Texte intégral
Madame la ministre,
Monsieur le chef d'état-major des armées,
Monsieur le délégué général,
Madame la secrétaire générale,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs, personnels militaires et civils de Balard et de nos armées,
Chaque jour, nos soldats, marins, aviateurs et gendarmes sont prêts à assurer la sécurité de nos concitoyens. Chaque jour, ils se préparent à faire face à des situations inattendues. Et chaque jour, ils sont prêts à changer de stratégie, à innover et s'adapter pour ne jamais faillir à leur mission. Rien n'est permanent, sauf le changement et la mission, cela pourrait être la devise des armées d'après Héraclite.
Cette mission à laquelle la majorité d'entre vous consacre sa vie, c'est celle que le Président de la République m'a confiée il y a deux ans : protéger les Français. Et cela signifie plusieurs choses. Les protéger, d'abord, en répondant au défi des opérations. Mais protéger les Français, cela signifie aussi améliorer les conditions de vie des femmes et des hommes qui sont prêts à se battre pour la France et de leurs familles. C'est aussi s'assurer que les armées disposent des moyens nécessaires pour mener à bien leur mission. Protéger les Français, c'est enfin comprendre notre monde et s'adapter à lui.
Et ce monde change. Pour ceux qui étaient présents à l'université d'été de la défense, nous avons eu l'occasion d'en parler. Les guerres cyber, les hostilités dans le monde spatial, la bataille de l'opinion, la manipulation de l'information sur les réseaux sociaux, l'affront de l'érosion et l'abandon des traités ; ce sont autant de nouveaux conflits pour lesquels nous devons être armés. Autant de nouveaux défis que nous devons relever.
Alors pour relever ces défis, pour protéger, réparer et préparer, je me suis, moi aussi, battue. Je me suis battue pour obtenir les moyens qui avaient manqué aux armées depuis trop d'années. Je me suis battue, avec vous, et nous avons obtenu ensemble une loi de programmation militaire avec des moyens exceptionnels. Et je suis fière de présenter dès demain un budget en hausse pour la troisième année consécutive. 1,7 milliard d'euros de plus qu'en 2019, un budget à la hauteur des promesses de la LPM.
Les Français nous font confiance. Les Français consentent des efforts importants pour nous donner les moyens de notre mission. Et nous ne devons pas, nous ne pouvons pas les décevoir. Leur confiance et leurs efforts nous obligent. Notre devoir à tous est de bâtir les armées qui nous protégeront demain. Notre devoir à tous est de mettre en oeuvre la loi de programmation militaire qui poursuit cet objectif, de veiller à son exécution, dans chaque régiment, dans chaque unité, en métropole comme en outre-mer.
Avoir les moyens de nos ambitions, c'était indispensable. Mais ce n'était pas suffisant. Et les militaires le savent mieux que personne : sur le champ de bataille, les blindés et les drones les plus sophistiqués ne surpasseront et ne remplaceront jamais l'organisation et la coordination des forces en opération. C'est la victoire qui en dépend.
Et tout ce que nous faisons ici, c'est concourir à la réussite des missions opérationnelles. Tout ce que nous faisons ici est tourné vers une volonté : faire en sorte que nos forces aient toujours l'avantage sur le terrain. Aujourd'hui, s'assurer de cet avantage, garantir la supériorité opérationnelle de nos militaires nous demande d'être plus agiles. Les défis d'aujourd'hui ne peuvent pas être relevés avec les méthodes d'hier.
Alors avant toute chose, je sais que depuis des décennies, ce ministère connaît transformation sur transformation. Et je mesure l'effort que cela a représenté pour chacune et chacun d'entre vous. Vous n'avez pas seulement traversé vingt-cinq ans de réformes continues, vous avez vécu les premières, mis en oeuvre celles qui suivaient, participé à l'élaboration de celles d'après, porté et assumé les suivantes encore.
Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une nouvelle métamorphose. Et celle-ci, n'est pas contrainte, elle est voulue. Pour la première fois, c'est une transformation qui n'est accompagnée ni de coupes budgétaires, ni de suppressions de postes, bien au contraire puisque nous disposons de moyens financiers inédits. C'est donc une transformation à la fois souhaitable et souhaitée que nous engageons pour ne jamais échouer à protéger les Français.
