Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Demain, ce sera le vingt-cinquième samedi de mobilisation des gilets jaunes. Il faut savoir que plusieurs milliers de commerces sont en danger à cause des manifestations. Comment les aider ? On va voir cela avec Agnès PANNIER-RUNACHER qui est Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et qui est l'invitée de la matinale ce matin, interrogée par Yoann USAI.
YOANN USAI
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
YOANN USAI
On va parler évidemment du sauvetage d'ASCOVAL, de la crise des gilets jaunes, des conséquences sur l'économie. On abordera également la campagne des élections européennes. Avant cela, l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière a-t-il été attaqué ? Son personnel a-t-il été agressé ? C'est ce qu'a affirmé Christophe CASTANER. L'opposition demande aujourd'hui des comptes au ministre. Est-ce qu'il n'a pas parlé un peu trop vite Christophe CASTANER ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, les vidéos, elles sont très claires. Il y a une intrusion dans l'hôpital par une porte qui était fermée et qui était volontairement fermée. Donc ça, c'est un fait et on peut le contester. Et si l'hôpital et la direction de l'hôpital portent plainte, ce n'est pas pour un problème anecdotique. C'est parce qu'il y a une réalité. Ensuite, que les gens qui pénètrent dans un hôpital ouvert ne soient pas tous des casseurs, c'est possible aussi et c'est ce que tend à montrer un certain nombre de vidéos. De même lorsque vous regardez le service de réanimation médicale, vous avez les infirmières, et franchement elles ont fait preuve d'une très grande sérénité dans les circonstances, qui bloquent la porte parce que des gens cherchent à pénétrer dans un service de réanimation médicale. Chirurgicale en l'occurrence. Enfin, excusez-moi, mais c'est une situation qui est très grave. Des patients en réanimation chirurgicale, moi j'ai travaillé à l'AP-HP, ce sont des patients qui ont une prise en charge particulièrement forte et qui peuvent mourir. Voilà.
YOANN USAI
Quand il dit « le personnel a été agressé » l'opposition l'accuse de dramatiser pour en tirer un bénéfice politique, tenter de décrédibiliser le mouvement. Regardez la une de Libération ce matin : « la fake news venait de l'intérieur ». En tout cas, une polémique de plus concernant Christophe CASTANER. La réalité, c'est que ce matin il est encore un peu plus affaibli.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne sais pas s'il est affaibli. Moi ce que je constate, c'est qu'on est dans la polémique sur l'anecdote et qu'on ne regarde pas la situation qui sont des manifestations très violentes du 1er mai, des policiers qui entendent en boucle « on n'aime pas les forces de l'ordre, on n'aime pas la police, suicidez-vous ». Enfin, mettez-vous deux minutes à leur place. C'est inimaginable. Ce sont les mêmes forces de l'ordre qu'on va voir quand on a un souci ou qui nous protègent contre le terrorisme. De quoi parle-t-on ? Aujourd'hui l'ensemble des services publics : les pompiers, les forces de l'ordre, aujourd'hui le personnel hospitalier, sont sous une pression insupportable tous les samedis et on est dans le commentaire du commentaire. Et sinon, ça ne s'appelle pas faire de la politique ça, faire de la politique politicienne, je ne sais pas comment ça s'appelle. Moi ma concentration aujourd'hui, mon point, c'est que ça s'arrête, c'est qu'on dénonce ces violences qui sont inqualifiables et qu'on apprenne à manifester collectivement, normalement, dans le calme. Comme l'ont fait les jeunes pour le climat, comme l'ont fait d'autres contre-manifestations : ça, on n'en parle jamais de ces manifestations-là.
YOANN USAI
Alors l'opposition au gouvernement et la majorité sénatoriale demandent une commission d'enquête qui permettra peut-être de faire la lumière effectivement sur ce qui s'est passé. On va parler maintenant…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Enfin, il y a un juge qui est dessus donc on va peut-être laisser la justice faire son travail aussi. Aujourd'hui, tout le monde a son avis sur tout y compris sur des affaires qui sont conduites par la justice.
YOANN USAI
Le Sénat vous pose beaucoup de difficultés en ce moment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne crois pas mais je veux juste dire qu'on est en train aussi de mélanger un peu les choses. La justice est saisie du dossier. Elle a les pièces, elle est en train de l'examiner, elle va faire la lumière sur le sujet et je crois qu'on fait beaucoup de politique politicienne.
YOANN USAI
Donc vous dites qu'une commission d'enquête sénatoriale n'est pas la bienvenue.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense que la justice, c'est son métier de faire ce travail-là et je crois que collectivement on aurait intérêt à remettre les institutions à leur place, parce que là c'est la démocratie sur laquelle on est en train de jouer et pour des intentions qui sont assez peu avouables.
