Texte intégral
ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
Le président, Emmanuel MACRON, s'est confié au micro RTL de notre journaliste William GALIBERT dans l'avion de retour de La Réunion. Alors, je vous demande tout de suite, est-ce que comme le président, Emmanuel MACRON le dit, rien ne vous fera reculer sur la réforme des retraites ?
BRUNO LE MAIRE
Rien ne nous fera reculer, de manière plus générale, sur la transformation du pays. Emmanuel MACRON a été élu pour cela, c'est le mandat que lui ont confié les Français en 2017, et c'est pour ça que je l'ai rejoint, pour que nous fassions, en 5 ans, les transformations en profondeur, économiques, sociales, sur les retraites, sur la compétitivité des entreprises, sur la fiscalité, qui n'ont pas été faites depuis une dizaine ou une quinzaine d'années, et qui vont permettre à la France de réussir au 21e siècle. C'est ça le mandat que nous ont donné les Français, et il vaut mieux, en politique, respecter le mandat que vous ont donné les Français.
ALBA VENTURA
Avant d'entrer dans le fond du dossier, vous n'êtes pas sans savoir qu'une grève est annoncée pour le 5 décembre, et donc des blocages qui pourraient aller avec, je ne sais pas moi, la SNCF, la RATP, FO-Transports ensemble, qui annoncent des actions à partir du 5 décembre, vous ne craignez pas une paralysie du pays ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je pense que c'est l'intérêt de personne, je pense que l'intérêt des Français c'est qu'il y ait une réforme des retraites qui soit mise en place, qui soit juste, qui soit équitable et qui garantisse la pérennité d'un système par répartition auquel nous sommes tous attachés, et c'est ça que nous voulons faire.
ALBA VENTURA
Et qu'est-ce que vous leur dites, donc, à ces syndicats ?
BRUNO LE MAIRE
Je leur dis poursuivez le dialogue, expliquez-nous quelles sont les difficultés. Il y a des régimes spéciaux, rien ne justifie le maintien de ces régimes spéciaux, comment est-ce qu'on en sort, avec quelle période de transition, quelles sont les compensations qu'il faudrait pouvoir mettre en oeuvre ? Discutons de tout cela. Je pense que les régimes spéciaux, aujourd'hui, ne sont plus défendables, et qu'une grande majorité de Français estime qu'il n'y a aucune raison que certains partent à la retraite à 53, 54, 55 ans, quand d'autres partent à la retraite à 62, 63 ou 64.
ALBA VENTURA
Ce n'est plus défendable, c'est ce que vous dites Bruno LE MAIRE, mais ça reste flou…
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est plus défendable, mais je reconnais bien volontiers que certains se sont engagés dans leur métier, par exemple de cheminot, avec un contrat, un contrat social sur la durée du métier qu'ils vont exercer, eh bien regardons comment est-ce que l'on peut sortir de cette situation, avec quelle période de transition, avec quelles compensations, et c'est davantage dans le dialogue que dans le conflit qu'on arrivera à trouver les bonnes réponses.
ALBA VENTURA
Oui, mais moi aussi j'entends Emmanuel MACRON qui dit « je ne ferai pas une réforme qui nie les droits acquis, mais on ne va pas pouvoir embaucher un cheminot ou un électricien au même régime. » C'est flou, moi je trouve que c'est du en même temps tout ça.
BRUNO LE MAIRE
Mais le dialogue que nous avons commencé…
ALBA VENTURA
Donc, on bouscule les droits acquis ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Le dialogue que nous avons commencé à ouvrir, que le Premier ministre a commencé à ouvrir, et que chaque ministre a ouvert, moi j'ai reçu, je commence à recevoir toutes les professions qui sont, soit sous ma tutelle, soit directement concernées par le ministère de l'Economie et des Finances. J'ai reçu les experts-comptables il y a quelques jours, j'ai discuté avec eux, ils sont arrivés de manière très sereine en me disant « voilà pourquoi nous on a des inquiétudes », et nous allons essayer, dans les mois qui viennent, de répondre à ces inquiétudes, c'est ça la bonne méthode.
ALBA VENTURA
Sur les avocats vous avez déjà capitulé, Bruno LE MAIRE, sur les avocats.
BRUNO LE MAIRE
Nous avons le temps.
