Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur la lutte contre le terrorisme en Irak et en Syrie, à Erbil le 17 octobre 2019.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Point de presse conjoint avec M. Netchirvan Barzani, président du gouvernement régional du Kurdistan

Texte intégral

Merci, Monsieur le Président,
Mon cher Netchirvan,
Mesdames et Messieurs,


C'est mon septième déplacement à Erbil, toujours avec beaucoup de plaisir. Je suis venu trois fois comme ministre de la défense et c'est la quatrième fois comme ministre des affaires étrangères de la France. Je suis d'abord venu, ici ce soir et c'était aussi le cas à Bagdad ce matin et ce midi, pour vous transmettre un message d'amitié et de fidélité, à vous-même mais aussi à l'ensemble de vos frères kurdes, de la part du président Macron et de la part de la France.

Je disais tout à l'heure que je suis venu sept fois. Il y a eu des moments agréables - il y a toujours des moments agréables, mais des moments plus agréables que d'autres. Et puis des moments de tension, de gravité. Nous sommes aujourd'hui dans une situation de gravité. Nous sommes dans une situation de gravité pour la sécurité du Kurdistan, pour la sécurité de l'Irak, pour la sécurité aussi de la France et de l'Europe, parce que la concomitance de l'offensive turque, au-delà de ses frontières dans le Rojava, et du retrait américain sur les mêmes lieux du nord-est syrien crée aujourd'hui une situation de déstabilisation et permet à Daech de retrouver un second souffle. D'une certaine manière, nous nous interrogeons sur les résultats de nos cinq ans d'efforts ensemble dans le cadre de la coalition, pour aboutir aujourd'hui à cette nouvelle donne qui est très préoccupante, qui est très déstabilisante pour la région.

Je suis venu vous dire dans ce cadre la réalité que nous partageons l'un et l'autre, c'est que Daech n'est pas mort. Même si le califat territorial a été abattu, Daech dans la clandestinité continue son action. Ce qui se passe aujourd'hui dans le nord-est syrien, risque de lui donner les opportunités d'une résurgence. C'est pourquoi nous avons, ensemble tout à l'heure, nous allons continuer ce soir et avec les autorités de Bagdad aujourd'hui, nous avons évalué l'ensemble de la situation, d'abord pour redire la nécessité pour la coalition de se réunir. Nous sommes partis dans une coalition.

Cette coalition doit aujourd'hui faire le point de la situation. Nous sommes partis à 30 pays. La France était le deuxième contributeur. Aujourd'hui, deux pays de la coalition jouent une partition, qui d'abord n'a pas été discutée, et qui ne correspond pas aux enjeux. Aujourd'hui l'objectif n'est pas encore atteint et les raisons d'être de la coalition contre Daech restent intactes, donc il faut poursuivre. J'ai cru comprendre que les autorités américaines envisageaient maintenant positivement cette initiative, tant mieux. Je souhaite qu'ils la réunissent le plus rapidement possible.

Je vous redis, cher ami, que lundi dernier, à notre demande, l'ensemble des 28 Etats membres de l'Union européenne a souhaité que cette coalition se réunisse, parce que c'est là qu'on doit aborder l'ensemble des questions, y compris la question des terroristes qui sont aujourd'hui en prison dans des camps dans le nord-est syrien. On oublie parfois de le dire : ils sont plus de 13.000, dont des Irakiens, dont des combattants dits étrangers, 72 pays différents, 2200 combattants étrangers, plus si on ajoute les familles et les sensibilités proches de Daech, cela fait 40.000. C'est un sujet considérable, qui s'ajoute éventuellement, si la jonction se fait et si la dissémination se produit, aux forces de Daech qui restent encore dans la clandestinité, ici en Irak. Donc la situation est grave, donc il faut en parler, donc nous considérons que la coalition contre Daech doit poursuivre son action.

Nous avons aussi évoqué dans la journée, à différents moments, les mesures de sécurité qu'il faut prendre pour s'assurer de la stabilité de la détention des combattants terroristes qui sont aujourd'hui dans le nord-est syrien. Cette stabilité, cette sécurité, d'après toutes les informations que nous avons, les uns et les autres, est encore aujourd'hui assurée. Tant mieux pour tout le monde, mais la vigilance s'impose. C'est aussi une responsabilité de la coalition.

Nous avons aussi évoqué les méthodes pour que nous puissions aboutir à une coopération judiciaire adaptée, pour faire en sorte que ces terroristes ne subissent pas l'impunité. Nous sommes d'accord sur les logiques. Il faut maintenant les mettre en application.

Enfin, dans les échanges que nous avons eus ensemble, nous avons évoqué la situation humanitaire, parce que ce pays a retrouvé une stabilité, même s'il y a encore des problèmes - on les a vus au début du mois d'octobre, après l'éradication territoriale de Daech. Aujourd'hui les risques de nouvelle instabilité sont là, en particulier avec les risques de migrations de réfugiés, puisque certains mouvements ont déjà commencé, en particulier vers le Kurdistan. Parce que vos frères kurdes viendront naturellement. Donc cette crainte-là a été évoquée. Nous avons décidé de renforcer ensemble notre coopération humanitaire. C'est la raison pour laquelle la France va mobiliser 10 millions d'euros supplémentaires pour accompagner le soutien humanitaire dans l'ensemble de la région, parce qu'il va devenir nécessaire.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les sujets de discussions, qui sont toujours en cours. Je voudrais redire à Netchirvan notre amitié, notre soutien et, au-delà de lui, le soutien à l'ensemble de la population kurde de la région.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2019