Interview de M. Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement, à Radio Classique le 27 mai 2019, sur les résultats des élections européennes.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Bienvenue, questions, la première est simple : non changement de cap qui a déjà été annoncé, est-ce que vous ne craignez pas que malgré un score honorable comme ça a été déclaré pour la liste de madame LOISEAU, le climat social plus le climat perturbé, regardez la faire de Lyon, on n'a toujours pas retrouvé cet homme qui a posé donc des bombes, est-ce que vous ne craignez pas que tout le quinquennat se déroule un peu comme ça, c'est-à-dire à la fois on est au pouvoir, mais en même temps une instabilité perpétuelle dans le pays ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien je crois qu'il n'y a qu'une solution pour lutter contre ça, c'est les résultats. Il n'y a pas deux manières de faire avancer un pays, il n'y en a qu'une, c'est de faire en sorte que nos politiques elles mènent à des résultats. Et aujourd'hui on l'a très bien vu, ces derniers mois ont montré que dans un certain nombre de politiques il fallait faire en sorte que les résultats arrivent plus tôt, arrivent plus vite et soient au plus proche des gens et des territoires. Donc c'est ça ce que nous sommes en train de faire et c'est ça le sens du grand discours du président de la République à l'issue du Grand débat, c'est de faire en sorte de remettre l'humain au centre de nos politiques. Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est de faire en sorte que lorsqu'on prend des politiques publiques, ça change véritablement le quotidien des Français, et donc c'est ça l'acte 2 du quinquennat, c'est de faire en sorte qu'effectivement les résultats arrivent plus vite et puis qu'effectivement les grandes priorités, qui aussi ont été mises en avant par les Français ces derniers mois, je pense évidemment à l'écologie, elles soient encore plus fortes dans les politiques que nous portons.

GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous avez le sentiment ce matin, puisque finalement Yannick JADOT va faire ou a fait un très bon score, qu'il y aura, parce que vous parlez de l'humanisme d'Emmanuel MACRON mais c'est aussi un stratège, il y a toujours un brin de cynisme chez les gens qui dirigent un pays ou en tout cas de machiavélisme, est-ce qu'il serait possible qu'Emmanuel MACRON, disons, fasse de l'oeil à Yannick JADOT ? Car Yannick JADOT il est ancré à gauche, mais au fond c'est aussi un libéral sur le plan économique, donc est-ce que ça pourrait être un objectif pour le président de la République puisqu'il a des préoccupations écologiques, de se rapprocher des Verts ?

JULIEN DENORMANDIE
Non mais je pense qu'en écologie ce n'est pas de la stratégie politique, qu'il y a derrière, où vous avez d'un côté l'écologie politique, qui a toujours d'ailleurs été dans le paysage politique français, et aujourd'hui ce qui est très bien, et moi ce que je ressens au jour le jour, c'est que l'écologie n'est plus qu'une écologie politique, l'écologie aujourd'hui elle est au centre des programmes politiques des uns et des autres, et heureusement, et c'est très bien ainsi. Nous, à la République En Marche, il faut aller encore plus loin.

GUILLAUME DURAND
Mais, est-ce que Yannick JADOT pourrait être un interlocuteur ? Mais il a eu comme ministre Nicolas HULOT, qui…

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais c'est d'ailleurs tout l'orientation prise avec Nicolas HULOT et l'orientation aujourd'hui qu'on déploie. Après, au niveau européen, Yannick JADOT a fait un très bon score et je le salue, au niveau européen ça veut dire qu'il faut qu'il y ait des alliances de projets entre eux Yannick JADOT et ses alliés et entre eux la République En Marche, le MoDem et ses alliés. Et ça…

GUILLAUME DURAND
Donc au Parlement européen, vous allez vous retrouver ensemble.

