Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Amélie de MONTCHALIN !
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être ce matin sur le plateau de LCI, secrétaire d'Etat chargée des affaires européennes. On est à 15 jours pile de la date butoir pour le Brexit, on va en parler, vous allez nous dire « on y va on, on n'y va pas, on y va comment ? » On a besoin de vos lumières mais d'abord un mot de cette polémique du voile qui divise le gouvernement. Vous voyagez beaucoup en Europe par définition, c'est quoi le modèle français ? C'est de permettre aux femmes voilées d'accompagner les enfants en sortie scolaire ou c'est de trancher dans le vif avec une certaine radicalité comme le demande la droite et de faire une loi pour l'interdire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Déjà, la France en Europe, c'est un pays très particulier parce qu'on a la loi de 1905 et je pense que c'est une loi qui est une richesse, qui nous dit les religions peuvent être pratiquées mais elles ne rentrent pas dans l'espace politique et l'Etat est neutre et c'est une loi qui dit « on peut croire et on peut ne pas croire » et ça déjà c'est quelque chose de très particulier en Europe ; il y a beaucoup de pays qui ont une religion officielle ou qui n'ont pas ce cadre-là. Donc déjà, il faut repartir toujours de ça et je pense que c'est une vraie chance et c'est un socle de notre vie collective. Je pense que la ligne du Premier ministre tel qu'exprimée hier est pour moi essentielle. On a un sujet avec la radicalisation, le communautarisme …
ELIZABETH MARTICHOUX
La voix du Premier ministre, on le rappelle, il l'a dit hier, c'est le statu quo, c'est-à-dire qu'une femme voilée peut accompagner des enfants dans une sortie scolaire, il l'a formulé aussi clairement que ça.
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. C'est la maman d'un enfant, elle est là en tant que personne, elle accompagne les enfants dans une sortie, on ne va pas lui demander de renier ce qu'elle est. En revanche, on est extrêmement ferme et peut-être il faut qu'on ait plus de moyens pour combattre le communautarisme et tout ce qui peut amener certaines personnes à être en marge, à être exclues ou bien à faire du prosélytisme religieux. La loi 1905, elle nous protège contre 2 choses : elle nous qu'on protège contre ce qu'on appelle la survisibilité des religions dans l'espace public, c'est pour cela qu'on a une loi sur l'interdiction de la burqa et elle nous protège contre la politisation des faits religieux.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais quand Jean-Michel BLANQUER, pardon j'insiste parce que les mots ont un sens et encore une fois, c'est un débat compliqué, polémique …
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que j'essaye de poser les choses calmement.
ELIZABETH MARTICHOUX
…et qui enflamme la France. Quand Jean-Michel BLANQUER dit textuellement « le voile n'est pas souhaitable dans la société française », quand Bruno LE MAIRE à l'instant le répète in extenso, vous, vous dites quoi « il se trompe » ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais moi, je vous dis tout …
ELIZABETH MARTICHOUX
…le voile n'est pas souhaitable dans la société française, ça veut dire ce que ça veut dire !
