Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à France Info le 21 novembre 2019, sur les mesures du plan pour l’hôpital public, la réforme des retraites et l'alcoolémie au volant.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Agnès BUZYN.

AGNES BUZYN
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Un milliard et demi d'euros sur trois ans, des primes pour des centaines de milliers de personnels de l'hôpital, une reprise partielle de la dette, on va revenir sur tous ces sujets mais dès l'annonce quasiment de votre plan hier, plusieurs collectifs ont déjà annoncé de nouvelles mobilisations dans la rue malgré ce plan. Est-ce que pour vous ce mouvement à l'hôpital doit s'arrêter ?

AGNES BUZYN
Moi je pense que les hospitaliers attendent du concret et il faut que ce plan arrive à se décliner très rapidement dans les hôpitaux pour que les hospitaliers se rendent compte des possibilités qu'on leur offre, notamment en termes d'investissement. C'est un plan massif, c'est un plan historique pour l'hôpital. C'est la première fois qu'on propose de soulager les hôpitaux de cette dette immense qui a été accumulée parce qu'on leur a mis la tête sous l'eau avec des budgets trop faibles par rapport à leurs besoins et par rapport aux dettes qu'ils avaient pour construire de nouveaux hôpitaux par exemple. Et donc aujourd'hui on dit aux hôpitaux : « l'effort qui vous a été demandé est immense, il était trop grand depuis vingt ans » et l'Etat reprend 30 % de cette dette accumulée, dix milliards d'euros sur trois ans…

MARC FAUVELLE
Avec des effets qui pourront se faire sentir quand sur ce point-à précis de la dette ?

AGNES BUZYN
Donc sur ce point-là en 2020, dès 2020, et il faut une loi pour le faire voter donc ce sera au premier trimestre 2020, mais dès 2020 il faudra que les hôpitaux retrouvent de la trésorerie. Ça va leur permettre de réinvestir, ça va leur permettre de recruter éventuellement du personnel, ça va leur permettre de rouvrir des lits s'il y a besoin d'ouvrir des lits, ça va leur permettre de rénover des ailes, d'acheter du matériel pour les professionnels. Nous mettons sur la table, en plus de cette reprise de dette, un milliard et demi d'argent frais…

MARC FAUVELLE
Sur trois ans.

AGNES BUZYN
Sur trois ans. Qui va permettre d'abord d'augmenter les tarifs, c'est-à-dire le budget de l'hôpital. Les tarifs, c'est-ce que l'hôpital facture à l'assurance maladie pour son activité et donc l'assurance maladie va donc mieux payer les hôpitaux. Nous allons également dans ces un milliard et demi sur trois ans proposer des centaines de millions dédiés à des primes pour les personnels, des primes pour leur engagement, des primes liées à des situations particulières. Quand par exemple un professionnel travaille sur plusieurs sites, on sait que c'est compliqué, que c'est difficile ; ou alors quand certains viennent de très loin parce qu'ils travaillent à Paris ou la petite couronne ; ou lorsqu'il y a un engagement par exemple dans des coopérations entre professionnels. Donc il y a des primes d'engagement, des primes de situations particulières et des primes collectives, quand un service se réorganise par exemple.

RENAUD DELY
On voit les détails dans un instant de ces mesures, mais pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps Agnès BUZYN ? Le mouvement à l'hôpital dure depuis des mois. Pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps pour que le gouvernement réagisse de la sorte ?

AGNES BUZYN
Alors en réalité depuis mon arrivée, je travaille à sauver l'hôpital public. Parce que quand je suis arrivée, l'hôpital public avait un milliard de déficit en 2017. Un milliard, ce qui prouve bien que les tarifs étaient insuffisants. Il avait subi une baisse des contraintes depuis vingt ans, beaucoup de réformes qui l'ont beaucoup déstabilisé, des réformes de gouvernance, des réformes de tarification. Et donc j'ai fait un plan pour soulager l'hôpital qui visait à mieux organiser la médecine de ville, la médecine libérale. Parce qu'en réalité, pourquoi l'hôpital souffre ? Il souffre aussi parce qu'il est le réceptacle des dysfonctionnements du système de santé.

RENAUD DELY
Mais ce mouvement dure depuis des mois, Agnès BUZYN. Vous aviez déjà d'ailleurs annoncé des mesures il y a quelques mois qui n'avaient pas été suffisantes pour éteindre la colère des personnels. Pourquoi est-ce que le gouvernement a eu un temps de retard comme ça ? Et est-ce que ce plan-là, celui-ci, va effectivement selon vous arrêter ce mouvement ?

