Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des finances. Vous êtes avec nous pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec les télés locales, les Indés Radios et la presse quotidienne régionale, représentée ce matin par Stéphane VERNAY.
STEPHANE VERNAY
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Vous dirigez le bureau parisien du quotidien Ouest France. On va commencer à parler du budget avec vous, Agnès PANNIER-RUNACHER, et de ce recul du gouvernement, le gouvernement qui a renoncé à supprimer l'exonération fiscale pour les seniors de plus de 70 ans qui emploient une aide à domicile. Qu'est-ce que c'est, un couac, un recul ou de l'amateurisme ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je crois que c'est plutôt de l'écoute et de la concertation, c'est-à-dire que… je veux d'abord repréciser qu'il n'était pas question de revenir sur les aides de services à la personne pour l'ensemble des Français, et notamment les personnes âgées, parce qu'il y a eu aussi une confusion parfois dans la façon dont on a présenté les choses. Là, il s'agissait d'une aide spécifique pour les personnes de plus de 70 ans qui avait été mise en oeuvre à partir de 87, avec l'idée que c'était pour le maintien à domicile. Et l'idée du gouvernement était d'assortir cette aide à une conditionnalité de perte d'autonomie et de dépendance. Ce qui était logique. Ceci dit, la réaction, et notamment les échanges qu'on a eus avec les parlementaires, et c'est à ça que sert aussi une démocratie, nous a amené à toucher du doigt que probablement que cette mesure n'est pas illégitime, mais qu'au fond, elle doit être travaillée en lien avec le texte sur la dépendance, sur lequel nous travaillons, et que la pousser dans le PLF de cette manière, sans avoir concerté, n'était pas la bonne manière de procéder. Donc, deuxième temps…
ORIANE MANCINI
Donc ce n'est pas sur le fond de la mesure que vous revenez, c'est-à-dire qu'elle sera mise en place, mais plus tard, c'est ce que vous nous dites ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas ce que je dis, ce que je dis, c'est que ce type de mesure qui est, en gros, comment on accompagne les personnes qui sont en situation de perte d'autonomie successive chez eux, ça suppose de le travailler en concertation avec les associations, avec les personnes qui connaissent le sujet, et qu'il ne faut pas le décider de manière abrupte dans un texte de loi, et c'est très exactement ce que nous avons fait. Je crois qu'on a été clair…
ORIANE MANCINI
Donc il y a eu un problème de méthode, vous reconnaissez un problème de méthode.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais au contraire, je dirais que c'est la méthode que nous nous sommes donné dans cette deuxième partie du quinquennat, c'est d'être à l'écoute, d'être dans la concertation, et effectivement, d'entendre quand on nous dit : ça, c'est trop tôt, c'est trop rapide, c'est trop abrupt, il faut qu'on en discute. Et je pense que c'est une bonne manière de faire.
STEPHANE VERNAY
Alors, puisqu'on parle du budget donc 2020 qui sera présenté en Conseil des ministres vendredi, c'est toujours un casse-tête, le contexte est particulier, quelles seront les grandes surprises, notamment, comment les choses vont se passer avec des prévisions de croissance qui sont plutôt faibles pour l'année prochaine, on est toujours à 1,3 %, c'est ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On est à 1,3 %, effectivement…
STEPHANE VERNAY
Contre 1,4 % cette année, donc ça baisse un peu…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, mais on est tout à fait dans la trajectoire que l'on s'était donné il y a 6 mois, donc de ce point de vue-là, il n'y a pas de remise en question de notre budget, et je veux redire ici qu'en termes de maîtrise des dépenses publiques, on est bien au-delà des mandatures précédentes, c'est-à-dire que pour la première fois, le déficit budgétaire – c'était le cas en 2018 – est passé sous la barre des 3 %, vous savez qu'en 2019, nous avons absorbé le crédit d'impôt sur le CICE, et que c'est pour ça qu'on va franchir très légèrement les 3 %…
STEPHANE VERNAY
Qui pesait pour vingt milliards…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà, qui pesait pour vingt milliards, parce qu'on a un système qui est différent, où on paye en fait sur une seule année deux ans de mesures, mais on repasse l'année prochaine très largement en dessous des 3 %…
STEPHANE VERNAY
En dessous, à 2,2 %…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, et on n'a jamais vu un déficit budgétaire aussi bas depuis quinze ans. Donc il faut aussi le dire en termes de maîtrise des dépenses publiques. Et de l'autre côté, un budget qui baisse l'impôt, qui le baisse massivement, non seulement, la troisième tranche de la taxe d'habitation, donc pour 80 % des Français, plus de taxe d'habitation, c'est dix milliards d'euros pour eux, plus les cinq milliards de baisse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