AMELIE DE MONTCHALIN
On est une société où notre devise « liberté, égalité, fraternité », oui donc si certaines personnes obligent d'autres personnes par soumission ou par obligation à perdre une partie de leur liberté, c'est répréhensible. Si on a une société qui accepte que, par définition, par exemple, une femme parce qu'elle aurait telle ou telle religion ne pourrait pas travailler parce que ça remet en cause l'égalité, je suis contre. Maintenant si c'est un choix personnel qui est fait, je ne vois pas en quoi ça va nous aider d'empêcher …
ELIZABETH MARTICHOUX
On ne va pas demander à toutes les femmes qui portent le voile « est-ce que c'est un choix personnel ou pas » ! Est-ce que le voile ou pas est souhaitable dans la société française ? Pour la droite, soyons clairs, le terrorisme et le voile finalement, ça procède de la même idéologie. Et donc ils disent « pas de voile dans l'espace public » et d'une certaine façon quand Jean-Michel BLANQUER dit que le voile n'est pas souhaitable dans la société, ça veut dire qu'il ne veut pas le voir en dehors …
AMELIE DE MONTCHALIN
Chacun a sur ce sujet une approche qui est la sienne. Moi, je vois, il y a le cadre …
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous n'êtes pas d'accord avec Jean-Michel BLANQUER …
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais moi, je suis, il y a le cadre de 1905, il y a la loi existante …
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous n'êtes pas d'accord avec Jean-Michel BLANQUER ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Si on veut changer la loi et si Jean-Michel BLANQUER veut changer la loi et que c'est une proposition qu'il nous fait, on en débattra. A ce stade aujourd'hui tel que le Premier ministre le propose, je pense que c'est une voie qui est intéressante, il y a des personnes individuelles qui accompagnent les enfants et je ne pense pas que ce soit là le bon combat. Le bon combat pour moi c'est de m'assurer que dans la société dans laquelle on vit, « liberté, égalité, fraternité, laïcité » que personne ne se retrouve mis en marge de la société parce qu'il …
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes en ligne avec cette maman rabrouée au Conseil régional de Franche-Comté, qui a fait des déclarations hier, elle a dit : j'ai une opinion négative de ce qu'on appelle la République depuis qu'il m'est arrivé ce qui m'est arrivé, dit-elle et je trouve que le ministre de l'Education a dit quelque chose de honteux ». Elle, elle s'est sentie stigmatisée, elle a dit à ses enfants, c'est ce qu'elle a tweeté, vous voyez la République …
AMELIE DE MONTCHALIN
Je n'ai pas d'opinion négative de la République. La République, elle est assise sur la loi de 1905 qui est très claire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui mais …
AMELIE DE MONTCHALIN
On demande de la neutralité dans les services publics, on demande de fait que la burqa est interdite en France.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc statu quo !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je pense que le Premier ministre l'a dit très clairement : on a un sujet, vous savez j'ai été élue d'un territoire de banlieue. J'ai vu ce que ça voulait dire des mosquées où on fait des choses justement d'indépendance et de souveraineté ; j'ai vu des mosquées où justement on a des services des renseignements territoriaux qui regardent très précisément, je ne suis pas du tout faible ni sur le communautarisme ni sur la radicalisation mais je sais aussi qu'il y a beaucoup de personnes, quand il y a ces débats, qui se demandent de quoi on parle.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc en fait, pour être clair puis on va passer à autre chose mais quand Jean-Michel BLANQUER Bruno LE MAIRE disent « le voile n'est pas souhaitable dans la société », ça vous gêne un peu, ça vous embarrasse, vous n'allez pas jusque-là ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je ne souhaite pas moi, vous voyez dans ma vie personnelle, me voiler.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne souhaitez pas non plus stigmatiser le voile comme ils le font !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je pense qu'il faut être extrêmement précis, extrêmement rigoureux ; il y a des sujets qui sont des sujets individuels et il y a une vision politique derrière. Combattre la vision politique de l'islam en France si elle cherche à isoler des personnes de la République, je suis totalement mobilisée !
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a un clivage au sein du gouvernement, est-ce que le président doit le trancher ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais le président, vous savez, on en parle très souvent avec lui !
ELIZABETH MARTICHOUX
Et alors ? Vous avez compris, lui justement, quelle est sa position ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais la position qu'on a, c'est que nous ne sommes pas ni naïfs ni non plus radicaux pour être radicaux. Donc bien sûr que nous allons avancer sur ces sujets, il y a tout un travail qui a été fait par les préfets au niveau très territorial. Donc il y aura des choses qui vont être faites qui seront annoncées en temps voulu !
ELIZABETH MARTICHOUX
En temps voulu.
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous souhaitez que ce soit rapide ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je souhaite que ça soit clarifié en temps voulu, quand on aura les éléments, le bon niveau de conciliation, le bon niveau de concertation. Ce n'est pas des choses qu'on décide, vous voyez, du haut d'une tour sans regarder ce qui se passe sur le terrain. Donc il y a un travail de préparation à faire sur le sujet.
ELIZABETH MARTICHOUX
Amélie de MONTCHALIN, tranché pas tranché, c'est le Brexit aussi. Hier, l'Elysée a fait savoir qu'un accord était possible dans les heures qui suivaient, finalement on l'a pas encore vu l'accord. Le Conseil européen très important, crucial pour le Brexit commence demain et après-demain. En termes les plus explicites possibles, est-ce qu'un accord est possible ou pas d'ici le 31 octobre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, il est possible, il est souhaitable !
