragilisé, vous pensez qu'il a les nerfs et qu'il a les soutiens suffisants pour tenir longtemps ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
S'il n'y a pas d'erreurs qui se reproduisent.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un homme solide Christophe CASTANER et il est évident que quand on est dans des fonctions de ministre de l'Intérieur, on doit traverser des crises, mais on est dans un pays où les choses sont rarement simples, que ce soit en matière d'ordre public ou dans d'autres domaines, et donc bien sûr il a toute la solidité pour cela.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est bien de le défendre, mais en même temps, les Français sont scandalisés et indignés par les violences et puis par certaines défaillances, mais on ne veut pas non plus des boucs émissaires.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est incontestable et justement, l'objectif ce n'est pas de dire que Christophe CASTANER soit un bouc émissaire, bien au contraire…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas lui, mais lui décide une liste de boucs émissaires.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il a pris, en conscience avec le Premier ministre et le président, les décisions qui s'imposaient, et moi j'ai toute confiance dans sa capacité à ce que ça ne se reproduise plus.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Voilà, quelles responsabilités pour vous, et je mets du pluriel, quelles responsabilités, Jean-Michel BLANQUER, voilà, avec les enseignants. Et je note que vous devez raconter l'histoire, sans nostalgie du passé, mais en même temps essayer de trouver les pensées nouvelles et fortes pour le futur. On pourra en reparler…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce qu'on doit donner à nos enfants, et des racines et des ailes. On ne doit jamais opposer le passé et le futur, on doit leur donner des assises solides dans un siècle qui forcément va connaître beaucoup de modifications. C'est parce qu'ils auront ces assises solides qu'on peut les préparer aux compétences futures, c'est par exemple l'importance du numérique dans les réformes que nous faisons.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venu.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et à la prochaine, vous voyez les sujets.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2019