Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Laurent NUNEZ.
LAURENT NUNEZ
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON a considérablement durci son discours sur l'immigration ces derniers jours. De quoi a-t-il le plus peur, d'une vague migratoire ou de Marine LE PEN ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, Emmanuel MACRON a rappelé qu'il y avait un débat qui allait s'ouvrir à l'Assemblée nationale, puis, au Sénat, pour faire le point de ce qu'est notre politique migratoire à partir, d'abord, d'un état des lieux objectif sur la situation migratoire en France, et puis, ce sera l'occasion bien évidemment de rappeler ce que nous avons fait, et d'essayer de réfléchir à ce que sera notre politique migratoire en 2020 avec l'ensemble des parlementaires. Je voudrais juste rappeler une chose très précise pour vos auditeurs, Emmanuel MACRON l'a rappelé, et nous le rappelons régulièrement avec Christophe CASTANER, vous savez, en Europe, les entrées irrégulières ont baissé de manière assez importante en 2018, et cette baisse se poursuit en 2019. Et en France, nous observons en 2018 une augmentation de la demande d'asile assez significatif, plus 20 % et qui se poursuit en 2019, et cette demande d'asile…
MARC FAUVELLE
A quoi vous l'attribuez ?
LAURENT NUNEZ
Et cette demande d'asile, je vais répondre très clairement à votre question, cette demande d'asile, elle provient en grande partie, en grande partie, de personnes qui sont issues de pays d'origine sûrs, c'est-à-dire des pays dont, lorsque l'on instruit la demande de ces personnes, on se rend compte qu'ils ne sont pas en besoin de protection, en réalité…
MARC FAUVELLE
Et notamment de deux nationalités, les Albanais…
LAURENT NUNEZ
Par exemple, les Albanais…
MARC FAUVELLE
Et les Géorgiens…
LAURENT NUNEZ
Les Géorgiens, par exemple, mais vous avez aussi certains pays d'Afrique de l'Ouest, et puis…
MARC FAUVELLE
Alors, pourquoi, la France est trop attractive pour eux ?
LAURENT NUNEZ
Je vais y venir. Le deuxième sujet, le deuxième point important, donc des personnes qui proviennent de pays d'origine sûrs, et puis, on a énormément de demandes secondaires, c'est-à-dire des gens qui ont déposé l'asile dans un autre pays de l'Union européenne, qui devraient normalement être en charge de cette demande, et qui donc font un périple au sein de l'Europe et qui arrivent chez nous. Et donc ça, c'est quelque chose qu'il faut qu'on regarde en face, de manière – comme nous le faisons toujours – extrêmement humaine, mais sans naïveté non plus, sans angélisme, il faut regarder cette question. Il faut la traiter. Et c'est bien l'intention, enfin, ce sera notre intention au moment de ce débat, et je vous dirai d'ailleurs précisément comment nous la traitons actuellement et ce sur quoi il faut réfléchir…
RENAUD DELY
Mais ce qu'on a du mal à comprendre quand même Laurent NUNEZ, c'est que la précédente loi sur l'immigration, la loi Asile et Immigration, qui a été portée par Gérard COLLOMB, elle a… quoi, à peine plus d'un an, et elle est déjà dépassée, obsolète, inutile, cette loi !
LAURENT NUNEZ
Non, cette loi n'est pas dépassée. Donc c'est une loi…
RENAUD DELY
Pourquoi est-ce qu'il faudrait légiférer de nouveau un an après ?