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui mais …
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça fait trois ans et demi qu'on cherche à en avoir un …
ELIZABETH MARTICHOUX
Je ne vous demande pas s'il est souhaitable ; je vous demande s'il est possible !
AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr qu'il est possible ! Mais ça fait trois ans qu'il est possible. On a eu un accord avec madame …
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui pas plus qu'hier …
AMELIE DE MONTCHALIN
On a eu un accord avec madame MAY ; donc moi, je voudrais parler aux Français parce que sinon, on va faire la chronique, vous savez, de ce sujet qui est un feuilleton qui dure maintenant depuis plus de trois ans et je pense qu'il fatigue tout le monde et surtout qu'il crée de l'anxiété, il faut reposer les choses très clairement. Il y a 3 choses qui peuvent se produire devant nous. Soit, et c'est ce qu'on souhaite depuis le début, on fait les choses de manière organisée et ordonnée, c'est bon pour les Français, c'est bon pour les Européens, c'est bon pour les Britanniques ; c'est là-dessus qu'on travaille et jusqu'à la dernière heure, la dernière minute, on y travaillera. C'est notre responsabilité. Donc ça c'est la situation où il y a un accord, ça veut dire que ça se passe bien, organisé. Ça ne veut pas dire que c'est aussi bien qu'avant pour personne, en particulier les Britanniques mais on y travaille. Et puis, il y a un deuxième scénario qui est le scénario de dire « on n'arrive pas », on a déjà essayé, ça passe par le Parlement. Là, dans les heures qui viennent, on n'arrive pas à allier la technique et la politique, ça ne marche pas. C'est ce qu'on appelle le « no deal ». Le « no deal », ça va secouer parce que ça veut dire que d'un seul coup beaucoup, beaucoup de nos accords juridiques tombent. Maintenant, on s'est préparé. Ça fait 2 ans qu'en France, on prépare nos ports, nos douaniers, nos services vétérinaires, les contrôles, on a créé tout plein de systèmes intelligents pour essayer de garantir la fluidité, pour qu'on ne bloque pas tout le pays parce qu'il y a 5 millions de camions, 5 millions de camions qui passent de Calais à Douvres mais dans ce cas-là, thématique par thématique – l'industrie, la pharmacie, l'agriculture, la pêche – tous les ministres, toute l'administration française sera derrière ceux qui seront les plus impactés.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ça, on en a beaucoup parlé. Ma question, c'est : est-ce que les Britanniques ont fait des nouvelles propositions qu'ils n'avaient pas encore faites depuis 3 ans, qui permettraient finalement dans 15 jours pile, pas un de plus, de sortir avec un accord, oui ou non ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils ont fait des propositions …
ELIZABETH MARTICHOUX
Nouvelles ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui nouvelles parce ou alors qui avaient déjà été des propositions il y a très, très longtemps qui, à l'époque, n'étaient pas discutables et qui maintenant sont discutées. Et puis, il y a un troisième scénario mais qui rejoint votre position, c'est : est-ce qu'il nous faut plus de temps ? Vous savez qu'il y a tout un débat au Royaume-Uni qui est de dire : au fond, ce qu'il fait, c'est si on avait 3 mois de plus, on allait y arriver, vous voyez, on est tout près …
ELIZABETH MARTICHOUX
D'ailleurs, il y a GISCARD D'ESTAING qui est quand même un peu le père de l'Europe et de cette Constitution qui permet l'article 50 qui a dit « non, il faut leur donner même un an de plus aux Britanniques », vous vous êtes pour ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous, la France, sur ce sujet-là on est très clair : le temps, si c'est juste du temps, on ne voit pas ce que ça va résoudre. Si c'est du temps parce qu'il y a une nouvelle élection parce qu'il y a un nouveau Premier ministre, parce qu'il y a un référendum, en bref, s'il y a quelque chose qui peut faire en sorte que la population britannique, le Parlement britannique et le gouvernement britannique marchent un peu plus ensemble alors qu'aujourd'hui c'est parti dans trois directions totalement différentes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc référendum, nouveau Premier ministre, élections ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Comme on dit un changement politique majeur, si le dialogue parce qu'on se donne du temps est différent de celui qu'on a aujourd'hui, il faut qu'on y réfléchisse.
