Interview de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à Europe 1 le 6 mai 2019, sur les élections européennes.

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Média : Europe 1

Texte intégral

NIKOS ALIAGAS
La secrétaire d'Etat chargée des Affaires européennes, Amélie DE MONTCHALIN, est votre invitée Audrey CRESPO-MARA.

AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Amélie DE MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors la colère du président après le séminaire gouvernemental était si forte qu'elle a eu des échos dans la presse. Vous confirmez qu'en cas de défaite aux Européennes, Emmanuel MACRON a promis un remaniement dans la foulée ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Il faut déjà savoir que ces Européennes, le but ce n'est pas juste de les gagner, ce n'est pas un enjeu électoraliste français, ce n'est même pas un enjeu du président, c'est un enjeu pour les Français. On a besoin d'envoyer une équipe de France, de gens compétents qui ont envie de travailler en Europe et qui sont surtout là pour que quand le président et le gouvernement proposent quelque chose, qui le négocient au niveau européen, ce soit suivi au Parlement. Ce qui se passe depuis 20 ans, 30 ans, enfin en tout cas beaucoup trop de temps, c'est qu'on a envoyé au Parlement européen – pas moi mais les partis politiques – des exilés, des stars de cinéma, des gens qui au fond étaient eurosceptiques et ne voulaient pas faire grand-chose. Et du coup ce que ça a fait, c'est que la France n'a plus d'influence, n'a plus de crédibilité.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors là vous défendez votre liste, vous défendez votre liste, c'est bien normal mais est-ce que vous confirmez qu'en cas de défaite aux Européennes, Emmanuel MACRON a promis un remaniement ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, ce n'est pas qu'on s'en est parlé. On s'en est parlé comme… pourquoi l'Europe c'était aujourd'hui essentiel. Depuis 2 ans, le Président de la République a été le plus européen de tous les présidents, il a fait campagne sur l'Europe. A l'époque, tout le monde lui disait que c'était suicidaire, ce n'est pas du tout suicidaire, c'est essentiel. Si les Français nous disent, par exemple les manifestations des gilets jaunes, qui veulent taxer le kérosène, qui veulent qu'on fasse plus pour le climat, qui veulent que sur les droits sociaux on ait une politique sociale beaucoup plus ambitieuse, la France peut faire des choses mais ça n'a de sens que si l'Europe fait aussi des choses. Parce que sinon, on se met dans une position de concurrence qui ne fonctionne pas.

AUDREY CRESPO-MARA
Et ce soir, Edouard PHILIPPE participe avec 3 autres ministres au meeting de Nathalie LOISEAU à Caen, vous-même Amélie DE MONTCHALIN, vous irez soutenir Pascal CANFIN notamment dans un meeting ce soir à Paris. On a l'impression quand même que le gouvernement met le paquet pour sauver sa peau.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas notre peau qu'on sauve. Si vous regardez par exemple, Nathalie LOISEAU pendant 2 ans, elle a défendu avec le président de la République notre influence en France, elle a négocié pied à pied pour que notamment sur les droits des travailleurs détachés, on fasse des réformes avec Muriel PENICAUD. Moi j'étais une députée, je voyais qu'il y avait des gens qui essayaient de faire des choses en Europe. Là les ministres, on est… pourquoi on fait campagne ? Parce qu'on sait qu'il y a beaucoup des réformes qu'on veut porter au niveau français qui ne marcheront que si jusqu'au niveau européen, on met les choses en cohérence…

AUDREY CRESPO-MARA
Et aussi parce que vous êtes donnés battus même dans certains sondages par le Rassemblement national !

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais parce qu'on est aussi des personnalités politiques… nous sommes tous engagés sur une liste qui était européenne, réformiste et humaniste. Aujourd'hui, on a des élections qui nous demandent de prouver aux Français qu'on va pouvoir continuer à mener des réformes humanistes, réformistes et donc européennes. Et donc il est évident qu'en tant que personnalité politique, puisqu'on croit à l'Europe, il faut bien qu'on fasse campagne pour l'Europe.

AUDREY CRESPO-MARA
Amélie DE MONTCHALIN, ce soir vous serez donc au meeting à Bobino avec Daniel COHN BENDIT, il est censé apporter à la campagne de la République en marche le charisme qui fait défaut à Nathalie LOISEAU ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais Nathalie LOISEAU pendant 2 ans, elle s'est battue en Europe pour justement qu'on retrouve de l'influence…

AUDREY CRESPO-MARA
Non, je vous parle du manque de charisme, pour emporter les électeurs il faut du charisme.

