Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes avec Agnès PANNIER-RUNACHER qui est Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Economie et des Finances. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. J'ai une question avant de parler du fabriqué en France, des produits qui vont être exposés à l'Elysée, produits tricolores exposés à l'Elysée. Vous savez combien ici je me bats depuis toujours pour le fabriqué en France. Agnès PANNIER-RUNACHER, j'ai une question. La Fédération nationale des agents immobiliers demande la mise en place d'un fichier national recensant les locataires mauvais payeurs. Est-ce que vous êtes favorable à cette idée ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne suis pas très à l'aise par rapport à cette idée. Pourquoi ? D'abord parce que tout ce qui est fichage individuel, comme vous le savez, c'est très contrôlé en France et je pense que légitimement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par la CNIL notamment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que c'est une question de données privées et on ne sait pas très bien où circulent ces informations. Et puis quel est l'usage de ce fichier. Vous pouvez avoir un jour un incident de paiement parce que vous avez eu un problème et, franchement, vous y avez mis toute votre bonne volonté, et derrière est-ce que ça veut dire qu'à chaque fois que vous bougerez de location, on vous fermera la porte. Donc il faut, je crois, que la FNAIM précise son projet mais en l'état…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je crois qu'il y a une proposition de loi émanant d'un député de la majorité La République en Marche qui sera discuté au printemps dans le cadre d'un rapport. Il y aura un rapport qui sera rendu au printemps.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. Donc ce genre de sujet, ce n'est pas noir et blanc. Discutons-en. Je comprends très bien que les propriétaires n'aiment pas les abonnés mauvais payeurs, on peut le comprendre. Inversement il faut protéger les droits des gens et, en particulier, on sait quand on fiche…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous n'êtes pas très favorable.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous donne un exemple. Sur les défaillances d'entreprise, on a enlevé dans la loi le fait lorsque vous avez été liquidé, le fait d'avoir cette marque-là, qui fait qu'ensuite vous ne trouvez plus de financement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, c'est encore dans les systèmes d'information des banques et quelqu'un qui a eu un accident de parcours dans son parcours d'entrepreneur ne retrouve plus de financement et je trouve ça triste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je croyais que c'était le droit à l'oubli.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je croyais que le droit à l'oubli était instauré.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, sauf que vous ne l'avez plus à la Banque de France mais les informations restent dans les systèmes d'information.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les systèmes. Mais comment nettoyer ? Comment effacer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est une très bonne question et aujourd'hui, je ne sais pas y répondre et je trouve que c'est lourd pour les entrepreneurs et c'est pour ça que nous avons pris ce sujet dans la loi Pacte et c'est pour ça que nous continuons à y travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Agnès PANNIER-RUNACHER, vous êtes notre invitée ce matin. Nous allons parler de plusieurs sujets avec vous, notamment le coût de la grève à la SNCF. On est à près d'un milliard d'euros. Près d'un milliard d'euros ! (…)
- Notre invitée est Agnès PANNIER-RUNACHER, Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Economie et des Finances. Merci d'être avec nous ce matin. Près d'un milliard d'euros, c'est ce que vont coûter les grèves à la SNCF. Vous confirmez ? Enfin, c'est le président de la SNCF qui donne les chiffres. Un milliard d'euros. Comment faire, qui va payer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous connaissez la réponse. Il va falloir que la SNCF trouve les moyens de rééquilibrer ses comptes. Je trouve très étonnant qu'on découvre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le voyageur qui va payer, quoi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le voyageur ou on va rogner sur les marchés, etc. Je trouve très étonnant qu'on découvre qu'une grève, ça coûte. Allez interroger les commerçants, allez interroger les artisans. Moi je les ai eus au téléphone encore hier, ils n'en peuvent plus. Ils ont perdu, ils ont donné les chiffres, plus de 3% de chiffre d'affaires. Les grandes surfaces, juste sur le mois de décembre, 12% sur une semaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Essentiellement en Ile-de-France.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Essentiellement en Ile-de-France.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Même 90 % des demandes d'aide viennent de Paris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
90 % des demandes d'aide viennent de Paris.