ELIZABETH MARTICHOUX
Sinon, vous mettrez votre veto à avoir un délai supplémentaire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
A moins que ce soit technique et qu'on nous dise parce qu'on est sûr que ça va aboutir mais je veux dire, ce qu'il faut qu'on ait en tête et le président l'a très bien dit pendant des mois et des mois et d'ailleurs, vous savez au mois d'avril quand la France dit « attention, le temps tout seul ne va pas résoudre le problème », on l'a un peu vu pendant des mois et des mois, il y avait plus de temps, ça n'a pas réglé … mais pourquoi on dit ça ? C'est un choix d'abord britannique, c'est une crise …
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, on ne va pas refaire toute l'histoire, on a compris que c'était un choix britannique …
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui mais c'est important ….
ELIZABETH MARTICHOUX
Souverain …
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui mais c'est important parce qu'il y a beaucoup de gens dans le système, qui ne veulent pas du Brexit, ils n'en veulent pas parce qu'ils pensent que c'est une bêtise …
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui …
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne vais pas vous dire que c'est une bonne idée mais c'est un choix britannique, ce n'est pas à nous de dire, parce qu'on va donner 2 ans et demi de plus, que cette idée va disparaître toute seule, ni c'est parce qu'on va donner 2 ans et demi plus que ça va résoudre tout d'un coup. Donc moi, ce que je veux dire aux Français, c'est : on travaille pour eux, pour que dans les 3 situations que je viens de décrire, soit celle où on a un accord, c'est qu'on aura bien travaillé pour eux, soit celle où il n'y a pas d'accord qu'on soit vraiment à leur côté parce qu'il y a des secteurs où ça va être difficile et je vous dis, « ça va secouer » parce que ça ne peut pas être aussi bien quand on n'a plus le cadre juridique mais je dis aussi qu'on aura une relation future. Le tunnel sous la Manche, il fera toujours 50 kilomètres.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a trois scénarii, à mesure qu'on approche maintenant de l'heure de vérité, Amélie de MONTCHALIN, lequel est le plus probable ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne vais pas me lancer dans des pronostics.
ELIZABETH MARTICHOUX
Tout est encore possible à 15 jours ? Tout est encore possible !
AMELIE DE MONTCHALIN
Tout est encore possible ! Les 3 scénarios sont devant nous et moi, ma position avec le Premier ministre, avec le président, c'est de pas être dans l'optimisme, le pessimisme, de faire des paris, c'est dans la responsabilité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et pas un accord à tout prix !
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est d'abord, on a des principes, il faut que l'accord préserve la paix en Irlande, il y a des scénarios, des choses qui nous sont proposées, on pense que ça ne marche pas, il faut que le marché intérieur soit protégé. Il ne faut pas que tout ce qui nous arrive du Royaume-Uni demain soit produit dans des conditions déloyales ou à la fin, on se fait …compétition chez nous alors que les normes ne sont pas respectées, pour les agriculteurs, pour les pêcheurs, pour énormément de secteurs, c'est vital.
ELIZABETH MARTICHOUX
On est prêt, nous on est prêt pour un Brexit ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous, on est prêt parce qu'on a regardé secteur par secteur les difficultés que ça pourrait poser, on a mis de l'argent de côté, on a des mécanismes de contingence et on sera sur le terrain. Maintenant qu'est-ce que ce sera la priorité si jamais ça se passe ? C'est de recréer un cadre de discussion ; c'est de recréer une relation future. Comme je vous le dis, le Royaume-Uni sera toujours à 50 kilomètres de la France à moins qu'il y ait, vous voyez, une tectonique des plaques majeure et qu'ils déménagent mais je ne crois pas que ça soit prévu, en tout cas je ne suis pas au courant mais ils seront toujours là et donc s'ils sont toujours là, on aura des liens économiques, on aura des liens humains, on aura des biens culturels. Moi, j'ai grandi à Calais, on voit les falaises de Douvres quand il fait beau à Calais. Elles seront toujours là !
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ils ne se détacheront pas vraiment !
