Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une journée de deuil national en souvenir de Jacques CHIRAC, en hommage à Jacques CHIRAC. Vous dites à propos de Jacques CHIRAC : « On ne pouvait pas s'empêcher d'avoir de l'affection pour lui. » C'est vrai ? Vous aviez de l'affection…
BRUNO LE MAIRE
J'avais beaucoup d'affection pour lui, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez connu évidemment, et bien connu lorsque vous étiez à Matignon notamment avec le Premier ministre Dominique de VILLEPIN.
BRUNO LE MAIRE
Je l'ai bien connu et on ne pouvait pas s'empêcher d'avoir beaucoup d'affection pour lui. Que ce soit des coups qu'il pouvait vous faire parfois et…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? C'était quoi, les coups ?
BRUNO LE MAIRE
Je me souviens quand en 2006… Pardon parce que vous avez beaucoup d'anecdotes, beaucoup de souvenirs, donc chacun à son souvenir, mais c'est la preuve que c'est une personnalité qui a marqué les gens qui l'ont croisé. Je voulais partir en 2006 aux Nations Unies. J'étais diplomate et je m'étais dit : « Ça fait deux ans que je suis directeur de cabinet, je vais passer à autre chose. Je vais revenir à mon premier métier. » Mais j'avais besoin du secrétaire général des Nations Unies Ban KI-MOON. Donc je demande au président de la République qui me dit : « Il n'y a pas de problème, Bruno, je vais m'en occuper. Je vois le secrétaire général des Nations Unies dans quelques jours et je vais lui glisser ton nom au passage. » Il me rappelle après l'entretien avec le secrétaire général des Nations Unies Ban KI-MOON et il me dit : « L'affaire est dans le sac. » J'appelle ma femme, je lui dis : « On part à New York, c'est formidable ! » Et puis par mesure de précaution, j'appelle un diplomate qui avait participé à l'entretien et qui me dit : « Ecoute cher Bruno, je suis au regret de te dire que jamais Jacques CHIRAC n'a parlé de toi à Ban KI-MOON. » Et je ne suis même pas arrivé à lui en vouloir parce que je pense qu'il m'avait rappelé pour me dire par sympathie « voilà, c'est fait ». Il ne l'avait pas fait mais ça n'avait pas d'importance, c'était comme ça, et on avait pour lui une affection immense.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Immense. Vous dites que c'était un gros travailleur, un très gros travailleur.
BRUNO LE MAIRE
Oui, très gros travailleur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très gros travailleur, ce qui n'apparaît pas vraiment comme ça quand on évoque le souvenir de Jacques CHIRAC.
BRUNO LE MAIRE
Ce dont je peux témoigner. Moi, je l'ai connu surtout à partir de 2003, la crise irakienne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr. On va en parler de la crise irakienne.
BRUNO LE MAIRE
Les moments les plus forts que j'ai eus avec lui, puis ensuite de 2005 à 2007 quotidiennement avec Dominique de VILLEPIN, et je remercie Dominique de VILLEPIN de m'avoir donné cette chance-là. C'est quelqu'un qui, de 7 heures et demies/8 heures du matin jusqu'à très tard le soir, travaillait, travaillait, travaillait week-end compris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Relecture des discours.
BRUNO LE MAIRE
Relecture de discours qui pouvait prendre des heures et des heures et des heures.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il avait ses fiches cartonnées devant lui sur son bureau.
BRUNO LE MAIRE
Les appels qu'il passait méthodiquement, le moindre détail qui ne lui échappait pas, une attention aux sujets internationaux de tous les instants. Donc c'est une personne qui travaillait tous les jours, toutes les semaines de tous les mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De nombreux chefs d'Etat ; de gouvernement ou d'anciens dirigeants de la planète seront là tout à l'heure et notamment Vladimir POUTINE. Il avait une affection pour la Russie, il faut le savoir.
BRUNO LE MAIRE
Oui, il parlait le russe d'ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il avait appris le russe. Son professeur s'appelait Pierre PASCAL, je crois. Je crois. Je me trompe peut-être sur le prénom. Son rayonnement à l'étranger était immense.
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous raconter une deuxième anecdote sans donner de nom.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y, allez-y.