AGNES PANNIER-RUNACHER
87 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
87 % viennent de Paris. Les aides que vous allez apporter.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les aides que nous apportons en ce moment. Nous sommes en train de nous déployer sur Paris. On fait rue par rue, on va au devant des commerçants grâce à la Chambre de commerce et d'industrie, grâce à la Chambre des métiers, et puis il y a des fédérations qui organisent des réunions spécifiques pour que les commerçants puissent venir, parce que l'important aujourd'hui, c'est qu'ils se saisissent de ces dispositifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'impact de ces grèves sur la croissance française ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Difficile à établir aujourd'hui parce qu'on ne sait jamais s'il y a du report, du report d'abord géographique ou du report dans le temps. Mais effectivement, vous avez les chiffres de la SNCF, vous avez les chiffres des commerçants. Les restaurateurs ne rattraperont pas les repas qui n'ont pas été servis, c'est clairement aujourd'hui le secteur le plus touché à Paris, là où l'hôtellerie retrouve des couleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
0,1 ? 0,2, l'impact ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans ces eaux-là. 0,1. c'est quand même deux milliards cinq donc ce n'est pas l'épaisseur du trait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
0,1, vous pensez, autour de 0,1. Bien, Agnès PANNIER-RUNACHER, j'ai une autre question à vous poser. Je voudrais que nous parlions des constructeurs automobiles. Je vais un peu vous surprendre, pourquoi ? Parce que les chiffres tombent et ça ne va pas très fort pour les constructeurs français. PSA… Je n'ai pas encore les chiffres de RENAULT, ils doivent tomber là, je pense incessamment. Vous les avez peut-être, les chiffres de vente de RENAULT en 2019 ? Vous les avez ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas encore. Ils vont tomber là. En tout cas, PSA a vendu 10 % de voitures en moins dans le monde. Inquiétant ou pas pour l'automobile ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est la situation des marchés. Le marché américain est en recul, le marché chinois est en fort recul. C'est pour cela que le 2 décembre dernier nous avons réuni la filière automobile, précisément pour préparer l'année 2020. Parce que nous, nous pensons que ça va être une année compliquée, compliquée parce que les marchés sont en dégradation. Le marché américain en règle générale, vous fabriquez beaucoup aux Etats-Unis mais ce n'est pas très bon. Le marché chinois, RENAULT a des usines en Chine. Mais sur le marché européen, on voit les chiffres des fabricants allemands aussi, ils ne sont pas bons. L'automobile en Allemagne est en difficulté. Donc nous avons un plan de 50 millions d'euros pour accompagner en particulier la sous-traitance. Nous avons missionné Hervé GUYOT qui a fait trente ans de sa carrière, quarante ans de sa carrière dans l'automobile pour nous faire des propositions sur la compétitivité de la filière automobile, mais également sur les relations donneurs d'ordres-sous-traitants pour passer de la meilleure façon ce moment qui n'est pas forcément évident. Après, la France elle a des atouts. La fusion PEUGEOT-FIAT, ça renforce ce groupe-là. RENAULT est en train de retravailler sur son alliance plutôt dans le bon sens. Je salue le travail mené par Jean-Dominique SENARD, donc il faut aussi regarder le verre à moitié plein.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Et puis mettre en valeur les produits français.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous faites puisque vous exposez des produits français à l'Elysée. Combien ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
120 produits.
JEAN-JACQUES BOURDIN
120 produits que vous avez sélectionnés.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Que nous avons sélectionnés avec un jury.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un jury.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Avec un jury. Avec Arnaud MONTEBOURG, avec Yves JEGO, avec députés, sénateurs, patrons d'entreprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est à fond derrière, je vous le dis tout de suite, Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et vous avez bien raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je n'ai pas d'états d'âme avec ça. Je suis à fond et je l'ai dit à Arnaud MONTEBOURG, je l'ai dit à Yves JEGO, je vous le dis. On est à fond derrière : acheter français ! Parce que les Français hésitent encore. Pour 57 % des Français, le prix est un frein à l'achat d'un produit français mais ce n'est pas vrai. Le prix aujourd'hui n'est pas plus cher. Le prix d'un produit français à peine plus cher.
