Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à France Culture le 6 septembre 2019, sur la politique de la formation et de l'apprentissage.

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Média : France Culture

Texte intégral

GUILLAUME ERNER
Bonjour Muriel PENICAUD, vous êtes ministre du Travail, merci d'être là, nous avons beaucoup de choses à évoquer avec vous, la réforme de l'assurance chômage, la réforme des retraites, et puis un chantier, un chantier que vous avez ouvert, celui des inégalités salariales. Depuis le 1er septembre la loi impose aux grosses PME, qui emploient entre 250 et 1 000 personnes, de publier un index de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, les mauvais élèves auront 3 ans pour rectifier le tir. Quelle est votre intention au travers de cette loi, Muriel PENICAUD ?

MURIEL PENICAUD
C'est une loi qui a juste 1 an, 1 an et 1 jour, puisque c'était le 5 septembre de l'année dernière, et dans cette loi il y avait trois objets principaux, la réforme de l'apprentissage, on est en plein boom là-dessus, le compte formation, que chacun des Français va avoir, ça c'est fin novembre, on aura l'occasion d'en reparler, et puis l'égalité hommes/ femmes. Pourquoi ? Le président a choisi, pour la grande cause du quinquennat, l'égalité entre les femmes et les hommes, donc, Marlène SCHIAPPA, qui est secrétaire d'État, anime transversalement ce sujet, et puis chaque ministère peut faire sa part, et en tant que ministre du Travail, pour moi c'est évident qu'il fallait aller sur l'égalité des chances en termes de salaire et de carrière. Depuis 46 ans, 46 ans, on avait une loi qui disait les femmes et les hommes devraient être payés pareil, bien sûr, il y a eu plusieurs lois qui l'ont dit, mais ça ne marchait pas. On avait, on a encore, 9% d'écart, pour le même poste, entre les femmes et les hommes, en moyenne, 25% d'écart sur la carrière, parce qu'elles ne font pas les mêmes carrières, elles n'ont pas les mêmes promotions, et du coup 37% d'écart à la retraite, c'est profondément injuste, c'est inacceptable, pour les femmes, mais on a vu aussi que les entreprises les plus performantes ce sont celles qui sont les plus égalitaires. Donc, on a travaillé pendant 4 mois avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, on a testé, pour faire quelque chose de très pragmatique, qui est quoi ? Un, les entreprises ont une obligation de résultat, deux il y a un index qui permet de la calculer, il faut savoir où on en est, trois il est transparent, ça veut dire que c'est sur votre site, vos salariés le savent, vos clients le savent, les femmes et les hommes qui veulent rentrer chez vous, qui postulent, eh bien ils savent si vous êtes une entreprise un peu du 19e siècle ou du 21, et derrière les contrôles et sanctions. Alors, ça sera pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés, pour les plus de 1000 c'est depuis le 1er mars, les plus de 250 c'est depuis le 1er septembre, et au 1er mars prochain ça sera pour les plus de 50 salariés.

GUILLAUME ERNER
Et aujourd'hui on sait, Muriel PENICAUD, que 16% des entreprises sont en alerte rouge du point de vue de l'égalité salariale, qu'est-ce que vous allez leur demander à ces entreprises ?

MURIEL PENICAUD
D'abord il n'y en a que 3, 4% qui sont à l'égalité complète, dans le pays, donc toutes les entreprises ont à progresser, et puis il y en a certaines qui sont alerte rouge, c'est le cas de RADIO FRANCE d'ailleurs, qui a du coup décidé de prendre des mesures importantes, donc je dis pour les femmes salariées sur RADIO FRANCE vous devriez voir quelque chose l'année prochaine, ou cette année…

GUILLAUME ERNER
Voilà, c'est dit.

MURIEL PENICAUD
Mais ça sert à ça, parce que beaucoup d'entreprises ne savent pas qu'elles discriminent, c'est plein de microdécisions, moi je ne connais pas beaucoup de chefs d'entreprise, enfin je n'en connais pas personnellement, qui disent “oui, on va moins payer les femmes.”

GUILLAUME ERNER
Tu vois la directrice de FRANCE CULTURE, qui est en régie…

MURIEL PENICAUD
Voilà, donc je parle à toutes les femmes, et aux hommes de RADIO FRANCE…

GUILLAUME ERNER
…Prendra les mesures qui s'imposent.

MURIEL PENICAUD
Voilà, et le fait d'avoir quelque chose qui est simple, il y a cinq critères, tout d'un coup on voit la photo, et on se dit “mais là on n'est pas bon”, on voit tout de suite où on peut aller corriger. Donc c'est en même temps une obligation, par la loi, mais aussi c'est un outil pratique, on l'a voulu comme un outil pratique, qui permet aux entreprises de corriger rapidement. Et puis comme c'est transparent, ça permet d'avoir le dialogue social, ça permet d'avoir le dialogue avec ceux qu'on recrute, ça permet à l'opinion publique de s'en saisir, donc évidemment le côté réputation compte aussi, et d'ailleurs les entreprises les meilleures commencent à dire “on des meilleurs employeurs.”

