Texte intégral
HEDWIGE CHEVRILLON
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Hedwige CHEVRILLON.
HEDWIGE CHEVRILLON
Merci d'être là, parce que vous avez une actualité très chargée, il y a la « French Fab Tour », une espèce de tournée itinérante, pour défendre, promouvoir l'industrie française, c'est la dernière étape, la 60ème étape, qui se termine aujourd'hui dans la Cour d'honneur de Bercy, et notamment à l'occasion aussi du Grand Show Big de BPI France. Beaucoup de dossiers industriels aussi sur la table, entre RENAULT, EDF, est-ce qu'EDF peut survivre dans EPR. On voit ça dans un instant. Juste, est-ce que vous trouvez que cette tournée, elle a réussi à convaincre les Français de l'utilité de l'industrie française ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, elle a eu un très grand succès. Et ça c'est intéressant, parce que vous avez près de 480 000 Français qui se sont déplacés cet été, sur le Tour de la French Fab, et des maires qui étaient absolument ravis et des retours très positifs. Donc ça montre que l'on est capable de parler positivement de l'industrie et de réenchanter l'industrie, et c'est exactement ce que l'on veut faire, mais il va falloir continuer, parce que ce n'est pas un seul tour qui va suffire, on va relancer l'année prochaine un French Fab Tour.
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, alors, j'ai envie de dire, c'est très bien, c'est médiatique, il y a un aspect pédagogique très important, mais ici défilent, encore hier, Philipe d'ORNANO, co-président du METI, Patrick MARTIN du MEDEF, qui disent : on a un énorme problème en France ; encore une étude ce matin de KPMG, hier c'était celle de l'Institut Montaigne, qui montrent une espèce de boulet fiscal que se trainent les entreprises, les ETI et l'industrie française, avec les impôts de production. Quand est-ce que vous allez bouger sur ce dossier ? Ce n'est pas inscrit, sauf si je me trompe, dans le budget 2020. Quand est-ce que vous allez bouger ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça n'est pas dans le projet de loi de finances 2020, c'est très clair, même si vous avez des éléments de baisse d'impôts de production qui sont plutôt des taxes latérales, mais enfin, mis bout-à-bout tout ça a fait 500 millions d'euros, donc ce n'est pas complètement l'épaisseur du trait. Mais vous avez raison, 70 milliards d'euros d'impôts de production, on veut les baisser. Moi c'est un sujet que j'ai pris personnellement dans le cadre du pacte productif, dans le groupe de travail industrie. On va faire des propositions avec Philippe VARIN. Il y a des leviers, il y a des leviers de baisse de production, notamment la C3S. La C3S, c'est un impôt qui est 100% Etat, donc on n'a pas besoin de se mettre d'accord avec les collectivités locales, et il se trouve que c'est l'impôt qui est le plus disruptif pour l'économie. Philippe MARTIN (sic) l'exprime très bien, on l'a d'ailleurs auditionné dans le rôle de travail industrie du CAE…
HEDWIGE CHEVRILLON
Patrick MARTIN, oui.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, Patrick, et en tout état de cause, il faut y aller. Moi je suis d'accord avec ça, on va tracer une trajectoire, faire des propositions au président de la République et au Premier ministre, mais ce sujet-là est bien identifié et il est très clair qu'il faut être capable de baisser les impôts de production. Et l'Etat a des leviers.
HEDWIGE CHEVRILLON
Pour quand ? C'est pour quand ? Parce que, voyez, ils veulent quand même un calendrier.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je pense qu'on est capable de proposer une trajectoire comme on l'a fait sur l'impôt sur les sociétés. L'impôt sur les sociétés, on a dit, en 2022 on arrive à ce point-là et on l'a dit en 2017. C'est très bien, parce que ça permet aux entreprises de faire leur projection…
HEDWIGE CHEVRILLON
C'est quoi votre trajectoire et…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Là on est sur un pacte productif 2025. Je pense qu'il faut donner une trajectoire à 2025, et qui ne soit par 2 milliards d'euros, mais qui soit une somme importante.
HEDWIGE CHEVRILLON
Qu'est-ce que vous appelez, par rapport à 70 milliards, par rapport à cet écart gigantesque par rapport aux Allemands, c'est quoi c'est 30 milliards, c'est à peu près ce qui…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, par rapport aux Allemands, d'abord la fiscalité n'est pas exactement la même, donc si on compare exactement aux Allemands, ça serait 60 milliards d'euros, et évidemment c'est des montants qui seront complètement en dehors du score…
HEDWIGE CHEVRILLON
C'est pour ça que j'ai diminué par deux.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais si ce n'est pas à deux chiffres, on n'est pas dans l'épure, on a compris, c'est très clair.