BRUNO LE MAIRE
Mais il se trouve qu'il avait une collaboratrice qui était très proche de lui – je ne donnerai pas son nom - qui avait adopté une jeune fille, une petite fille qui était d'origine russe. Et je me souviens d'être descendue avec Jacques CHIRAC et Dominique de VILLEPIN voir cette jeune femme qui est une amie, une amie proche, qui a sa petite fille qui est d'origine russe mais qui est un bébé, qui doit avoir six mois. Et je me souviens de Jacques CHIRAC se penchant sur cette collaboratrice et sur ce petit bébé, cette petite fille de six mois, et se mettre à lui parler en russe, de lui dire des mots en russe. Des mots d'affection que je n'ai pas compris, je ne parle pas un mot de russe. Mais c'était très touchant et je pense que c'était tout CHIRAC : cet homme qui était déjà âgé, penché, sur ce bébé et qui lui parle russe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Vladimir POUTINE l'a bien connu comme président. Vladimir POUTINE était déjà président, il faut s'en souvenir. Il sera là. Bien. Dites-moi, 2003, l'Irak, parce qu'on a besoin de savoir exactement. Pourquoi est-ce que Jacques CHIRAC a pris cette décision ? Certains disent : « Il était très ami avec Saddam HUSSEIN », ce qui est vrai d'ailleurs, très ami. Est-ce que ça a pesé ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que ça n'a pas pesé d'un gramme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il était très proche, très ami de Saddam HUSSEIN.
BRUNO LE MAIRE
C'était un ami très proche pour de bonnes raisons d'ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
BRUNO LE MAIRE
Il considérait que c'était le seul Etat laïc de la région donc c'était un des points importants de sa position, mais ça n'a pas pesé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça n'a pas pesé ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord il a voulu savoir la vérité, et moi c'était ma responsabilité auprès de Dominique de VILLEPIN. C'était est-ce que oui ou non il y a des armes de destruction massive qui peuvent menacer la sécurité en Europe et en France ? La réponse des Américains était oui, c'était un mensonge, un mensonge d'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ne saviez pas que c'était un mensonge.
BRUNO LE MAIRE
Si, nous l'avons établi. Nous avons dit très fortement que non, il n'y avait pas d'armes de destruction massive.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous étiez bien informé vous aussi.
BRUNO LE MAIRE
J'ai passé des journées et des journées, c'était ma responsabilité, avec les services de renseignement, la DGSE, le secrétariat général de la Défense nationale à regarder détail par détail est-ce que oui ou non il y a des missiles, il y a des armes nucléaires, il y a des armes chimiques. Et notre réponse technique a été de dire : selon toute vraisemblance, il n'y a pas d'armes de destruction massive en Irak donc il n'y a pas de menace et donc il n'y a pas de justification à la guerre. Ça, c'est la première chose qu'a voulu savoir Jacques CHIRAC à l'époque : est-ce que oui ou non il y a une menace ? Une fois qu'il savait ça, s'opposer aux Américains c'était une deuxième étape politique. Et moi je l'ai vu hésiter - Maurice GOURDAULT-MONTAGNE raconte ça très bien - je l'ai vu hésiter, prendre le temps de la réflexion. Ce n'est pas facile quand on est premier allié des Etats-Unis d'aller s'opposer à une décision américaine. Et c'est là que l'expérience de Jacques CHIRAC, sa connaissance intime du Proche et du Moyen-Orient, a pesé lourd. Parce que sa conviction, je l'ai vu l'exprimer à plusieurs reprises, c'est que de cette guerre ne sortirait que du malheur. Non seulement elle n'était pas justifiée mais, surtout, il n'en sortirait que du malheur. Et au moment du sommet de l'OTAN en 2002, à la fin de l'année 2002, juste avant que ne bascule dans la guerre, il a eu un entretien avec George BUSH, le président de l'époque, que raconte aussi Maurice GOURDAULT-MONTAGNE qui a été un entretien très brutal où Jacques CHIRAC a fait la leçon à George BUSH. Il n'a pas beaucoup apprécié qu'on lui fasse la leçon mais c'était une bonne leçon. De la guerre sortira le terrorisme, voilà quelle était la conviction de Jacques CHIRAC, voilà ce qu'il a dit à George BUSH. De cette guerre en Irak qui est inutile, qui n'a aucun fondement, qui n'est que de la vengeance sortiront des années de terrorisme et de violence contre nous. Il n'y a pas de menace en Irak mais vous allez créer une menace terroriste. Voilà ce qu'a dit Jacques CHIRAC à la fin de l'année 2002 à George BUSH. Ça a motivé son opposition à la guerre en Irak et l'histoire hélas, trois fois hélas, lui a donné raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il y a un autre point – ensuite, nous allons parler de l'actualité, votre actualité, le budget etc - mais il y a un autre point : c'est le non-respect du non au référendum de 1995. Ça vous… Non ?