AGNES BUZYN
Donc il y a eu un projet de loi voté avec un plan qui s'appelle « Ma Santé à 2022 » qui vise à réorganiser la totalité du système de santé. Là-dedans il y a eu les difficultés des urgences qui sont apparues comme trop importantes pour attendre la réorganisation de la médecine de ville. Et donc nous avons rajouté cet été des mesures spécifiques pour soulager les services d'urgence. Et là, aujourd'hui, l'hôpital nous dit : « Nous ne pourrons pas tenir. » Ils ne contestent pas le cap, ils ne contestent pas le plan Ma santé 2022 : ils veulent que ça s'accélère, que ça aille plus vite, que les réorganisations et que les résultats se fassent sentir. Et donc cette accélération, nous la traduisons dans un budget qui va permettre aux hôpitaux d'attendre les deux ou trois ans nécessaires pour que la totalité de la réforme se mette en oeuvre et réussisse à sauver quelque part notre trésor national qui est l'hôpital public et auquel nous sommes extrêmement attachés.

MARC FAUVELLE
Vous avez affronté Bercy dans ce dossier ?

AGNES BUZYN
Comme tous les ministres qui défendent un budget, ni plus ni moins. C'est un plan gouvernemental, je le défends parce que c'est mon secteur, mais je dirais que chaque ministre a à défendre un budget et a à argumenter. Et Bercy me donne les moyens aujourd'hui…

MARC FAUVELLE
Mais ne vous les a pas donnés dans les deux plans précédents.

AGNES BUZYN
C'est faux.

MARC FAUVELLE
Il y avait beaucoup de redistribution de crédits.

AGNES BUZYN
Non, non. Le premier plan Ma santé 2022 comportait déjà pour 1,6 milliard d'euros d'argent frais pour accompagner la transformation du système. Pour les urgences, nous avons mis 750 millions d'euros et nous rajoutons aujourd'hui non seulement 1,5 milliard mais surtout - et je pense que c'est ça le grand message - la reprise de la dette : 10 milliards d'euros de dettes en moins pour les hôpitaux. Ils vont souffler, ils vont pouvoir réinvestir et ils vont sortir la tête de l'eau. Ça n'a jamais été fait, jamais.

RENAUD DELY
Et pour les personnels, Agnès BUZYN, il y a donc des syndicats, des collectifs de personnels hospitaliers qui réclamaient des augmentations de salaire. Vous avez annoncé des primes mais pas d'augmentations de salaire générales ce qui explique l'accueil plutôt frais de vos propositions par un certain nombre de responsables. Je vous propose d'écouter Christian PRUDHOMME qui est le secrétaire général de Force ouvrière Santé.

CHRISTIAN PRUDHOMME, SECRETAIRE GENERAL DE FORCE OUVRIERE SANTE
Nous ce qu'on demande, c'est simple, et on n'en a pas du tout entendu parler ce matin lors des annonces, c'est des lits et c'est du recrutement de personnel et augmenter l'attractivité qui repassera par une vraie rôle revalorisation salariale. Les primes, elles vont diviser les professionnels, ce n'est pas une vraie revalorisation salariale. Elles ne concerneront que Paris et la région parisienne.

AGNES BUZYN
C'est faux.

RENAUD DELY
Il y a une prime annuelle. En l'occurrence, il fait allusion à une prime de 800 euros annuels qui concerne uniquement des personnels qui travaillent à Paris et dans la petite couronne. Pourquoi ne pas avoir naturalisé cette prime ?

AGNES BUZYN
Alors il y a plusieurs centaines de millions dédiés à l'attractivité des carrières hospitalières. Plusieurs centaines de millions d'euros. Là-dedans, il y a quelques dizaines de millions d'euros dédiés à Paris et sa petite couronne en raison des suggestions particulières de ces personnels qui souvent font deux heures, trois heures de trajet, parce qu'ils ne peuvent pas se loger à Paris, et donc quelque part, nous les aidons à vivre ces situations.

MARC FAUVELLE
C'est le cas dans d'autres grandes villes.

AGNES BUZYN
Non.

MARC FAUVELLE
Aujourd'hui les prix du logement à Nice, à Lyon.

AGNES BUZYN
Non. Vous n'avez aucune grande ville où les gens font deux heures pour venir travailler. Le problème de Paris, c'est que les gens parfois habitent à Chartres, ils habitent à Valenciennes, ils habitent extrêmement loin.