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc le « no deal », c'est un moment, ce n'est pas un état.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils seront détachés mais, en tout cas, il faudra trouver un mode de vie commun avec des nouvelles règles.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et bien sûr il faudra qu'on continue, et c'est là où je le dis très solennellement, il faut que Boris JOHNSON dise ça aussi à sa population : le Brexit, ce n'est pas la fin de la relation avec l'Union européenne. L'Union européenne aura à négocier avec vous le futur. Donc, vous voyez, c'est pour ça qu'il y a ce moment très compliqué qui est le moment du divorce mais il y aura une relation future. Il faut d'ailleurs rassurer les Français. On ne va pas laisser les Britanniques dériver au milieu de l'Atlantique, ce n'est pas comme ça.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce qu'on entend, c'est que le divorce peut avoir lieu, vous y êtes prêts. Enfin, vous vous estimez qu'on y est prêts et que finalement ce ne sera pas…
AMELIE DE MONTCHALIN
On s'y est beaucoup préparé. On s'est préparé en responsabilité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Peut-être même qu'il faudrait y aller parce que ça suffit de discuter depuis trois ans
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est sûr, c'est qu'il faut qu'à un moment donné, les choses soient clarifiées.
ELIZABETH MARTICHOUX
On saura ça normalement à la fin du sommet européen. Il sera décisif ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais tous les sommets sur le Brexit sont décisifs. Ça fait trois ans que c'est décisif.
ELIZABETH MARTICHOUX
Justement.
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc on aura bien sûr des discussions. Michel BARNIER fera le point de là où il en est demain. Il y a des discussions qui se sont poursuivies toute la nuit. Il y a des avancées politiques qu'il faut maintenant traduire dans les textes. Donc on est en train de faire un travail de dentelle pour se donner tous les moyens de respecter nos principes et nous assurer qu'on se fait confiance pour le futur.
ELIZABETH MARTICHOUX
On a bien compris. Donc Boris JOHNSON devra ensuite retourner devant son Parlement et donc tout ne sera pas encore joué.
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Michel BARNIER justement, négociateur Brexit, futur commissaire européen à la place de Sylvie GOULARD ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La situation aujourd'hui, ce n'est pas d'aller chercher…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ce serait une bonne idée ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas comme ça qu'on travaille. D'abord, c'est une discussion.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mouillez-vous un peu, Amélie de MONTCHALIN. C'est une bonne idée ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je peux me mouiller, je peux vous dire comment ça se passe. Aujourd'hui on a une situation où on a trois pays qui n'ont pas de commissaire. Donc la situation est bloquée. C'est une crise. Il faut que chacun de ces pays…
ELIZABETH MARTICHOUX
On va rester un peu sur la France. Vous avez dit à la fin de la semaine dernière, Ursula VON DER LEYEN, la présidente de la Commission, c'est elle qui en gros va choisir. Est-ce qu'il nous faut un homme ? une femme ? est-ce qu'il faut…
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le président MACRON l'a reçue. Ils se sont vus.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils se sont vus.
ELIZABETH MARTICHOUX
A l'Elysée sauf erreur.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc elle lui a demandé…
ELIZABETH MARTICHOUX
D'ailleurs ils vont aussi dîner, je crois, ce soir avec Angela MERKEL.
AMELIE DE MONTCHALIN
On la voit beaucoup en ce moment.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'elle a dit son choix ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Elle nous a demandé de lui proposer des noms…
ELIZABETH MARTICHOUX
Encore ? Combien de noms ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Deux, trois, quatre. Je ne sais pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Vous en avez deux, trois, quatre sous la main ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr qu'on a deux ou trois, quatre personnes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour le portefeuille de Sylvie GOULARD qui est énorme ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais heureusement qu'en France, vous voyez qu'on a de l'ambition pour avoir une souveraineté de défense : le monde est de plus en plus incertain, on le voit tous les jours ; pour travailler sur le numérique, pour travailler sur l'industrie…
ELIZABETH MARTICHOUX
S'il y avait tant de noms que ça, ça se saurait parce que…
AMELIE DE MONTCHALIN
Le président l'a dit, il en a proposé trois au début de l'été donc là il n'y a pas de problème pour trouver des noms.