BRUNO LE MAIRE
Pourquoi le non-respect ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas. Parce qu'il y a eu non au référendum en 1995. C'était non à cette Europe-là, cette Europe de Maastricht.
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a pas eu de non-respect. Je pense qu'on n'a pas tiré toutes les conséquences de ce référendum et de ce qui a suivi. Et on le voit encore aujourd'hui, on a besoin d'une refondation complète de l'Union européenne. Complète. Ça va de la zone euro qui doit être consolidée si on veut que l'euro se renforce jusqu'à la meilleure protection de nos frontières, jusqu'à la prospérité et à la création d'emplois. Quand je vois, pardon de revenir à l'actualité, mais quand je vois qu'avec un niveau de croissance de 1,2 environ, peu de créations d'emplois, vous avez encore des Etats qui ont des marges de manoeuvre budgétaires qui hésitent à investir, à dépenser de l'argent pour innover et créer des emplois, je me dis : « On n'a toujours rien compris. » Nos compatriotes, nos concitoyens européens ne vont pas se satisfaire d'un niveau de croissance faible, de peu de prospérité et de peu d'emplois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
BRUNO LE MAIRE
Donc il est temps que tous ceux qui peuvent aujourd'hui investir dans la zone euro le fassent rapidement. C'est ça aussi des leçons qu'on n'a pas toujours su tirer des crises successives de l'Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Nous allons revenir sur le budget. Rouen, est-ce que vous êtes toujours inquiet ?
BRUNO LE MAIRE
Je suis vigilant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes vigilant.
BRUNO LE MAIRE
D'abord je comprends parfaitement l'inquiétude des Rouennais. Il se trouve que j'ai été élu pendant plusieurs années de la région Normandie, et je peux imaginer ce que c'est quand on se réveille le matin, on voit un énorme panache de fumée, on voit des suies grasses, on se pose des questions. On a des enfants, on se demande « est-ce que ma santé est bien protégée ? Est-ce que celle de mes enfants est bien protégée ? », ce sont des inquiétudes totalement légitimes. Et notre responsabilité comme l'a dit le Premier ministre, comme l'a rappelé encore Elisabeth BORNE, c'est transparence totale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors transparence. Les résultats des analyses complémentaires, quand ?
BRUNO LE MAIRE
Elisabeth BORNE a parlé de demain ou de quelques jours, je crois, pour les analyses notamment sur les questions d'amiante qui peuvent effectivement préoccuper légitimement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien sûr. Il y avait de l'amiante dans cette usine.
BRUNO LE MAIRE
Il y avait de l'amiante dans cette usine donc les analyses sont faites et les résultats viendront sous quelques jour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'origine du sinistre qu'on ne connaît pas non plus
BRUNO LE MAIRE
Mais tout. L'origine du sinistre, l'organisation, le nombre de contrôles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout. Quels sont les produits qu'il y a dans la suie par exemple.
BRUNO LE MAIRE
J'ai vu qu'Elisabeth BORNE avait donné le nombre de contrôles depuis 2017 qui est très important. Il y a eu beaucoup de contrôles dans cette usine. Etaient-ils suffisants ? Fallait-il aller plus loin ? Faut-il être plus rigoureux ? Est-ce que sur les sites SEVESO, le niveau de contrôle est suffisant ? On doit cette transparence-là, totale. Le Premier ministre l'a rappelé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La situation, la situation des sites.
BRUNO LE MAIRE
Non seulement aux Rouennais mais aux Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La situation des sites SEVESO.
BRUNO LE MAIRE
La situation des sites, c'est un héritage. Je rappelle que beaucoup des habitations qui sont autour des sites SEVESO sont arrivées après les sites. Et on sait bien que ce type d'imbrication des habitations avec les usines, notamment des usines sensibles comme les usines SEVESO, ce n'est pas le modèle de développement que l'on veut. Donc comment est-ce que l'on fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Faut-il les fermer, les transférer ?
BRUNO LE MAIRE
Quelle décision faut-il prendre pour garantir la sécurité sanitaire totale des Français autour de ces sites ? Voilà la question qui est posée. Prenons le temps d'analyser la situation pour apporter les bonnes réponses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vous avez vu les réseaux sociaux, vous avez vu les rumeurs qui circulent ça et là. Le gouvernement ne cache rien.