AGNES PANNIER-RUNACHER
A peine plus cher car c'est la qualité, la durabilité du produit qui compte. C4est-à-dire que si vous achetez un tee-shirt à 5 euros et qu'il dure un mois, il vaut mieux acheter un tee-shirt à 20 euros qui dure dix ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le calcul est vite fait. Et on a aussi des pépites cachées sur le territoire, on a des entreprises incroyables qui exportent. J'étais hier chez COTTEN. Donc COTTEN, c'est le ciré. C'est le ciré jaune, c'est breton. On se dit : "Bon, ce n'est pas très intéressant." Dans ce ciré-là, vous avez des brevets. COTTEN, c'est le ciré pour madame tout-le-monde mais c'est aussi le ciré pour les pêcheurs dans le monde entier. C'est aussi le ciré pour les agriculteurs dans le monde entier et c'est près de 50% d'exportations. Voilà le type d'entreprise qui ne cesse de recruter, qui ne cesse de créer de l'emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils pourraient fabriquer des gilets jaunes aussi, remarquez ! Parce que c'est presque la même matière, pourquoi pas.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est joyeux, le jaune.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est beau le jaune.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est beau le jaune. C'est le soleil sous la pluie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le soleil sous la pluie, oui. Mais COTTEN, il y a d'autres entreprises. Tout à l'heure, reportage dans le journal d'une entreprise française qui fabrique des brosses à dents.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a rapatrié, relocalisé la fabrication de brosses à dents à la fois avec du plastique recyclé et en bois.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Formidable !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc on a à la fois voulu mettre des produits d'usage courant qu'on utilise tous, pour montrer que nous, individus, on pouvait acheter français. Et puis en même temps, on voulait des produits dont on n'imagine pas qu'on peut les produire dans le Cantal. C'est une machine. C'est une machine à mesurer les colonies bactériennes dans le Cantal. Alors les journalistes vous disent : "Incroyable !", mais il faut aller sur le territoire, il faut aller voir ces pépites cachées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, je suis bien d'accord.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez des entreprises de taille intermédiaire incroyables et tout ça c'est dans une séquence plus générale où on veut montrer qu'aujourd'hui on est capable de mener cette reconquête industrielle. On réunit à Versailles lundi 200 chefs d'entreprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
500 dirigeants. Combien ? 500 ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
200 étrangers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, 200 étrangers, voilà.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà. 200 étrangers à qui on va montrer qu'on est capable de fabriquer en France. Nos performances, on est le premier pays d'accueil de projets d'investissements étrangers en France pour l'industrie. Pour l'industrie. Deux fois plus que les Allemands.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que les entreprises étrangères veulent investir en France.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ? Alors qu'il y a des grèves, alors qu'il y a les Gilets jaunes, mais pourquoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils veulent investir en France d'abord parce qu'en termes d'environnement, nous avons réussi avec la politique du gouvernement à rééquilibrer notre compétitivité par rapport aux autres grands pays avec qui on est en compétition : l'Allemagne, ce type de pays. Ça, c'est le premier élément. Le deuxième élément, c'est qu'en France il y a des ingénieurs incroyables. Les gens nous disent que la qualité de la formation est remarquable, et notamment nous avons des gens qui sont créatifs, et ça c'est très important aujourd'hui en particulier quand on déploie l'usine du futur. On a besoin en fait non seulement d'avoir des ingénieurs mais des techniciens et même des opérateurs qui soient capables de prendre des initiatives. Et ça c'est quelque chose qui est très français et qui est très valorisé. Et puis on a, c'est ce que je dis des pépites cachées c'est-à-dire qu'on a de l'innovation. On a des entreprises qui ont un coût du travail plus élevé que dans la plupart des autres pays, qui ont des exigences environnementales plus élevées que dans la plupart des pays et qui, malgré tout, exportent à l'international. Donc ça montre bien qu'aujourd'hui, on est capable de recréer de l'emploi industriel et on le fait. 27 000 emplois industriels recréés depuis le début du quinquennat. (…)
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un livre "Les voraces", écrit par l'un de nos confrères Vincent JAUVERT dénonce les dérives de la Haute Fonction publique sous Emmanuel MACRON. Le niveau de revenus des très hauts fonctionnaires, les cumuls et les conflits d'intérêts. Expliquez-nous.
