Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à France Info le 7 mai 2019, sur les élections européennes et la politique de l'environnement.

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Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Des sondages en berne, des couacs en série ces dernières semaines. Qu'est-ce qui cloche dans la campagne de Nathalie LOISEAU ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien la campagne de Nathalie LOISEAU, elle a commencé, mais elle démarre vraiment maintenant. La campagne des Européennes, elle démarre toujours assez tard par rapport à la date des élections. Là on est à trois semaines des élections. Hier la République En Marche tenait huit meetings, dans huit villes de France. Moi j'étais à Bobino, avec les écologistes de la liste, notamment Pascal CANFIN, et puis aussi un grand témoin, Daniel COHN BENDIT. Nathalie était à Caen avec le Premier ministre. Elle est appréciée des militants, elle est soutenue, elle est compétente et moi j'ai confiance.

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas de problème de casting avec celle que vous appelez donc par son prénom, Nathalie ?

EMMANUELLE WARGON
Nathalie LOISEAU, elle a été ministre des affaires européennes pendant 2 ans. Elle connaît très bien ses dossiers, elle est extrêmement engagée dans la construction européenne et pas n'importe quelle construction européenne. Moi je suis assez frappée du concert, enfin de la quantité d'insultes qu'elle reçoit etc. Je trouve qu'il y a aussi une part de sexisme là-dedans, je me pose la question de savoir si un homme…

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas une once de sexisme dans ma question, je pourrais poser la même question sur tous les candidats…

EMMANUELLE WARGON
Non non. Non mais je ne le dis pas pour vous.

MARC FAUVELLE
... quand les sondages plafonnent, quand ils sont à la baisse, quand le Rassemblement national vous talonne ou vous dépasse désormais, et quand elle ne reconstitue pas le socle électoral qui était celui du candidat MACRON il y a deux ans.

EMMANUELLE WARGON
Je ne le dis pas du tout pour vous, mais je trouve que dans ce qui tourne sur les réseaux, sur Nathalie LOISEAU, il y a aussi des choses qui sont complètement déplacées. On est dans une campagne dans laquelle le parti du président, de la majorité, fait campagne pour son programme et donc tous les autres sont opposés, donc on est un peu à tous contre un, c'est la logique de cette campagne, mais moi j'ai vraiment confiance. La discussion avec les militants, la force du projet, la force de la liste, j'y crois.

RENAUD DELY
Et c'était important, Emmanuelle WARGON, qu'Edouard PHILIPPE, justement, le Premier ministre, se mobilise hier aux côtés de Nathalie LOISEAU ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que c'est important que toute la majorité montre qu'elle est mobilisée pour le projet européen. Cette élection européenne, en fait elle est déterminante. Bien sûr ce sera un test national, et on le sait, mais c'est aussi l'Europe que nous voulons construire, c'est la majorité que nous pourrons obtenir au Parlement européen, c'est la possibilité pour la France de déployer son action en Europe et d'obtenir des majorités. Donc en fait cette élection elle est clé aussi pour le projet que nous menons en France.

RENAUD DELY
Mais ce sera aussi un test national, vous venez de le dire, ce sera une façon de tester la popularité du gouvernement au bout de 2 ans d'exercice du pouvoir ?

EMMANUELLE WARGON
On sait que des élections sont toujours, à la fois sur leur enjeu, et là c'est une élection européenne très importante, et qu'elles ont aussi une valeur nationale. C'est un constat, et ça me paraît important aussi de montrer la force de notre projet, à la fois communautaire et français.

MARC FAUVELLE
Emmanuelle WARGON, Nathalie LOISEAU était donc hier soir en meeting à Caen, en Normandie, voici ce qu'elle a déclaré. 

NATHALIE LOISEAU, TETE DE LISTE LA REPUBLIQUE EN MARCHE AUX ELECTIONS
EUROPEENNES
Nous sommes à Caen, et ça ressemble un petit peu à un débarquement allié. Dans 20 jours ce sera notre D Day, notre jour J.