ELIZABETH MARTICHOUX
Les deux qui avaient été recalés sont à nouveau dans la course ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc le président et Ursula VON DER LEYEN… Le président après le conseil européen va proposer une liste. Et pourquoi c'est après le conseil, ce n'est pas… Parce qu'au fond, c'est un peu plus compliqué que ça. Il faut qu'on recrée de la confiance entre le Parlement européen qui doit voter les textes, qui doit pouvoir approuver à la fois bien sûr les personnes mais ensuite le projet, la commission qui est quand même un organe moteur en Europe et le conseil qui représente les Etats et chefs d'Etat. On est au coeur d'une crise politique où on a besoin d'un moment de clarification pour que l'Europe produise des résultats.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez compris ? Vous avez compris la leçon quand même de ce fiasco la semaine dernière ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ce que j'ai compris surtout, c'est qu'il y a eu des changements politiques majeurs en Europe. Avant il y avait deux partis, aujourd'hui il y en a quatre. J'ai compris aussi que les choix qui avaient été faits pendant le conseil de l'été où on a nommé Christine LAGARDE, où on a nommé Ursula VON DER LEYEN, où on a fait toutes ces nominations-là, ont changé le paysage. Et donc il y a un mouvement où on sent que ça secoue.
ELIZABETH MARTICHOUX
Attendez, il est apparu aussi incompréhensible pour de nombreux parlementaires européens que madame GOULARD ne puisse pas être ministre en France et puisse être commissaire. Ça, c'est quand même chose que vous ne pouvez pas ignorer. Ne pas dire seulement « c'est à cause des manoeuvres politiques et des recompositions qui nous est arrivé ce qui nous est arrivé. »
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais il y a plusieurs choses. Le Parlement est souverain. Le Parlement est souverain, je ne vais pas refaire l'audition ici. Mais entre le moment où Sylvie GOULARD a pris la décision qui était la sienne en 2017 et l'audition, entre-temps par exemple le Parlement européen, le secrétariat général du Parlement, l'administration du Parlement européen a considéré qu'il n'y avait pas d'affaire. Il y a eu un certain nombre d'éléments. Les parlementaires ont fait un choix, je ne vais pas ici le commenter. Moi ce que je vois, c'est la situation d'aujourd'hui. Aujourd'hui ça ne fonctionne pas parce qu'il y a trois pays qui ont eu leur candidat retoqué, et donc on a trois pays qui doivent proposer des nouveaux noms. Ursula VON DER LEYEN doit organiser les choses, doit reproposer au Parlement, il faut que ça passe à nouveau la barrière du Parlement et ensuite qu'on travaille. Mais moi mon objectif…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que la priorité du gouvernement français, c'est toujours que la France conserve intact le portefeuille qui était normalement dédié à Sylvie GOULARD ? Oui ou non ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr que oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que c'est toujours la priorité d'Emmanuel MACRON et la vôtre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est une priorité mais pas parce qu'on est là à montrer nos muscles, on est là parce que c'est des sujets qui nous semblent essentiels pour les citoyens.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le bon profil pour l'occuper ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Leurs emplois, le numérique face aux GAFA et la défense.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un technicien, un politique, un parlementaire européen ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est quelqu'un pour moi qui est capable d'avoir des résultats sur ces sujets, donc qui est capable d'avoir à la fois beaucoup d'ambition et donc une vraie vision politique et qui est capable ensuite de le vendre aussi au Parlement et de travailler avec eux. Parce que, vous savez, dans le système c'est un peu comme en France : vous pouvez avoir les magnifiques lois que vous voulez, si elles ne sont pas votées et que vous n'arrivez pas à les mettre en oeuvre, ça ne sert à rien. Moi ce que je veux, c'est des résultats.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et des résultats, il en faut parce que tant que la Commission n'est pas installée, l'Europe elle ne marche pas.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est bien pour ça que je vous dis que notre priorité, c'est d'arriver à trouver une commission qui fonctionne très vite. On veut parler du changement climatique…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais la balle n'est pas dans votre jeu ? De proposer quelqu'un qui soit vraiment impeccable, si vous me permettez, du point de vue du Parlement. Ça, ce n'est pas compliqué, c'est l'éthique qui a quand même été pointée du doigt du point de vue des parlementaires. Quelqu'un donc qui a une éthique remarquable, qui a une surface aussi remarquable pour prendre ce portefeuille.
AMELIE DE MONTCHALIN
La balle est dans notre camp.