MARC FAUVELLE
Parce que le logement les y a poussés, oui.

AGNES BUZYN
Parce que nous n'avons pas été aidés sur le plan du logement pour pouvoir loger les personnels. Mais Paris, ça n'est absolument pas la totalité des primes. Il y a des primes pour tout le monde. Il n'y a pas de professionnels de santé et de soignants qui ne pourra pas accéder à une prime avec ce que nous avons mis sur la table. Il y a des primes pour les aides-soignantes…

MARC FAUVELLE
Quelle es la proportion des personnels qui va toucher une prime ?

AGNES BUZYN
Ça peut aller jusqu'à 600 000 personnes voire plus. Je vous rappelle que la fonction publique hospitalière, c'est 1,2 million de personnes.

MARC FAUVELLE
La moitié environ.

AGNES BUZYN
Donc il y a beaucoup de personnels administratifs donc ceux-là peuvent être touchés par des primes collectives. Dans des réorganisations de services, ça pourrait toucher par exemple des secrétaires hospitalières. Mais il y a par exemple une prime pour les aides-soignants qui travaillent en gériatrie, ça touche 60 000 personnes. Il y a des primes pour récompenser un engagement en particulier, c'est 600 000 personnes.

MARC FAUVELLE
D'un mot, prime pérenne ou c'est juste cette année ?

AGNES BUZYN
En réalité, tout le monde va pouvoir dans tous les territoires accéder à une revalorisation qui récompense un engagement particulier ou une situation particulière.

MARC FAUVELLE
On est en retard, pardon.

AGNES BUZYN
Pardon.

MARC FAUVELLE
Mais je vous repose la question : prime pérenne ou c'est juste pour cette année ?

AGNES BUZYN
Ah non, des primes pérennes.

MARC FAUVELLE
Sur tout le quinquennat ?

AGNES BUZYN
Bien sûr.

MARC FAUVELLE
Les 800 euros, ce sera cette année, l'an prochain et 2022.

AGNES BUZYN
Bien sûr. Ce sont des primes mensuelles, sauf la prime parisienne qui est annuelle, mais ce sont des primes pérennes. (…)

MARC FAUVELLE
Agnès BUZYN, l'an dernier 4 600 lits d'hôpital ont encore fermé en France. Est-ce que c'est terminé désormais et est-ce qu'il y aura des ouvertures ? On n'a pas compris les annonces du gouvernement sur ce point hier.

AGNES BUZYN
Non, parce qu'il n'y a pas d'uniformité en réalité.

MARC FAUVELLE
Il y a un chiffre global pour toute la France d'ouvertures ou de fermetures de lits.

AGNES BUZYN
Alors c'est un peu technique mais on met en regard aussi les lits d'hôpitaux de jour que l'on rouvre. En fait il y a un changement dans les pratiques qui font que beaucoup d'actes chirurgicaux ne nécessitent plus d'hospitalisation des nuits entières à l'hôpital mais se font en ambulatoire. Et donc les lits d'ambulatoire, en fait, quand vous ouvrez un lit d'ambulatoire, ça correspond à cinq lits fermés, puisque ça prend cinq malades en charge pendant une semaine alors qu'un lit d'hôpital est en moyenne occupé trois à quatre jours. Et donc, on met en regard chiffre pas pour chiffre à égalité des lits d'ambulatoire qui, en réalité, accueillent beaucoup plus de patients et des lits d'hospitalisation pérennes. Donc les lits, il y en a qui ferment, il y en a qui ouvrent. A l'hôpital Saint-Antoine, ces dernières années on a ouvert cent lits nouveaux.

MARC FAUVELLE
Et le solde sur toute la France ?

AGNES BUZYN
Mais nous ne comptons pas comme ça parce qu'il y a des endroits où il faut ouvrir des lits. Vous avez des villes en pleine expansion, je pense à Montpellier par exemple. Vous êtes obligé de construire, vous êtes obligé d'accueillir plus de malades. Vous avez au contraire des hôpitaux où la population diminue parce que ce sont des villes parfois rurales, avec beaucoup moins de jeunes, beaucoup moins de naissances et donc vous fermez des lits parce qu'il n'y a plus d'activité. Et donc là, le plan qui est mis en place permet aux hôpitaux qui en ont besoin de recruter du personnel et d'ouvrir des lits. Et donc évidemment, il y a la possibilité pour tous les sites qui en ont besoin, et j'ai demandé d'ailleurs à tous les hôpitaux de me faire remonter leurs besoins au 1er décembre prochain parce que je veux savoir dans quels hôpitaux il y a des tensions aux urgences faute de lits. Donc je vais avoir des chiffres mais ces chiffres vont nous permettre évidemment de nous adapter, d'ouvrir des lits quand c'est nécessaire mais parfois il faut en fermer. Il faut oser dire que de temps en temps nous n'avons pas besoin de lits quand une activité se transforme.