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc il faut que ça soit à 2 chiffres, en tous les cas vous l'avez dit, et je précise, Philippe MARTIN, du CAE, vous avez raison, et Patrick MARTIN du MEDEF.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Patrick MARTIN du MEDEF. Les deux sont d'accord, surtout, voilà.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et les deux sont d'accord, ça c'est sûr, tout le monde est d'accord sur les impôts de production, sauf qu'il faut le faire et donc là vous donnez quelques indications. Beaucoup de dossiers industriels sur la table. Chez RENAULT, d'abord peut-être, c'est un peu le grand nettoyage, selon nos confrères du Figaro, donc, Thierry BOLLORE serait sur la sellette. Et hier il y a une déclaration, j'allais dire enfin, de Bruno LE MAIRE, qui a dit : « Je donne toute confiance à Jean Dominique SENARD, pour trouver le bon choix et un bon successeur à Thierry BOLLORE ». Alors, deux questions là-dessus. Un, est-ce que Bercy a enfin compris que les interférences étaient plutôt nuisibles, qu'efficaces, pour une entreprise, même si l'Etat est actionnaire ? Ça c'est la première question. La deuxième, est-ce que le grand nettoyage de l'après- GHOSN était nécessaire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, première question, je pense qu'on a fait en sorte d'être respectueux de la gouvernance des Conseils d'administration, et c'est important que ce soit le Conseil d'administration…
HEDWIGE CHEVRILLON
Ah dans le dossier FIAT, on a… il y a eu un petit peu de…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien je ne partage pas ce point de vue, parce que dans le dossier FIAT on a agi comme un actionnaire. On est actionnaire et on a des places au Board. Donc on a fait notre travail d'actionnaire. Le travail d'actionnaires consistait, un, à valoriser correctement l'entreprise. Deux, à lui donner des garanties de gouvernance. C'est exactement ce qu'on a fait, et je…
HEDWIGE CHEVRILLON
Mais ça a affaibli Jean-Dominique SENARD, d'une manière considérable.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne le partage pas, parce que quand un Conseil d'administration ne fait pas son travail, alors il y a un problème dans la gouvernance et en règle générale il y a des problèmes derrière pour l'entreprise. Là on a pris nos responsabilités…
HEDWIGE CHEVRILLON
Aucun regret ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aucun regret, et je dirais même, je pense qu'on a fait un travail qu'on aurait pu attendre des administrateurs indépendants. Sur la partie…
HEDWIGE CHEVRILLON
Grand nettoyage chez RENAULT.
AGNES PANNIER-RUNACHER
... grand nettoyage chez RENAULT…
HEDWIGE CHEVRILLON
Et la succession ouverte, a priori, sur la Direction générale…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je n'ai pas de commentaire à faire sur la partie succession RENAULT, mais ce que je veux dire de manière générale, et ce que nous on attend, c'est qu'aujourd'hui RENAULT est confronté à des challenges majeurs. Le véhicule autonome, le véhicule électrique, l'année prochaine il va falloir... ils vont devoir faire un pas de diminution des émissions carbone, absolument majeure, et ça continue derrière. Donc nous, notre obsession aujourd'hui c'est avoir une équipe au travail, qui redresse NISSAN, et là on a trois nouveaux responsables, dont je dirais la feuille de route est clairement posée. Il faut redresser NISSAN et il faut renforcer l'alliance. Et côté RENAULT, c'est pareil, il y a une bataille terrible qui les attends, il faut absolument qu'on soit avec une équipe sur le terrain, qui fasse le boulot, et c'est la seule chose qui nous motive.
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc le grand nettoyage, selon vous, est quand même justifié.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je n'ai pas de commentaire à faire sur justifié, pas justifié, là on donne des bons points, des mauvais points, ce n'est pas le sujet. Ce qui est important c'est d'avoir une équipe qui soit en confiance, autour de Jean-Dominique SENARD, et qui avance ensemble et qui déroule un plan stratégique…
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc il y a les mains libres pour nommer, s'il le faut, à nouveau, directeur général.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Dominique SENARD, il est PDG, il est président pardon, il va faire des propositions, il y a un Conseil d'administration, nous avons deux membres au Board, nous occuperons notre rôle d'administrateur, mais nous respectons la gouvernance, et je pense que c'est comme ça qu'il faut gérer les entreprises où nous avons des participations.
HEDWIGE CHEVRILLON
Autre grand dossier, un peu interminable, c'est l'EPR, en l'occurrence l'EPR de Flamanville. On a appris que la facture allait encore augmenter de plus d'un milliard, de 1,5 milliard, donc maintenant on en est à 12,4 milliards. On se demande si un jour l'EPR de Flamanville va ouvrir. Deux questions là encore, Agnès PANNIER, est-ce que vous vous dites, c'est la fin de l'EPR, est-ce qu'il faut dire, eh bien il faut dire que l'on ne fera plus d'EPR, en tous les cas il faut passer à une autre génération ? Et puis deux, eh bien quel avenir pour EDF dans ces conditions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je crois qu'il ne faut pas enterrer l'EPR tout de suite, je dirais, il faut aller au bout de ce projet. Nous, nous avons demandé à Jean-Martin FOLZ, un rapport d'audit, Bruno LE MAIRE l'a fait, un rapport d'audit pour fin octobre, parce que l'on veut comprendre pourquoi de tels écarts, et de budget, et de délais, ça c'est la première chose.