STEPHANE VERNAY
Alors, la maîtrise de ce budget et l'atteinte des grands équilibres passent aussi par la suppression d'un certain nombre de postes qui est annoncée, notamment dans le ministère qui vous concerne, on parle de 363 postes au ministère de l'Economie et des finances, mais aussi de 1.700 suppressions de postes au niveau des Comptes publics. Plus surprenant, il est question de supprimer 1.750 postes dès l'année prochaine au ministère de la Transition écologique, même si le budget augmente un peu, alors qu'on nous annonce un budget vert, est-ce qu'il n'y a pas un contraste…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne crois pas, parce que vous pouvez…
STEPHANE VERNAY
Est-ce que vous pouvez préciser et nous expliquer ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, alors, le nombre de postes d'un ministère, bien sûr, ça représente sa capacité de travail, mais vous avez aussi, il faut tenir compte – je prends l'exemple du ministère de l'Economie – de la répartition des responsabilités, pourquoi des suppressions de postes au ministère de l'Economie, parce que les régions, avec la loi NOTRe, ont récupéré une partie des compétences économiques, on le voit d'ailleurs dans le rapport de la Cour des comptes, à ce stade, la mise en place des grandes régions n'a pas permis de faire des économies…
STEPHANE VERNAY
Ça vous a surpris d'ailleurs ce résultat, de dire, que, finalement, les grandes régions ne sont pas plus efficaces que les anciennes, et qu'en plus, il y a eu une augmentation des dépenses de personnels très significatives…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'on est dans une phase de mutation et qu'on n'est pas au bout d'une transition et de la mise en place des grandes régions. Donc je crois qu'il faut…
STEPHANE VERNAY
Parce qu'on nous annonçait dix milliards d'économies, c'était quand même l'objectif des grandes régions, et là, il n'y en pas…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait, et ces grandes régions, elles sont dans un contrat, avec l'Etat, en termes de maîtrise des finances publiques, donc je crois qu'il faut laisser aussi au temps à la réforme de se faire, moi, je le vois sur le terrain, entre l'année dernière et cette année, la nature du dialogue que nous avons avec les grandes régions n'est pas pareil, c'est-à-dire qu'elles-mêmes sont en phase de transition, donc laissons-leur le temps de faire cette transition. Pour revenir au ministère de l'Economie et des finances, dès lors que les grandes régions sont en train de développer et de reprendre les compétences économiques, c'est légitime que, nous, Etat, nous republions certains éléments de nos compétences économiques, mais ça ne se fait pas en claquant des doigts, donc c'est trois, quatre ans pour le faire, au niveau de la DGE, c'est trois quarts de son réseau qui est supprimé, donc pour montrer qu'on est à la fois très conscient de la maîtrise des dépenses publiques, et en même temps, on le fait de manière ordonnée, pour ne pas laisser de trou dans la raquette dans la façon d'accompagner les missions de service public…
STEPHANE VERNAY
Pour votre ministère, ça se comprend bien, mais pour la Transition écologique, c'est 1.750 suppressions de postes dès l'année prochaine, et puis, il y a quand même 5.000 postes supprimés dans ce ministère sur trois ans, encore une fois, par rapport à l'objectif d'avoir un budget vert et de mettre un coup d'accélérateur sur la transition écologique, il y a un contraste saisissant quand même non ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pas du tout, je ne crois pas…
STEPHANE VERNAY
Vous pouvez nous l'expliquer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, parce que le ministère de la Transition écologique, certes, s'occupe de transition écologique, mais s'occupe aussi de bien d'autres missions, s'occupe d'équipements, s'occupe de routes, etc, donc, tout n'est pas des missions écologiques…
STEPHANE VERNAY
Là aussi, c'est lié au transfert des compétences…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et que dans la répartition des compétences, il y a bien un effort qui est fait sur l'écologie, ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est le ministère qui, de mémoire, a le plus, enfin, je mets de côté l'Education nationale, mais dans les ministères, on va dire d'accompagnement un peu économique, c'est le ministère qui a les effectifs les plus importants. Donc…
STEPHANE VERNAY
Et son budget augmente…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, et ce qui est important, c'est qu'effectivement, ses crédits d'intervention augmentent, parce que c'est ça qui compte…
STEPHANE VERNAY
640 millions d'euros en plus…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, donc c'est un montant considérable. Dernier point, il n'y a pas que le ministère de la Transition écologique qui fait de l'écologie, tous nos ministères sont en train de prendre, d'avoir un volet transition écologique dans nos missions.