YOANN USAI
Alors parlons du sauvetage d'ASCOVAL puisqu'après quatre années de lutte, le site a été sauvé. Deux cent soixante-dix salariés qui vont garder leur emploi. Est-ce que c'est le gouvernement qui a sauvé ASCOVAL ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, sans l'action décisive de Bercy, il ne se serait rien passé et l'aciérie aurait fermé. Moi je peux vous dire que nous avons travaillé d'arrache-pied ces six derniers mois, depuis le 23 octobre où je suis allée visiter ASCOVAL et on était… Plutôt on a fait une réunion à Valenciennes avec l'ensemble des élus et les organisations syndicales, et à ce moment-là il n'y avait pas de solution. Et c'est parce qu'on s'est investi et c'est parce qu'il y a de l'argent public aussi que nous avons réussi d'abord à monter un premier dossier sur lequel le repreneur privé nous a fait défaut au dernier moment, et nous avons réussi à rebondir et aller rechercher un nouveau repreneur. Et je suis très heureuse, vraiment très heureuse pour les salariés parce qu'ils ont été d'un courage dans ces atermoiements vraiment très important. Et je suis très fière parce que, voilà, ça fait partie des victoires comme pour ARC, comme pour FONDERIES DU POITOU, des dossiers industriels délicats, compliqués, sur lesquels l'intervention de Bercy est décisive.
YOANN USAI
Alors c'est effectivement une bonne nouvelle mais qui cache une autre réalité puisqu'en France, depuis le début des années 2000, ce sont un million d'emplois industriels qui ont été détruits. La question qui se pose finalement : est-ce qu'ASCOVAL n'est pas une exception ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas du tout. Parce qu'au contraire, comme vous le dites très bien, entre 2000 et 2017, un million d'emplois sont détruits. Mais depuis 2017, et ça ce sont des chiffres vrais de l'Insee, nous recréons l'emploi industriel.
YOANN USAI
Cinq mille. Cinq mille par an.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Six mille déjà, un peu plus. Par rapport à des pertes d'emplois de trente mille et qui sont même montées jusqu'à cent trente mille chaque année. Je veux dire par rapport à la saignée de ces dernières années, il y a retournement de la situation. Nous créons plus de sites que nous n'en détruisons.
YOANN USAI
Est-ce que vous dites que ça va se poursuivre en 2019, cette création d'emplois industriels ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui l'Insee prévoit une création d'emplois industriels et l'indice manufacturier est bien orienté. Et quel est le principal obstacle aujourd'hui à l'industrie, à la croissance industrielle ? C'est la difficulté à recruter des candidats. Ce que ne savent peut-être pas les gens, c'est qu'il y a aujourd'hui cinquante mille emplois disponibles, ouverts, qui ne trouvent pas de candidats, et que s'il y avait les compétences, les candidats ça serait même cent mille ou deux cent mille parce que les industriels aujourd'hui refusent de prendre des commandes, ne peuvent pas prendre des commandes faute de personnes pour faire le travail. Et ça, dans une situation de chômage élevé, c'est vraiment la mère des batailles pour nous.
YOANN USAI
Vous avez évoqué l'Insee. L'Insee donne également un chiffre intéressant : 5 % seulement des destructions d'emplois industriels sont liées aux délocalisations. Comment est-ce que, dans ces conditions-là, on recrée de l'emploi industriel en France ? Est-ce qu'il est possible de réindustrialiser, de recréer de l'emploi dans ce secteur-là en France ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. On peut relocaliser des productions parce que…
YOANN USAI
5 % seulement des destructions d'emplois, les délocalisations.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Avec les technologies… Ce dont on s'aperçoit, c'est que les nouvelles technologies permettent de rendre l'industrie française compétitive. Plus de flexibilité, plus de capacité à servir les clients et cela crée de l'emploi. Pourquoi les relocalisations ne font que 5 % des pertes d'emplois ? Parce qu'aujourd'hui, tout simplement, vous n'avez pas les commandes. Qu'est ce qui fait que vous perdez de l'emploi ? C'est que vous n'êtes plus compétitif et vous perdez des commandes. Qu'est ce qui fait que vous gagnez de l'emploi ? C'est que si vous avez les bons robots, les bonnes personnes, les bonnes compétences, vous êtes plus capable de gagner des parts de marché et vous gagnez de l'emploi. C'est pour ça que la bataille sur le recrutement est indispensable. Il faut changer l'image de l'industrie dans le grand public. L'industrie, ce n'est pas des usines qui ferment et ASCOVAL en est un exemple emblématique. Combien de fois on a dit que ça a été fermé ? Combien de fois moi j'ai entendu « avec votre échec sur ASCOVAL » ? Alors que l'aciérie continuait à être ouverte. Donc voilà, ASCOVAL ça fonctionne ; les industries anciennes, c'est difficile mais on peut les accompagner, et vous avez tout un volant d'industries modernes, technologiques, qui répondent aux défis écologique et environnemental qu'on doit accompagner. Et aujourd'hui, on a notre chance pour réindustrialiser la France.