MARC FAUVELLE
Un débarquement contre qui aujourd'hui ? Quel est l'ennemi aujourd'hui qui occupe la France ?

EMMANUELLE WARGON
Oh, je crois que c'était plutôt l'idée de dire : beaucoup de la liste arrivent, le Premier ministre arrive des hommes politiques nationaux arrivent, c'était plutôt l'idée d'un rassemblement que d'un débarquement. Après, le moment est important, le moment, le 26 mai, et moi j'engage vraiment les auditeurs à aller voter. Le premier problème que nous allons avoir c'est le taux de participation. On sait que la participation est toujours faible pour les élections européennes. Les élections européennes ce sont des élections importantes, donc le message s'est : mobilisez vous et choisissez ceux dont vous croyez le projet. Et nous portons que je crois le plus beau projet.

RENAUD DELY
Et est-ce qu'il faut qu'Emmanuel MACRON lui aussi entre en campagne ?

EMMANUELLE WARGON
Il est arrivé que des présidents de la République…

MARC FAUVELLE
Long silence.

EMMANUELLE WARGON
Il est arrivé que des présidents de la République rentrent en campagne européenne. Je crois que ce sera son choix, en tout cas le Premier ministre, le gouvernement, on est tous mobilisé.

RENAUD DELY
Vous, vous le souhaitez, ce serait utile.

EMMANUELLE WARGON
C'est toujours bien quand tout le monde se mobilise, mais je crois que la question elle est aussi la mobilisation de terrain, la mobilisation au plus près.

RENAUD DELY
Vous évoquiez la dimension aussi du test national de ce scrutin, qu'est-ce que ça changerait si le Rassemblement national arrive en tête, si Jordan BARDELLA devance Nathalie LOISEAU ? C'est une catastrophe pour le gouvernement ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien d'abord, moi je n'y crois pas. Je crois que l'on a une belle dynamique et que la campagne démarre maintenant…

MARC FAUVELLE
Pardon, quelle dynamique vous avez vue ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien…

MARC FAUVELLE
Une campagne qui démarre à 25, et qui est aux alentours de 21 aujourd'hui, ou alors j'ai mal lu les sondages, mais où est la dynamique ?

EMMANUELLE WARGON
Je regarde la dynamique des militants, je regarde la dynamique des meetings, je regarde la multiplication des évènements…

MARC FAUVELLE
Vous sentez un effet LOISEAU dans le pays.

EMMANUELLE WARGON
Je sens un effet liste renaissance, parce que on a une très belle tête de liste, on a aussi une très belle liste, parce que toute cette liste c'est Nathalie LOISEAU, mais c'est aussi Pascal CANFIN, c'est Catherine CHABAUD la navigatrice, c'est Jérémy DECERLE l'agriculteur, donc on a une belle liste et moi je crois que la dynamique qui démarre maintenant, elle fonctionnera. Après, le Rassemblement national porte quelque chose qui n'est pas un projet européen, donc bien sûr on a envie d'être en tête.

RENAUD DELY
Et ça serait un problème pour l'action du gouvernement dans les 2 années qui viennent si ce n'était pas, enfin dans les 3 années qui viennent si Nathalie LOISEAU n'est pas en tête ? Est-ce que ça obérerait la capacité de réforme du gouvernement à vos yeux ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que la capacité de réforme du gouvernement elle est assez solide. Je crois aussi qu'on vient de sortir de 3 mois de grand débat, dans lesquels on a renoué avec la possibilité de discuter avec les
Français, à la suite desquels le président de la République…

RENAUD DELY
De discuter, mais pas encore de décider.

EMMANUELLE WARGON
Le président de la République a posé une feuille de route, pour la deuxième partie du quinquennat. Je pense que cette feuille de route est solide et que nous serons en capacité de la mener. Après, toutes les élections sont importantes, parce que l'expression démocratique est importante.

MARC FAUVELLE
Est-ce que la deuxième partie du quinquennat, Emmanuelle WARGON, sera plus verte que la première ?