D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. A l'international, les autres armées se transforment à grande vitesse. Et en France, c'est toute la sphère publique qui entreprend ces efforts de modernisation. Ce ne sont pas seulement des changement d'organigrammes ou des dossiers numérisés, ce sont des actions et des gestes pour améliorer le quotidien des Français.
Et c'est avec cela à l'esprit que j'ai souhaité placer la transformation au coeur de mon action depuis deux ans. Les toutes premières actions ont concerné le terrain et le quotidien des militaires et des civils qui servent dans ce ministère. C'est le sens du plan Famille qui continue de se déployer partout en France. C'est aussi le sens des nombreuses décisions que nous avons prises pour redonner du pouvoir aux acteurs locaux. Décentraliser, simplifier, doter le terrain des moyens nécessaires à l'action, car tout commence par le terrain. C'est donc pour mieux répondre aux besoins locaux que les ComBDD ont désormais plus de latitude au quotidien et que les soutiens ont été réarticulés. Cela vaut aussi pour les soutiens en île de France qui ont engagé leur transformation.
Il était donc primordial de commencer par le terrain. Mais le local ne peut fonctionner sans lien avec l'échelon central ; avec les états-majors, les services et l'administration qui donnent le cap, qui conçoivent et qui conduisent les politiques publiques d'aujourd'hui et de demain. Et cet échelon central doit se montrer à la hauteur des enjeux stratégiques. Vous êtes individuellement tous à la hauteur de ces enjeux. Il s'agit donc maintenant d'encore mieux travailler ensemble.
Ce que je souhaite profondément, c'est que nos méthodes de travail changent. Si les valeurs de hiérarchie et de commandement sont fondamentales dans notre ministère, elles doivent se compléter par une culture de la coopération où l'on pense moins en terme de pouvoir qu'en terme d'objectifs à atteindre collectivement.
Car du CPCO à la DAJ, du ComCyber à la DRH-MD, vous concourez tous à la réussite des mêmes missions. Nous sommes engagés dans un combat commun, équipage d'un même navire et nos succès seront collectifs. Comme les militaires le disent si bien : c'est une question de coordination des feux. Toute l'agilité et la communication dont sont capables nos forces en opération, il n'y a pas de raison que nous n'en soyons pas capables ici. Et c'est en refusant les logiques de silo que nous y parviendrons. C'est en encourageant les échanges et en pensant aux objectifs que nous devons atteindre ensemble, que nous développerons une compréhension partagée des enjeux du monde et que nous construirons des capacités adaptées à un contexte stratégique qui ne nous attendra pas.
Et c'est donc pourquoi j'ai demandé au chef d'état-major des armées, à la secrétaire générale pour l'administration et au délégué général pour l'armement de formuler des propositions pour adapter l'organisation de leurs services, pour mieux travailler ensemble et pour créer les conditions de l'innovation et de l'inventivité dont nous avons besoin pour relever les défis qui nous attendent. Et je tiens à saluer la qualité du travail qu'ils ont accompli.
Nous avons examiné ces projets dans le cadre du comité exécutif ministériel, et je souhaitais donc vous faire part cet après-midi des orientations que j'ai retenues.
L'état-major des armées est au coeur de la construction de notre outil militaire. Il pense celui d'après-demain, il prépare celui de demain et il met en oeuvre celui d'aujourd'hui. Et dans une pareille mission, on ne peut économiser aucun effort ; l'EMA, c'est un trésor de ressources ; des officiers qui, instruits d'une expérience opérationnelle et de commandement exceptionnelle, planifient et conduisent nos opérations, en garantissant notre supériorité opérationnelle, conçoivent les armées de demain et s'assurent que nos armées disposent des ressources humaines et matérielles, et de la préparation opérationnelle nécessaire.