LAURENT NUNEZ
Septembre 2018. D'abord, comment nous traitons la politique migratoire, avec beaucoup d'humanité et beaucoup de fermeté. Et il y a trois niveaux d'action, il y a un niveau national, il y a un niveau européen, et il y a un niveau international…
RENAUD DELY
Il faut légiférer chaque année…
LAURENT NUNEZ
Au plan national, la loi, la loi que vous citez, la loi de septembre 2018, qui s'intitule donc pour une immigration maîtrisée, pour un droit d'asile effectif et pour une intégration réussie, qui incarne bien notre politique humanité, fermeté, elle consiste d'abord à donner plus de moyens pour instruire les demandes d'asile dans des délais qui soient le plus courts possibles. Et d'ailleurs, nous veillons à prioriser plutôt les personnes qui viennent de pays d'origine sûrs, pour pouvoir rapidement prendre des décisions négatives quand c'est le cas. Et cette loi, elle nous donne aussi des outils d'intégration qui sont très importants. On a relancé, et c'est effectif depuis le 1er mars 2019, le contrat d'intégration républicaine pour intégrer ceux qui sont en besoin…
RENAUD DELY
Mais elle est plutôt aujourd'hui insuffisante cette loi…
LAURENT NUNEZ
Mais elle permet, cette loi également d'avoir une politique ferme de reconduite pour ceux qui ne sont pas en besoin de protection, nous avons allongé – comme vous le savez – la durée de la retenue administrative, la durée de la rétention administrative, donc de manière à pouvoir augmenter les places de CRA, de manière à pouvoir reconduire ceux qui ne sont pas en besoin de protection. Et cette politique, il faut que nous la menions dans le même état d'esprit, avec beaucoup d'humanité, intégration pour ceux qui sont en besoin de protection, et fermeté et reconduite pour ceux qui n'ont pas droit à cette protection.
MARC FAUVELLE
Un cas concret, Laurent NUNEZ, c'est celui de l'aide médicale d'Etat, qui permet aux sans-papiers en France d'être soignés lorsqu'ils arrivent sur notre territoire, voici ce qu'en disait, il y a quelques jours, le patron du parti La République En Marche, Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI, DELEGUE GENERAL DE LA REPUBLIQUE EN MARCHE
J'entends effectivement qu'il peut y avoir des abus d'utilisation de l'aide médicale d'Etat par exemple pour financer des prothèses mammaires, bon, eh bien, ça, on voit bien qu'on n'est pas dans une situation d'urgence…
MARC FAUVELLE
Sur quoi se fonde Stanislas GUERINI quand il dit ceci, vous avez des chiffres de femmes qui viennent en France pour se faire poser des seins.
LAURENT NUNEZ
Alors, d'abord essayez de comprendre pourquoi on se pose ce genre de questions, ça me paraît assez important, parce que la réflexion qu'on mène, je vous ai exposé ce qu'on fait au plan national, et puis, il y a ce qu'on fait au plan européen aussi, vous savez qu'il y a un certain nombre de textes européens qui organisent une forme de solidarité entre les Etats, et nous voulons aller beaucoup plus loin, la solidarité, ça veut dire avoir un contrôle effectif aux frontières extérieures de l'Union, avoir centres contrôlés qui permettent de traiter les personnes qui arrivent en besoin de protection et d'examiner leur situation dans les pays d'accueil, ça, c'est quelque chose d'important. Le président l'a rappelé dans sa tribune donc consacrée à la renaissance européenne. Et d'organiser ensuite, quand les personnes sont en besoin de protection, une solidarité dans le cadre des politiques de relocalisation des personnes qui sont en besoin de protection, et reconduire ceux qui ne sont pas en besoin de protection ; cette politique européenne, elle doit aussi nous conduire à nous interroger sur une forme de convergence de nos différents systèmes d'asile entre pays européens, sinon, certains seront attractifs, et d'autres le seront moins, et c'est dans ce cadre-là que la réflexion sur l'AME, mais comme d'autres prestations, sera au coeur du débat, nous aurons l'occasion d'en débattre…
MARC FAUVELLE
Quelle est la proportion des abus aujourd'hui parmi les bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, je ne vous parle pas d'abus et de l'aide médicale d'Etat en particulier, je parle de la question de la convergence…
MARC FAUVELLE
C'était le sens de ma question pour vous faire réagir aux propos de monsieur GUERINI…
LAURENT NUNEZ
Sur l'aide médicale d'Etat, donc, la réflexion s'engagera dans le cadre du débat, mais comme d'autres types de prestations, comme d'autres types de dispositifs qui sont susceptibles…
RENAUD DELY
Donc vous allez réformer l'aide médicale d'Etat, pour être clair, vous allez réformer l'aide médicale d'Etat ? Dans quel sens, vous allez la limiter ?
