Texte intégral
Madame la présidente, madame la vice-présidente, mesdames et messieurs, chers amis les parlementaires, les maires, les conseillers départementaux, régionaux, élus. C'est un grand plaisir d'être à vos côtés aujourd'hui. Il y a quelques jours, nous étions effectivement avec Domaines skiables de France à Besançon, et nous avons déjà pas mal parlé des problématiques de la montagne.
Je dois dire que je ne suis pas intervenu avant dans le débat, car c'est très intéressant pour moi également de me nourrir de vos expériences, les uns et les autres, tout simplement parce qu'on a un certain nombre de travaux en cours qui vont aboutir prochainement, je vais y venir très vite, et donc avoir également vos suggestions, vos propositions, est pour nous très précieux. Je dois dire qu'en l'occurrence, sur ces sujets parfois complexes, il faut, je pense, s'en remettre à ce que j'appellerai le GBSP, c'est une méthode qui s'appelle le « Gros Bon Sens Paysan », et c'est quelque chose qui, en général, ne marche plutôt pas mal.
Cela rejoint d'ailleurs une méthode que le Président de la République nous a demandé de mettre en oeuvre dans cet acte 2 qui est basé autour de 3 mots-clés : proximité, et ce mot est revenu régulièrement ; humanité parce qu'on doit prendre en compte la situation des gens telle qu'elle est ; et efficacité parce qu'il y a besoin que les politiques fonctionnent, aient des résultats. Quand Alex MAULIN évoquait, par exemple, un certain nombre de dispositifs fiscaux qui n'avaient pas fait leurs preuves puisqu'on se retrouve 15-20 ans plus tard avec des lits froids, on doit revisiter un certain nombre de politiques.
Tout cela pour dire qu'on ne doit pas rester les deux pieds dans le même sabot parce que, certes, en France, on peut se dire « Cocorico ! », parce que nous sommes la première destination pour les touristes internationaux, mais on a vu que pour le tourisme de montagne, on a perdu une place. Les Autrichiens sont passés devant nous, et on ne peut pas se résoudre à cela.
En termes de domaine skiable, on a 8 000 kilomètres, on n'a pas loin de 400 stations, bref vous connaissez tout cela par coeur. Cela veut dire qu'on doit d'autant plus innover, vous donner les moyens de développer les activités, de les diversifier et de ce point de vue-là, l'État accompagne, crée un cadre, mais les collectivités ont encore très largement la main, cela a été rappelé puisque la compétence est ultra partagée. Cela avait été un choix, à l'époque, du Parlement lors de l'examen de la loi NOTRe parce qu'aussi tout le monde était attaché à conserver cette compétence tourisme, et je crois qu'elle peut, dans la vraie vie, pas mal s'articuler dès lors qu'il y a là aussi du bon sens.
Je pense que finalement, les départements et les régions maintenant sont assez bien coordonnés. La Région élabore un schéma régional, elle entend ce que disent les départements, on ne s'adresse peut-être pas toujours aux mêmes publics, les régions vont plutôt effectivement au grand international, les départements vont plutôt rester à l'échelle nationale ou européenne, et après on va revenir évidemment au binôme communes/intercommunalités parce que s'agissant des territoires de montagne, c'est très important.
Peut-être pour reprendre un peu ce qui a été dit, pardon d'être un peu long, mais il y a eu énormément de choses et beaucoup de richesse dans les propos. On est parti du constat et du tableau dressé par Frédérique LARDET, et d'un objectif de 100 millions de touristes internationaux, mais je veux que l'on soit très clairs, l'objectif n'est pas non plus que quantitatif, et je crois qu'il faut tout de suite se dire que le tourisme sera durable ou ne sera plus.
En réalité ce qui compte, c'est bien plus les retombées en termes de chiffre d'affaires et des dépenses faites par ces touristes plutôt que de vouloir en collectionner des dizaines de millions, mais qui dépensent peu. Parce qu'on a un souci qui est de préserver nos paysages, de préserver nos patrimoines et on le voit à l'étranger, Venise, Barcelone, etc. peuvent être soumis à une sorte de sur-tourisme et nous ne voulons pas cela. On est un grand nombre, je crois, à ne pas vouloir cette surconsommation ; ce que l'on souhaite c'est qu'il y ait une consommation raisonnable, mais qui apporte aux territoires en matière d'emplois notamment. Donc effectivement le durable doit aller de pair avec le rentable et vice-versa.