La nouvelle organisation de l'EMA sera plus coopérative. Elle s'incarnera par un partage des ressources, à la disposition du collège des sous-chefs pour exercer leur mission. Ce collège sera le « coeur battant » de l'EMA au sein duquel les priorités sont fixées et les orientations décidées. Cette nouvelle organisation permettra un meilleur partage de l'information et l'intégration des expertises de chacun, pour proposer les réponses pertinentes aux défis qui se posent à nous tous. Elle doit permettre le développement de la culture de l'anticipation. Elle positionnera également l'EMA à un niveau stratégique et, mettra en oeuvre une plus grande subsidiarité. Elle sera mieux intégrée avec les états-majors d'armées ainsi que les services de soutien. Le chef d'état-major a souhaité rapprocher les services de soutien de la décision stratégique. Ces métiers de soutien sont en première ligne sur le terrain, au même titre que nos combattants. Ils sont confrontés aux problèmes du quotidien en OPEX, et à ce titre, ils doivent être intégrés au processus de décision, ils doivent être étroitement associés à la conception de la stratégie. Rapprocher les services de soutien de la construction de notre outil de défense constitue l'esprit même de la réforme que m'a proposée le chef d'état-major.
Les chefs d'états-majors d'armée devront eux-aussi décliner à leur niveau une organisation répondant aux mêmes exigences et ils me présenteront dans les prochaines semaines leurs propositions.
Si l'EMA peut sereinement penser les défis stratégiques de ce monde, c'est parce que ce ministère peut s'appuyer sur le secrétariat général pour l'administration. Le SGA concourt directement à l'efficacité opérationnelle. Par son excellence administrative, le SGA est notre porte-voix dans les négociations interministérielles, et aussi notre bouclier. Je pense à la réforme des retraites, à chaque étape, à chaque avancée le SGA est là pour défendre les intérêts de nos soldats : et c'est là parmi d'autres, un bel exemple d'un combat mené par les civils pour les militaires.
Le SGA prend aussi toute sa part dans la préparation de l'avenir. Sans l'action de la direction des affaires juridiques ou la direction des affaires financières, pour ne citer qu'elles, préparer le futur et anticiper les conflits de demain serait vain, voire impossible. Le SGA concentre l'expertise administrative au service de nos armées. Et il doit donc pleinement assumer son rôle de conception des politiques publiques et sa vocation interministérielle qui est au fond sa vocation première.
Recentré sur ces missions et concentré dans son organisation, le SGA doit à être à la fois un outil de la résilience de nos armées et le relais au sein du ministère des grandes politiques publiques conduites par le gouvernement. Je souhaite aussi qu'il apporte, à l'ensemble des armées, directions et services, un appui à la transformation, et une aide à sa mise en oeuvre effective, au profit des femmes et des hommes du ministère.
Il y a les défis stratégiques et opérationnels, il y a les défis administratifs, financiers et juridiques, et il y a enfin les défis techniques et technologiques, et la direction générale de l'armement est là pour les relever. La DGA a depuis bien longtemps une culture technique qui nous garantit une indépendance de jugement vis-à-vis de nos industriels. Elle est indispensable, et elle s'exerce dans le cadre d'un fonctionnement en mode projet, qu'elle pratique avec dextérité depuis de nombreuses années et qui est au coeur du fonctionnement de la DGA. Nous l'avons renforcée avec la réforme de la conduite des programmes d'armement. Et vous avez su, là aussi, faire tomber les murs en élargissant cette culture du fonctionnement en mode projet avec l'état-major des armées dans le cadre du plateau commun DGA-EMA. La DGA a aussi connu une évolution marquante au cours de la dernière année avec la création de l'Agence de l'innovation de défense. Et aujourd'hui, nous en tirons les conséquences avec un organigramme simplifié et je sais pouvoir compter sur le DGA pour poursuivre sans cesse la transformation et la modernisation de sa direction.
Finalement toutes ces transformations nous permettront de dégager des marges de manoeuvres en termes d'effectifs pour redonner du muscle sur le terrain et couvrir les besoins en effectifs que la loi de programmation militaire seule ne permet pas d'assurer et nous le savions depuis le début. Elles nous permettront de mieux distinguer l'étage de conception où s'élaborent les grandes orientations de notre politique de défense et le niveau de leur mise en oeuvre. Cette clarification entre les rôles de concepteur et opérateur me paraît nécessaire. Et je tiens ici à souligner ici que ces fonctions sont d'égale importance pour notre ministère. Je suis particulièrement attachée à la qualité d'exécution des décisions que nous prenons et à la réalité de leur matérialisation concrète sur le terrain. Et celles et ceux qui assurent cette mise en oeuvre sont précieux et doivent bénéficier d'une reconnaissance au sein du ministère à la hauteur de l'importance de la mission qu'ils conduisent.