NICOLAS POINCARE
Alors commençons par l'opacité des revenus. Les salaires de ces très hauts fonctionnaires ne sont pas de publics parce qu'ils ont finalement échappé de justesse à l'obligation de déclaration de leur fortune et de leurs revenus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un peu dommage ça, non, Agnès PANNIER-RUNACHER ? Que les salaires des hauts fonctionnaires ne soient pas publics.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Est-ce que les salaires des…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, on est dans le privé, pardonnez-moi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ne me renvoyez pas ça parce que là je suis très clair. Moi je travaille dans le privé et je n'ai pas à donner mon salaire. Quand vous travaillez dans le public, vous êtes au service du public.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non mais vous avez des règles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont les impôts qui payent le salaire du public. Moi, ce ne sont pas les impôts.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez des règles du jeu dans le public. Moi je veux juste dire une chose : il y a eu une amélioration singulière de l'exemplarité dans le public sur la transparence, sur la rationalité des salaires. Et je trouve assez dangereux d'alimenter la chronique sur ces sujets-là. Je prends des exemples. Les députés en arrivant de La République en Marche, ils ont d'eux-mêmes - personne ne leur avait demandé - changé leur système de retraite. Ils ont vissé tout ce qui était, comment dire, frais etc.
NICOLAS POINCARE
Non mais je ne parlais pas des élus. Je m'apprêtais à parler des hauts fonctionnaires.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les hauts fonctionnaires. Il y a vingt ans dans les cabinets, vous aviez des enveloppes avec de l'argent… qui fonctionnait. Ça n'existe plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, heureusement.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout est vissé. Tous les éléments sont transparents. Donc laisser à croire que des gens qui, dans la Fonction publique, sont en train de… Parce que là vous dites "sous Macron" : il y a une amélioration drastique de cette économie-là et une amélioration drastique de la transparence. Regardez il y a vingt ans. Il faut parler de ce qui est positif, il faut parler de ce qui marche dans ce pays. J'insiste parce que lorsque vous êtes fonctionnaire, à un moment vous vous dites : "C'est vraiment désespérant parce que je suis toujours la mauvaise personne. C'est-à-dire je ne fais jamais assez bien."
NICOLAS POINCARE
Je n'ai pas commencé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, attendez, Nicolas ! On ne va pas des ministres parce que ça, c'est déclaré. C'est officiel. Mais les hauts fonctionnaires, on ne sait pas. Certains hauts fonctionnaires cumulent. Parlez-moi de ceux qui cumulent.
NICOLAS POINCARE
Alors commençons si vous voulez par ceux qui cumulent parce que, effectivement, les hommes politiques n'ont pas le droit d'être député et maire, sénateur et président de conseil départemental. Les hauts fonctionnaires, eux, ont le droit. Par exemple le maire de Toulouse Jean-Luc MOUDENC est aussi haut fonctionnaire à Bercy. Il est au contrôle général économique et financier. Vous connaissez bien Bercy, c'est ce qu'on appelle là-bas le cimetière des éléphants. Il gagne donc 6 000 euros net comme maire de Toulouse, ce qui n'a rien de scandaleux, et 8 000 euros comme fonctionnaire soit 14 000 euros net. C'est plus que le président de la République. Autre exemple Hervé GAYMARD, président du département de la Savoie et administrateur hors classe au ministère des Finances. Il gagne 4 508 euros comme élu et 7 850 euros comme fonctionnaire. Et le cas d'Hervé GAYMARD est intéressant parce qu'il a été ministre des Finances puis il redevient employé de ce même ministère, et il a longtemps aussi été député. Et pendant sa carrière politique, quand il était donc ministre et député, il était en détachement. Alors qu'est-ce que c'est qu'un détachement ? Ça, c'est intéressant. C'est la différence entre détachement et disponibilité. Vous devez connaître ça très bien. Quand vous êtes en détachement, vous n'êtes pas payé mais votre carrière se poursuit. C'est-à-dire que vous gravissez les échelons de l'administration à l'ancienneté et vous marquez vos points retraite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je m'arrête là. Donc impossible dans le privé. Continuez.
NICOLAS POINCARE
Hervé GAYMARD donc avait quitté la Fonction publique pendant 24 ans, eh bien il est revenu avec le plus haut grade : administrateur hors classe. Et c'est comme ça aussi que Jacques CHIRAC par exemple ou François HOLLANDE ont pu toucher une retraite complète de conseiller à la Cour des comptes, alors qu'ils n'avaient quasiment jamais mis les pieds de leur vie à la Cour des comptes. Quand il est à l'Elysée, François HOLLANDE était fonctionnaire de la Cour des comptes détaché à la présidence de la République. Détaché comme président et donc il se préparait deux retraites complètes. Voilà quelques-uns des scandales qui sont…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a aussi la question des hauts fonctionnaires qui font des allers-retours entre le privé et le public.