HEDWIGE CHEVRILLON
Là on le sait.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais je pense que c'est important de rentrer dans cette finesse-là. Est-ce que c'est des difficultés qui ne se reproduiraient plus si on devait lancer de nouveaux projets, et que c'est un petit peu l'apprentissage, la courbe d'apprentissage ? Est-ce qu'il y a des problèmes d'organisation ? Est-ce qu'il y a des problèmes de compétences ? Et en tout état de cause, ce qui est clair c'est qu'il faut avoir une vision sur le socle critique de nos compétences, dans le nucléaire, s'assurer qu'on les maintienne, parce que si elles se…
HEDWIGE CHEVRILLON
Si elles sont maintenues, même.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Qu'elles sont maintenues, parce que si elles s'effritent progressivement, là on aura un problème pour rebondir derrière, donc c'est tout l'enjeu.
HEDWIGE CHEVRILLON
On a le problème, vous le savez mieux que moi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
On est confronté à des difficultés, mais je ne pense pas qu'on a passé un point critique, et tout le sujet c'est de ne pas passer de point critique, c'est une des grandes préoccupations de Bruno LE MAIRE, c'est une des grandes préoccupations du Premier ministre aussi. Donc le sujet de rester une grande puissance industrielle nucléaire, capable d'avoir une offre industrielle forte, avec des sous-traitants, est évidemment très important, et nous allons faire en sorte que cette offre nucléaire soit maintenue.
HEDWIGE CHEVRILLON
On a compris, et puis donc le président a Jean-Bernard LEVY a raison de décaler le projet Hercule qui doit scinder un peu en deux EDF, une partie nucléaire et une partie énergies renouvelables, pour simplifier.
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout état de cause il faut qu'on ait effectivement une bonne vision sur les business modèles sous-jacents, sinon on n'est pas capable de faire une proposition qui soit solide et crédible par rapport aux actionnaires.
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui. Donc a bien compris le message. Autre dossier industriel, c'est GE, il y a deux syndicats qui attaquent l'Etat, en l'occurrence, qu'est-ce que vous leur répondez dans le cadre de la vente d'une partie d'ALSTOM à GENERAL ELECTRIC, vous leur répondez quoi ? La responsabilité de l'Etat, elle est engagée, vous estimez ou pas ? L'Etat n'a pas fait son job ? Vous n'étiez pas là, donc…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non mais je crois que ce n'est pas le sujet. En l'occurrence, nous on a analysé de manière très approfondie l'accord qui nous liait à GE lors du rachat d'ALSTOM. Je rappelle que l'usine de Belfort, sur laquelle le plan social porte, est une usine qui ne fait pas partie de cet accord que possédait GE depuis 1999, donc il y a beaucoup de malentendus ou de propos erronés par rapport à ça. On peut éventuellement dire que sur les fonctions supports, comme ces fonctions supports sont communes, on peut utiliser l'accord pour avoir un levier de négociations. C'est très exactement ce que nous faisons. Il n'y a pas un jour où nous ne sommes pas au téléphone avec les syndicats de GE, et avec GE, pour faire en sorte qu'il y ait une convergence…
HEDWIGE CHEVRILLON
Visiblement c'est insuffisant comme réponse. Ils vous attaquent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne crois pas. Je crois que ça fait partie des leviers pour redonner un petit peu de pouvoir dans la négociation, mais je peux vous dire que mon directeur de cabinet, pour ne pas le citer, passe plus de 2 heures par jour sur ce dossier, avec GE, avec les syndicats et avec tous les syndicats, et que Bruno LE MAIRE est assez régulièrement en contact avec Larry CULP, notamment le patron de GE, pour faire atterrir une solution qui minimise l'impact de ce PSE.
HEDWIGE CHEVRILLON
Juste, dernière question, rapidement, sur ALSTOM. ALSTOM et la SNCF, donc la SNCF a commandé des rames espagnoles, ALSTOM a dit « eh bien écoutez, dans ces cas-là il y aura peut-être du chômage, chômage technique », vous leur répondez quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord je leur réponds que les rames SNCF qui ont été commandées, vont être fabriquées en France. Ça c'est la première réponse. Je leur rappelle aussi qu'ALSTOM vient de gagner un contrat sur les TGV, et je pense qu'ALSTOM doit se concentrer sur comment il remplit son carnet de commandes, et sur le fait que ce qu'on attend d'un chef d'entreprise, c'est effectivement d'être très agressif commercialement et en offensif.
HEDWIGE CHEVRILLON
Et pas de se plaindre, c'est ça que vous leur dites. Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'avoir été avec nous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 octobre 2019