LAURENT NUNEZ
Non, mais je vais être très clair, je pense que ce que vous voulez… je vais répondre clairement à votre question, l'aide médicale d'Etat, il n'est pas question de la supprimer, donc…
RENAUD DELY
Ce n'était pas ma question, est-ce que vous allez la réformer ?
MARC FAUVELLE
Ou d'en durcir par exemple les conditions d'accès… ?
LAURENT NUNEZ
Nous allons examiner ses conditions, ses modalités de fonctionnement, voilà, conditions d'accès, les soins qu'elle permet, mais en tout état de cause, en tout état à cause, il n'est pas question de revenir sur l'AME, mais ne focalisons pas le débat sur l'aide médicale d'Etat, il y a tout un système de protection, de garantie, qui sera au coeur du débat, mais encore une fois toujours avec beaucoup d'humanité et de fermeté pour ceux qui ne sont pas en besoin de protection.
MARC FAUVELLE
Autre question, c'est celle du regroupement familial, environ 90.000 entrées chaque année sur le territoire, vous me reprenez si mes chiffres ne sont pas exacts, Monsieur NUNEZ, est-ce que, là encore, vous avez une volonté de réduire ce type d'immigration légale ?
LAURENT NUNEZ
Alors, 90,000 c'est le chiffre d'accès au séjour pour des considérations familiales, pas forcément du seul fait de la procédure du regroupement familial, qui est une procédure spécifique…
MARC FAUVELLE
Est-ce que vous estimez que ce chiffre est trop élevé et qu'il y a une volonté de le réduire ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, ce sera au coeur du débat, nous examinerons ce qui est l'immigration économique, ce qui est l'immigration familiale, mais vous savez que celle-ci obéit, est régie par un certain nombre de conventions internationales qui s'imposent à la France…
MARC FAUVELLE
A la convention européenne des Droits de L'Homme notamment, oui, c'est pour ça que je vous pose la question…
LAURENT NUNEZ
Donc je peux vous le confirmer. En revanche, la réflexion, et ce sera aussi sans doute au coeur du débat, vous savez, par le passé, a été évoquée la question des quotas pour certains types d'immigration, on pense à l'immigration professionnelle, l'immigration économique, voilà, ce sera également au coeur de ce débat, qui reste très ouvert, encore une fois, l'idée, c'est de discuter le plus largement, mais à partir d'un constat objectif sur ce qu'est l'état de la situation…
RENAUD DELY
Mais uniquement au Parlement, ou ce débat, il va concerner l'ensemble des citoyens et il sera organisé ailleurs ?
LAURENT NUNEZ
Non, bien sûr, mais pour l'instant, il commence au Parlement…
RENAUD DELY
Mais il aura lieu ailleurs ?
LAURENT NUNEZ
Et ce que je veux dire très clairement sur ce sujet, c'est qu'il ne faut pas nous taxer d'a priori dans l'organisation de ce débat, c'est vrai que nous appartenons… cette majorité fait partie du clan des progressistes, mais le progressisme, ce n'est pas la permissivité, donc il faut bien intégrer cela, et il faut parfois faire preuve de fermeté quand cela est nécessaire, c'est ce que nous faisons, et ce sera au coeur de la réflexion du débat sur notre politique migratoire.
MARC FAUVELLE
On va évoquer le plan anti stup', que vous avez présenté hier avec trois de vos collègues du gouvernement à Marseille, Laurent NUNEZ, et puis une expression également qu'a utilisée Emmanuel MACRON avant-hier, face à sa majorité, celle de « parti bourgeois », vous nous direz ce que ça veut dire pour vous. D'abord l'actualité résumée en une minute, à 8h41 par Lauriane DELANOË.
Toujours avec le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, Laurent NUNEZ. Emmanuel MACRON a appelé les membres de la majorité à ne pas être membres d'un parti bourgeois avant-hier sur cette question de l'immigration, ça veut dire quoi être bourgeois ?