RENAUD DELY
Il y a une autre échéance sur le calendrier social qui s'annonce prochainement, c'est l'échéance du 5 décembre pour laquelle il y a une journée de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Est-ce que vous redoutez cette mobilisation du 5 décembre ? Est-ce que c'est pour vous, selon l'expression qu'on a entendue du côté du pouvoir, un mur qui se dessine à l'horizon du gouvernement le 5 décembre prochain ?

AGNES BUZYN
Non, ça sera une mobilisation importante, nous le savons. Nous savons que ça sera une mobilisation importante puisque beaucoup de syndicats appellent à la grève.

MARC FAUVELLE
Dont vous tiendrez compte ?

AGNES BUZYN
Pardon ?

MARC FAUVELLE
Dont vous tiendrez compte ?

AGNES BUZYN
Nous verrons. En tous les cas aujourd'hui, nous discutons avec ces syndicats. Nous allons déposer une réforme des retraites qui va être rendue publique dans les semaines ou dans les mois qui viennent. Et ce que je veux dire, c'est que les Français doivent quand même réaliser que ce sont aujourd'hui des syndicats qui défendent des régimes spéciaux extrêmement déficitaires qui sont payés par nos impôts et donc ce sont des revendications très corporatistes. Ce sont des gens qui ne connaissent pas la réforme et qui juste ne veulent pas d'une réforme parce qu'ils ne veulent pas la disparition d'un régime extrêmement avantageux.

MARC FAUVELLE
Vous pensez que les cheminots ne connaissent pas la réforme ?

AGNES BUZYN
Non. Enfin, ils ne veulent même pas d'une réforme par points. Ils ne veulent pas de réforme qui vise à l'universalité c'est-à-dire au fait que tous les Français soient traités pareil. Or nous pensons, dans un projet de société et dans une France qui aime l'égalité, nous pensons que tous les Français doivent être traités pareil face à la retraite, même s'il y a des métiers pénibles et des carrières longues, il faut le reconnaître. Mais que l'esprit, c'est que nous ayons un seul système de retraite unique pour chacun d'entre nous. Et là, avant même d'avoir un texte de loi, ces régimes spéciaux font grève parce qu'ils veulent garder évidemment leurs avantages acquis.

RENAUD DELY
Pour vous, Agnès BUZYN, à la SNCF ou à la RATP par exemple, ce sont donc des revendications corporatistes, vous dites, qui s'opposent à l'intérêt général ?

AGNES BUZYN
Ce que nous expliquons dans la réforme, c'est que tous ceux qui ont acquis des droits jusqu'à la date de mise en oeuvre de la réforme, voire un peu plus puisque nous proposons des périodes de transition assez longues à partir du moment où la réforme sera mise en place, tous ceux qui ont acquis des droits et qui sont rentrés dans un système auront leurs droits totalement préservés. Je rappelle que cette réforme ne touche absolument pas les retraités actuels. Elle ne touche pas les gens qui sont à moins de cinq ans de la retraite et pour beaucoup de professions…

MARC FAUVELLE
Et pour le reste, on ne sait pas grand-chose.

AGNES BUZYN
Mais pour les jeunes, on dit simplement que les jeunes qui rentrent dans la vie active aujourd'hui, qui vont avoir des parcours beaucoup plus diversifiés, qui ne vont pas avoir de statut pérenne toute leur vie, il faut leur assurer un système de retraite qui leur garantisse une retraite correcte. Aujourd'hui nous avons un système de retraite qui valorise les statuts acquis. Et donc, nous essayons de changer un système pour faire en sorte que tous les Français accèdent aux mêmes droits. Je pense que c'est un beau projet pour une société qui vise l'égalité des droits. Et donc nous pensons que cette réforme, elle a un intérêt pour notre jeunesse.

RENAUD DELY
Vous dites donc, Agnès BUZYN, que cette réforme des retraites elle ne s'appliquera qu'aux futurs entrants sur le marché du travail.