JULIEN DENORMANDIE
Ça veut dire que, ça dépendra des projets, on va attendre de voir quelle sera la composition du Parlement européen, mais évidement que sur beaucoup de projets il faudra qu'il y ait des alliances de projets, y compris avec Yannick JADOT, évidemment, et je crois qu'on sera tous dans cet état d'esprit.

GUILLAUME DURAND
Alors, question, et on va faire un petit peu d'histoire ensemble, Julien DENORMANDIE, car les résultats donc qui sont catastrophiques pour les Républicains, pour le Parti socialiste et pour la France insoumise, est-ce que dans votre mémoire vous pouvez vous souvenir, vous qui avez été un des compagnons de la première heure d'Emmanuel MACRON, quel est le jour où il s'est rendu compte que le système à l'ancienne, et ce n'est pas du tout de la flagornerie de ma part, c'est un constat historique, quel est le jour où il a fait le pari de l'effondrement des forces qui avaient quand même occupé les deux derniers quinquennats, Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, ce n'était pas à un moment donné, mais il y a un moment qui a été très caractéristique : on avait passé avec Emmanuel MACRON lorsqu'il était ministre de l'Economie, une loi, la fameuse loi Macron, et dans cette loi, dès qu'il y avait une mesure qui avait une connotation de droite comme on peut dire aujourd'hui, à ce moment-là les députés de droite disaient : votre mesure elle est bien, mais vous appartenez à un gouvernement de gauche, donc on ne va pas la voter. Et inversement, dès que nous avions une mesure qui était un peu trop inversement à droite, on nous disait : le gouvernement de gauche, à ce moment-là, qui avait la majorité au Parlement, nous disait : non, il est impossible d'aller voter cette mesure-là, parce que vous savez, c'est une mesure qui ressemble trop à une mesure de droite, même si elle est bonne pour les Français. Et donc en fait on était dans un blocage, et à la fin cette fois d'ailleurs a fait l'objet d'un 49.3. Et donc vous aviez des partis politiques qui ne pensaient pas à l'intérêt, in fine, pour les Français, mais qui raisonnaient uniquement par bipartisanisme, uniquement. Est-ce que oui cette mesure elle livre de la même couleur politique à laquelle j'appartiens ? Et là on s'est dit que c'était fini.

GUILLAUME DURAND
Mais, Julien DENORMANDIE, à l'époque il était ministre de l'Economie. Non mais d'accord, mais est-ce qu'à ce moment-là il y a un moment où il s'est dit : bon cette fois-ci il faut arrêter d'être à la fois conseiller, d'être ministre, de partir dans le privé, je veux devenir président de la République, et cette stratégie-là a marché ? Est-ce que vous avez ce souvenir-là ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est tout ce cheminement. On se dit, avec un exemple comme je viens de vous donner, que le système il ne peut plus marcher, que c'est plus possible, que ce vieux clivage gauche-droite, avec ces partis rentiers, ça ne peut plus durer, et c'est de là où on crée cette offre politique nouvelle qui est la République En Marche, en se disant, inversement, l'Europe est un très bel exemple, dans les mêmes familles politiques vous aviez des personnes qui étaient à fond pour l'Europe et d'autres qui étaient contre l'Europe. Ça ne pouvait pas durer, et donc c'est de là où on crée ce nouveau mouvement politique, en disant : mais toutes celles et ceux qui se retrouvent sur l'Europe, sur l'écologie, sur le social, sur une politique économique plus ouverte, à ce moment-là, on se regroupe les uns avec les autres.

GUILLAUME DURAND
J'ai plusieurs questions et il nous reste trois minutes, pardon de vous demander d'être un peu plus synthétique, même si parfois c'est moi qui suis long. Il va y avoir la bataille du président de la Commission, pour la CDU et pour beaucoup de gens, c'est Manfred WEBER, qui est membre de la CDU, qui pourrait être donc remplacer Jean-Claude JUNCKER. Est-ce qu'Emmanuel MACRON va s'opposer fermement à cette candidature et pousser par exemple Michel BARNIER ou un autre ? Soyons clairs.