ALBA VENTURA
Sur les avocats vous avez déjà capitulé.
BRUNO LE MAIRE
Il se trouve que les avocats sont du ressort de la ministre de la Justice, donc c'est Nicole BELLOUBET qui s'occupe de cela, mais chacun d'entre nous, chaque ministre, va recevoir les professions sur lesquelles il est directement concerné, et voir quelles sont les inquiétudes, pour y apporter des réponses. Mais toujours avec le même objectif de fond, dont je vous parlais au début, transformer en profondeur notre pays pour qu'il réussisse au 21e siècle, sans renoncer à ce qu'il est, c'est-à-dire sans renoncer à un système social qui est protecteur, système de santé, système de retraite, et auquel nous sommes tous attachés, c'est ça notre défi, le défi du président de la République et le défi de ses ministres.
ALBA VENTURA
En tout cas on a compris que cette réforme pouvait s'étaler dans le temps.
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, vous ne faites par une réforme aussi importante sans prendre le temps nécessaire, et ce sera au président de la République, au Premier ministre, de juger du temps nécessaire. En tout cas, moi ma porte est ouverte à toutes les consultations, tous les dialogues, avec les professions qui sont inquiètes, ou qui ont des revendications à faire valoir, et je pense que c'est davantage dans le dialogue que dans le conflit, une fois encore, que nous trouverons les bonnes réponses.
ALBA VENTURA
Mais alors, dans le temps, est-ce que cette réforme des retraites on y entre en 2025, vous avez eu l'air de changer de pied, est-ce qu'elle va seulement concerner les nouvelles générations, c'est-à-dire ceux qui entrent sur le marché du travail, est-ce que là vous pouvez nous donner une indication, parce que depuis le rapport…
BRUNO LE MAIRE
Non, je viens de vous dire tout cela…
ALBA VENTURA
De Monsieur DELEVOYE, vous avez changé de pied quand même ?
BRUNO LE MAIRE
Tout cela, Alba VENTURA, reste à discuter, donc la discussion sera menée par, Agnès BUZYN, par Jean-Paul DELEVOYE, par le Premier ministre, par les ministres qui sont concernés. Il se trouve que j'ai aussi la responsabilité de tenir les finances publiques, d'améliorer la compétitivité du pays, de poursuivre la transformation économique, qui commence à donner des résultats, nous avons une croissance, aujourd'hui, qui est une des plus solides en Europe, nous avons un chômage qui baisse, nous avons atteint un niveau de chômage qui est un des plus bas des dix dernières années, donc je fais les consultations, comme n'importe quel autre ministre, sur les retraites, mais je peux vous dire que je ne perds par 1 heure non plus pour poursuivre la transformation économique du pays et consolider les bons résultats que nous avons commencé à obtenir.
ALBA VENTURA
Donc là, à 7h47, vous nous dites, sur la réforme des retraites, nous irons jusqu'au bout ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je dis bien entendu que nous irons jusqu'au bout, je vous dis que nous avons un mandat, donné par les Français, dans lequel il y a la réforme, en profondeur, des retraites, et la mise en place d'un régime de retraite par points. Et quand vous voyez aujourd'hui la crise politique que nous traversons, les doutes sur la démocratie, sur les responsables politiques, la meilleure réponse que nous pouvons y apporter, c'est tenir sa parole, c'est respecter ses engagements, c'est ce que nous essayons de faire.
ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, il y a un autre sujet que le président a mis sur la table ce matin, c'est celui de l'hôpital, le président dit « on a bâti une stratégie pour 5 à 10 ans, mais il faut une réponse d'urgence pour répondre à la souffrance des personnels de santé », et il dit, le président, « soyons clairs, il va falloir qu'on remette des moyens. » Combien, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord moi j'y suis favorable, je ne cache pas, il y a des transformations en profondeur qui sont faites, vous avez l'ouverture du numerus clausus, la réflexion sur la médecine libérale, vous avez l'ouverture de maisons de santé pluridisciplinaires, notamment dans les territoires ruraux, dans je suis élu, auxquels je suis attaché, mais tout ça, ça prend du temps. Et aujourd'hui, je l'ai vu pour des raisons personnelles, il y a de la souffrance à l'hôpital, la souffrance des personnels hospitaliers, la souffrance des personnes qui sont dans les urgences, des médecins, les infirmières, il faut y répondre…
ALBA VENTURA
Les directeurs d'hôpitaux réclament 250 millions d'euros supplémentaires.