LAURENT NUNEZ
Je crois que ce que voulait dire Emmanuel MACRON, c'est qu'il nous appelle tous finalement à regarder les choses, à regarder les problèmes, à les traiter et à les regarder avec beaucoup de réalisme, et c'est ça aussi notre progressisme, c'est cela, c'est de regarder les choses telles qu'elles sont sur le terrain. Et il l'a dit en évoquant les sujets qui touchent au régalien, c'est-à-dire à la sécurité, aux politiques migratoires, parce que, ce qu'il veut nous faire toucher du doigt, c'est que quand on a des difficultés, quand on a des problèmes d'insécurité, et c'est le cas dans un certain nombre de quartiers, en raison justement du trafic de stupéfiants, ce sont souvent les personnes qui sont les plus démunies qui sont confrontées à ces problèmes d'insécurité, c'est le cas avec le trafic de stupéfiants, et c'est pour cela qu'il nous demande de nous attaquer aux maux, à la racine…
RENAUD DELY
Pour parler aux classes populaires, clairement ?
LAURENT NUNEZ
Pour parler aux classes populaires, pour parler bien évidemment à l'ensemble de la population française, et notamment, bien évidemment, aux classes populaires, puisque ces difficultés qui touchent aux problèmes de sécurité, elles se concentrent aussi dans les quartiers en difficulté, pas seulement, mais aussi dans les quartiers en difficulté…
RENAUD DELY
Ne pas être un parti bourgeois, ça veut dire quoi, ça veut dire, ne pas faire la morale sur ces sujets-là, se débarrasser de ces considérations morales ?
LAURENT NUNEZ
Je pense que, pour parler clairement, je pense qu'il faut regarder les questions en face…
RENAUD DELY
Sans se pincer le nez ?
LAURENT NUNEZ
Sans angélisme, il ne faut pas être angélique, il ne faut pas être naïf, ça n'a jamais réglé des questions d'être angélique ou naïf, je crois que c'est ça le message du président, et il nous incite, nous, tous les membres du gouvernement, et, bien évidemment, la majorité, à s'attaquer réellement au problème.
MARC FAUVELLE
Le plan antidrogue présenté hier par le gouvernement, Laurent NUNEZ, pourquoi fonctionnerait-il là où tous les précédents jusqu'à présent ont échoué, en tout cas, si on s'en tient au nombre de consommateurs, notamment en France ?
LAURENT NUNEZ
Alors, la réussite ou pas du plan anti-drogue dépendra bien sûr du nombre de consommateurs, mais pas que, ce qui compte dans un plan tel que celui-ci, c'est de démanteler des réseaux en profondeur en faisant travailler l'ensemble des services répressifs ensemble, en échangeant…
MARC FAUVELLE
Tous ensemble, magistrats, policiers gendarmes, douaniers au sein d'un même office, ça, c'est la nouveauté…
LAURENT NUNEZ
Tous ensemble, exactement, au sein d'un même office, qui va se décliner au niveau territorial, c'est-à-dire, cette coopération, cet échange d'informations, ce ciblage des réseaux, pour aller les démanteler en profondeur, il va se faire partout sur le territoire national, et ça, pardon, ça ne s'est jamais fait, ça ne s'est jamais fait, on l'a fait, depuis que nous sommes aux affaires, on l'a fait en matière de lutte anti-terroriste, bien évidemment, on va le faire…
RENAUD DELY
Et pourquoi ça ne s'est jamais fait, parce que c'était considéré comme une lutte, un sujet secondaire, pourquoi est-ce que ce n'était pas…
LAURENT NUNEZ
Ça n'a jamais été fait parce que peut-être que le problème n'a jamais été pris comme il le fallait, c'est-à-dire que plutôt que de décloisonner l'action des services, c'est ce que nous faisons, nous, ce qu'on souhaite, c'est décloisonner l'action des services, que tout le monde tire dans la même direction, que tout le monde échange l'information, fasse un constat, et ensuite, sous l'autorité bien évidemment des procureurs de la République, mais grâce à ce travail d'échange d'informations, on aille démanteler les réseaux en profondeur, et si possible – et c'est le lien fort qui est fait avec ce que nous disions sur les difficultés dans les quartiers, aussi sur la police de sécurité du quotidien – si possible, aller démanteler ces réseaux, là où ils sont les plus nocifs pour les habitants, là où ils causent le plus de désagréments pour la vie sociale dans les quartiers.
