Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement, à Europe 1 le 2 septembre 2019, sur ses souvenirs de rentrée scolaire en France.

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Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement

Média : Europe 1

Texte intégral

OMBLINE ROCHE
Tous les matins sur Europe 1, nous racontons un sujet d'actualité avec un invité que l'on n'attend pas sur la question, Ce matin, Matthieu BELLIARD, la rentrée des classes bien sûr. C'est à la une avec votre invitée inattendue Sibeth NDIAYE, porte-parole du Gouvernement.

MATTHIEU BELLIARD
Bonjour Madame la ministre.

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

MATTHIEU BELLIARD
Quand on parle de rentrée des classes, on a tous un souvenir bon ou mauvais du dimanche soir d'insomnie, du trac le matin, de la hâte de rencontrer les copains. Pour vous, Sibeth NDIAYE, c'est particulier. Je vais rappeler que vous êtes née au Sénégal, arrivée en France adolescente. Pour votre première rentrée des classes en France, c'était quelle classe et puis, surtout, quel souvenir est-ce que en gardez ?

SIBETH NDIAYE
Je suis arrivée en France en 95 et je rentrais en classe de Première. J'avais effectué toute ma scolarité au Sénégal et avant de rentrer dans la classe, j'avais à la fois un mélange d'excitation et d'appréhension. Excitation parce que j'avais quitté mon pays natal, je débarquais dans un pays qui ne m'était pas parfaitement inconnu puisque j'avais déjà eu l'occasion d'y venir mais dans un environnement scolaire, ce que je n'avais pas encore fait. Pour placer les choses, c'est un lycée prestigieux du Quartier Latin et donc j'étais plutôt excitée parce qu'en plus, pour la première fois, je quittais mes parents et donc je vivais seule. Et finalement…

MATTHIEU BELLIARD
La rentrée en elle-même ?

SIBETH NDIAYE
A été une catastrophe intégrale parce que, en fait, je suis arrivée dans une classe, c'était en 1ère S avec des gens qui étaient très brillants. Qui, pour une certaine partie d'entre eux, avaient déjà largement entamé pendant les vacances le programme de la classe de 1ère et là où j'avais toujours été une excellente élève dans mon pays, là j'étais la dernière, et j'ai notamment un souvenir. Je ne sais pas s'il est encore en activité, mais le prof de maths, qui était le premier cours qu'on a eu, s'appelait monsieur PADOVANI, un prof très ancienne école.

MATTHIEU BELLIARD
On va le saluer, on va le saluer s'il nous écoute évidemment.

SIBETH NDIAYE
Bonjour monsieur PADOVANI si vous m'écoutez. Vous m'avez traumatisée à jamais !

MATTHIEU BELLIARD
Est-ce qu'au moins il a réussi à vous emmener du fond de la classe jusqu'aux premières places au long de l'année ?

SIBETH NDIAYE
Je me suis battue, mais vraiment battue, parce que je me souviens de ses équations du second degré qu'il avait commencé à tracer sur le tableau le premier jour et ce sentiment de ne rien comprendre, d'être complètement larguée. C'était la première fois que ça m'arrivait et, en fait, j'ai ressenti très profondément l'idée qu'en fait ce n'était pas fait pour moi. Et puis, mes parents qui étaient malgré tout très présents malgré la distance m'ont forcée à me battre. Et puis j'ai un caractère plutôt combatif donc au bout de trois mois, j'avais remonté la pente mais ç'a été vraiment un traumatisme, ce premier cours de maths.

MATTHIEU BELLIARD
Votre père justement qui tenait à ce que vous veniez étudier en France comme lui l'avait fait, quelle image est-ce qu'il vous avait donnée de l'instruction française quand vous étiez plus petite ? Et puis, est-ce que vous avez été déçue, confortée ?

