Texte intégral
JEANNE-MARIE MARCO
Bonjour Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Bonjour.
JEANNE-MARIE MARCO
Merci de venir découvrir les locaux de France Bleu Occitanie ce matin. Vous êtes à Toulouse, à l'occasion du Conseil des ministres franco-allemands qui a eu lieu hier, entre Emmanuel MACRON et Angela MERKEL, aujourd'hui, vous allez à Carcassonne, au troisième régiment de parachutistes d'infanterie de marine. Est-ce que, concrètement, des décisions hier ont été prises pour renforcer les relations entre la France et l'Allemagne ?
FLORENCE PARLY
Alors, avant de répondre à votre question, je voudrais remercier chaleureusement Toulouse et les Toulousains de nous avoir accueillis dans cette belle ville rose, je sais que notre présence hier a dû créer quelques contraintes…
JEANNE-MARIE MARCO
A compliqué la circulation…
FLORENCE PARLY
Notamment de circulation. Et vraiment, je voulais remercier chaleureusement de l'accueil formidable que nous avons reçu. Alors, cela étant dit, oui, cette réunion, ce sommet franco-allemand, qui était en fait un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, suivi d'un Conseil des ministres franco-allemands, a été fructueux, puisque nous avons pu avancer dans les domaines de la défense et de la sécurité dont j'ai la responsabilité, de façon très nette. Vous savez que l'Europe de la défense, c'est une ambition que nous poursuivons, on y travaille depuis maintenant deux ans très activement, elle a fait de grands progrès, mais encore faut-il que cette Europe de la défense, elle soit concrète. Et pour être concrète, il faut aussi pouvoir avoir des projets, des projets industriels, qui vont préparer les équipements militaires de la deuxième moitié du 21ème siècle. Et ces équipements militaires, nous voulons de plus en plus pouvoir en disposer à l'échelle européenne, parce que, ce que nous voulons, c'est développer la souveraineté européenne, et l'actualité montre combien l'existence ou la fragilité ou l'insuffisance de cette souveraineté européenne peut peser dans les relations internationales et dans les conflits. Et donc nous avons avancé d'abord sur un projet d'avion de combat, le successeur du Rafale…
JEANNE-MARIE MARCO
Vous pouvez nous en dire plus justement…
FLORENCE PARLY
Un projet de char de combat, et sur le sujet des exportations, alors, peut-être d'un mot, parce qu'on est quand même dans la cité de l'air et de l'espace, si je puis dire, à Toulouse, ce projet d'avion de combat, en fait, c'est plus qu'un avion, c'est un avion qui va communiquer avec tout un système d'avions, de drones, et qui va être interconnecté à ce système, donc c'est un avion de nouvelle génération. Et nos armées en ont besoin dès 2038…
JEANNE-MARIE MARCO
Et quand est-ce qu'il va arriver dans les armées, 2038 ?
FLORENCE PARLY
Voilà. Donc nous en avons besoin dès 2038. Pour avoir ce nouvel avion de nouvelle génération dès 2038, il faut pouvoir mettre au point une sorte de prototype, un démonstrateur qui va pouvoir voler en 2026. Et 2026, à l'échelle d'un projet aussi important et aussi majeur, c'est demain. Et donc, ce sur quoi nous nous sommes entendus hier, c'est précisément sur les étapes qui vont nous permettre d'atteindre cet objectif d'avoir en 2026 un démonstrateur capable de voler.
JEANNE-MARIE MARCO
Florence PARLY, est-ce que c'est pour faire des économies qu'on s'allie avec l'Allemagne dans la construction de ce futur avion de combat ?
FLORENCE PARLY
Aucun pays européen n'a la possibilité aujourd'hui de s'engager seul dans des programmes d'équipements militaires aussi majeurs, aussi massifs. La compétition – on le sait – est mondiale, il faut donc pouvoir s'allier. Nos entreprises, souvent, dans le domaine des industries de défense, n'ont pas toujours la taille critique pour pouvoir assumer seules ces très grands projets, alors, bien sûr, je ne suis pas en train d dire que DASSAULT ne sait pas faire des avions de combat, au contraire. Nous avons un avion de combat magnifique avec le Rafale. Mais de plus en plus, compte tenu de l'ambition de ces projets, un système de combat aérien interconnecté, eh bien, il faut pouvoir s'allier. Donc une première manière de s'allier, c'est d'avoir des projets en commun. Et le faire avec notre partenaire allemand, c'est aussi à l'image de l'énergie et de l'ambition que nous avons pour l'Europe, qui, depuis longtemps maintenant, est portée aussi par ce partenariat entre la France et l'Allemagne.
JEANNE-MARIE MARCO
Parlons un petit peu de notre région, Florence PARLY, il y a beaucoup de militaires en Occitanie, notamment à Carcassonne, où vous allez aujourd'hui lancer le chantier de rénovation du troisième régiment de parachutistes d'infanterie de marine. Comment vous allez, concrètement, améliorer l'hébergement des soldats ?