MARC FAUVELLE
Vous avez annoncé hier, parmi des dizaines de mesures, la mise en place à venir d'une plateforme téléphonique, je crois, pour permettre aux citoyens de dénoncer les points de vente notamment. Est-ce que vous pouvez nous dire quand ça va ouvrir et comment ça va se passer ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, deux choses, les cellules qui vont s'implanter sur le territoire national, il y en aura 28, mais on va ensuite les déployer partout sur le territoire national, qui vont réunir l'ensemble des services. Elles sont alimentées par l'action d'initiative de nos services de police, de gendarmerie des services répressifs, mais aussi par des informations qui remontent du terrain, des bailleurs sociaux, des collectivités locales qui vont signaler : attention, dans telle cage d'escaliers, à tel endroit, il y a un problème de trafic de stup'. Cette information, elle va être traitée, eh bien, l'idée, c'est d'ouvrir aussi à nos concitoyens la possibilité de faire remonter ces informations, ça existe déjà, à Marseille, la cellule qui a été mise en place à titre expérimental…
MARC FAUVELLE
Aujourd'hui, ça se fait déjà, on peut appeler son commissariat ou sa gendarmerie…
LAURENT NUNEZ
Bien sûr, mais là, vous allez avoir l'adresse mail de la cellule qui traite de ces questions de stupéfiants, sans que ce soit d'ailleurs une plainte, c'est une information qui est donnée, qui, généralement, en recoupe d'autres, et qui sera traitée…
MARC FAUVELLE
Anonymement ?
LAURENT NUNEZ
Anonymement, bien sûr, ou pas d'ailleurs…
MARC FAUVELLE
Pour ne pas qu'il y ait de représailles…
LAURENT NUNEZ
Anonymement ou pas, peu importe…
RENAUD DELY
Mais ils seront protégés les citoyens qui…
LAURENT NUNEZ
Mais quelqu'un qui adresse une information, forcément, il sera protégé, ce n'est pas une dénonciation, ce n'est pas une plainte, c'est une information qui est donnée aux services de police sur l'endroit où se développe un trafic de deal, sur les horaires éventuellement, voire sur des personnes qui l'animent, mais ça…
MARC FAUVELLE
La police aujourd'hui ne sait pas précisément où sont les points de deal en France…
LAURENT NUNEZ
Bien sûr qu'on sait…
MARC FAUVELLE
Certains sont connus et pas démantelés…
LAURENT NUNEZ
Mais bien sûr que la police et la gendarmerie et les douanes, pour les filières, en connaissent une partie. Mais nous ne pouvons pas nous priver d'informations sur ce qui est par exemple un trafic qui va redémarrer à un endroit, les policiers ne vont pas le voir peut-être tout de suite, les habitants, le bailleur social, le directeur d'école, qui est à côté, lui, il va le voir, et l'intérêt, c'est qu'il fasse remonter cette information. Il y aura des adresses Internet dédiées pour chaque cellule, enfin des adresses mails, pardon. Et l'idée, c'est sans doute de concevoir aussi une plateforme d'appels…
MARC FAUVELLE
Téléphonique…
LAURENT NUNEZ
Nous allons réfléchir çà cette mise en place dans les mois qui viennent. Mais d'ores et déjà, les cellules de renseignements peuvent être jointes sur des adresses mails…
MARC FAUVELLE
Une sorte de « balancetondealer », si je simplifie un peu ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, sur ces sujets-là, je ne sais pas si on peut parler de « balancetondealer », mais les policiers et les gendarmes ont besoin de beaucoup d'informations, c'est très important, je ne crois pas qu'on puisse parler de « balancetondealer », quand il s'agit de démanteler un réseau de A à Z, je crois que ça fait plaisir à l'ensemble de nos concitoyens…
MARC FAUVELLE
Il y aura une garantie d'intervention si on appelle, si on dénonce, on est sûr que quelqu'un viendra fermer le point de vente ?