AGNES BUZYN
Non, je… Et nous allons décider de la génération à laquelle elle va s'appliquer puisqu'il était prévu dans le rapport de Jean-Paul DELEVOYE que ce soit la génération des personnes nées après 1963. Ça peut être décalé dans le temps et c'est cela qui est en train d'être discuté évidemment…

RENAUD DELY
Mais pourquoi c'est si compliqué de décider ça ? Le gouvernement hésite ? Il y a une inquiétude quand même ? Est-ce que cette incertitude justement elle n'entretient pas l'angoisse d'un certain nombre de Français?

AGNES BUZYN
Je pense qu'il est très urgent que la réforme et que le projet soient rendus publics et connus. Donc nous sommes en train de travailler, Jean-Paul DELEVOYE va encore concerter.

MARC FAUVELLE
Il faut avancer maintenant.

AGNES BUZYN
Il y a une concertation publique, vous le savez, avec des concertations avec des citoyens en région. Nous attendons tous ces retours pour proposer un texte et je pense qu'il faudra sortir rapidement un texte sur lequel les gens pourront s'appuyer et donner un avis. Là aujourd'hui, nous avons une grève le 5 décembre qui simplement nous dit une seule chose : « On ne veut d'aucune réforme. » Ils ne disent pas : « On n'est pas d'accord avec votre réforme », ils disent : « Nous n'en voulons aucune. » Or une société doit évoluer.

RENAUD DELY
Rapidement, c'est quelle échéance ? C'est avant Noël, Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
Le Premier ministre va recevoir le rapport du Comité d'orientation des retraites ce matin. Je pense qu'il fera des annonces à l'issue de cette réception et il donnera probablement un échéancier avec des dates.

MARC FAUVELLE
Question Agnès BUZYN, est-ce que vous avez des gens autour de vous qui vapotent ?

AGNES BUZYN
Non.

MARC FAUVELLE
Non ? Bravo. Je ne sais pas comment vous avez fait.

AGNES BUZYN
J'ai dû réussir à les convaincre d'arrêter de fumer complètement.

MARC FAUVELLE
Oui. L'Inde vient d'interdire le vapotage, plusieurs pays s'interrogent après des décès. Vous diriez quoi aujourd'hui à des gens qui fument la cigarette électronique ?

AGNES BUZYN
Alors d'abord, la cigarette électronique est nettement moins nocive que le tabac. Donc il faut 1 : arrêter de fumer, trouver le moyen pour arrêter. Ça peut être les patchs…

MARC FAUVELLE
Si on n'arrête pas et si on reste à la cigarette électronique, on la pose ou on ne la pose pas ?

AGNES BUZYN
La cigarette électronique n'a pas de danger de court terme. Les décès aujourd'hui qu'il y a eu aux Etats-Unis ou en Belgique récemment sont liés à des utilisateurs qui font leur propre mélange, en mettant des produits à base de cannabis, à base de vitamine E, je crois. Bref, ce sont des mélanges qui aujourd'hui ne sont pas accessibles en France. En France si on achète un produit sur le marché, il n'y a pas ce danger mortel qu'on a vu aux Etats-Unis. Donc je dis que bien sûr, ça peut être un outil pour arrêter de fumer et il ne faut pas hésiter à l'utiliser, et je dis qu'après, et si on peut arrêter complètement le vapotage c'est encore mieux. Parce qu'on ne connaît pas la toxicité sur le long terme de produits qui sont quand même des produits qu'on inhale, et donc voilà. Ça peut être un moment temporaire dans la vie qui permet d'arrêter de fumer, donc nous ne l'interdisons pas.

MARC FAUVELLE
Voilà, on ne lâche pas la cigarette électronique pour ceux qui y sont évidemment.

AGNES BUZYN
Non. (…)

MARC FAUVELLE
Le mois sans alcool devait être organisé pour la première fois en France au mois de janvier. Je dis « devait » car plusieurs associations affirment qu'Emmanuel MACRON a renoncé à le faire. Est-ce que c'est exact ?

AGNES BUZYN
Non, c'est très différent. Là on peut réécrire l'histoire mais l'Agence de santé publique, Santé Publique France, travaille sur un certain nombre de mesures pour limiter la consommation d'alcool dont une mesure qui est ce mois sans alcool qui est proposé par des associations dans un certain nombre de pays. La campagne est en train d'être travaillée. Cette mesure n'a pas encore été validée par le ministère de la Santé, elle ne m'avait pas été proposée. Moi je suis avec sentait Santé Publique France la totalité de leur plan de prévention. La nouvelle directrice générale vient d'être nommée, elle a été nommée il y a moins d'un mois. Et donc en réalité, les équipes de Santé Publique France ont travaillé sur des campagnes qui ne sont pas encore abouties et sur lesquelles je dois prendre position mais ça n'est pas forcément ce format-là qui sera retenu.