Frédérique évoquait l'observation. C'est vrai qu'on a besoin de bien observer pour, après, prendre les bonnes décisions : quel segment de marché on attaque ? Comment y va-t-on ? Comment fait-on de la promotion, etc. ? Sur l'observation, quelle n'a pas été ma surprise de découvrir qu'hélas, on est un petit peu en retard sur ce que font nos voisins, y compris espagnols. Il faut prendre garde parce qu'ils sont très efficaces dans bien des domaines en matière de tourisme. Donc, on est en train de revoir du sol au plafond le système d'observation.
Pour l'instant, l'INSEE intervient, mais on a toutes les statistiques un an plus tard. Facile pour préparer la saison d'après quand vous y êtes déjà… Donc, on est en train de revoir cela du sol au plafond - y compris avec les régions qui, pour certaines, avaient abandonné leur système d'observation - pour que l'on puisse avoir des données plus fiables et répondre à la question de travailler sur des statistiques qui permettent de prendre les bonnes décisions.
Ensuite, les sujets d'emploi ont été évoqués, c'est vrai qu'on ne peut pas s'y résoudre. À chacun de mes déplacements sur le terrain, j'entends, notamment sur le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, le problème de recrutement. Dans la montagne, on a aussi les problèmes liés aux saisonniers. On ne peut pas se résoudre à cela. Je veux tirer mon chapeau à Frédérique parce qu'elle a fait une mission formidable sur, justement, l'emploi et la formation dans le secteur du tourisme.
À la suite de son rapport, nous avons pris un certain nombre de décisions autour du Premier ministre pour, je dirais, tordre le cou à cette fatalité d'une offre et d'une demande qui ne se rencontrent pas ou, parfois même, d'un certain nombre de nos jeunes que je salue, car je crois qu'il y a des jeunes qui sont ici du lycée CHR à proximité qui, hélas, travaillent trois ans, quatre ans, cinq ans dans le secteur et après passent à autre chose.
C'est vrai que c'est très exigeant, mais en même temps je considère que ce sont des secteurs où on prend l'escalier social : vous commencez chef de rang, quelques années plus tard vous êtes cuisinier, et quelques années plus tard encore, vous ouvrez votre établissement. Il y a véritablement de belles opportunités, mais on a besoin de fidéliser ces jeunes, et donc de ce point de vue-là, on est vraiment en train de mettre toutes les filières ensemble.
Il y a un gros travail à faire pour que les différentes filières touristiques dialoguent entre elles et c'est en train de se concrétiser à travers notamment la mise en place d'un Comité de filière tourisme qui va voir le jour, et qui va faire que vraiment entre les hôteliers, les restaurateurs, l'événementiel, les remontées et autres, tout le monde va aller dans le même sens, et cela n'existait pas jusqu'à maintenant. Les territoires, naturellement, seront associés.
Tu évoquais le tourisme industriel. Tu parles d'or. Le tourisme du savoir-faire, je crois que cela fait partie de nos pépites, et c'est valable à la fois pour des EPV, ces entreprises du patrimoine vivant qui peuvent être artisanales et dont le nom, la marque est connue dans le monde entier et dont la découverte des ateliers peut également être un vecteur formidable pour attirer des touristes qui veulent découvrir l'authenticité des femmes, des hommes, un savoir-faire, et des produits qui rayonnent dans le monde entier. On est tout à fait là-dessus, et on encourage l'association nationale qui s'est structurée autour du tourisme de savoir-faire. Je les ai accueillis au Quai d'Orsay il y a quelques jours et on a un vrai plan de match.
Je peux dire que la France est pionnière, on est pionnier en Europe et on tient à garder ce côté pionnier parce que, l'un d'entre vous évoquait les visites d'une grosse infrastructure hydroélectrique, on voit que le nombre de visiteurs peut être conséquent. C'est une chose de former, c'est une chose d'employer, mais n'oublions pas les infrastructures d'hébergement. Effectivement, on n'arrivera à rien si, sur l'hébergement, on n'arrive pas à avoir une vision complémentaire. Il ne faut pas opposer le réchauffement de lits froids avec la création de nouveaux lits.