BRUNO LE MAIRE
Il faut y répondre. Ce sera à Agnès BUZYN, qui fait par ailleurs un travail exceptionnel, de regarder ce qui est nécessaire, mais qu'on apporte un soutien immédiat, à des hôpitaux qui sont en souffrance, qui aujourd'hui n'arrivent plus à faire face à des défis…
ALBA VENTURA
C'est oui ?
BRUNO LE MAIRE
Pour moi c'est légitime, et c'est juste.
ALBA VENTURA
Où vous allez trouver cet argent ?
BRUNO LE MAIRE
Et c'est juste, Alba VENTURA, donc j'estime que quand quelque chose est juste, nécessaire, il faut s'engager dans cette voie, c'est ce qu'a dit le président de la République.
ALBA VENTURA
Où est-ce qu'on trouve cet argent Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Ensuite, nous verrons quelle sera l'enveloppe, je veux simplement dire que l'état de nos finances publiques justifie que si on dépense de l'argent pour l'hôpital, je ne peux pas vous dire le montant, nous trouvions des économies en face. Nous venons de recevoir une lettre de la Commission européenne qui nous dit voilà…
ALBA VENTURA
Une lettre d'avertissement…
BRUNO LE MAIRE
Une lettre d'avertissement, si vous voulez, enfin on a déjà reçu la même lettre…
ALBA VENTURA
Qui parle du peu d'effort que vous faites sur nos déficits.
BRUNO LE MAIRE
J'ai apporté les explications nécessaires, je l'ai dit au vice-président de la Commission européenne, en lui disant il y a des difficultés sociales, il y a un ralentissement économique mondial, donc j'assume totalement les choix qui ont été faits sur nos finances publiques, d'aller un peu moins vite dans la baisse de la dépense publique et la réduction de la dette. Mais, cette lettre a été envoyée, les choix budgétaires ont été faits, il faut maintenir le cap du maintien des finances publiques et du rétablissement de nos finances publiques, donc si on fait plus de dépenses pour l'hôpital, il est nécessaire de trouver des économies en face.
ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, c'est ce matin que vous allez recevoir le rapport de Jean-Martin FOLZ sur la filière nucléaire et les difficultés d'EDF, notamment de l'EPR, le réacteur nucléaire nouvelle génération, vous aviez parlé de retard, de surcoût, vous n'aviez pas mâché vos mots, vous parliez même de dérives inacceptables, les oreilles du patron d'EDF, Jean-Bernard LEVY, ont dû siffler. Est-ce qu'il est toujours, d'ailleurs, l'homme de la situation ?
BRUNO LE MAIRE
Oui.
ALBA VENTURA
Vous lui faites toujours confiance ?
BRUNO LE MAIRE
Jean-Bernard LEVY a notre confiance, et nous lui faisons confiance pour rétablir la situation, mais en revanche, ce qui s'est passé n'est pas acceptable. La filière nucléaire c'est une des filières stratégiques du pays, c'est une des filières qui garantit notre indépendance énergétique, et qui a un niveau technologique qui est un des meilleurs au monde, et là, si vous prenez l'exemple de l'EPR de Flamanville, quand les travaux ont été engagés, on nous a dit ça va coûter un peu plus de 3 milliards d'euros et la construction va durer 4 ans. On en est à 12 milliards d'euros et un délai de 15 ans, et on apprend tous les ans qu'il y a une nouvelle difficulté, par exemple sur les soudures…
ALBA VENTURA
Alors, vous êtes en colère, mais personne n'est sanctionné.
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne suis pas en colère, ce n'est pas une question de colère, je ne suis pas satisfait, et je trouve que ces retards ne sont pas acceptables, et que ces difficultés à répétition ne sont pas à l'honneur de la filière nucléaire, qui doit se ressaisir, et se ressaisir vite, et le rapport que j'ai demandé à Jean-Martin FOLZ, qui va mettre remis dans quelques instants, avec Jean-Bernard LEVY, et avec la ministre de l'Environnement Elisabeth BORNE, doit nous permettre de nous ressaisir, et doit permettre à la filière nucléaire d'apporter des réponses précises aux difficultés que Jean-Martin FOLZ va nous présenter. Il n'est pas acceptable que l'une des filières industrielles les plus prestigieuses et les plus stratégiques pour notre pays connaisse autant de difficultés.