YOANN USAI
Alors nous sommes vendredi et comme depuis vingt-cinq semaines maintenant, nous sommes à la veille d'une nouvelle mobilisation des gilets jaunes, une mobilisation qui effectivement est en très nette baisse mais qui ne s'est pas arrêtée. Pourquoi est-ce que le gouvernement ne parvient pas à mettre un terme définitif à ce mouvement social ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est une mobilisation qui est conduite avec un niveau de violence élevé et nous avons… Nous respectons, en fait, le droit de manifestation, ce qui est parfaitement normal. Et simplement dans ce droit de manifestation, un certain nombre d'extrêmes jouent sur tout ce que leur autorise la démocratie pour commettre ou essayer de pousser à bout les forces de l'ordre, comme je l'ai indiqué au départ, et effectivement pour faire des exactions sur les commerçants. Tout ça est insupportable à nouveau, et je crois qu'il faut qu'on soit collectivement conscients de nos responsabilités en tant que citoyen par rapport à ce fait-là.
YOANN USAI
Est-ce que vous pouvez nous dire combien a coûté à l'économie française cette mobilisation des gilets jaunes ? L'ensemble de ce mouvement social ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On peut dire une première chose. C'est que les dégâts qui sont, je dirais, casse etc, c'est plus de deux cents millions d'euros. Ça, on le sait au travers des assurances. Ce qu'on sait également, c'est que vous avez plus de huit mille commerçants qui ont demandé des aides puisque le gouvernement s'est mobilisé dès le 26 novembre pour accompagner les commerçants et les artisans qui étaient touchés par ce mouvement, et notamment pour leur permettre de disposer, d'exonérations… D'abord de report de charges, impôts et charges sociales, et ensuite d'exonérations lorsqu'on a vu qu'il fallait leur donner de l'oxygène pour pouvoir rebondir derrière.
YOANN USAI
Et à ce jour, vous avez pu répondre à chacun d'entre eux.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et à ce jour, on a répondu à chacun de ceux qui nous ont saisis. Et tout l'enjeu aujourd'hui, c'est de faire en sorte que les commerçants ne restent pas seuls et qu'ils prennent leur téléphone pour appeler l'Etat et pour demander de l'aide et ce n'est pas si évident. Vous n'avez pas l'habitude de prendre votre téléphone pour appeler le fisc et demander une exonération. Donc c'est pour ça que nous avons mis en place un dispositif qui va au devant des commerçants, avec un formulaire ultra simple. On va à leur porte et on leur demande s'ils ont besoin d'aide, ou on fait des guichets uniques une demi-journée dans une mairie ou dans une chambre de commerce, en disant : « Venez nous voir et on traite tous vos dossiers de façon à ce que vous retrouviez du confort et de la trésorerie. »
YOANN USAI
Justement pour aider les commerçants qui souffrent de cette mobilisation des gilets jaunes depuis vingt-cinq semaines, le gouvernement, vous l'avez dit, a mis en place un dispositif d'aide. Il a pris fin mardi dernier mais la mobilisation continue. Est-ce que ça signifie que vous allez prolonger ce dispositif d'aide ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait. Nous avons décidé de prolonger le dispositif d'aide jusqu'à la fin du mois de juin parce que ça nous paraît essentiel d'accompagner nos commerçants de proximité. Ils sont la vie dans les villes. Ils sont ce qui crée du lien social et il est hors de question de les laisser tomber. Tout notre enjeu, c'est qu'ils traversent correctement cette crise dont ils ne sont pas à l'origine pour pouvoir rebondir demain. Et je veux dire aux Français que, s'ils veulent rendre service à leurs commerçants de proximité, il faut aller chez ces commerçants. Il faut résister à l'appel d'autres formes de concurrence. C'est très important qu'on soit aussi des consommateurs responsables par rapport à ça.