MARC FAUVELLE
La décision n'est pas encore prise.

AGNES BUZYN
La décision…En tous les cas, ce format-là de campagne n'est pas aujourd'hui validé par mon ministère et je voudrais voir la totalité, en réalité, des actions de lutte contre l'alcoolisme pour faire un plan. Nous avons un comité interministériel dédié à la prévention en santé en février, et c'est à ce moment-là que les programmes de prévention sont validés par le gouvernement.

MARC FAUVELLE
Dans un monde idéal, Agnès BUZYN, vous seriez pour l'interdiction totale de l'alcool au volant comme l'a dit votre collègue Didier GUILLAUME avant de se faire recadrer ?

AGNES BUZYN
En réalité…

MARC FAUVELLE
Dans un monde idéal.

AGNES BUZYN
Non, en réalité ce que les gens doivent comprendre, c'est que l'alcool au volant qui tue aujourd'hui, ce sont des taux d'alcoolémie plus élevés. C'est rarement des taux d'alcoolémie…

MARC FAUVELLE
Au-dessus du seuil légal de 0,5.

AGNES BUZYN
C'est au-dessus du seuil légal. Donc le seuil légal correspond en réalité à une zone où le risque est très, très faible. Le fait de ne pas boire du tout peut être un message qui est mieux compris parfois que de boire un verre ou deux, et c'est en cela que certains prônent l'arrêt total de l'alcool au volant ou d'autres considèrent que le seuil, en fait, est correct. Ce qui compte, c'est de comprendre qu'il ne faut pas boire au-delà d'un verre pour prendre le volant ou au-delà de deux verres pour les hommes. Ce n'est pas tout à fait pareil pour les femmes et pour les hommes. Et le message de 0 alcool est parfois mieux compris, mais en réalité la zone de risque au volant elle est au-dessus de 0,5 gramme par litre. C'est là où on perd ses réflexes.

RENAUD DELY
Selon une enquête, Agnès BUZYN, publiée par UFC-Que Choisir aujourd'hui, elle révèle un vrai problème auquel se heurtent de nombreux Français. Près d'un Français sur deux, 44 % exactement dans cette enquête, n'arrivent pas à trouver un médecin traitant, un médecin généraliste. Ils se heurtent à un refus de la part de ces médecins de prendre de nouveaux patients, soit parce qu'ils disent qu'ils ont trop de patients, soit parce qu'ils sont trop près de la retraite. Lors des débats sur votre loi santé, il y avait eu un amendement présenté visant à imposer un droit opposable pour que les patients puissent avoir accès obligatoirement à un médecin traitant. Est-ce qu'il faut remettre ce sujet sur la table au vu du nombre de Français qui ne réussissent pas à avoir un médecin traitant ?

AGNES BUZYN
Alors nous avons choisi une autre méthode puisque dans la loi santé, nous avons mis en place ce qu'on appelle les communautés professionnelles de territoire. Donc ce sont tous les professionnels de santé d'un bassin de vie, tous les médecins, qui s'engagent collectivement à trouver un médecin traitant pour les Français. C'est mieux qu'un droit opposable parce que le droit opposable quand il n'y a personne, en réalité il est opposable à qui ? Donc on sait bien que se sont des droits formels. Nous, nous préférons mettre en place une organisation qui assure au Français de trouver un médecin traitant autour de chez lui…

RENAUD DELY
Ce n'est pas le cas aujourd'hui dans toutes les régions en tout cas.

AGNES BUZYN
Non, mais ça commence. La loi santé a été votée en juillet. Cette nouvelle obligation d'organisation territoriale, elle date du mois de juillet, c'est-à-dire il y a trois mois. Les communautés sont en train de se former. Il y en a eu 200 dans la dernière année qui se sont formées. Ce sont des communautés qui prennent en charge 50 000 patients, 100 000 personnes et donc il faut le temps qu'elles s'organisent sur le territoire.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Agnès BUZYN.

AGNES BUZYN
Merci beaucoup.

MARC FAUVELLE
Nous nous étions engagés à vous libérer avec quelques minutes d'avance sur l'horaire normal parce que vous avez d'autres obligations. Merci beaucoup d'être venue ce matin nous expliquer en détails, j'espère en tout cas, le plan sur l'hôpital.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2019