AMELIE DE MONTCHALIN
Quand je vois Jérémy DECERLE à Reims qui est un éleveur et qui parle aux agriculteurs, quand je vois par exemple Fabienne KELLER qui est une élue respectée dans le Grand Est parce qu'elle a été maire de Strasbourg, quand je vois les uns et les autres sur cette liste qui ont à la fois un métier, des réseaux, une connaissance de la vie quotidienne et qui sont en train de faire campagne, je peux vous dire qu'il y a eu 400 réunions publiques faites par liste Renaissance en France depuis son lancement, depuis à peu près un mois, je n'ai pas l'impression que les gens sortent de là déprimés. Ils sortent de là…

AUDREY CRESPO-MARA
Mais je vous parle de Nathalie LOISEAU.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais Nathalie LOISEAU, elle fait totalement son travail, elle a été celle qui pendant 2 ans a accompagné le président pour qu'on ait des victoires, des victoires sur le droit d'auteur, des victoires sur le travail détaché, des victoires sur les frontières. Elle a été celle qui s'est battue avec les ministres et je peux vous dire qu'en tant que députés, on ne voyait pas une techno comme on la décrit parfois, on voyait une femme qui se battait pour qu'on ait de la cohérence. Moi je pense que c'est en soi bien mieux que de faire la Une des journaux ou venir parler à tous les micros comme certains, d'ailleurs comme Marine LE PEN, qui ne siégeront jamais au Parlement européen. Vous savez qu'il y a beaucoup de gens que vous recevez dans vos matinales qui ne sont jamais élus, ils sont là parce qu'ils veulent faire une campagne pour ou contre MACRON, pour ou contre des valeurs, c'est très bien. Maintenant nous, on cherche des députés qui veulent travailler ; et la liste Renaissance a été constituée de gens qui sont là pour travailler, parce qu'ils ont envie de changer des choses. Moi j'ai besoin que dans les mois qui viennent, quand on fera des négociations au niveau ministériel du Conseil, on soit suivi.

AUDREY CRESPO-MARA
En attendant, vous n'êtes pas forcément suivis par les électeurs. Selon les derniers sondages, vous et les autres d'ailleurs, la participation aux Européennes ne devrait pas dépasser les 40 %, ce qui serait le chiffre le plus bas jamais atteint. Est-ce que ça ne porte pas atteinte à la légitimité de l'Union européenne ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien ! C'est bien pour ça qu'on fait campagne, pour montrer aux Français comment au quotidien l'Europe, elle est dans leur vie, elle est dans leur vie par les normes sociales, elle est dans leur vie par les normes environnementales, elle est dans leur vie parce que c'est ce qui nous garantit la paix, la démocratie. Le changement climatique, on a des milliers de jeunes qui défilent pendant des semaines pour dire qu'ils veulent qu'on fasse plus. Mais ce n'est pas la France toute seule qui doit faire plus, c'est a minima notre continent. Donc tous ces enjeux-là, il faut qu'on rappelle aux Français à quel niveau ça se passe et pourquoi leurs voix, elles comptent pour savoir si l'Europe redevient un espace où on est protégé, un espace qui impose des valeurs, qui peut se protéger du monde aussi. Face à la Chine, face aux Etats-Unis, vous pensez que c'est la France toute seule qui peut s'en sortir ? Donc on a besoin que les Français aient bien devant eux les enjeux posés ; et c'est ce quoiqu'on s'attelle à travers tout le pays.

AUDREY CRESPO-MARA
Amélie DE MONTCHALIN, Nathalie LOISEAU et Marlène SCHIAPPA ont lancé une initiative pour améliorer les droits des femmes en Europe, et elles l'ont baptisée « Pacte Simone Veil ». Alors l'idée, on répertorie les lois les plus favorables aux femmes dans chaque pays d'Europe et on les applique à toute l'Europe. Pourquoi la France n'adopte pas d'ores et déjà les lois les plus favorables aux femmes qui existent ailleurs en Europe ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais là, la France fait ce qu'elle fait de meilleur en Europe, d'abord elle propose, elle espère réunir les bonnes volontés autour d'un principe. Et ensuite la France forcément s'appliquera à elle-même les principes qu'elle propose aux autres. Mais vous savez sur le patrimoine europ��en, vendredi on a fait la même chose, on a réuni 28 pays pour regarder qu'est-ce qu'on faisait de mieux pour protéger le patrimoine, comme on incluait notre jeunesse et on avance. Sur le droit des femmes, vous savez contre les violences faites aux femmes, sur les égalités salariales… les inégalités salariales plutôt, parce que s'il y avait l'égalité on le saurait, sur des sujets qui concernent la garde d'enfants, l'accès au travail, les droits à la retraite, on a des choses à apprendre les uns des autres. Et poser ce pacte en disant que tous ceux qui veulent justement s'impliquer dans le fait que l'égalité, ce n'est pas un concept, ça doit devenir réalité, moi je trouve ça formidable parce que la France fait là ce qu'elle a toujours fait de meilleur. Proposer et unir.