EMMANUELLE WARGON
Ah je crois que l'écologie est en train de s'installer vraiment, au coeur du programme gouvernemental.

MARC FAUVELLE
Ça y est, Emmanuel MACRON a compris ?

EMMANUELLE WARGON
Parce que…

MARC FAUVELLE
Enfin, enfin.

EMMANUELLE WARGON
Si je regarde tout ce qui se passe actuellement, on a annoncé la création d'un conseil de défense écologique, ce n'est pas du tout un organisme de plus, c'est le président qui réunit ses principaux ministres, régulièrement, le premier est en mai, et dit : bon, l'écologie ça n'est pas que le problème du ministre de la Transition écologique et solidaire, François de RUGY et son équipe, l'écologie c'est le problème, ou la solution d'ailleurs, parce que c'est souvent une solution de tout le gouvernement. Première réunion consacrée à la biodiversité. Le président de la République reçoit hier, j'y étais, les scientifiques sur la biodiversité, pour dire : oui c'est un problème aussi important que le réchauffement climatique, et nous allons agir. Le Premier ministre recevait hier les organisations syndicales patronales, des associations d'élus. Sur les cinq chantiers concrets qu'il ouvre, deux concernent l'écologie, un sur l'écologie du quotidien et l'autre sur la contractualisation avec les territoires, pour un nouveau développement économique, pour un renouveau industriel et écologique. Et quand on parle du pacte productif en 2025, on dit : ce pacte productif, produire mieux, produire plus, un facteur clé, un sujet transversal, l'écologie. Oui, je crois que l'écologie, on y est.

MARC FAUVELLE
On va revenir longuement sur les propositions faites hier soir par le chef de l'Etat, face aux experts mondiaux mandatés par la biodiversité, ce sera juste après le rappel de l'actualité.
(...)

MARC FAUVELLE
Toujours avec la secrétaire auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Emmanuelle WARGON, et les questions de Renaud DELY.

RENAUD DELY
S'est tenue donc hier à l'Elysée une réunion à laquelle vous avez participé autour de ce rapport mondial sur la biodiversité et son constat alarmant. Emmanuel MACRON, au sortir de cette réunion, s'est exprimé dans la cour de l'Elysée.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Ce qui nous est proposé, en quelque sorte, l'interpellation qui nous est faite par les experts qui viennent de remettre leur rapport, c'est très profondément de changer notre organisation mondiale, c'est de changer notre manière de produire, de nous organiser, et le réchauffement climatique, comme la biodiversité, impose de revoir en profondeur des modèles auxquels nous étions habitués.

RENAUD DELY
Donc cette fois, ça y est, on va tout changer, on se souvient qu'il y a deux ans, Emmanuel MACRON avait déclaré le fameux "make our planet great again", au moment où Donald TRUMP annonçait qu'il allait sortir de l'accord de Paris. C'est un peu la même chose, là, non ?

EMMANUELLE WARGON
Oui, c'est la même chose…

RENAUD DELY
C'est la même chose, mais depuis deux ans, rien n'a changé…

MARC FAUVELLE
Mais cette fois, on va le faire, oui…

EMMANUELLE WARGON
Ce qui est intéressant, c'est que jusqu'à présent, on travaillait de façon assez séparée sur les questions de lutte contre le réchauffement climatique, donc tous les sujets climat, et les sujets biodiversité étaient finalement assez peu visibles, et finalement, avec ce rapport d'experts, que la France a suscité, parce que c'est la France qui a contribué à créer cette coalition d'experts, la France a accueilli les travaux cette année, et ce rapport a été présenté au G7, aux ministres de l'Environnement du G7 à Metz, dimanche et lundi. Donc avec ce rapport d'experts, on a la base pour travailler, et ces experts nous disent d'abord climat et biodiversité, finalement, les deux sujets sont liés, et ça ramène souvent à la question des terres et de l'agriculture. Et deuxièmement, il faut un changement de système, c'est simplement difficile à faire un changement de système, changement de système de production, changement de système économique, produire différemment…

RENAUD DELY
Ça veut dire quoi concrètement, changement de système de production, ça veut dire quoi, on va sortir du capitalisme ?