BRUNO LE MAIRE
Rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le gouvernement ne cache rien aux habitants de Rouen et de tous les départements environnants.
BRUNO LE MAIRE
Le Premier ministre s'est engagé à la transparence totale et le Premier ministre tient parole. La ministre de l'Environnement est allée sur place. Nous allons faire le suivi le plus régulier possible, nécessaire, de façon à ce que cette transparence puisse combattre les rumeurs, les fausses nouvelles, les fausses indications qui peuvent circuler sur les réseaux sociaux. C'est la vérité qui doit l'emporter sur la rumeur. Sur une catastrophe sanitaire de ce type-là, une catastrophe industrielle de ce type-là, la vérité doit l'emporter sur la rumeur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Augmentation du malus auto, vous l'avez annoncé hier sur RTL dès le 1er janvier, je crois.
BRUNO LE MAIRE
Oui, dès le 1er janvier 2020.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Doublé.
BRUNO LE MAIRE
Non, pas doublé. C'est simplement qu'on abaisse les seuils. Le seuil de déclenchement, il était à 117 grammes, il va passer à 110 grammes de CO2 par kilomètre. Tout le monde devrait se dire que c'est une bonne chose qu'on abaisse ce seuil et qu'on incite comme cela les Français à aller vers des véhicules qui soient mon moins polluants. Je rappelle aussi que nous allons maintenir la prime à la conversion. Vous n'augmentez pas le malus CO2 sans, de l'autre côté, permettre aux Français d'acquérir des véhicules qui soient moins polluants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que vous augmente le malus mais vous maintenez la prime à la conversion.
BRUNO LE MAIRE
Mais je maintiens la prime à la conversion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vus n'augmentez pas le bonus.
BRUNO LE MAIRE
Le bonus, il est déjà de six mille euros pour les véhicules électriques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, mais…
BRUNO LE MAIRE
Il y a des primes à la conversion pour les véhicules hybrides rechargeables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les véhicules électriques, ça stagne. Les Français n'achètent pas de l'électrique, vous savez pourquoi Bruno LE MAIRE. Parce qu'on n'est pas équipé en France.
BRUNO LE MAIRE
Parce que nous ne sommes pas encore suffisamment équipés pour les branchements…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait des années qu'on nous dit : on va équiper, on va équiper.
BRUNO LE MAIRE
Nous le faisons. Nous le faisons et nous le faisons au bon rythme avec les coûts que cela représente. Un milliard d'euros quand même la prime à la conversion, donc ce n'est pas de la roupie de sansonnet. Un milliard d'euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, mais vous augmentez le malus et la prime à la conversion reste la même !
BRUNO LE MAIRE
Mais 6.000 euros pour un véhicule électrique, ça me paraît déjà une prime qui est généreuse, nous allons faire une prime à la conversion pour les véhicules hybrides rechargeables, regardez, PEUGEOT sort toute une gamme de véhicules hybrides rechargeables à partir d'octobre, alors je ne suis pas concessionnaire PEUGEOT, mais c'est la preuve qu'il y a des véhicules français qui pourront bénéficier de ces avantages. Mais en tout cas, c'est une politique qui est cohérente, on doit accélérer la transition énergétique, moins dépendre des énergies fossiles et notamment des crises au Proche et au Moyen-Orient et développer des véhicules hybrides rechargeables ou électriques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins dépendre des énergies fossiles, on est bien d'accord ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais vous savez, quand on prend initiative de créer, de créer à partir de rien une filière de batteries électriques en France, la première usine 2020 en France…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On en est où d'ailleurs, 2020 ?
BRUNO LE MAIRE
Première usine pilote en 2020, première usine avec des batteries réalisées à l'intérieur, 2022 en France, la deuxième, 2024, en Allemagne. Donc grâce aux décisions que nous prenons, aux milliards d'euros, là aussi, que nous investissons là-dessus, 700 millions de la part de la France, un milliard de la part de l'Allemagne, donc c'est plus d'un milliard d'euros qui vont être mis là-dessus. Demain, quand vous ouvrirez le capot de votre véhicule électrique, au lieu d'avoir marqué « Made in China », vous aurez marqué « Made in France » ou « Made in Germany », je trouve que c'est un progrès considérable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Déficit public de 2,2 en 2020, c'est cela ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est le meilleur chiffre depuis 20 ans, je tiens à le rappeler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et dette publique ?