STEPHANE VERNAY
C'est ça le fameux budget vert ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ça qui doit nous mener au budget vert. Moi, je reprends dans mon domaine, l'industrie, je suis des contrats stratégiques de filières, je suis en train de construire dans chacune des filières industrielles un volet transition écologique et énergétique avec des équipes de la DGE, qui travaillent sur ce sujet, c'est-à-dire que vous avez une réorientation clairement dans nos priorités de ce thème-là, et c'est valable pour la santé, comment on accompagne le réchauffement climatique dans les installations de santé, c'est valable pour l'Education nationale, comment on met dans l'Education, dans les programmes, une sensibilisation aux enjeux de la transition écologique et énergétique, et vous pouvez le dérouler sur tous les secteurs du jeu.
ORIANE MANCINI
Allez, on va passer à un autre sujet d'actualité, les turbulences qui se multiplient dans le transport aérien, graves difficultés pour AIGLE AZUR, pour XL AIRWAYS, pour THOMAS COOK. On ne va pas parler des touristes à rapatrier, on en a beaucoup parlé, on va plutôt parler de ces 500 salariés français qui se retrouvent sans emploi, les salariés de THOMAS COOK, qu'est-ce qu'on peut faire pour eux ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, comme vous le savez, THOMAS COOK, c'est le gouvernement britannique qui est à la manoeuvre, effectivement, pour les rapatriements et pour la question de la reprise. Ce que nous faisons, nous, dans ce type de situation, où on a une entreprise en difficulté qui dépose le bilan, voire, qui est liquidée, c'est un accompagnement individuel au travers de Pôle emploi, pour remettre dans l'emploi le maximum de personnes, je veux redire ici qu'en France, on est en train de créer des emplois et qu'on ne trouve pas de candidats pour ces emplois. Donc le…
ORIANE MANCINI
Des emplois dans quels secteurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans tous les secteurs.
ORIANE MANCINI
Donc vous dites aux salariés de THOMAS COOK, changez de secteur, vous trouverez un emploi…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne leur dis pas de changer de secteur, je leur dis : aujourd'hui, la dynamique de créations d'emplois fait qu'on est plutôt dans une dynamique où on manque de compétences à recruter sur le marché qu'on n'a pas d'emplois à offrir aux gens. Donc notre sujet, c'est d'arriver effectivement à accompagner individuellement les personnes qui perdent leur emploi pour leur permettre de retrouver le meilleur emploi, mais d'un point de vue de dynamisme économique, on est dans une situation où on manque de compétences. La difficulté qu'on peut avoir, c'est effectivement ce que vous indiquez, c'est permettre à certains profils, soit de franchir le cap d'une mobilité géographique, ce qui n'est jamais simple parce qu'il y a des coûts qui sont associés, il y a la famille qu'il faut bouger, donc ça, c'est un premier élément, ou deuxième élément, c'est de sortir d'un secteur d'activité qu'ils connaissent bien vers un autre secteur, mais ça, je crois que Pôle emploi a développé un certain nombre de modules d'accompagnement. Et ce qu'on observe aujourd'hui, c'est que par rapport à la façon dont on recrutait, il y a peut-être quinze ans, où on disait : il faut avoir tant d'années d'expérience dans le secteur est tant d'années d'expérience dans le poste, aujourd'hui, on s'aperçoit que des gens qui ont des compétences dans une entreprise, ils ont 80 % des compétences pour aller travailler dans un autre secteur…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que l'Etat va aider ces salariés de THOMAS COOK, ces salariés aussi d'AIGLE AZUR, de XL AIRWAYS, qui attendent un repreneur et qui ne sont peut-être pas repris ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr, bien sûr, on les aide au travers de nos dispositifs Pôle emploi, quand vous avez des pertes d'emplois massives dans une entreprise, vous avez des plans qui se déclenchent pour faire un accompagnement plus pointu sur les salariés qui sont concernés, c'est ce qu'on a fait dans un certain nombre de dossiers, et évidemment, il faut le faire dans ce cas-là.