GUILLAUME ERNER
Ah mais alors, vous allez seulement faire ce qu'on appelle du “shaming” maintenant, vous n'allez pas… le “shaming”, juste pour traduire, c'est faire honte à ceux qui ne respectent pas un certain nombre de règles, donc là en l'occurrence l'égalité salariale. Pourquoi, tout simplement, ne pas donner des sanctions, Muriel PENICAUD ?

MURIEL PENICAUD
Vous savez, un truc qui n'a pas marché pendant 46 ans, une loi qui n'a pas été appliquée pendant 46 ans il faut vraiment changer d'approche, et donc on a, j'allais dire on a tout. On a l'obligation de résultat, qu'on n'avait pas avant, deux il y a un index qui permet de savoir où on en est, trois il est transparent, donc il y a des sujets de réputation interne et externe, quatre il y a des contrôles, toutes les entreprises vont être contrôlées par l'Inspection du travail, et cinq il y a des sanctions pour celles qui ne progresseront pas. Alors, celles qui ont moins de 75 points sur 100, c'est celles que j'appelle en “alerte rouge”, là elles doivent corriger d'emblée, mais les autres elles doivent progresser aussi ! Le but c'est 100%, ce n'est pas 75.

GUILLAUME ERNER
La formation, c'est l'autre grand chantier. Alors, une réforme importante, qui est censée tenter de remédier à tous les défauts d'un système qui coûte extrêmement cher aux Français et qui donne des résultats très mesurés, j'utilise un euphémisme Muriel PENICAUD. Quels sont les principaux de la réforme que vous êtes en train de mettre en place sur la formation ?

MURIEL PENICAUD
Alors, sur la formation, il y a deux volets principaux. Il y en a un qui est de donner le pouvoir, à chacun, de pouvoir choisir sa formation professionnelle, parce que les métiers changent, les métiers évoluent beaucoup, il y a un métier sur deux qui va être profondément transformé dans les 10 ans. Et puis il y a aussi beaucoup de gens, ils n'ont pas envie de faire le même métier toute leur vie, ils vont pouvoir se reconvertir, pas forcément parce qu'ils sont obligés, le dos au mur, parce que leur métier change ou disparaît, mais parce qu'ils ont envie de faire autre chose, et que moi je crois profondément que quand on fait un travail qu'on aime, parce qu'on l'a choisi, parce que c'est passionnant, eh bien d'abord le travail a encore plus de qualités, mais ça fait du sens. Et donc pour ça, on a créé un droit dans la loi, qui est que chaque personne active, en France, aura, chaque année, 500 euros, crédités sur un compte, “mon compte formation”, 800 euros si il ou elle n'a pas de diplôme, et pourra choisir dans toute la palette de formations.

GUILLAUME ERNER
Alors c'est plafonné quand même !

MURIEL PENICAUD
Au bout de 10 ans, donc on peut aller jusqu'à 5 000 ou 8 000 euros, et si on les utilise le compteur recommence, et donc ça continue toute la vie professionnelle. Et, fin novembre, 33 millions de personnes…

GUILLAUME ERNER
Est-ce que ce n'est pas plafonné un peu bas, Muriel PENICAUD, parce qu'il faut que les auditeurs sachent que, bien souvent, les journées de formation, comme il s'agit d'un marché captif, sont vendues à des prix démesurés…

MURIEL PENICAUD
Oui, mais ça va réguler un peu le marché, parce que tout va être transparent. Parce que, qu'est-ce qui va se passer en novembre…

GUILLAUME ERNER
Parce que, aujourd'hui une journée de formation ça peut aller jusqu'à 1 000, 1 500 euros, on a les prix les fantaisistes…

MURIEL PENICAUD
Oui, mais là on parle des formations qualifiantes, qui aboutissent à un diplôme, à un “TRIT” (phon), à une certification, là on est à quelques milliers d'euros…

GUILLAUME ERNER
Ça veut dire que quand on est à 5 000 euros pour se former, et tous les 10 ans, ça ne fait pas grand chose si le prix de la formation…

MURIEL PENICAUD
Non, mais c'est en plus de ce que font les entreprises, mais la plupart des formations, en moyenne, sont entre 2 et 3 000 euros, les formations avec des diplômes au bout, donc en allant jusqu'à 5000, on pourra le faire plusieurs fois dans sa vie, et c'est en plus de ce que font et doivent faire les entreprises. Mais, fin novembre, qu'est-ce qui va se passer ? C'est que chacun, 33 millions de personnes, auront leur compte, et ils auront, sur leur appli, toute l'offre de formations. Vous voulez faire chauffeur routier à Montargis, ou informaticien à Orléans, vous aurez toutes les informations et vous pourrez choisir, être conseillé et payer en ligne. Ça on est le premier pays au monde à le faire, il y a Singapour qui fait quelque chose de similaire, en général ils sont assez bons aussi sur la formation, et je peux vous dire que j'étais au G20, c'est-à-dire les ministres du Travail et de l'Emploi des 20 pays les plus importants dans le monde, la semaine dernière, tout le monde suit ça avec intérêt, on va être copiés si ça marche. Moi je crois que ça marchera parce que…

GUILLAUME ERNER
Alors, on sera peut-être copiés là-dessus…

MURIEL PENICAUD
Mais je crois que ça donne un droit aux gens.