BRUNO LE MAIRE
Dette publique, 98, un peu plus de 98 %, je ne suis pas satisfait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, oui, c'est beaucoup…
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est beaucoup…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup plus que dans de nombreux pays européens…
BRUNO LE MAIRE
C'est beaucoup, c'est aussi l'héritage de dix ans où la dette publique est passée de 64 à plus de 98. 30 points de dette en plus, nous la stabilisons à la baisse, mais comme c'est très modeste, je ne vous dis pas qu'on la fait baisser, ce serait malhonnête de ma part…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De 0,1, 0,2…
BRUNO LE MAIRE
Voilà, de quelques dixièmes, en tout cas, pas suffisamment à mes yeux, c'est aussi le résultat de décisions que nous avons prises par exemple sur la SNCF, nous avons récupéré 35 milliards d'euros de dette de la SNCF, ça pèse sur l'endettement public de la France. Mais désendetter le pays doit rester une priorité, et nous ne devons certainement pas abandonner cette priorité-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, la croissance pour 2019 ?
BRUNO LE MAIRE
1,3, donc un chiffre de croissance qui nous met au-dessus de la moyenne de la zone euro. Mais je voudrais que tous les Etats membres de la zone euro, les 19, aient conscience que ce niveau de croissance n'est pas satisfaisant, que ce niveau de croissance ne nous permettra pas de financer la transition énergétique et ne nous permettra pas de créer les emplois qui sont attendus par nos concitoyens. Donc j'appelle, comme le président de la République le fera probablement mi-octobre au moment du Conseil des ministres franco-allemands, j'appelle l'Allemagne à évoluer dans sa politique et à investir davantage. Demain, je serai…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment on leur demande d'investir dans la transition ?
BRUNO LE MAIRE
Demain, je serai à Berlin, je vais passer le message pour la troisième ou la quatrième fois, et je vais vous dire ma conviction profonde, Jean-Jacques BOURDIN, l'Allemagne, à un moment donné, bougera, c'est un grand pays, une grande nation, qui a une politique économique qui est dynamique, je suis convaincu qu'à un moment donné, l'Allemagne bougera, investira plus, innovera davantage, et que nous en serons tous dans la zone euro, notamment la France, les bénéficiaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, budget de la Sécurité sociale, les chiffres définitifs, 5,4 milliards d'euros de déficit cette année, on est bien d'accord, c'est le bon chiffre ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, oui, c'est le bon chiffre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
5,1 milliards d'euros l'année prochaine, c'est aussi le bon chiffre ?
BRUNO LE MAIRE
Mais parce que nous avons pris un certain nombre de décisions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La branche vieillesse, la branche vieillesse qui pèse ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr, mais vous connaissez les décisions que nous avons prises, notamment sur les retraites…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, c'est la facture des gilets jaunes, quoi, c'est la facture des gilets jaunes !
BRUNO LE MAIRE
Je n'aime pas tellement cette expression…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais c'est la réalité !
BRUNO LE MAIRE
Nous avons pris des décisions qui sont coûteuses, il faut le reconnaître, certaines sont compensées, quand nous baissons l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, moi, je pense que c'est une excellente décision parce que ça permet à ceux qui travaillent d'avoir une meilleure rémunération à la fin du mois, et surtout, de la garder pour eux. On l'a compensé notamment par la suppression de certaines niches fiscales, le gazole non-routier, et puis, il y a d'autres choses, ayons l'honnêteté de le reconnaître, que nous n'avons pas compensées, et comme nous ne l'avons pas intégralement compensé, ça se retrouve dans du déficit. Quelle est la conclusion que j'en tire, d'abord, c'était de bonnes décisions, parce qu'il faut savoir répondre lorsque le peuple souffre et réclame des décisions plus généreuses. Mais ça veut dire que dans les années qui viennent, nous ne devons pas abandonner l'objectif de baisse de la dépense publique, et nous devons regarder avec les parlementaires quelles sont les politiques sur lesquelles nous pouvons récupérer de l'argent public, je ne vous dis pas prendre ici un coup de rabot, et là, un autre coup de rabot, parce que ça fait mal et c'est inutile, mais prendre des politiques globales, comme on l'a fait sur les Chambres de commerce et d'industrie, on leur a dit : on va vous prendre un demi-milliard d'euros, mais en échange, vous pourrez conclure des contrats avec les entreprises, on va changer le statut de vos personnels, et donc vous serez plus souple, ça explique qu'on puisse réduire la dépense dans les Chambres de commerce et d'industrie, prenons ce modèle-là pour que dans l'année qui vienne, on ait des réductions de dépenses structurelles et pas conjoncturelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, très bien, la branche retraite donc qui est en déficit, et conséquence, on n'a plus d'argent pour la santé, et on n'a plus d'argent pour EHPAD, on n'a plus d'argent pour les urgences, on n'a plus d'argent pour la psychiatrie, et puis, on fait des économies encore, sur quoi, sur les allocations familiales, sur les APL qui n'augmentent pas de plus de 0,3 %…
BRUNO LE MAIRE
Non, on ne fait pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, si, Bruno LE MAIRE, disons clairement les choses…
BRUNO LE MAIRE
Non, parce que je peux vous faire la liste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ou faux ?