FLORENCE PARLY
Eh bien, très simplement, en s'en occupant et en investissant, pendant des années, le budget de la Défense a diminué alors que nos engagements à l'extérieur ne cessaient de croître. Et donc pour protéger, si je puis dire, ce qui était l'essentiel, c'est-à-dire la capacité opérationnelle de nos armées, il a fallu faire des choix. Et en ont été victimes les conditions de vie et d'hébergement de nos militaires dans les casernes. Il fallait donc y remédier, pourquoi, parce que c'est la condition de l'attractivité, de la fidélisation de nos soldats, et aussi, cela contribue à leur combativité ; quand on ne vit pas bien, dans de mauvaises conditions, on n'est pas disponible dans sa mission, dans sa vie professionnelle, chacun connaît cela. Et donc il faut réinvestir massivement, c'est ce que nous allons faire, la loi de programmation militaire le permet. Nous allons investir donc un milliard d'euros sur la période 2019-2025 pour rénover et moderniser…
JEANNE-MARIE MARCO
Des chambres plus grandes…
FLORENCE PARLY
Plus de 25.000 places, et permettre que notamment nos militaires soient moins nombreux, car beaucoup d'entre eux encore sont dans des chambres collectives à plus de quatre, cinq, six, jusqu'à huit, dans certains cas…
JEANNE-MARIE MARCO
Jusqu'à huit. Là, ils vont être combien à terme ?
FLORENCE PARLY
L'objectif, c'est : pas plus de quatre, bien sûr. Et surtout, des conditions et un environnement à la hauteur de ce que nos militaires méritent au 21ème siècle. Donc ce sont de très gros travaux, souvent, les régiments et les casernes sont des bâtiments anciens. Dans certains cas, nous allons rénover, dans d'autres cas, nous allons construire, et je vais avoir la chance de pouvoir inaugurer donc une centaine de lits rénovés à Carcassonne, qui faisait partie d'un plan qui avait été initié au moment où nous avons relancé… où nous avons lancé Sentinelle, et où les effectifs de l'armée de terre ont fortement crû.
JEANNE-MARIE MARCO
Pour vous, ce n'est pas un détail l'hébergement et les conditions de vie des soldats ?
FLORENCE PARLY
C'est essentiel. C'est essentiel, d'ailleurs, nous en avons fait le premier chapitre de notre loi de programmation militaire. Nous avons dit : on doit être à hauteur d'homme. Et un militaire, c'est comme vous et moi, s'il n'est pas heureux dans sa vie personnelle, il ne peut pas accomplir sa mission de façon efficace. Donc les conditions de vie, les conditions de vie des militaires et de leur famille sont absolument essentielles.
JEANNE-MARIE MARCO
Justement, j'aimerais, Florence PARLY, vous faire écouter le témoignage d'une veuve de militaire qui était, au début de l'année, à la base de Toulouse-Francazal, quand vous êtes venue pour les voeux aux Armées.
UNE VEUVE DE MILITAIRE
On ne touche rien pour une vie de chien ! Moi, j'ai élevé mes enfants toute seule, mon mari, il a fait deux séjours en Indochine, il a fait la guerre de Corée, et j'étais en train de regarder les papiers, et je disais : mais une vie comme ça, pour ça, mais on ne dit rien, on ne demande rien, nous.
JEANNE-MARIE MARCO
Florence PARLY, qu'est-ce que vous répondez à cette veuve, dans la loi de programmation militaire, des mesures sont prévues sur les pensions de réversion que touchent les veuves de militaires ?
FLORENCE PARLY
Les droits acquis sont tout à fait maintenus, et des mesures ont été prévues pour accompagner les veuves de militaires, l'Office national des anciens combattants y pourvoit. Nous avons également prévu des mesures pour accorder la carte du combattant à des soldats qui ont combattu en Algérie et qui ne disposaient pas du droit à cette carte du combattant. Mais moi, ce que je voudrais répondre à cette personne, c'est que, en effet, on a insuffisamment traité les conditions de vie, non seulement des militaires, mais aussi de leur famille ; il s'agit d'une personne qui a élevé les enfants, alors que son époux était déployé en opérations, et ce plan Famille que je porte, il est destiné à prendre en compte aussi cette situation particulière qui est l'absence du militaire. Lorsqu'un militaire est absent, la famille doit continuer de vivre, et continuer de vivre dans de bonnes conditions, par exemple, l'hébergement des enfants, comment est-ce que, quand le conjoint actif travaille, comment, en l'absence de l'autre conjoint projeté en opération extérieure, comment on gère tout cela, comment on gère les déménagements récurrents, bref, ce sont des mesures extrêmement concrètes, extrêmement pratiques, qui doivent permettre – je l'espère – à l'avenir qu'il y ait de nouveaux témoignages de cette sorte.
JEANNE-MARIE MARCO
On a encore beaucoup de sujets à évoquer avec vous, Madame PARLY.