Je crois que, de ce point de vue-là, il faut être très pragmatique, et je trouve que les réflexions qui ont été mises sur la table sont très vertueuses parce que l'idée c'est finalement de faire en sorte que, quand il y a un immobilier qui sort de terre, il soit durable au sens où ce n'est pas de la découpe et qu'il y ait une pérennité dans la gestion et qu'il y ait une visibilité pour les stations, pour les communes. De ce point de vue-là, toutes les propositions faites seront étudiées par le Conseil national de la montagne, Jacqueline Gourault a dû vous le dire tout à l'heure, qui se réunira le 22 novembre dans les Vosges.
C'est pourquoi, pour préparer ce CNM, j'ai vraiment tenu à ce que, depuis un an, on travaille au sein d'une instance qu'on a créée – le Comité stratégique du tourisme de montagne - parce qu'il n'y avait pas d'instance pour y réfléchir. Chacun cogitait dans son coin. Avec Joël Giraud qui est en plus le Président de la Commission permanente et un grand nombre d'entre vous, on a pu travailler avec DSF aussi, avec l'ANSM, avec des représentants de l'ANEM et cela va préparer des décisions que le Premier ministre va prendre au CNM pour favoriser notamment les investissements en matière d'hébergement.
Une fois qu'on a un toit, qu'on a de l'accueil qu'on a des hommes et des femmes qui sont là pour faire que tout se passe bien, on a besoin de former les générations à venir. On le sait, il y a des pays qui ont réussi à remettre leurs jeunes sur les skis, je prends toujours l'exemple de la République Tchèque, ce n'est pas un hasard si les Tchèques sont très nombreux sur nos domaines skiables, parce qu'il y a vraiment eu un volontarisme du Gouvernement, un volontarisme de l'Éducation Nationale là-bas. Donc, nous devons nous en inspirer, cela fait partie des échanges réguliers que j'ai avec Jean-Michel Blanquer. Là aussi on a une mission qui vient de se terminer, donc des décisions vont arriver très vite d'ici la fin novembre. Une mission sur le tourisme pour tous, le tourisme social, a été confiée à Pascale FONTENEL-PERSONNE, qui est députée, parce que comme vous, nous ne pouvons pas nous résoudre au fait que disparaissent de plus en plus ces classes de neige, ces classes vertes. Il y a un certain nombre de freins à lever, une responsabilité très lourde qui pèse sur les épaules de l'organisateur, de l'enseignant. Il faut donc réfléchir à des garanties mutualisées.
Par ailleurs, il y a aussi les créneaux des vacances scolaires qui sont à revoir pour l'année prochaine. J'ai porté le message à Jean-Michel BLANQUER parce que les décisions sur cette année ne sont pas très favorables à la montagne avec le décalage d'une semaine. De ce point de vue-là, Jean-Michel BLANQUER m'a dit qu'il était d'accord pour revoir, en tout cas pour étudier cette révision parce qu'heureusement la décision n'a été prise que pour un an, alors qu'avant on était en trisannuel. Donc pour les années à venir, tout reste à venir et sachez qu'une réunion se tiendra prochainement avec les équipes sur ce sujet.
Était évoqué également le sujet des chiens de protection, les patous, et j'entends bien ce qui est dit. Je voulais signaler que l'Assemblée Nationale a lancé un travail, une mission qui devrait rendre ses conclusions en janvier justement avec des réflexions conduites à la Commission des affaires économiques. On y sera très attentif. Je sais qu'il y a l'aspect formation qui est évoqué, mais tout est dans tout, c'est aussi lié aux sujets loups et ours qui ont été évoqués et pour lesquels, je crois, qu'Élisabeth Borne a pris l'engagement de recevoir le Comité directeur de l'ANEM pour pouvoir travailler dessus. Je n'irai pas plus loin, parce que ce n'est pas le sujet sur lequel je suis en charge directement.
Éric BRECHE a évoqué le discours positif, oui, parce qu'effectivement on voit qu'on est challengé, qu'il y a de la concurrence, mais qu'est-ce qu'on a comme atouts quand même ! On parlait de ces milliers de kilomètres de pistes, de ces paysages, et de ces histoires, de ces sagas qui ont été construites autour des stations et que vous perpétuez en tant qu'élus. Je crois qu'on doit absolument ne pas se mettre sous Prozac parce qu'on a vraiment des atouts pour rebondir, mais à nous de créer le contexte et l'environnement réglementaire, fiscal, financier, budgétaire pour que vous puissiez avoir les outils.