Enfin, ces transformations doivent conduire à renforcer les pôles d'expertise en région. Notre ministère reste encore trop centralisé en région parisienne. D'ores et déjà, des décisions ont été prises pour renforcer les pôles de Rennes, Tours ou bien Toulouse. Et je pense que nous devons aller davantage dans cette direction.
Je souhaite que derrière, ou plutôt j'allais dire devant ces changements d'organisation du ministère qui m'ont été présentés, toutes les fonctions qui traversent les organigrammes continuent d'être interrogées. Je pense à la communication, aux ressources humaines, aux finances, aux achats, à l'international, autant de fonctions qui – sont indispensables au quotidien du ministère. Là aussi, nous devons libérer les énergies, encourager les échanges, faire tomber les murs qui subsistent et qui bien souvent freinent l'efficacité des fonctions transverses.
Nous avons donc encore du chemin. Le jeu collectif ne s'improvise pas, et il faudra encore du temps pour voir les effets de ce changement de culture. Mais je veux que vous soyez convaincus d'une chose : ce changement doit accroître la responsabilité et l'autonomie de chacune et de chacun, à tous les niveaux. Il doit aussi favoriser les initiatives individuelles, rendre le travail plus intéressant pour les cadres supérieurs qu'ils soient civils ou militaires. Alors je n'ai qu'un message : n'ayez pas peur de proposer, d'oser, de monter des projets, de naviguer entre plusieurs services, plusieurs directions. Car l'innovation n'est pas que technologique ou opérationnelle ; elle peut, elle doit aussi porter sur les méthodes de travail et sur les processus administratifs.
Pour être en accord avec cette ambition, pour prouver que toutes les portes vous sont ouvertes, je souhaite au sein du ministère que l'on revoie les parcours professionnels des cadres civils d'une part, et des cadres militaires d'autre part. En ce sens, j'ai demandé au chef d'état-major des armées et à la secrétaire générale pour l'administration d'entamer une réflexion à ce sujet. Et je sais que la secrétaire générale tirera toutes les leçons des conclusions du rapport que Frédéric Thiriez remettra au Président de la République dans quelques semaines.
De la même façon, nos corps techniques doivent évoluer, et j'ai demandé au DGA d'étudier, en lien avec les conclusions de ce même rapport, les évolutions que les corps de l'armement pourraient connaître, afin d'être plus ouverts, de favoriser les respirations entre secteurs publics et privés, tout en capitalisant sur la culture technique de nos ingénieurs.
Rien ne se fera sans vous, cadres dirigeants civils et militaires du ministère, rien ne se fera sans l'adhésion et l'engagement de l'ensemble de vos collaborateurs et vos subordonnés. Il vous appartient nous seulement d'accompagner cette transformation mais également de l'expliquer.
Je souhaite que sa mise en oeuvre soit exemplaire vis-à-vis de l'ensemble des agents et j'ai pleinement confiance dans la secrétaire générale pour l'administration pour animer un dialogue social de qualité avec les organisations syndicales dont j'ai souhaité la présence ici, cet après-midi.
2020 nous attend. Et nous avons toutes les raisons d'être impatients : nous avons un budget d'exception, nous avons des talents, nous avons de l'énergie, de la volonté, et nous aurons officiellement au 1er janvier, une nouvelle organisation.
Alors je vous le disais il y a encore un instant, nous avons encore du chemin. Et je souhaite que vous ayez l'envie de le parcourir ; de le parcourir avec des idées, avec de l'inventivité et avec un esprit d'équipe. Il vous appartient de faire de cette transformation la vôtre. Il reste encore beaucoup à définir, il y a encore de nombreux détails à ajuster et vous avez la main. Et vous avez toute ma confiance pour oser, pour proposer et pour mettre en oeuvre ces réformes avec créativité.
Vous avez toute ma confiance pour créer la sécurité des Français, la sécurité de demain.
Vive la République ! Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 27 septembre 2019