NICOLAS POINCARE
Voilà, en monnayant dans le privé leur carnet d'adresses parfois souvent à la limite du conflit d'intérêts. On appelle ça le pantouflage : quand on quitte l'administration pour aller dans le privé, et le rétro-pantouflage quand on revient du privé dans le public. Et l'exemple vient d'en haut puisque Emmanuel MACRON c'est un rétro-pantoufleur. Il a été inspecteur des finances puis banquier puis il est revenu à Bercy. Edouard PHILIPPE, il a été conseiller d'Etat puis lobbyiste pour AREVA puis retour dans le public. Vous êtes vous-même aussi citée, Agnès PANNIER-RUNACHER, comme pantoufleuse, rétro-pantoufleuse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, vous êtes rétro-pantoufleuse ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors c'est très intéressant. Je suis passée donc du public. Mon premier pantouflage, c'est au FSI. Le FSI, c'est une structure 100% publique et je me suis mis en disponibilité de manière à ce qu'il n'y ait pas d'écart entre les personnels qui venaient du privé et moi. Pour qu'on soit tous sous structure privée.
NICOLAS POINCARE
Et après vous partez à LA COMPAGNIE DES ALPES.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. Après je pars chez FAURECIA. Je peux vous assurer que chez FAURECIA où je développe des panneaux de porte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans l'automobile.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans l'automobile. Où je projets non pas dans l'automobile où je développe des panneaux de porte pour des clients étrangers, il est assez peu probable que j'ai eu à monnayer mon carnet d'adresses. En revanche, je vais ensuite à LA COMPAGNIE DES ALPES où j'ai multiplié au passage par trois les résultats de LA COMPAGNIE DES ALPES en six ans dans une structure…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les stations de ski.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et les parcs de loisirs, les parcs de loisirs qui ont nourri cette croissance. Et je reviens en sacrifiant 80 % de mon salaire comme ministre et en utilisant les compétences que j'ai construites. Je ne suis pas sûre aujourd'hui que je travaille pour LA COMPAGNIES DES ALPES puisque de fait, j'ai demandé explicitement à ne pas avoir à toucher à aucun sujet qui concerne LA COMPAGNIES DES ALPES.
NICOLAS POINCARE
C'est ce qui s'appelle être obligé de se déporter et donc vous êtes effectivement secrétaire d'Etat à l'Economie obligée de déporter lorsqu'il est question de LA COMPAGNIE DES ALPES, du secteur des parcs et loisirs, des sociétés de remontées mécaniques, des tours opérateurs, de l'hôtellerie, de la restauration, de la compagnie BOURBON & ELIS parce que vous en avez été administratrice et de la société ENGIE parce que votre mari y travaille. Ce qui n'a rien d'illégal, c'est juste, voilà, on précise qu'effectivement quand on fait des allers retours public-privé, qu'on se retrouve ministre - ce qui est votre cas - avec plein de domaines dont on n'a pas le droit de traiter.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pas beaucoup de domaines.
NICOLAS POINCARE
Je viens de faire la liste. Ça en fait quelques-uns.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le tourisme, il se trouve que c'est dans le portefeuille de Jean-Baptiste LEMOYNE, donc je me déporte d'un truc qui n'est pas dans mon portefeuille. Et s'agissant des trois compagnies, LA COMPAGNIE DES ALPES, je vous rassure. On a eu un contact avec le ministère des Finances une fois en six ans, et encore pour une précision sur une réglementation, donc il faut aussi savoir raison garder. L'économie c'est beaucoup plus que ce que vous citez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. En tout cas « Les voraces », c'est le livre de Vincent JAUVERT. Merci dans tous les cas d'avoir accepté de venir nous voir et répondre franchement à ces problèmes-là. Problème ou pas problème.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas problème. Vous voyez, c'est… Voilà, en application pratique en fait c'est hyper cadré.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les hauts fonctionnaires qui devraient donner leurs revenus, moi je trouverais ça normal.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dirais les fonctions. On devrait donner les revenus des fonctions. Ce n'est pas madame Michu, c'est les fonctions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les revenus des fonctions.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis d'accord.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 janvier 2020