LAURENT NUNEZ
Ah, non, mais ce n'est pas aussi simple que ça, enfin, il ne faut pas non plus… vous savez, la lutte contre les stup', vous le rappeliez à l'instant, c'est quelque chose qui se fait depuis de nombreuses années, c'est quelque chose qui est long, c'est un travail difficile, le renseignement, il va être exploité, recoupé, avec d'autres types d'informations, ça ne veut pas dire qu'immédiatement, une patrouille de police va aller disperser ce réseau. L'idée, c'est de travailler en judiciaire, c'est de faire des investigations pour démanteler durablement les réseaux, et non pas les disperser au quotidien, comme cela est fait trop souvent. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que sur la politique qui est menée actuellement, ce que nous voulons faire, c'est renforcer cette action qui est déjà remarquablement menée par nos services de police, notamment judiciaire et de gendarmerie.
RENAUD DELY
Laurent NUNEZ, il y a presque un an que le Parlement adoptait le principe d'une amende pour les consommateurs, les consommateurs de cannabis, un an après, où est-ce qu'on en est, quel bilan vous faites de ce changement de cette réforme ?
LAURENT NUNEZ
Alors, pour être très précis, vous savez que l'usage est un délit, donc, c'est un délit, et l'idée, c'est de mettre en place une amende forfaitaire délictuelle, donc qui permette d'adresser une amende à un contrevenant pour usage de stupéfiants…
MARC FAUVELLE
De 200 euros…
LAURENT NUNEZ
Exactement, d'un montant donc qui est envisagé donc de 200 euros…
MARC FAUVELLE
Ah, c'est toujours envisagé, le chiffre n'est pas définitif ?
LAURENT NUNEZ
Non, non, cette amende de 200 euros sera effective à compter, on l'espère, de la fin de l'année, début 2020…
RENAUD DELY
Mais ne l'est pas encore…
LAURENT NUNEZ
Non, elle ne l'est pas encore, mais elle va l'être…
RENAUD DELY
Pourquoi c'est si long ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, voilà, les dispositifs se mettent en place, ne nous reprochez pas de faire ce dont beaucoup ont parlé avant nous et qu'ils n'ont jamais fait, alors, voilà, nous, nous le faisons…
MARC FAUVELLE
Ce sont les décrets qui ne sont pas passés, pour être un peu technique ?
LAURENT NUNEZ
Nous, nous le faisons. Ecoutez…
MARC FAUVELLE
C'est ça, c'est pour ça que c'est si long ?
LAURENT NUNEZ
Ecoutez, ces textes sont suivis par madame la Garde des sceaux, vous m'excuserez de ne pas pouvoir répondre précisément à votre question, ce que je sais, c'est que nous travaillons en étroite coordination avec elle, et que ce dispositif sera opérationnel à la fin de l'année, en 2020, et qu'il sera très utile à nos policiers qui en sont très demandeurs, car en termes de procédures, cela allège considérablement leur travail, et même chose pour les gendarmes…
RENAUD DELY
Et la légalisation du cannabis, qui est une avancée dans de nombreux pays, voilà, et aussi dans certains Etats américains, est-ce qu'on ira vers la légalisation du cannabis en France, pour faire chuter la consommation ?