YOANN USAI
Est-ce que vous savez combien ces aides vont coûter au budget de l'Etat ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, tout ce qui est chômage partiel pèse pour à peu près de trente-huit millions d'euros et ce qui est report de charges représente à peu près quatre-vingts millions d'euros. Ces quatre-vingts millions d'euros ont vocation à être remboursés sauf pour les commerçants qui seront trop serrés et à qui on donnera des exonérations. Donc ça vous donne une idée des montants engagés par l'Etat.
YOANN USAI
Et combien de salariés au chômage technique aujourd'hui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors le chômage partiel, il représente plus de soixante mille… Soixante-dix mille, pardon, personnes mais tous ne sont pas aujourd'hui au chômage technique. Je veux également le dire. Ce qui est important, c'est qu'en fait aujourd'hui les commerçants ne se payent plus pour pouvoir payer leurs salariés. Vous voyez, on parle de pouvoir d'achat. Aujourd'hui les commerçants, eux, ne se payent plus pour pouvoir payer leurs salariés et c'est cette situation que nous voulons corriger.
YOANN USAI
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie. Est-ce que vous constatez que le climat social, politique aujourd'hui en France crée des incertitudes dans les milieux économiques ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'aujourd'hui, c'est plus le climat international qui peut créer des incertitudes, en particulier les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, parce que c'est un facteur important de notre croissance, la capacité à exporter. J'ai le sentiment qu'en revanche, lorsque je regarde les chiffres de l'industrie qui sont orientés favorablement, lorsque je regarde la baisse du chômage, lorsque je regarde les créations d'emplois, il y a un décalage entre le bon bilan économique de ces deux dernières années et, effectivement, le sentiment un peu collectif de difficultés sociales. Les faits sont têtus, le bilan de l'économie française n'a jamais été aussi bon cette année et l'année dernière que depuis dix ans. On a battu le record sur la baisse du chômage. On n'a pas vu de chiffres aussi bas depuis dix ans. Je vous parlais de l'industrie, c'est pareil ; là, c'est depuis vingt ans. Donc il faut aussi regarder le verre à moitié plein.
YOANN USAI
Alors pour répondre à cette crise des gilets jaunes, Emmanuel MACRON a fait des annonces la semaine dernière depuis l'Elysée. Il y en a une qui a retenu l'attention des contribuables évidemment : c'est la baisse de l'impôt sur le revenu, cinq milliards d'euros. Est-ce que ce sont les entreprises qui vont payer ces cinq milliards d'euros ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors cinq milliards d'euros, vous savez que vous allez deux millions d'entreprises qui payent l'impôt sur le revenu. Deux millions d'entreprises qui payent l'impôt sur le revenu car les indépendants ne payent pas l'impôt sur les sociétés, ils payent l'impôt sur le revenu. Donc déjà, vous avez deux millions d'entreprises qui vont bénéficier de cette baisse d'impôts. Je pense que c'est très important de le dire. Ça concerne des commerçants, ça concerne des artisans, ça concerne les petites entreprises.
YOANN USAI
Mais est-ce que, par ailleurs, vous allez augmenter les impôts en diminuant les niches fiscales de l'autre côté ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
De l'autre côté… Moi, je suis en contact évidemment très régulier avec les représentants des entreprises, vous avez deux choses. Vous avez une volonté farouche de préserver le crédit impôt recherche qui est le moteur de notre croissance, et ça le Premier ministre l'a affirmé, il serait sanctuarisé de même que la baisse des cotisations sociales, parce que ce sont deux éléments de compétitivité. Compétitivité, ce n'est pas un gros mot : c'est la capacité à créer de l'emploi en France. En revanche, on ne s'interdit pas d'aller passer en revue un certain nombre de niches sociales et les entreprises nous disent : « On préfère que vous baissiez globalement les impôts et que vous mettiez fin à un certain nombre de dispositifs ciblés que l'inverse. » Parce que nous ce qu'on veut, c'est avoir les mêmes conditions de compétitivité que l'Allemagne, que l'Italie, que l'Espagne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Et donc il faut aller dans cette direction et c'est dans cette direction qu'on ira.