EMMANUELLE WARGON
Non, ça ne veut pas dire : on va sortir du capitalisme, d'ailleurs, ces experts font des scenarii, et dans un des scénarios, qui est le scénario le plus optimiste dans lequel on arrive à regagner de la biodiversité, on garde de la croissance économique, simplement, c'est une croissance économique avec des fondamentaux plus solides, une agriculture différente, une agriculture qui est moins intensive, qui exploite moins les sols…

MARC FAUVELLE
Vous allez demander aux agriculteurs de faire moins de rendements…

EMMANUELLE WARGON
On en a beaucoup parlé hier, c'était intéressant, c'était une discussion assez ouverte…

MARC FAUVELLE
Le rapport du GIEC biodiversité dit : l'agriculture, c'est la première cause de perte de biodiversité sur la planète, on peut aujourd'hui, quand on est responsable politique, aller voir ces agriculteurs et dire : je vous demande de lever le pied, de produire moins, quitte à gagner moins d'argent ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, le rapport dit : c'est l'exploitation des terres, d'abord, qui est la première cause, mais l'exploitation des terres, c'est l'agriculture, mais c'est aussi l'étalement urbain, c'est aussi la manière dont la ville est organisée, donc c'est un peu plus large que l'agriculture, mais la discussion qu'on avait hier avec les experts, c'est qu'il est possible de garder les mêmes rendements agricoles avec des méthodes de production différentes ; donc il ne s'agit pas de rentrer dans un dilemme : est-ce qu'il faut produire moins en produisant mieux ou est-ce qu'on continue à produire autant parce qu'on a aussi la planète à nourrir. Il existe maintenant des solutions techniques pour produire mieux en gardant le même type de rendement, on a discuté des céréales, on a discuté de produits laitiers par exemple, on a discuté de beaucoup de secteurs agricoles dans lesquels on sait qu'on peut produire avec des rendements comparables en produisant mieux, et c'était l'un des éléments de la discussion, comment est-ce qu'on trouve les bons exemples, comment est-ce qu'on permet aux agriculteurs d'aller vers ce type de modèle, pour la France, d'abord, c'est un des objectifs de politique publique que nous nous sommes donné, et Didier GUILLAUME travaille bien sûr sur ce sujet. Et deuxièmement, le gros enjeu, et c'est pour ça que ça rejoint le sujet européen, c'est la réforme de la politique agricole commune, parce que la politique agricole commune, elle subventionne des modes de production, et si on arrive à faire évoluer le financement pour favoriser des modes de production plus respectueux de la planète, mais avec les bons rendements, alors on peut aller vers cette transition d'une agriculture plus respectueuse.

RENAUD DELY
Mais comment garantir en même temps le revenu des agriculteurs ?

EMMANUELLE WARGON
Je vais vous donner un exemple très concret, actuellement, on travaille sur la préservation de l'eau avec un mécanisme de concertation qui s'appelle les Assises de l'eau, dans cette concertation, on travaille sur comment utiliser au mieux une enveloppe de 150 millions d'euros qui est aujourd'hui répartie entre les agences de l'eau, et qui va financer ce qu'on appelle les paiements pour services environnementaux, désolée si c'est un peu précis, mais en gros, 150 millions d'euros pour financer l'action des agriculteurs lorsque ce qu'ils font est directement bénéfique à la biodiversité ou d'ailleurs au réchauffement climatique ; et on est en train de regarder avec les agriculteurs et les associations environnementales comment est-ce qu'on organise ça, comment est-ce qu'on le dessine pour que ces paiements soient le plus efficace possible. Demain, la PAC, elle-même, là, c'est de l'argent purement français, demain, l'argent communautaire pourrait financer ce type de programme, ce type de services à un niveau beaucoup plus élevé que 150 millions d'euros par an…

RENAUD DELY
Mais aujourd'hui, la réforme de la PAC, elle inquiète les agriculteurs notamment parce qu'ils redoutent de voir leurs revenus diminuer, et ce n'est pas une enveloppe, en l'occurrence celle que vous évoquez au sujet de la répartition de l'eau, qui va leur permettre de sauvegarder leurs revenus, vous savez qu'aujourd'hui, c'est leur première préoccupation.