AUDREY CRESPO-MARA
Amélie DE MONTCHALIN, dans leur Pacte Simone Veil, Nathalie LOISEAU et Marlène SCHIAPPA appellent à se mobiliser notamment pour nos soeurs polonaises qui militent pour l'accès à l'IVG. N'est-il pas est tout aussi urgent de se mobiliser aujourd'hui pour la jeune femme qu'un chauffeur de bus en France refuse de laisser monter, parce qu'il estime que sa jupe est trop courte ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi vous savez, je serai toujours une militante du droit à la liberté des femmes. Ce qui s'est passé en France, ce qui se passe en Pologne, ce qui se passe à travers le monde dans des pays… il n'y a pas de hiérarchie, vous savez les femmes ont le droit d'avoir des droits partout. Et donc je pense qu'il est tout aussi important de laisser la justice faire son travail en France, mais se dire qu'on se battra toujours pour la liberté des femmes françaises, des femmes européennes et des femmes dans le monde.

AUDREY CRESPO-MARA
Quel a été votre premier sentiment quand vous avez vu cette information tomber, un chauffeur de bus qui interdit l'accès à son bus parce que la jeune femme a une jupe trop courte ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je me suis dit : vous voyez, il faut qu'on se batte en Europe mais parfois, il faut qu'on se batte aussi tout près de chez nous. Et les grands principes qu'on s'impose, il faut les faire devenir réalité juste en bas de nos immeubles, dans nos rues. Et c'est bien pour ça d'ailleurs qu'on a besoin d'un cadre, pourquoi le Conseil de l'Europe depuis 70 ans défend les droits de l'homme ? C'est pour que partout on en prenne bien conscience et que ça se passe aussi en bas de chez nous.

AUDREY CRESPO-MARA
Nous parlons du Pacte Simone Veil, le gilet jaune Abdel ZAHIRI qui s'était fait connaître sur les réseaux sociaux en qualifiant Simone VEIL de (je cite) pourriture sioniste, pro-tueuse d'embryons humains et qui a témoigné son respect pour le négationniste FAURISSON est sorti de prison. Une centaine de gilets jaunes l'attendait et lui ont fait une haie d'honneur, qu'est-il prévu contre ça ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Déjà ce qui est prévu, c'est qu'on puisse s'indigner collectivement du fait que de telles thèses continuent de perdurer. La justice a fait son travail, il a été en prison. Moi vous savez…

AUDREY CRESPO-MARA
Et cette haie d'honneur d'une centaine de gilets jaunes ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça qu'il faut qu'on soit extrêmement fort dans nos principes et extrêmement forts dans notre vigilance collective. Je pense que des enquêtes seront ouvertes s'il y a lieu, mais il faut qu'on soit bien clair, on est dans un pays où des choses qui étaient des non-dits, des interdits sont aujourd'hui tombées ; et des choses qui ne se disaient pas et qui se disent, il y a des choses qui ne se pensaient pas et qui se pensent. Et donc là, il faut que par l'éducation mais aussi par la vigilance collective, ça veut dire que les médias, la parole publique, on a tous une responsabilité. Notre pays doit rester un pays où on doit pouvoir vivre ensemble, être ce que l'on est. Le principe de laïcité doit s'appliquer, la liberté des femmes dans la rue doit pouvoir perdurer. Donc je pense qu'il faut qu'on soit extrêmement vigilant et vous savez que ce n'est pas qu'une question de condamnation, c'est une question d'action. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, 100 personnes peuvent applaudir quelqu'un qui nie des phénomènes de l'histoire, des événements de l'histoire qui ont été extrêmement abjectes, immondes et que depuis des décennies on essaie de combattre.

AUDREY CRESPO-MARA
Merci Amélie DE MONTCHALIN.


Source : Service d'influence du Gouvernement, le 9 mai 2019