STEPHANE VERNAY
Est-ce que vous avez une idée – vous avez évoqué les emplois non-pourvus, c'est un vrai problème, ça ne cesse de monter, on le voit notamment en région, où c'est très prégnant, le nombre d'entreprises qui n'arrivent pas à trouver les salariés dans tous les corps de métier ne cesse apparemment d'augmenter – est-ce que vous avez des chiffres ou une idée du volume d'emplois non-pourvus dans ce dans ce pays, et surtout la tendance actuelle, est-ce que c'est plutôt en train d'augmenter ou les choses se stabilisent ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, oui, dans l'industrie, on est plutôt du côté de 50.000 emplois non-pourvus avec une tendance à l'augmentation, et on sait qu'il y a les emplois cachés, c'est-à-dire qu'un certain nombre d'industriels refusent des commandes parce qu'ils n'arrivent pas à recruter, et s'ils acceptaient ces commandes, on serait plutôt du côté de 100.000, voire un peu plus.
STEPHANE VERNAY
Et ça, ce n'est rien que pour l'industrie ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et dans les services, vous êtes, là, plutôt du côté de 200.000, voire plus, et donc effectivement, on est dans un moment…
STEPHANE VERNAY
Et là aussi, ça augmente ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est en augmentation, c'est en augmentation, et c'est tout l'enjeu de la mobilisation nationale pour l'emploi, sur lequel Premier ministre nous a spécifiquement mobilisées, Emmanuelle WARGON et moi-même, c'est-à-dire qu'on doit maintenant arriver au plus près des territoires à passer effectivement de mesures macro, où on accompagne, où Pôle emploi est disponible, etc., à des mesures micro, où on essaie de regarder bassin d'emploi par bassin d'emploi, comment on arrive à rapprocher les demandeurs d'emploi des compétences qui manquent, et à mettre en en place, de manière un peu agile, les formations qui permettent de faire basculer les gens, ou même, moi, je vous donne un exemple, parce qu'il m'avait frappée, j'ai croisé une assistante maternelle qui est devenue opératrice industrielle, mais une assistante maternelle, mécaniquement, elle va plutôt chercher un emploi d'assistante maternelle, ça ne lui passera pas par la tête de se dire : je vais me présenter comme candidate dans une industrie, or, en fait, elle a toutes les compétences, modulo deux, trois mois de formation. Et ce sont ces changements-là de trajectoire qu'on doit accompagner, mais c'est également de faire connaître les métiers, parce qu'il faut qu'il y ait de l'appétence pour les métiers, si l'assistante maternelle veut travailler avec des enfants et qu'elle vous dit : non, vraiment, l'industrie, ça ne me parle pas, ça va être difficile, or, il y a plein de métiers dont l'attractivité est réduite, alors que les gens qui les font vous disent : en fait, ils sont mal connus, c'est des métiers extraordinaire, encore une fois, je reviens à l'industrie, parce que c'est aussi ce qui me fait vibrer, les métiers industriels, c'est des métiers technologiques, et je ne connais pas de personne qui ait fait ces changements de secteur, qui s'en plaigne aujourd'hui. C'est des métiers bien payés, durables et dans lesquels les conditions de travail sont tout à fait intéressantes.