EMMANUELLE WARGON
Alors, l'une des questions posées par la réforme de la PAC, c'est d'abord le budget global de la PAC, ne serait-ce que parce que le Royaume-Uni sortira peut-être de l'Union européenne…

RENAUD DELY
Budget qui va être réduit…

EMMANUELLE WARGON
Et donc en fonction de ça, le budget sera peut-être réduit, mais vous le savez, la France plaide pour un maintien du budget de la PAC, la France est l'un des acteurs principaux, est extrêmement déterminée pour que la politique agricole commune puisse continuer à soutenir nos agriculteurs, c'est indispensable.

MARC FAUVELLE
Emmanuelle WARGON, il y a aussi les symboles, parfois, en écologie, je voudrais qu'on évoque celui de la Montagne d'Or, cet immense projet de mine d'or à ciel ouvert en Guyane, au coeur de la forêt, Emmanuel MACRON a dit ou plutôt, a redit hier soir qu'il avait des doutes sur la viabilité écologique de ce projet, est-ce qu'il se fera oui ou non pendant ce quinquennat ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, je crois que ce type de projets, ce sont des projets du passé, et que ce type de projet n'aura pas lieu, ça n'a aucun sens d'aller exploiter à ciel ouvert au milieu de la forêt amazonienne pour créer quelques dizaines d'emplois, bien sûr, il faut développer le territoire de la Guyane, le développement économique, mais on peut trouver des pistes de développement économique qui valorisent la nature, le président a dit que les conditions n'étaient pas réunies pour que ce projet se fasse, moi, je ne vois pas ce projet se faire.

RENAUD DELY
Parmi les niches fiscales qui pourraient être supprimées pour financer les baisses d'impôts, les niches fiscales qui bénéficient aux entreprises, il y a celles qui concernent le gazole non routier, le gouvernement pourrait envisager de revenir sur cette niche fiscale, est-ce que vous êtes favorable à la suppression de cet avantage qui bénéficie notamment aux transporteurs…

MARC FAUVELLE
C'est celui qui permet aux engins de chantier notamment de rouler…

EMMANUELLE WARGON
Dans le débat sur la taxe carbone, et dans le grand débat, on a eu beaucoup de discussions avec les Français sur qui doit faire des efforts, est-ce que ce sont les Français eux-mêmes qui doivent faire des efforts à la pompe, et comment est-ce qu'on fait pour faire que les efforts soient correctement répartis, il y a la question du gazole non routier pour les entreprises, en particulier du bâtiment, il y a aussi la question du kérosène, il y a la question des bateaux, donc pour le kérosène, et je vais répondre au gazole non routier…

RENAUD DELY
Ma question, elle porte précisément sur la suppression de cette niche sur le gazole non routier…

EMMANUELLE WARGON
Mais pour le kérosène, on porte avec la liste Renaissance une demande de taxation au plan communautaire, pour le gazole non routier, ça me paraîtrait normal que ce gazole soit de moins en moins exonéré, ça avait été prévu sans période de transition dans la période précédente, puisque ça avait été voté dans la Loi de Finances précédente…

MARC FAUVELLE
Et ça avait été immédiatement retiré dès lors que le secteur du bâtiment avait commencé à manifester…

EMMANUELLE WARGON
Et ça avait été retiré parce qu'il n'y avait aucune période de transition, et ça n'est pas possible de passer brutalement d'une exonération à une taxation complète, mais si une période de transition est mise en place, moi, ça me paraît logique…

RENAUD DELY
De quel ordre cette période de transition ?