SIBETH NDIAYE
Disons que pour lui, l'école c'était une école un peu à la Jules FERRY. C'était l'école qui transmettait le savoir de la République et qui faisait ensuite qu'on pouvait maîtriser complètement sa vie. Il avait cette obsession de nous dire à chacune de ses quatre filles qu'il ne nous laisserait sans doute pas beaucoup d'argent à sa mort mais qu'il nous laisserait du savoir. Et que ce savoir, on l'acquerrerait parce qu'il se sacrifierait pour qu'on aille à l'école quoi qu'il arrive. Et l'école, ç'a toujours été un bonheur parce que j'avais toujours l'impression que j'allais braquer une espèce de coffre-fort pour savoir des choses.

MATTHIEU BELLIARD
Vos enfants, Sibeth NDIAYE, vous avez trois enfants. Ça représente quoi, leur rentrée à eux, à vos yeux ? Il y en a même un qui rentre à l'école pour la première fois, je crois.

SIBETH NDIAYE
Oui, tout à fait. Mon dernier entre en CP donc on a fait l'achat du cartable hier après-midi. En fait, à chaque fois pour moi c'est une fête, donc a les vêtements de la rentrée, la photo devant l'école avec le sac à dos, les vêtements qu'on a acheté spécialement pour ce jour-là. Donc il y a tout un petit rituel autour de ça et j'espère leur transmettre le même appétit que j'ai eu moi à leur âge de savoir et d'apprendre.

MATTHIEU BELLIARD
Dans votre portrait dans Libération quelques jours après votre arrivée au Gouvernement, on pouvait lire que vous ne vous êtes aperçue que vous étiez noire qu'à votre arrivée à Paris. Est-ce que ç'a un lien avec cette rentrée des classes, avec le lycée ?

SIBETH NDIAYE
D'abord, j'ai découvert qu'on ne parlait pas le même français. Moi j'avais un français très africain qui était d'un niveau extrêmement soutenu. Et les première fois où on m'a parlé de cantoche, de bahut et de Tipp-Ex, j'étais complètement larguée parce que je ne voyais absolument pas de quoi on me parlait. Disons que je ne maîtrisais pas du tout l'argot parisien ou l'argot français, donc le langage familier ne m'était pas familier. Vous apprenez un français qui est très soutenu en Afrique francophone et donc il y avait ce petit décalage-là. Donc la première fois qu'on m'a dit qu'il fallait aller manger à la cantoche, j'étais complètement paumée parce que je ne savais pas ce qu'était la cantoche. Moi je connaissais la cantine mais je ne connaissais pas la cantoche. Mais c'est surtout qu'en fait, j'ai compris à ce moment-là qu'il y avait une méconnaissance très importante de ce qu'étaient l'Afrique, les pays africains parce que j'avais des gens qui, dans la cour de récréation, me demandaient si je vivais dans une case, si j'avais l'eau, l'électricité. Et finalement l'Afrique n'était que celle de KOUCHNER avec un sac de riz sur le dos, distribuant à manger dans un pays ravagé par la guerre et la famine et pas du tout l'image d'une Afrique qui puisse être aussi conquérante, moderne, où les gens vivaient dans des immeubles somme toute.

MATTHIEU BELLIARD
Dernière question, Sibeth NDIAYE. Dans quelques instants, ils vont se réveiller. Aujourd'hui le petit-déj' des enfants pour la rentrée, vous leur avez prévu quoi ?

SIBETH NDIAYE
Alors aujourd'hui, c'est céréales, lait et jus d'orange comme tous les matins. Le petit-déjeuner est immuable chez nous.

MATTHIEU BELLIARD
Ecoutez, je vous souhaite un bon petit-déjeuner et une très bonne rentrée et aux enfants.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous et bonne rentrée à tous ceux qui prennent le chemin de l'école, de l'université ou du lycée.

MATTHIEU BELLIARD
Merci Sibeth NDIAYE, porte-parole du Gouvernement, invitée inattendue ce matin sur Europe 1.


source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2019