STEPHANE VERNAY
Ce que vous venez de décrire, là, correspond à la philosophie de « Territoires d'industrie », le programme que vous aviez lancé l'année dernière, ça fait presque un an qu'il est en route. Quel est le premier bilan que vous pouvez en tirer, est-ce que ce process de ré-industrialisation des territoires porte ses fruits, fonctionne, ça marche ou ça ne marche pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, oui, ça marche, 144 territoires, 85 % des territoires qui sont partis, c'est-à-dire qui ont signé un contrat, qui ont mis en place un binôme industriel élu pour piloter le territoire…
ORIANE MANCINI
Les collectivités jouent jeu ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les collectivités jouent le jeu progressivement, certaines sont extrêmement allantes, et ont presque devancé l'appel, d'autres ont des difficultés à organiser les choses, parce qu'elles n'ont pas nécessairement les compétences de conduite de projets, et donc, on est en train de les aider à trouver la personne qui peut, en plus, qui va permettre de conduire le projet et d'accompagner cela…
STEPHANE VERNAY
Mais ça se traduit par des créations d'entreprises, des créations d'emplois, des choses très concrètes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça se traduit, on a 474 actions qui aujourd'hui sont repérées, on a 250 millions d'euros, un peu plus de 250 millions d'euros de crédits qui sont affectés à ces actions, et ce n'est pas des enveloppes, moi, j'ai tenu à ce que sur « Territoires d'industrie », l'argent qui est mis par l'Etat soit mis sur des actions précises, de façon à ce que plus c'est dynamique, plus vous pouvez être accompagné par l'Etat…
STEPHANE VERNAY
Mais vous décrivez une dynamique, mais est-ce que ça s'est traduit par des créations d'entreprises, des créations d'emplois ? C'est trop tôt pour le dire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est un peu tôt pour le dire, vous avez ponctuellement effectivement, ici et là, soit, des créations de sections d'apprentissage, soit, des systèmes qui permettent d'attirer des emplois supplémentaires, du type application aide à la mobilité etc., ça reste des actions qui sont…
ORIANE MANCINI
Mais ça va être élargi, c'est un dispositif qui va être élargi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un dispositif qui va surtout être approfondi, c'est-à-dire que quand je vous dis 474 actions, lorsque ces actions seront réalisées, une cité du numérique ici, des formations supplémentaires qui permettent de recruter des personnes additionnelles. Des pépinières d'entreprises sur des thématiques spécifiques, oui, bien sûr, on verra de l'emploi, des entreprises supplémentaires, des aménagements supplémentaires aussi de zones industrielles, et c'est ce qu'on est en train de suivre. Moi, ce que j'ai demandé lors de l'assemblée générale, c'est qu'on ait une mesure, non seulement du process, c'est-à-dire combien de contrats signés, combien d'actions, combien de crédit est déployé, mais une mesure du résultat, comme vous le dites, combien d'emplois créés, combien d'entreprises créées, combien de parts de marché gagnées à l'international…
ORIANE MANCINI
Alors, puisqu'on parle d'emploi et d'usine et d'industrie, durant les trois dernières années, il y avait plus d'usines en France qui ouvraient qu'elles n'en fermaient, depuis le début de l'année, la tendance s'inverse, il y a surtout des entreprises françaises qui préfèrent ouvrir des sites à l'étranger, qu'est-ce que peut faire l'Etat pour les convaincre de construire des sites en France ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, deux choses, d'abord vous avez plus d'extensions d'usines, et je crois que le sujet qu'on touche sur les ouvertures d'usines, parce que vous n'avez pas une augmentation du nombre de fermetures d'usines, et vous n'avez pas un bond de créations d'entreprises… de sites à l'étranger dans les groupes.