BRUNO LE MAIRE
C'est faux parce que je peux vous faire la liste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi c'est faux ?
BRUNO LE MAIRE
Je peux vous faire la liste des aides sociales que nous augmentons, l'allocation adulte handicapé, nous l'augmentons, l'allocation minimum vieillesse, nous l'augmentons, c'est de manière plus globale, quelles sont les dépenses que nous sommes prêts à réduire pour que nous puissions continuer à financer un modèle social auquel nous sommes tous attachés, les hôpitaux, les urgences, le soutien aux plus faibles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc continuer à les financer, mais pas à augmenter les financements…
BRUNO LE MAIRE
Les maladies de longue durée. Tout cela doit être financé, voire, mieux financé. Mais ça suppose que de l'autre côté, on soit capable de réduire certaines dépenses, comme nous avons eu le courage de le faire, quand nous réduisons le soutien aux emplois aidés pour dire : on va créer des vrais emplois, on a créé 500.000 emplois supplémentaires au cours des deux dernières années, un demi-million d'emplois supplémentaires, ça justifie qu'on puisse réduire le soutien financier aux contrats aidés, mais c'est comme cela qu'on peut réduire intelligemment la dépense publique, dans la concertation et avec des réponses qui permettent de compenser cette baisse de dépenses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais finir sur la Convention des droites qui s'est tenue samedi, et un passage du discours d'Eric ZEMMOUR, je le cite : tous nos problèmes aggravés par l'immigration sont aggravés par l'islam, les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres, si oui, ils méritent leur colonisation, si non, ils devront se battre pour leur libération, est-ce un appel à la guerre civile ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne comprends pas l'attention qu'on a accordée à cette Convention qui réunissait des personnes qui n'ont d'autre légitimité qu'elles-mêmes, et qui tiennent des propos qui tiennent du délire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attention des chaînes de télévision notamment ?
BRUNO LE MAIRE
L'attention des chaînes de télévision, l'attention des médias, ils sont libres, mais, moi, je suis quand même très surpris, quelle est la légitimité politique et sociale des personnes qui s'expriment dans cette Convention, quelle est l'élection qu'ils ont gagnée, quelle est leur légitimité démocratique, et on leur ouvre tout grand toutes les chaînes de radio, de télévision, comme si c'était un événement majeur, moi, ça me pose une vraie question de fonctionnement démocratique, sur les propos eux-mêmes, je ne suis pas sûr qu'ils méritent autant d'attention, parce qu'on est dans l'ordre du délire clinique au sens propre du terme, vous savez, le délire clinique, c'est quand on ne touche plus dans la réalité, on est dans son obsession, eh bien, quand j'écoute les propos que vous rapportez, on n'est plus dans l'examen attentif de la réalité, on n'est plus dans le débat démocratique, on est dans le délire clinique, c'est-à-dire qu'on a perdu tout contact avec la réalité et qu'on poursuit sa propre obsession, eh bien, la politique, ce n'est pas ça, la politique, c'est regarder la réalité en face, faire preuve de lucidité et répondre avec respect et considération, j'en reviens avec Jacques CHIRAC, puisque nous allons participer dans quelques instants à la cérémonie, à l'hommage du président de la République Jacques CHIRAC. Jamais Jacques CHIRAC n'a quitté justement ce sens de la lucidité, de la raison, de la considération et du respect, et j'aimerais que le débat démocratique en France reste dans ce cadre-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu nous voir ce matin.
BRUNO LE MAIRE
Merci Jean-Jacques BOURDIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2019