JEANNE-MARIE MARCO
Le sujet brûlant de l'actualité, c'est évidemment l'offensive turque en Syrie. Donald TRUMP a annoncé le retrait des troupes américaines sur place. Comment vous allez protéger les militaires français qui sont sur place, Florence PARLY ?
FLORENCE PARLY
Eh bien, nous allons les mettre en sécurité, et nous sommes en train de mettre tous nos personnels en sécurité…
JEANNE-MARIE MARCO
Parce qu'ils ne peuvent pas rester sur place sans les Américains…
FLORENCE PARLY
Donc je ne donne jamais de détail publiquement sur ces opérations, vous le comprendrez. Mais c'est notre priorité. Cette attaque unilatérale de la Turquie crée des conditions d'insécurité et d'instabilité dans cette région qui sont tout à fait dramatiques. Et nous avons condamné vigoureusement cette attaque, maintenant, ce qui importe, c'est de pouvoir reprendre la lutte contre Daesh. Or, le risque majeur, c'est…
JEANNE-MARIE MARCO
C'est que des djihadistes s'échappent…
FLORENCE PARLY
Eh bien, c'est que, évidemment, en procédant de cette façon, la Turquie n'ait créé une sorte de boulevard pour permettre à Daesh de renaître de ses cendres. Nous avons combattu depuis cinq ans dans le cadre d'une coalition internationale, pour lutter contre Daesh, parce que Daesh, c'est notre priorité, Daesh a frappé notre sol, notre pays, a fait de nombreuses victimes en France, et donc nous nous sommes engagés dans ce combat avec une raison profonde. Et aujourd'hui, nous voulons reprendre ce combat, nous voulons que la coalition internationale puisse continuer à agir, et nous voulons empêcher que ces années de combat ne soient ruinées. En février, le khalifat territorial est tombé, Daesh, cinq ans plus tôt, avait un territoire grand comme la Grande-Bretagne, mais Daesh renaît de ses cendres, nous avions déjà anticipé la clandestinisation de Daesh, et maintenant…
JEANNE-MARIE MARCO
Florence PARLY, est-ce qu'on sait combien de djihadistes se sont échappés de cette frontière ces derniers jours ?
FLORENCE PARLY
On sait par les images que l'on voit qu'il y a quelques sites dans lesquels il a pu y avoir des départs, mais ce qui est fondamental, c'est que – et je crois qu'il est important de le dire – c'est que ceux qui sont venus sur le territoire syrien ou irakien pour lutter aux côtés de Daesh, vont reprendre ce combat très probablement sur place.
ALBAN FORLOT
Florence PARLY, la ministre des Armées, invitée de France Bleu Occitanie ce matin, en votre compagnie, Jeanne-Marie MARCO.
JEANNE-MARIE MARCO
Le temps nous est compté, Florence PARLY, mais un mot quand même sur le commandement de l'espace qui doit être créé à Toulouse, donc un lieu pour réunir tous ceux qui travaillent et contrôlent l'espace, est-ce qu'on sait désormais où ce commandement va être implanté à Toulouse ?
FLORENCE PARLY
Alors, ce commandement de l'espace, nous l'avons créé au début du mois de septembre, et nous allons d'ailleurs faire de l'armée de l'air une armée de l'air et de l'espace. Aujourd'hui, le CNES, qui est donc à Toulouse, est l'opérateur spatial des armées, cela veut dire concrètement que le CNES pilote nos satellites militaires. Et donc ce que nous souhaitons, c'est implanter ce commandement de l'espace, qui aujourd'hui comprend déjà 220 personnes, qui ne sont pas encore toutes localisées à Toulouse. Nous souhaitons les implanter à proximité immédiate du CNES, parce que nous voulons être co-localisés dans la mesure où nous travaillons quotidiennement avec le CNES. Et le CNES a accepté de nous héberger en quelque sorte sur une emprise qui – je crois – sera très proche de la sienne.
JEANNE-MARIE MARCO
Et sur le calendrier, on en sait plus, quand est-ce qu'il sera opérationnel, ce commandement de l'espace ?
FLORENCE PARLY
Alors, dès aujourd'hui, nous avons donc quelques personnes qui sont déjà implantées au CNES. Ce commandement va monter en puissance au fil des mois. Et il va croître bien au-delà de ces 220 personnes qui s'y trouvent d'ores et déjà.
JEANNE-MARIE MARCO
Des recrutements, il y en aura aussi donc…
FLORENCE PARLY
Des recrutements, bien sûr, et aussi, des redéploiements de personnels afin que cette priorité… pourquoi est-ce que nous faisons cela, nous faisons cela parce que l'espace est devenu un nouvel espace de confrontations potentielles, jusqu'à présent, ça n'était pas le cas, nous avons constaté des agissements qui montrent que nos satellites peuvent être menacés, et c'est pour cela que c'est une priorité.
JEANNE-MARIE MARCO
On aurait encore beaucoup de questions à vous poser, Florence PARLY. Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions ce matin sur France 3 et France Bleu Occitanie.
FLORENCE PARLY
Merci.
JEANNE-MARIE MARCO
Et bonne journée dans notre région.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2019