STEPHANE VERNAY
Donc, ça, c'est plutôt stable ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le sujet, c'est que les entreprises, elles vont préférer étendre un site qu'en créer un nouveau, et pourquoi, c'est assez basique, c'est parce que ça prend deux fois plus de temps en France d'ouvrir un nouveau site que dans n'importe quel pays, comme la Suède ou le Danemark, qui sont pourtant…
ORIANE MANCINI
Donc il faut réduire quoi, les délais de l'administration ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est la façon dont nous, nous portons le projet, c'est pour ça que j'ai demandé à Guillaume KASBARIAN, dans le cadre du groupe de travail industrie, du pacte productif, de mener une mission sur les problématiques d'ouvertures de sites nouveaux, comment on peut accélérer ces ouvertures de sites sans en rabattre sur nos exigences environnementales, parce que l'enjeu, ce n'est pas de dire : on arrête tout sur l'environnement, et comme ça, on ouvrira plus rapidement des sites. Donc il a remis son rapport au Premier ministre lundi, il a cinq mesures phares, certaines, on va les mettre immédiatement en oeuvre, dans « Territoires d'industrie » je vous donne un exemple très simple : vous avez dans « Territoires d'industrie », des friches industrielles, sur lesquelles on a déjà un état des lieux en termes archéologique et environnemental, donc on peut plus facilement y installer des sites industriels puisque vous avez une partie des études qui ont été faites au préalable. Il faut peut-être juste les finaliser, les cantonner, eh bien, il faut avoir des sites prêts à installer pour aller plus rapidement, vous gagnez un an…
STEPHANE VERNAY
Donc si je vous suis bien, ou si je vous entends, il vaut mieux regarder les extensions d'usines, le bilan est meilleur, que quand on regarde le solde des créations et des fermetures, c'est plus encourageant…
ORIANE MANCINI
Bien sûr, et surtout, quand on regarde le solde de créations d'emplois, il continue à être assez dynamique en termes industriels…
STEPHANE VERNAY
Et quand on voit que la SNCF, par exemple, fait appel à un constructeur espagnol pour une commande de nouveaux trains, ça, est-ce que ce n'est pas de nature, par contre, à… il n'y a pas un petit côté désespérant, qu'est-ce que ça vous inspire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, ça m'inspire que le site… que l'entreprise espagnole a un site en France de construction…
ORIANE MANCINI
A Bagnères-de-Bigorre…
STEPHANE VERNAY
Donc ça compense les menaces sur les sites situés dans l'Est ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, mais je pense que, nous, ce qui est très important, c'est le contenu emploi, ce n'est pas la nationalité de l'actionnaire…
ORIANE MANCINI
Mais, est-ce que vous avez eu des garanties du constructeur espagnol qu'à Bagnères-de-Bigorre, il y aura des emplois créés ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, quand vous faites un appel d'offres, c'est en l'occurrence la SNCF qui fait l'appel d'offres, mais, vous demandez où sont construits les équipements, et c'est un point qui est quand même important…
STEPHANE VERNAY
Donc le solde d'emplois est positif, donc ça vous va ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, tout à fait. Je pense que l'important, c'est effectivement d'ancrer l'emploi industriel dans les territoires, et qu'est-ce qui a relancé notre croissance industrielle, c'est les investissements étrangers en France. Il ne faut pas se tromper de combat. Pourquoi aujourd'hui on a deux fois plus de projets industriels, d'installations industrielles en France qu'en Allemagne, parce que nous avons su les attirer, et qu'effectivement, il faut qu'ils puissent développer l'activité industrielle, moi, ce qui compte pour moi, c'est l'emploi et c'est la création de richesses pour notre pays.