ALBA VENTURA
Emmanuel MACRON a finalement choisi de présenter Thierry BRETON pour être le représentant français à la Commission européenne, après le camouflet infligé à Sylvie GOULARD. Est-ce qu'on est sûr cette fois, Bruno LE MAIRE, d'avoir le bon candidat, est-ce qu'il ne risque pas d'être retoqué ?
BRUNO LE MAIRE
Je suis certain que c'est un excellent candidat, que c'est l'homme de la situation. Il y a un portefeuille qui comprend les sujets industriels, les sujets de défense, les sujets numériques, il se trouve que Thierry BRETON est spécialiste de ces sujets, et spécialiste qui a fait la preuve de son talent et de sa compétence…
ALBA VENTURA
Il y a une plainte aussi contre lui, de la part d'Anticor.
BRUNO LE MAIRE
Il a fait la preuve… il peut toujours y avoir une plainte, ce qui compte c'est les décisions de justice plus que les plaintes, et en l'espèce il y a aussi une réalité, et la réalité c'est le succès de Thierry BRETON dans les postes qu'il a occupés, comme ministre de l'Economie et des Finances, comme industriel, comme spécialiste des questions digitales, je pense que ça le qualifie pour cette fonction, qui est une fonction essentielle pour l'Union européenne, et que le choix…
ALBA VENTURA
Vous êtes sûr de vous ?
BRUNO LE MAIRE
Non, on n'est pas sûr de ce que sera le Parlement, le Parlement il est libre, il décide, il va regarder, il va poser des questions, il est légitime à poser toutes ces questions, mais en revanche, sur les compétences et la qualité du candidat qui a été choisi par le président de la République, Thierry BRETON, là-dessus je n'ai aucun doute.
ALBA VENTURA
C'est aujourd'hui le passage de témoin à la Banque Centrale Européenne, je sais que vous allez y assister…
BRUNO LE MAIRE
Tout à fait.
ALBA VENTURA
Entre l'italien Mario DRAGHI et la française Christine LAGARDE. Mario DRAGHI, c'est quelqu'un que vous allez regretter ?
BRUNO LE MAIRE
C'est quelqu'un qui a sauvé l'euro, quand il y a eu la crise des dettes souveraines en 2011, c'est lui qui a pris les décisions nécessaires pour sauver l'euro. Maintenant, Christine LAGARDE va avoir des défis qui sont de nature très différente, la question n'est plus de sauver l'euro, la question c'est de renforcer la zone euro, dont je redis qu'elle a besoin d'un budget, qu'elle a besoin d'une Union bancaire, et qu'il y a urgence à décider sur ces sujets-là, et l'autre grande question c'est comment est-ce qu'on crée davantage de croissance en Europe. Je vous disais, nous nous avons 1.3, 1.4 de croissance, la moyenne…
ALBA VENTURA
C'est faible.
BRUNO LE MAIRE
Dans la zone euro c'est 1, 1.1, c'est parfois moins pour d'autres pays, comment est-ce que vous pouvez dire aux millions de nos concitoyens de la zone euro, « la zone euro c'est formidable, mais, désolé, il n'y a pas de croissance et il n'y a pas assez d'emplois », ce n'est pas possible. Donc il faut que la politique budgétaire prenne le relais de la politique monétaire, qui aujourd'hui touche les limites de son efficacité. C'est un des défis que Christine LAGARDE va avoir à relever, mais si j'ai bien aussi une deuxième certitude sur les personnes, c'est que Christine LAGARDE est la femme de la situation.
ALBA VENTURA
Donc vous êtes rassuré par l'arrivée de Christine LAGARDE à la Banque Centrale Européenne ?
BRUNO LE MAIRE
Ah, je suis rassuré, et même enthousiaste, parce que je crois qu'elle a fait un travail exceptionnel à la tête du FMI, et c'est la femme de la situation. Et, je vais vous dire Alba VENTURA, ça fait du bien de pouvoir dire à un micro ce n'est pas simplement l'homme de la situation, mais cette fois c'est la femme de la situation.
ALBA VENTURA
Et comme je vous comprends Bruno LE MAIRE. Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2019