EMMANUELLE WARGON
Ça sera à discuter avec les professionnels du secteur, il faut le faire avec eux, mais en tout cas, en orientation, ça me paraît logique qu'on ne garde pas une exonération fiscale sur du gazole…

MARC FAUVELLE
Qui tranche cette question désormais, Emmanuelle WARGON, est-ce que c'est vous, est-ce que c'est Bercy ou est-ce que c'est désormais l'Elysée qui s'est emparé de ces questions ?

EMMANUELLE WARGON
Mais ces sujets, ils sont interministériels, le budget, il est bien sûr fait avec Bercy, et Bercy…

MARC FAUVELLE
Les niches fiscales, normalement, c'est Bercy…

EMMANUELLE WARGON
Et Bercy le fera avec les différents ministères, d'autant plus que c'était un peu rapide dans la période précédente et qu'on n'a pas été capable de le mettre en place, donc on voit bien qu'il faut qu'on le travaille ensemble entre le ministère des Transports et de la Transition écologique et Bercy, ça se fera forcément ensemble.

RENAUD DELY
Jusqu'à présent, ça ne marchait pas très bien la coopération interministérielle à vous écouter.

EMMANUELLE WARGON
Mais c'est normal, chaque département ministériel a son point de vue, et après, c'est Matignon qui fait les arbitrages sous l'égide du président de la République, là, sur l'écologie, on dit : c'est tellement important, c'est tellement urgent que le président de la République donnera les grandes orientations sujet par sujet, on a parlé de la biodiversité, on peut aussi parler des subventions, il a dit hier qu'il fallait lancer une revue des différentes subventions tous secteurs confondus pour vérifier que lorsque nous subventionnons l'économie, on ne le fait pas contre le climat ou contre la biodiversité, ça aussi, c'est très nouveau et c'est très puissant.

MARC FAUVELLE
Emmanuelle WARGON, vous restez avec nous, on s'interrompt une minute pour jeter un oeil et une oreille aux titres de l'actualité à 8h50 avec Edouard MARGUIER sur France Info.
(…)

MARC FAUVELLE
Toujours avec Emmanuelle WARGON, secrétaire auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Renaud DELY.

RENAUD DELY
Vous évoquiez, Emmanuelle WARGON, la nécessité de changer nos modes de production, notamment de la production agricole. On sait que le gouvernement a tracé la perspective de sortie des pesticides, de l'usage des pesticides à terme. La candidate Nathalie LOISEAU, elle prône une division par deux des pesticides à l'horizon 2025, mais il y a un mois elle était notre invitée ici même à votre place, et elle devait désapprouvait une récente décision de la majorité, approuvée par le gouvernement, qui est de repousser justement jusqu'à 2025 la production, le stockage et la vente de pesticides, qui sont interdits en Europe et qui sont destinés à des pays tiers. On écoute Nathalie LOISEAU.

NATHALIE LOISEAU, TETE DE LISTE LA REPUBLIQUE EN MARCHE POUR LES ELECTIONS EUROPEENNES
Je suis mal à l'aise avec cette réintroduction, je vous le dis très clairement, je ne suis plus au gouvernement, j'ai une liberté de parole, je suis mal à l'aise avec cette réintroduction. Ce que nous proposons, c'est déjà de diviser l'utilisation des pesticides en Europe par deux d'ici 2025. Pourquoi pas plus vite ? Tout simplement parce que moi je ne veux pas laisser les agriculteurs de côté. Je ne veux pas les laisser sans solution.

RENAUD DELY
Donc maintenant qu'elle a retrouvé sa liberté de parole, elle est mal à l'aise avec cette décision gouvernementale. Et vous, qui êtes ministre ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, la question qui nous est posée à chaque fois c'est : quelle est la bonne durée de la transition ? Parce que la direction elle est claire : on arrête non seulement d'utiliser des pesticides en France, et j'espère bien en Europe, en tout cas on réduit l'utilisation, et on a on est cohérent, on arrête de produire en France des pesticides pour l'exportation.