Quand je parle d'environnement réglementaire ça me fait une transition avec ces sujets de loi NOTRe. Je vais vous dire, les amis, on a hérité de ça, on a hérité de loi MAPTAM, loi NOTRe, etc. Depuis dix ans, les gouvernements n'ont eu de cesse que de vouloir faire du plus c'est gros, mieux c'est. En tout cas, ce que l'on souhaite à travers la loi engagement de proximité c'est remettre de la souplesse. Je le dis aux parlementaires : « Faites-vous plaisir ! » parce que je voyais ce matin Sébastien LECORNU, nous étions au Sénat sur deux textes différents lui et moi, l'idée c'est vraiment d'être aussi sur du bon sens.
De ce point de vue-là, sur le tourisme on a mis un article 6 dans la loi qui permet de répondre, je pense, en partie à votre sujet puisque les stations classées pourront à nouveau prendre la compétence promotion du tourisme. Cela veut dire aussi, le fait d'avoir son Office, de faire sa promotion, et c'était important parce que c'était une demande et c'était au-delà d'être une demande, d'être une revendication, c'était tout simplement un problème. Tu évoquais le cas d'une station qui ne pouvait plus avoir la maîtrise de la promotion de sa destination, et je crois que l'article 6 de la loi Engagement et Proximité apporte une vraie réponse. Là aussi, si les choses vous semblent perfectibles, on est prêt à regarder. Mais c'est une réponse très concrète au sujet de la promotion qui était évoquée.
S'agissant des syndicats, parce que c'était un peu plus large aussi, c'est vrai que les syndicats, je trouve, il y a cinq-six ans on leur a trop injustement jeté la pierre. Les syndicats, cela ne coûte pas cher aux contribuables, les élus sont là, ils se donnent beaucoup de mal, que ce soit pour gérer, il fut un temps, eau ou scolaire. Je pense que les syndicats peuvent avoir un vrai rôle et peuvent être positifs en termes de gestion de deniers publics et qu'il ne faut pas leur jeter la pierre. Sur les sujets réglementaires, on est ouvert aux propositions, le texte fait la navette, il sera le 8 novembre - je le dis aux députés - je crois, en Commission et après ce sera la séance publique. Ce qui nous a guidés c'est vraiment le fait de redonner de la souplesse et d'aller vers la proximité.
Donc, je retiens de ces échanges qu'il y a cette attente d'avoir la capacité d'agir quand elle avait été enlevée. On a essayé d'y répondre à travers la loi, il y a cette attente d'avoir des outils. Là aussi, vous évoquiez le besoin d'accompagnement pour monter des projets lourds, je crois que la Banque des territoires est là, et de fait la Caisse des Dépôts s'est engagée pour 500 M€ sur cinq ans pour accompagner les projets touristiques, mais nous leur avons dit, et nous le redisons : « Cela ne doit pas seulement aller à des gros projets, cela doit également aller à des projets de taille plus modeste. »
Encore une fois j'entendais le cas où il y avait une demande autour de 400 lits. Il faut aussi répondre à cette demande-là et pas seulement être sur les trois ou quatre poids lourds du secteur. On a besoin de drainer sur l'ensemble des territoires, et c'est bien le message qu'on va leur refaire passer. En tout cas il y a quand même cet engagement de 500 M€ sur cinq ans, et je pense qu'il faut vraiment s'en emparer. Je vais vous dire, le plus simple, soyons concrets : si vous avez des dossiers sur lesquels vous avez des difficultés, je donne bien volontiers mon adresse mail parce que tout m'arrive et au moins cela me permet de pousser. Je vais vous la donner à la fin de la table ronde de telle sorte que l'on puisse au maximum vous aider, vous accompagner parce qu'il n'y a pas de mystère. Si la France est numéro 1 c'est parce qu'il y a des destinations qui attirent, et si ces destinations attirent c'est parce qu'à la base il y a des prestataires touristiques, des élus, et des professionnels qui donnent le meilleur d'eux-mêmes, qui font ce qu'ils peuvent pour avoir et maintenir ces joyaux et ces pépites.
Je ne serai pas beaucoup plus long, donc n'hésitez pas, on continue à dialoguer tout à l'heure, sinon, l'adresse mail, c'est : jean-baptiste.lemoyne@diplomatie.gouv.fr, je regarde tout.
Merci à vous.
Source http://www.anem.fr, le 22 novembre 2019