LAURENT NUNEZ
Alors, sur la légalisation, pour faire chuter la consommation, je crois que sur ce dossier, il faut avoir en tête un certain nombre d'éléments, faire chuter la consommation, l'idée aussi, c'est de se dire : si on légalise, il n'y aura plus de réseau, bon, c'est un peu l'idée. Cette proposition, il faut la prendre avec beaucoup de prudence, pour plusieurs raisons…
RENAUD DELY
Mais le débat est ouvert…
LAURENT NUNEZ
Le débat est ouvert, mais pour plusieurs raisons qu'il faut quand même que vos auditeurs comprennent bien, parce que, souvent, on dit beaucoup de choses là-dessus, les réseaux, maintenant, ils sont multi-stupéfiants, il y a aussi de la cocaïne, le cannabis qui est vendu dans ces réseaux, il a un taux de THC qui est très élevé, alors que dans les pays où s'est légalisé…
MARC FAUVELLE
Qui est la substance… comment dire… euphorisante…
LAURENT NUNEZ
Voilà, euphorisante. Donc alors, que dans les pays où il est légalisé, ce taux est beaucoup plus faible, donc on peut penser que ce système perdurerait. Néanmoins, le débat est ouvert, plusieurs commissions donc ont créé une mission d'information qui va examiner ces questions notamment en regardant ce qui se passe dans d'autres pays étrangers, voilà, la réflexion se poursuit, mais à titre personnel, je me permets d'attirer l'attention sur ces deux difficultés majeures et qui font que ça pourrait avoir un effet assez réduit, mais le débat reste ouvert.
MARC FAUVELLE
On marque une toute petite pause, Laurent NUNEZ, et on va parler du mouvement des gilets jaunes, si vous le voulez bien, dans un instant.
Laurent NUNEZ, les gilets jaunes ont prévu de manifester à nouveau ce week-end alors que se tiendront dans toute la France les journées du patrimoine, ce qui veut dire notamment que de très nombreux ministères seront ouverts au public. Est-ce que vous avez pris des mesures de sécurité particulières pour éviter des intrusions ?
LAURENT NUNEZ
Oui, bien sûr. D'abord effectivement il y a un appel national à manifester des gilets jaunes sur Paris, majoritairement à Paris, sans doute dans d'autres endroits en province. Donc le dispositif policier sera prêt pour contenir d'éventuelles violences malheureusement répétées. On l'a encore vu à Nantes, on l'a vu à Nancy samedi dernier où on a eu tout de suite la constitution de black blocs qui sont tout de suite passés à l'action et ils s'en sont pris extrêmement violemment aux forces de l'ordre, à des vitrines. Et à nouveau policiers et gendarmes ont pu maintenir l'ordre de manière tout à fait remarquable et il ne faut cesser de saluer ce travail parce qu'il est remarquable. Effectivement samedi nous avons les journées européennes du patrimoine avec un certain nombre de monuments qui seront ouverts. Donc les journées bien évidemment ont lieu et comme chaque année, parce que vous savez que depuis 2015 la menace terroriste est là et prise en compte dans le cadre de dispositifs de sécurisation de ces journées du patrimoine, qui peuvent se traduire par des rondes et patrouilles à proximité. Pour les bâtiments les plus importants, bien évidemment des gardes statiques à l'entrée de ces bâtiments pour s'assurer qu'il n'y ait pas de troubles ou bien évidemment d'attentats terroristes. Donc il y aura bien un dispositif de sécurité comme chaque année qui encadrera les journées européennes du patrimoine
RENAUD DELY
Vous évoquiez la menace terroriste. Où en est justement aujourd'hui le niveau, le degré de cette menace terroriste ?
LAURENT NUNEZ
Le niveau de cette menace, il est malheureusement inchangé. C'est-à-dire que l'effondrement de l'Etat islamique en Syrie, en Irak qui ne survit plus que de manière clandestine, rend moins probables les attaques projetées, c'est-à-dire des attaques type avec des commandos, ce qu'on a connu malheureusement sur le Bataclan et sur les terrasses. Ça nous semble moins probable même s'il faut rester prudent. Mais la menace la plus importante, c'est la menace dite endogène d'individus qui seraient sur le territoire français, radicalisés et qui, obéissant à la propagande de Daesh, passeraient à l'action avec des moyens assez rudimentaires : couteau, voiture-bélier parfois même constitution de produits explosifs comme du TATP, on l'a vu à Lyon. Et c'est cette menace…
RENAUD DELY
Elle n'a pas diminué.