JULIEN DENORMANDIE
Au moment où je vous parle, je ne sais pas qu'est-ce que cela va donner. Vous savez, il y a y avoir des rencontres avec les chefs d'Etat, là, dans les tout prochains jours, et puis avec les parlementaires sortants. Donc au moment où je vous parle, je ne sais pas quel sera le paysage, ça va dépendre des candidats, il ne faut pas se leurrer, mais ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui il faut à mes yeux avoir un président de Commission qui soit à même de porter ce projet européen, où il y a eu un signal…

GUILLAUME DURAND
Et ce ne serait pas Manfred WEBER.

JULIEN DENORMANDIE
Je ne sais pas si ce serait le meilleur. Encore une fois, c'est très difficile, moi je trouve, de se positionner quand vous n'avez pas tous les candidats. Mais ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui ça ne peut pas être un choix par, là aussi des appareils politiques traditionnels, qui disent : moi mon poulain c'est untel, il faut…

GUILLAUME DURAND
Donc ça ne peut pas être le candidat de madame MERKEL qui automatiquement, non mais soyons clairs…

JULIEN DENORMANDIE
Moi, à titre personnel, je ne pense pas, mais c'est à titre personnel, et encore une fois sans qu'il y ait aujourd'hui la liste des candidats sur la table. Donc c'est très difficile de se positionner. Mais à titre personnel je pense qu'il faut qu'il y ait un candidat…

GUILLAUME DURAND
Donc, est-ce qu'il pourrait soutenir BARNIER ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien on verra, enfin ça dépend quels sont les…

GUILLAUME DURAND
Vous savez qu'on a cette habitude à Radio Classique de vouloir toujours avancer un peu.

JULIEN DENORMANDIE
Mais je sais bien, c'est bien mon objectif aussi, mais c'est très compliqué d'avancer lorsque vous n'avez même pas la liste des candidats aujourd'hui sur la table.

GUILLAUME DURAND
Eh bien c'est les deux principaux.

JULIEN DENORMANDIE
C'est les deux qu'on donne dans la Presse. Vous avez d'autres personnes, vous avez madame VESTAGER par exemple qui est aussi citée, et puis d'autres qui arrivent au jour le jour. Donc je pense que ça, ça va être l'objectif des prochains jours…

GUILLAUME DURAND
Mais vous vous rendez compte que ça va être une conversation musclée que madame MERKEL, parce que les…

JULIEN DENORMANDIE
Mais bien sûr.

GUILLAUME DURAND
Parce que les conversations précédentes avec madame MERKEL, notamment sur la prolongation du Brexit de 6 mois à un an, les a opposés quand même assez violemment.

JULIEN DENORMANDIE
Mais je veux dire, il faut à un moment donné se rendre compte de la réalité. Au-delà des scores des uns et des autres, qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui en Europe ? Eh bien on voit aujourd'hui des Européens qui ne se rendent pas compte à quel point l'Europe change leur quotidien. Donc il y a quand même un véritable sujet derrière tout ça, donc il faut que, que soit le président de la Commission ou les postes clés, soient tenus par des personnes qui veulent faire avancer ce projet européen, en remettant là aussi le quotidien au centre de…

GUILLAUME DURAND
Nous continuons à avancer, vous savez que donc le Rassemblement national a gagné ces élections, même si la différence avec la République En Marche est faible, mais le Rassemblement national a le même problème qu'il y a, enfin qu'en 2017, à savoir, en dehors de Debout la France et quelques voix éparses, il y a peu d'alliés, donc est-ce que ça veut dire ce matin que vous considérez qu'Emmanuel MACRON est parti pour un second mandat ? Je sais bien qu'on va très vite.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, non je pense que là aujourd'hui on n'est pas sur cette temporalité, qu'on est sur le volet européen.

GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous le souhaitez ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien je ne vais pas vous dire le contraire. A titre personnel, évidemment, évidemment, mais par contre, vous savez, moi mon engagement, et celui du président de la République par dessus tout, il a toujours été aussi fondé sur la lutte contre les extrêmes, sur la lutte contre le Front national, et donc de voir que le Front national hier arrive encore en tête, c'est une déception, évidemment, ça veut dire que ce combat-là…

GUILLAUME DURAND
C'est pour ça qu'il a pesé de tout son poids dans la dernière ligne droite, parce qu'il n'a même pas parlé de madame LOISEAU en entretien au Parisien, ce qui était quand même un désaveu.

JULIEN DENORMANDIE
Alors oui, mais c'est aussi, et ça pour le coup il faut s'en féliciter, très fortement, pour appeler tous les Français à aller voter. Et je crois qu'hier c'est la plus haute participation depuis 30 ans…

GUILLAUME DURAND
Oui, 25 ans.

JULIEN DENORMANDIE
Alors, il n'y a qu'un Français sur deux encore qui est allé voter, mais c'est extrêmement important de souligner cette mobilisation. Mais tant que le Front national sera aussi haut, moi mon combat continuera et j'espère que nous ferons véritablement avancer les choses, pour aller chercher toutes celles et ceux qui aujourd'hui se retrouvent dans le repli du Front national et à qui on veut dire : il y a une autre voie, une voie qui a beaucoup plus d'issue que celle du Front national.

GUILLAUME DURAND
Une dernière question, elle est importante : est-ce que vous vous considérez que la France insoumise, Les Républicains et le Parti socialiste ont définitivement ou en tout cas sont sortis définitivement de la bataille politique en France, et ne sont plus que des partis d'appoint ?

JULIEN DENORMANDIE
Au moment où on se parle ce matin, oui, au regard des élections d'hier, mais enfin la politique a toujours montré que l'échec d'un jour ne voulait pas dire l'échec le lendemain et que vous avez eu des personnes, dont Nicolas SARKOZY, qui ont fait des très mauvais scores, et 3 ans après qui était élu président de la République.

GUILLAUME DURAND
Donc, ni WAUQUIEZ, ni MELENCHON, ni la gauche, ne sont morts.

JULIEN DENORMANDIE
Mais en revanche, il y a un autre enseignement, c'est que toutes celles et ceux qui ont dit : vous avez installé un débat entre le Front national et la République En Marche ont…

GUILLAUME DURAND
C'est WAUQUIEZ.

JULIEN DENORMANDIE
Mais moi ce que je dis, c'est que heureusement que, heureusement qu'il y avait cette nouvelle force politique qui était la République En Marche. Quel serait le schéma politique ce matin sinon ? Quand vous voyez les partis traditionnels qui se sont littéralement effondrés, mais heureusement qu'il y a 3 ans nous avons créé ce nouveau mouvement politique, parce qu'aujourd'hui force est de constater que les seuls à même de lutter contre les extrêmes, et notamment l'extrême-droite, ça reste la République En Marche.

GUILLAUME DURAND
Donc Laurent WAUQUIEZ a eu tort de vous accuser d'avoir mis en scène ce duo, en fait.

JULIEN DENORMANDIE
Non seulement il y a eu tort, mais hier quand je vois que la seule explication à sa défaite, qu'il donne, c'est Emmanuel MACRON, les bras m'en tombent. Il est où le responsable politique ? Moi j'invite vraiment toutes celles et ceux qui ont des valeurs de droite, à se retrouver également dans le projet que nous portons à la République En Marche. Vous ne pouvez pas avoir un leader politique qui vous dise : ma défaite est la faute d'Emmanuel MACRON. Non, ce clivage politique c'est un fait, c'est une réalité, il existe en France et à nous de lutter contre les extrêmes.

GUILLAUME DURAND
Il est ministre de la Ville et du Logement, il s'appelle Julien DENORMANDIE, il accompagne Emmanuel MACRON depuis le début de cette aventure politique, il était invité de la matinale de Radio Classique.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juin 2019