Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur l'aide apportée par la France en faveur du développement économique de l'Afrique, à Paris le 30 octobre 2019.

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Circonstance : Ouverture de la Conférence du Club Afrique de France Invest dans le cadre de l'événement Ambition Africa 2019

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les Ambassadeurs,
Cher Tony Elumelu, président de la Fondation, j'étais très heureux de vous voir tout à l'heure,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,


Je suis heureux de vous voir aussi nombreux aujourd'hui au ministère de l'économie et des finances pour la deuxième édition du Forum "Ambition Africa". Votre nombre et la qualité des personnes qui sont présentes, montre que l'Afrique est, pour la France, un continent d'avenir, d'investissement, dans lequel nous croyons profondément. Et nous sommes là pour faire en sorte que cet attachement réciproque se traduise par des investissements du développement économique et de la prospérité en Afrique.

Le ministère de l'économie et des finances n'est pas en effet que le lieu des décisions budgétaires et financières. Il est aussi un lieu de débat et un lieu d'échange, un lieu de rencontres entre entreprises et surtout, un lieu de projet.

Notre projet, c'est de faciliter le développement économique de l'Afrique par les PME, par les entreprises et par l'esprit entrepreneurial. La première édition d'Ambition Africa a été un grand succès l'année dernière. Elle a permis à des centaines d'entreprises de nouer des partenariats commerciaux, ou de monter des projets d'investissement en France et en Afrique. Je souhaite que cette conférence de place France Invest aille encore plus loin et enregistre des succès encore plus spectaculaires au service de l'Afrique et du développement économique en Afrique.

Le défi, c'est l'accès au financement. Le financement, c'est évidemment le problème clé qui doit être surmonté par les entrepreneurs, en particulier par les jeunes entrepreneurs africains. Et vous êtes là, vous tous ici, pour nous aider à relever ce défi. Ce n'est pas l'Etat seul, ce n'est pas une institution publique seule, qui pourrait y arriver. Il faut que nous nous retroussions tous les manches, la puissance publique, mais également les entreprises, les fondations, comme la vôtre, pour apporter des solutions à ce problème de financement du jeune entrepreneur qui veut développer son activité en Afrique.

Je voudrais vous donner simplement deux chiffres pour illustrer ce défi. Le premier chiffre, c'est 450 millions. Il y aura 450 millions de jeunes qui rentreront sur le marché du travail sur le continent africain en 2050. Et ce sont les PME qui créeront les deux tiers des emplois pour ces 450 millions de jeunes Africains.

Le deuxième chiffre, c'est 330 milliards d'euros. Ce n'est pas le déficit budgétaire français. C'est ce qui va manquer de financement pour les PME en Afrique dans les années qui viennent. Donc, il faut trouver des financements.

Les projets, je vais vous dire, il y en a plein. L'inventivité, l'Afrique en regorge, les pays africains en regorgent. Les projets, il y en a, en veux-tu, en voilà. Mais l'argent, il reste difficile à trouver pour les PME et pour les plus petites entreprises. Nous voulons donc que la France devienne la plateforme du capital investissement vers l'Afrique. Nous voulons être le pays où se rassemblent toutes les bonnes volontés, tous les investisseurs, qui sont prêts à franchir ce pas et à développer le capital investissement à destination de l'Afrique. C'est l'engagement qu'avait pris le président de la République, il y a presque deux ans, devant les étudiants de l'Université de Ouagadougou. Il s'était engagé à investir un milliard d'euros en fonds propres d'ici 2022 pour financer les PME africaines.

Et depuis, nous avons fait du chemin puisque nous avons renforcé cet engagement en lançant l'initiative Choose Africa en mars dernier, à Dakar. Je garde un excellent souvenir du lancement de cette initiative qui, là aussi, était pleine d'enthousiasme et en même temps pleine de réalisme. Au lieu d'un milliard d'euros, nous allons donc pouvoir consacrer 2,5 milliards d'euros au financement des PME africaines. 1 milliard en fonds propre, 1,5 milliard en dettes et en garanties.

C'est ce que la France apporte au financement des PME en Afrique. L'Agence française de développement, via sa filiale dédiée à ce secteur, la filiale Proparco, Business France, la BPI, sont également pleinement mobilisés pour mettre en oeuvre cet engagement.