LAURENT NUNEZ
Cette menace, elle n'a pas diminué et ce qui est mis en place justement dans le cadre du chef de la Direction générale de la sécurité intérieure avec l'ensemble des services de renseignement, c'est d'augmenter le suivi de ces individus radicalisés, de détecter un potentiel de radicalisation suffisamment en amont pour pouvoir prévenir ce type d'action.
MARC FAUVELLE
Est-ce que le retour des djihadistes d'Irak et de Syrie s'est tari ces derniers mois ou pas du tout ?
LAURENT NUNEZ
Le retour s'est tari par la force des choses puisqu'un certain nombre d'entre eux sont incarcérés actuellement ou retenus dans des centres notamment en Syrie. Et puis un certain nombre d'entre eux aussi sont décédés sur zone, donc effectivement le retour s'est tari mais il faut rester très prudent car il y a des relocalisations de djihadistes qui ont été sur des théâtres d'opérations comme en Syrie et en Irak et qui se relocalisent dans d'autres pays. C'est pour ça qu'il est très important de pouvoir suivre ces mouvements avec nos partenaires étrangers pour éviter, encore une fois, une attaque projetée sur le territoire national.
RENAUD DELY
Les fonctionnaires de police, Laurent NUNEZ, sont concernés par une réforme engagée par le gouvernement, une réforme de grande ampleur qui est la réforme des retraites. Actuellement les policiers, pour cinq années travaillées, bénéficient d'une année de bonification. Le rapport Delevoye qui a été publié à la mi-juillet envisage de remettre en cause l'universalité de ce principe. Cette année de bonification, elle ne serait plus attribuée qu'en fonction de la dangerosité de leurs missions.
LAURENT NUNEZ
Oui. Alors ça, encore une fois le rapport Delevoye se sont des recommandations. Nous allons avec Christophe CASTANER engager des discussions dans le cadre de la période de concertation qui s'ouvre avec les policiers. Nous aurons l'occasion de discuter de ces sujets mais…
RENAUD DELY
Vous, vous êtes favorable à la remise en cause de cet avantage ?
LAURENT NUNEZ
Cette réduction du cinquième que vous avez évoquée, bonification du cinquième dans le rapport Delevoye n'est pas remise en cause. C'est son périmètre qui l'est.
RENAUD DELY
C'est l'universalité.
LAURENT NUNEZ
C'est son périmètre qui est débattu.
RENAUD DELY
Les fonctionnaires de police n'en bénéficieraient plus.
LAURENT NUNEZ
Exactement. Les missions des policiers en général caressent de près quand même la notion de dangerosité, vous le noterez, donc voilà. La plus grande partie d'entre eux seront concernés mais tout ça, nous devons le discuter avec les organisations syndicales. Voilà, tout reste ouvert dans cette discussion. Il y a quand même l'instauration d'un système universel de retraite pour avoir une retraite plus juste. Je crois qu'il faut tenir compte maintenant du fait que dans la vie professionnelle, on peut avoir plusieurs carrières. Il y a des régimes spéciaux qui, à un moment donné, ont répondu à des besoins qui peut-être n'existent plus. Voilà, donc il faut que nous nous concertions avec l'ensemble de nos concitoyens dont les policiers bien évidemment.
MARC FAUVELLE
Un mot encore, Laurent NUNEZ. Nos confrères du Parisien-Aujourd'hui en France affirment ce matin que la moitié des PV qui font l'objet d'un recours ont finalement été annulés, un peu plus même, 55 %. Ça représenterait cent vingt mille PV annulés. Est-ce que vous confirmez ce chiffre ?
LAURENT NUNEZ
Non, je ne confirme pas ce chiffre.
MARC FAUVELLE
Non ?
LAURENT NUNEZ
Non, je n'ai pas cette information. Je suis désolé.
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas l'information ?
LAURENT NUNEZ
Je n'ai pas cette information sur le recouvrement des PV, sur les recours. Je n'ai pas cette information.
MARC FAUVELLE
D'accord, merci beaucoup. Merci à vous Laurent NUNEZ d'avoir accepté ce matin l'invitation de France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2019