RENAUD DELY
Sauf que cette décision qui est intégrée à la loi Pacte, elle a réintroduit pour 3 ans la production de ces pesticides destinés à l'exportation.

EMMANUELLE WARGON
C'est là où je voulais en venir. La question c'est : quelle est la bonne durée ? La loi pour les Etats généraux de l'alimentation avait dit : on arrête des 2022. On a un problème de transition industrielle, c'est-à-dire que les entreprises concernées ont besoin d'un peu plus de temps pour reconvertir les sites industriels, pour aller vers des produits qui sont des produits autorisés dans l'Union européenne et qui sont des produits de nouvelle génération. Après discussion avec le secteur économique, nous avons décidé de leur laisser jusqu'à 2025 pour des produits qui sont autorisés en dehors de l'Europe. C'est vraiment une question de curseur de savoir s'il est plus important d'aller plus vite ou plus important de laisser la transition s'opérer. Encore une fois on change de modèle, et changer de modèle c'est long et difficile.

RENAUD DELY
Ce n'est pas un bon signe, y compris au regard justement de ce rapport sur la biodiversité qu'on évoquait en début d'entretien.

EMMANUELLE WARGON
Ça aurait probablement été mieux d'être capable d'aller plus vite. 2025 c'est peut-être un peu loin, peut-être que 2022 c'était mieux, en tout cas ce qui est important je crois c'est la direction que nous prenons, la direction de nous prenons, et ça personne ne nous obligeait à le faire, c'est d'interdire la production en France de produits qui sont désormais interdits à l'usage en France ou dans l'Union européenne, et ça c'est cohérent, et on est d'ailleurs les seuls à le faire.

MARC FAUVELLE
Emmanuelle WARGON, il y a une autre question qui intéresse tous les Français c'est celle du recyclage du plastique. Emmanuel MACRON a promis hier soir que d'ici 2025, décidément il va s'en passer les choses en 2025, tous les plastiques en France seront recyclés. Les derniers chiffres que j'ai pu trouver remontent à 2016, vous en avez peut-être des plus récents, en 2016 26 % seulement des plastiques étaient recyclés en France. Comment on passe en moins de 10 ans, en même beaucoup moins que ça, à 100 % ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien là on a une vraie grosse mobilisation de tout le monde à faire, parce que c'est vraiment quelque chose d'atteignable. Dans les pays nordiques le taux de recyclage des plastiques doit être autour de 70 à 80 %, donc c'est possible, et d'ailleurs en France il y a énormément de variations sur le territoire, il y a des endroits qui arrivent à 70 ou 75 %, et des endroits qui sont à 10 %.

MARC FAUVELLE
On parle de quoi, quand on parle de ça, on parle des particuliers, poubelle jaune, poubelle verte, ou c'est…

EMMANUELLE WARGON
En fait on parle de tout. On parle du plastique industriel et donc du rôle des producteurs, on parle du comportement de chaque consommateur, donc le tri chez soi dans les poubelles jaunes ou vertes.

MARC FAUVELLE
Ça veut dire que ça passera par exemple par des PV pour ceux qui ne respectent pas ça, par des amendes ? Il va falloir passer un cran plus coercitif ?

EMMANUELLE WARGON
Non mais on n'a pas du tout besoin d'aller à des amendes ou un cran plus coercitif.

MARC FAUVELLE
On est à 26 %.

EMMANUELLE WARGON
On a aussi besoin de développer l'offre de tri. Par exemple pour l'instant il y a très peu tri sur la voie publique. Donc quand vous avez une bouteille d'eau ou autre chose en plastique, et que vous voulez le jeter et que vous n'êtes juste pas chez vous, il n'y a pas de possibilité ou peu de possibilités de tri, enfin ça dépend des villes, certaines se sont déjà engagées, d'autres pas. Après on peut aller jusqu'à des systèmes plus forts, type consigne, et le gouvernement y pense, c'est ma collègue Brune POIRSON qui travaille sur ce sujet…

MARC FAUVELLE
Pour les produits en plastique ?