Ce financement en dette et en garanties permettra de répondre aux limites du marché bancaire. Aujourd'hui, en Afrique, seule une PME sur cinq a accès à un financement bancaire. Bien entendu, il faut développer aussi le réseau bancaire en Afrique. Mais soyons lucides, ce sera long et ce sera difficile. Et je pense que ça ne serait pas de bonne méthode de se dire on va attendre le développement du secteur bancaire partout en Afrique avant de faire les investissements nécessaires. Nous, nous pensons qu'il faut activer le développement de ce réseau bancaire. Mais dans le même temps, arriver à développer le financement par capital investissement pour aller plus vite, car la vitesse est évidemment décisive pour répondre aux défis de l'Afrique.

Le financement en fonds propres s'est beaucoup développé durant ces dernières années, mais il est encore trop peu utilisé. C'est donc pour cela que nous avons décidé d'en faire un des piliers de notre offre de financement sur le continent africain. C'est le choix que fait la France : le développement du financement en fonds propres.

Nous avons donc demandé à l'AFD, via sa filiale Proparco, de lancer un appel à manifestation d'intérêt pour inciter les gestionnaires d'actifs français à se déployer en Afrique. J'en vois beaucoup dans la salle, donc, c'est plutôt bon signe. Ils ont répondu "présents" à l'appel. Ensuite, il faudra que l'argent vienne aussi. Il ne suffit pas de venir au ministère de l'économie et des finances, qui est déjà un effort, il faut en plus que l'argent suive. J'insiste là-dessus. Cet appel à manifestation d'intérêt permettra de sélectionner plusieurs fonds d'investissement dans lesquels, Proparco même, c'est-à-dire l'AFD, va investir, jouant ainsi un rôle d'investisseur clé et faisant profiter des investisseurs français et européens qui connaîtraient très mal le continent de son maillage local et de sa connaissance du capital investissement en Afrique. Vous voyez donc que c'est une méthode intelligente. Nous sommes pragmatiques.

Nous pensons que si vous demandez de faire du financement par fonds propres à des investisseurs privés directement en Afrique, ça ne marchera pas. Il faut un tiers de confiance. Ce tiers de confiance, c'est l'AFD. Et l'AFD va mettre à disposition son réseau, son maillage, sa connaissance des projets, pour pouvoir valider des projets et dire aux investisseurs "voilà des projets sur lesquels vous pouvez engager vos fonds". C'est, je crois, la meilleure façon de drainer le volume de capital le plus important possible vers le continent africain dans les délais que je souhaite, les plus rapides possible. Ces investissements seront donc privés, mais ils seront aussi publics pour démultiplier les investissements privés. Ils apportent aussi une sécurité supplémentaire aux investisseurs privés, parce qu'ils voient que l'investisseur public met de l'argent, cela peut aider les fonds d'investissement à franchir le pas et à débloquer les moyens nécessaires.

Voilà les quelques éléments que je voulais vous délivrer en introduction de votre rencontre. Et avant de laisser la parole à Tony, je voudrais juste ajouter un ou deux éléments qui me paraissent importants.

Le premier, c'est qu'il est indispensable que ces investissements soient aussi des investissements durables, et que nous fassions attention à ce que nos financements soient exemplaires.

Exemplaires sur la lutte contre les financements illicites, contre la corruption et exemplaire en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Vous voyez bien que financer des investissements qui accéléreraient le réchauffement climatique, alors que le continent africain est un des continents qui souffrent le plus directement, dans sa chair, du réchauffement climatique, ce serait totalement absurde. Donc nous devons veiller à ce que ces investissements soient soutenables et cohérents avec notre action climatique.

J'insiste sur un deuxième point, c'est qu'il faut que cela aille vite. Nous sommes engagés dans une course contre la montre. Une course contre la montre, dans la lutte contre la pauvreté, contre le renoncement, contre la désespérance de millions de jeunes qui se disent "il n'y a pas d'emplois chez nous, il n'y a pas d'activité, il n'y a pas de financement pour nos projets. Donc tout cela est voué à l'échec". Il faut que nous soyons capables de lutter contre cette désespérance qui peut exister sur le continent africain quand il n'y a pas de financement en face de l'ambition économique et de l'ambition entrepreneuriale. La complexité, on oublie. Les contrôles excessifs, on oublie. Les lenteurs administratives, on oublie. Et on avance vite, on avance fort, pour que le développement économique du continent africain, qui est déjà parfaitement engagé dans beaucoup de pays, ne soit pas le développement économique de quelques Etats en Afrique, mais bien le développement économique de tout le continent au service des jeunes générations.

Merci à tous et je vous souhaite un excellent succès dans vos travaux.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 novembre 2019