YOANN USAI
Muriel PENICAUD a fixé un objectif : 7 %, un taux de chômage de 7 % en 2022. Est-ce que vous pouvez dire aux entreprises : « Vous devez créer des emplois. Aidez-nous à créer des emplois pour atteindre cet objectif et dans le même temps, on va supprimer certaines de vos niches fiscales. » C'est compatible ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr que c'est compatible. Parce que créer des emplois, vous le faites parce que vous avez des commandes, donc on revient à la première question. C'est trouver les bons candidats à l'emploi et créer plus de richesses, et ça c'est tout l'intérêt des entreprises. Donc ce n'est pas relié avec le fait de regarder les niches fiscales, et puis je veux dire que les cinq milliards d'euros sont financés aussi par des baisses de dépenses publiques. Ne perdons pas de vue cet objectif qui est très important. Je vous donne un exemple. Moi dans mon ministère, la direction générale des entreprises, aujourd'hui, parce que les régions ont la compétence économique, et pour sortir du millefeuille administratif de l'empilement des compétences, réduit des trois quarts - des trois-quarts - son réseau sur le territoire. Donc les dépenses publiques doivent être diminuées là où effectivement on a des doublons, ce qui n'empêche pas par ailleurs de s'attacher à faire en sorte que vous ayez des services de santé, des écoles dédoublées. Je crois que il y a eu des annonces très importantes dans cette direction : maximum vingt-quatre élèves par classe, des dédoublements des classes. C'est essentiel.
YOANN USAI
On en a effectivement beaucoup parlé. Vous étiez hier avec le Premier ministre qui a décidé de délocaliser, en Charente, Matignon. Est-ce que c'est une demande du président de la République de voir le gouvernement davantage sur le terrain ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'on a besoin d'être au plus proche du terrain parce que c'est là où on est dans la plus grande capacité à expliquer à la fois nos politiques et aussi à voir comment elles sont mises en oeuvre. Une mesure qui est votée…
YOANN USAI
Mais c'est une demande du chef de l'Etat ou pas ? Il vous a fait cette demande ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non parce que ce n'est pas la première fois que Matignon délocalise. Il l'avait fait déjà l'année dernière.
YOANN USAI
Mais vous ne l'avez pas fait depuis un an.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais il l'avait fait l'année dernière donc pas de surprise. Moi je suis sur le terrain depuis que je suis ministre à raison de deux ou trois fois par semaine. Donc je dirai que le président de la République change de méthode et veut qu'on soit beaucoup plus dans l'inclusion des élus locaux, dans la concertation avec les organisations syndicales et dans la concertation…
YOANN USAI
Est-ce qu'il s'est mis en colère le chef de l'Etat ? Est-ce qu'il s'est mis en colère ? Est-ce qu'il a poussé une colère en voyant que son gouvernement n'était pas suffisamment investi sur le terrain ? C'est ce qu'on dit en ce moment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je n'étais pas là s'il a eu cette colère et ça ne ressemble pas au président de la République d'avoir des colères. C'est quelqu'un d'extrêmement exigeant mais d'extrêmement équilibré dans ses propos.
YOANN USAI
Alors on est à quelques semaines maintenant des élections européennes et, pour la première fois de notre sondage Ifop, eh bien le Rassemblement national est un point devant la liste de La République en Marche et Nathalie LOISEAU. Est-ce que ça vous inquiète d'abord ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je pense qu'il faut une mobilisation totale. Je rappelle que le Rassemblement national a gagné cette élection il y a cinq ans. Que s'est-il passé ? Qu'ont-ils fait de ce gain des élections ? Que s'est-il passé au niveau du Parlement européen ? Quel est leur bilan ? Je pose la question et je crois aujourd'hui que si on veut un projet européen, il faut se mobiliser et effectivement il faut aller voter le 26 mai. Vous savez, les sondages ne donnent pas des idées très précises sur les résultats quand vous avez un niveau d'abstention comme celui qu'on aura aux européennes.
YOANN USAI
Mais de fait… De fait…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc mobilisation totale. Pas de surprise, on sait depuis le début que c'est le Rassemblement national qui est le principal adversaire de la liste pro-européenne que nous avons et qui est large, qui va au-delà de la République en Marche que nous avons montée. Et moi je dis aux gens qui croient au projet européen, surtout votez le 26 mai, c'est essentiel.
YOANN USAI
Très rapidement, une dernière question. Si jamais la liste de la majorité était battue, de fait le président de la République serait affaibli.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si la liste… Alors encore une fois, c'est le Rassemblement national qui a gagné les dernières élections, donc nous sommes en position de challenger…
YOANN USAI
Une défaite de la majorité, ce serait un affaiblissement du président de la République.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je pense que le sujet aujourd'hui, c'est de sauver le projet européen. Il n'y a que ça que j'ai en tête.
YOANN USAI
Est-ce qu'il serait affaibli si la majorité perdait les élections ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Chacun interprétera le résultat des élections par rapport à son positionnement, donc je suis sûre que les oppositions y verront un affaiblissement du président de la République. Moi j'attends de voir les résultats avant d'avoir des affirmations génériques et fortes.
YOANN USAI
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'être venue ce matin sur Cnews.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous en prie.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mai 2019