EMMANUELLE WARGON
Consigne pour les bouteilles en plastique, par exemple, en disant : finalement ces bouteilles elles ont de la valeur, ce plastique peut être recyclable, il peut rentrer dans une nouvelle production, ça veut dire qu'on n'a plus besoin de mettre du nouveau plastique sur le marché. Et pour ça, finalement, la consigne c'est plutôt un mécanisme incitatif. Si vous remettez votre bouteille là où vous devez la consigner, dans ce cas-là vous récupérez un peu d'argent qui vous permet de racheter autre chose. Donc on est plutôt dans ce type de mécanisme, mais les gens sont disposés à le faire, c'est plutôt un système d'infrastructures et d'offres, et c'est aussi la responsabilité des producteurs que de mettre plus de plastique recyclé dans leurs produits.

RENAUD DELY
Ce mécanisme, Emmanuelle WARGON, cette création de consigne est à l'étude en ce moment ?

EMMANUELLE WARGON
C'est un sujet qui est envisagé, qui est discuté avec les industriels, la décision n'est pas prise, mais c'est une option.

RENAUD DELY
A quelle échéance ?

EMMANUELLE WARGON
Brune POIRSON, qui proposera sa feuille de route sur l'économie circulaire dans les prochaines semaines, on va vers une loi qui sera présentée à l'Assemblée cette année.

RENAUD DELY
Dans le cadre de son projet de campagne, enfin façon son programme de campagne, Nathalie LOISEAU pourrait proposer la fin des voitures à essence et des voitures diesel d'ici à 2040. Est-ce que c'est une échéance qui vous semble atteignable ?

EMMANUELLE WARGON
Alors d'abord c'était une proposition de Nicolas HULOT et c'est dans l'un des plans français de se donner comme objectif d'arrêter la commercialisation en France de voitures essence ou Diesel en 2040. Et ça n'est pas un sujet qu'on peut porter uniquement à l'échelle française, c'est très important de le porter à l'échelle communautaire. Donc c'est loin 2040, et c'est la même question de la transition Là on a une énorme filière industrielle, cette filière industrielle il faut qu'elle arrive à transformer ses véhicules, mais si on laisse 20 ans…

MARC FAUVELLE
Est-ce que c'est l'objectif également du gouvernement, Emmanuelle WARGON, plus de voitures à essence ou diesel en 2040 ? Est-ce que c'est désormais l'objectif que vous vous fixez ?

EMMANUELLE WARGON
C'est un objectif qui a été affiché par le gouvernement, par Nicolas HULOT…

MARC FAUVELLE
Qui sera inscrit dans la loi.

EMMANUELLE WARGON
... quand il était ministre de la Transition écologique et Solidaire.

MARC FAUVELLE
Nicolas HULOT n'est plus là.

EMMANUELLE WARGON
Mais il portait la parole du gouvernement à l'époque, dans la même majorité.

MARC FAUVELLE
Est-ce que ça sera inscrit dans la loi ?

EMMANUELLE WARGON
C'est un objectif, ça n'est pas encore un objectif législatif, et souvent on nous reproche de faire des lois, et se désintéresser de l'application, donc pour moi la question ça n'est pas de l'inscrire dans la loi, pour moi la question c'est de travailler avec la filière automobile, pour voir si c'est possible, si cette échéance est la bonne, comment cette filière transforme son offre vers des véhicules hybrides et vers des véhicules électriques.

RENAUD DELY
La France peu convaincre ses partenaires européens ?

EMMANUELLE WARGON
La France a déjà convaincu ses partenaires européens de baisser les émissions carbones des voitures, de presque 40 % d'ici à 2030. Ça c'est voté. Pour aller plus loin, il faut changer de type de motorisation, ça sera un débat ce sera un débat difficile, mais c'est un débat important, on est prêt à porter.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Emmanuelle WARGON, invitée ce matin de France Info.

RENAUD DELY
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 mai 2019