ORIANE MANCINI
Allez, un mot avant de terminer sur le projet de loi économie circulaire, qui est actuellement examiné au Sénat, il y a un point qui fait débat, c'est la consigne, un point qui fâche les sénateurs, qui fâche les élus locaux, est-ce que vous comprenez ces élus locaux ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je les entends, et je crois que dans la rédaction du projet, je n'ai pas suivi le débat hier donc, mais dans la rédaction du projet, nous avions été très équilibrés, c'est-à-dire que nous prévoyions la possibilité d'une consigne, étant tout à fait conscients qu'un certain nombre d'élus, un certain nombre d'entreprises étaient assez en avance sur ce sujet-là, et qu'effectivement, dans notre volonté d'accompagner, d'accélérer la transition écologique, énergétique, il faut que ceux qui ont de l'avance sur ces sujets-là ne perdent pas le bénéfice de cette avance, parce que là, c'est assez désespérant, si vous êtes plutôt avant-gardiste, que vous avez mis en place ce qu'il fallait, il ne faut pas que tout d'un coup, ça se replie. Donc nous, notre objectif, encore une fois, concertation, être à l'écoute des territoires, être à l'écoute aussi des entreprises, parce que, dans les entreprises, il y en a certaines qui ont pris le virage de la transition écologique énergétique et énergétique…
ORIANE MANCINI
Mais…
AGNES PANNIER-RUNACHER
… Faire en sorte ensuite de concilier des situations spécifiques où vous avez de l'avance, et le fait d'avoir un impact de masse sur cette transition écologique…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'être à l'écoute des territoires et des élus, ça pourrait vouloir dire renoncer à cette mesure sur la consigne ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais je reviens sur la façon dont est formulée la loi, la loi n'impose pas de consigne, elle prévoit la possibilité d'une consigne.
ORIANE MANCINI
Donc ça sera à chacun de choisir, c'est ce que vous nous dites.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce que je dis, c'est que la loi aujourd'hui ne ferme pas le débat, elle ouvre une concertation qui peut être déroulée dans un cadre réglementaire, donc à ce stade, justement, elle n'impose pas quelque chose de dur.
STEPHANE VERNAY
Il n'y a pas que la consigne dans le projet de loi, c'est beaucoup plus large, et il y a la création d'un indice de réparabilité par exemple, l'extension du principe de pollueur/payeur à de nouvelles filières, une lutte contre l'obsolescence programmée, l'interdiction de détruire les invendus, quels qu'ils soient, est-ce que ça, ce sont des choses qui ne sont pas de nature à bouleverser un certain nombre de secteurs économiques, et du coup, est-ce que vous, vous l'anticipez, comment est-ce que vous allez pouvoir accompagner ça, et inversement, est-ce qu'il faut s'attendre à des créations de nouvelles filières ou d'emplois, et comment est-ce que votre ministère peut accompagner ces changements ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, on a fait une étude sur le potentiel de créations d'emplois de l'économie circulaire, c'est de Muriel PENICAUD et Brune POIRSON qui ont conduit, enfin, supervisé ces travaux, le potentiel de créations d'emplois dans l'économie circulaire, sur un certain nombre de compétences, c'est 300.000 personnes.
STEPHANE VERNAY
C'est un solde net, ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un solde économie circulaire, c'est-à-dire qu'on ne remet pas en face effectivement les pertes d'emplois possibles liées à des transformations, c'est le point sur lequel nous travaillons, ça, c'est le premier point. Les 300.000…
STEPHANE VERNAY
Et du coup, le solde net, ce serait quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
300.000 emplois, c'est quand même assez considérable, moi, quand je regarde dans ma partie industrielle, ce qui m'intéresse, c'est la manière dont j'accompagne les transformations, avec deux éléments, le fait de dire : on va mettre des sacs de sable autour de façon de produire à l'ancienne, et ça va très bien se passer, ce n'est pas vrai. Des emplois qui sont sur des sujets sur lesquels le consommateur est en train de décrocher, parce que c'est ça qui fait la différence, c'est le consommateur, si demain matin, le consommateur a décidé de ne plus acheter du plastique, vous pouvez passer toutes les lois que vous voulez, vous pouvez faire tous les accompagnements économiques que vous voulez, à la fin, dans l'entreprise qui produit du plastique, il y aura un problème d'emploi. Donc moi, mon sujet, c'est d'anticiper les mouvements des consommateurs et de faire en sorte que ces compétences industrielles qui manquent encore une fois à l'appel, et dont on a besoin, se repositionnent sur des activités qui sont durables…
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, merci d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2019