ELIZABETH MARTICHOUX
La balle est dans votre camp.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais elle est dans un camp collectif. C'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'aujourd'hui ce problème de confiance…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ségolène ROYAL, c'est un nom qui vous intéresse ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais vous savez, ce n'est pas un sujet où on choisit comme ça sur photo, on ne choisit pas sur catalogue. Il faut avoir les compétences - on en a parlé - il faut avoir l'ambition européenne, il faut avoir la confiance d'Ursula VON DER LEYEN et la confiance du Parlement. Vous voyez bien que ce n'est pas entre vous et moi ce matin qu'on va trouver ça. C'est un sujet qui nécessite, je vous dis, de la confiance politique et c'est ça qu'il faut qu'on restaure. Comment les institutions…
ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est pour ça que vous attendez la fin du Conseil européen.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui. Parce que pendant le conseil, qu'est-ce qu'on va faire ? On va rencontrer les représentants du Parlement, les représentants des chefs d'Etat, la commissaire Ursula VON DER LEYEN et on va travailler ensemble à recréer, je veux dire, un cadre de travail qui ne soit pas juste un cadre de travail politique, qui soit un cadre de travail pour les résultats pour les citoyens parce qu'ils nous demandent - ils nous l'ont montré pendant les élections – qu'on travaille pour eux et que ça avance. Donc c'est pour ça qu'on va travailler.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le 1er novembre, la Commission européenne ne pourra pas s'installer ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est assez c'est assez peu probable. C'est une question de quelques jours, quelques semaines. Moi ce que je veux, c'est qu'ensuite on puisse vraiment avancer. Les priorités sont claires, il faut maintenant qu'on puisse se donner la capacité de faire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que l'Europe manque de courage ? Est-ce qu'elle est lâche face au drame kurde ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'Europe a dit des choses fortes. L'Europe a dit des choses importantes et, par exemple, on dit toujours la France, l'Allemagne, le couple franco-allemand a dit de choses fortes sur les exportations d'armes. A une position très claire sur le fait qu'il faut que les membres de la coalition qui ont lutté contre Daesh, y compris la Turquie, y compris les Etats-Unis soient mis face à leurs responsabilités.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais qu'est-ce qu'elle fait ? Elle dit, mais qu'est-ce qu'elle fait l'Europe ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui elle met une pression très forte sur le système. Et le cessez-le-feu, vous savez, en diplomatie….
ELIZABETH MARTICHOUX
Elle met la pression sur ERDOGAN ? Vous avez vu la façon dont ERDOGAN a parlé de l'Europe il y a quelques jours ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je l'ai vu et c'est…
ELIZABETH MARTICHOUX
En disant « toi l'Europe, ne me donne pas de leçon. Tu m'as donné tous tes réfugiés d'une part et tu m'as mis au ban de l'Europe. »
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est bien pour ça que je vous dis qu'aujourd'hui, on est en train au Conseil de sécurité, avec toutes les instances possibles, avec les instances de coalition, de nous mettre autour d'une table. Pourquoi ? Parce que le cessez-le-feu, ce n'est pas une question qui se décrète de l'extérieur.
ELIZABETH MARTICHOUX
Cette nuit, il a dit pas question d'un cessez-le-feu.
AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien le Conseil européen aura jeudi et vendredi une action coordonnée sur le sujet dans la suite de ce qu'ont fait les ministres…
ELIZABETH MARTICHOUX
Une action ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui. Vous savez, les ministres des Affaires étrangères, ils ont pris des décisions très fortes lundi. Il faut qu'on les mettre en oeuvre.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour terminer, est-ce qu'il y a un Monsieur ou Madame Europe qui doit aller voir ERDOGAN par exemple ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais vous savez, Josep BORRELL, qui est le candidat pour être le chef de la diplomatie européenne, est typiquement une personne qui, dans les années, les mois, les semaines, les jours, les heures qui viennent, je pense peut endosser ce rôle. Il n'est pas pour l'instant confirmé donc ce n'est pas à lui de le faire. Mais c'est pour ça qu'on a un chef de la diplomatie européenne, c'est pour ça qu'on a aujourd'hui nos réunions franco-allemandes à Toulouse.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est pour ça que finalement le délai d'installation de la Commission est dommageable à l'action européenne.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais aujourd'hui Angela MERKEL, Emmanuel MACRON et puis Ursula VON DER LEYEN se voient à Toulouse. On va notamment parler de ça, on en reparlera demain à Bruxelles au Conseil européen. On a beaucoup d'instances où on se met d'accord et on travaille ensemble.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup, Amélie de MONTCHALIN, d'avoir été ce matin l'invitée de LCI.
AMELIE DE MONTCHALIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 octobre 2019