GUILLAUME ERNER
Mais il y a un point sur lequel on ne sera pas copiés, ce sont les fromages que constitue la formation, parce que c'est pour ça que ça ne marche pas. Il faut que les auditeurs qui ne le savent pas le sachent, en fait le marché de la formation il est aujourd'hui constitué de fromages, des gens vivent très très bien là-dessus, on dit aussi que ça peut contribuer à financer indirectement les syndicats, c'est vrai ou pas, Muriel PENICAUD ?

MURIEL PENICAUD
Non, ça c'est faux, ça a été réglé il y a plusieurs années, et donc ça c'est complètement faux.

GUILLAUME ERNER
Ça, c'est réglé, les fromages…

MURIEL PENICAUD
C'est réglé, les syndicats, patronaux et syndicats d'ailleurs, ont un financement qui est fléché dans la loi, et là il n'y a plus de problème. La formation il y a de tout. Alors justement, en même temps, dans la loi on régule la qualité de la formation, comment ? premièrement en certifiant tous les organismes, c'est-à-dire que pour être sur des fonds mutualisés, c'est-à-dire collectifs, ou d'État, ou de collectivité territoriale, il faudra être certifié, donc on va mettre en place une certification des organismes de formation, qui n'existait pas en France, on peut créer un organisme de formation sans aucune autre forme de…

GUILLAUME ERNER
Enfin il fallait quand même avoir, jadis, un label d'État pour pouvoir être…

MURIEL PENICAUD
Non, pour être organisme de formation, non, non.

GUILLAUME ERNER
D'utilité publique, il fallait…

MURIEL PENICAUD
Non, non, non…

GUILLAUME ERNER
Donc n'importe qui pouvait le faire…

MURIEL PENICAUD
Oui, mais après il faut avoir des clients, il faut quand même…

GUILLAUME ERNER
Et aujourd'hui France compétences…

MURIEL PENICAUD
Alors, c'est France compétences, qu'on a mis en place dans la loi, qui va…

GUILLAUME ERNER
Cet organisme que vous souhaitez créer.

MURIEL PENICAUD
Qui va chapeauter tout ça, et donc qui va organiser la certification des organismes de formation, par des organismes certificateurs - je rentre pas dans la technique, ce n'est pas important – et la deuxième chose c'est que tout va être transparent parce que, moi je vais être sur mon compte formation et puis je vais chercher une formation, j'aurai le comparatif de tous les organismes qui font dans le même domaine, je pourrai comparer la qualité, les coûts, ce qu'en ont pensé ceux qui l'ont utilisé, quels ont été les résultats, donc je pense aussi que le citoyen il va contribuer à cette régulation par les choix qu'il fera, alors ça c'est le premier volet formation. Et puis l'autre grand volet c'est l'apprentissage, et là on est en plein décollage.

GUILLAUME ERNER
Alors là vous êtes satisfaite, Muriel PENICAUD, du nombre record d'apprentis avec, dites-vous, un volet extrêmement important là-dedans pour faire en sorte qu'il y ait de plus en plus d'apprentis en France.

MURIEL PENICAUD
Alors, je pense que c'est une bataille essentielle, pourquoi ? c'est une bataille pour que les jeunes aient un avenir, aujourd'hui on est un des pays d'Europe qui a le plus fort taux de chômage des jeunes, et d'ailleurs les pays qui en ont le moins, en général, ils ont un apprentissage très développé, parce que l'apprentissage c'est une voie d'excellence, d'insertion, on peut choisir des métiers passions, et où les résultats pour trouver un travail c'est les meilleurs. Mais on souffrait, on souffre encore, depuis des décennies, d'une image qui pour moi est fausse, sur l'apprentissage. Vous savez, en France, depuis très longtemps on sépare la tête et les mains, en gros, les études intellectuelles c'est bien, le travail manuel c'est moins bien, on vise comme ça depuis des décennies. Ce n'est pas vrai dans tous les pays, c'est particulièrement marqué en France, et je pense que c'est une erreur. D'abord parce que, j'étais encore hier dans le Maine-et-Loire, j'ai visité mon 37e CFA, que ce soit les Maisons familiales rurales…

GUILLAUME ERNER
Centres de formation des apprentis.

MURIEL PENICAUD
Les Centres de formation des apprentis, pardon, les Maisons familiales rurales, les Compagnons du devoir, les Chambres de métiers, qui font un tiers des apprentis, enfin des jeunes passionnés par leur métier. J'étais à Kazan il y a 15 jours avec nos champions du monde ; est-ce que vous savez que le champion du monde de menuiserie, dans les jeunes, eh bien il est Français, il a 22 ans, et il vient d'avoir la médaille d'or des championnats du monde de l'apprentissage et des métiers, que la France va organiser en 2023 ; mais je pense qu'on a un prisme mental. Là je voudrais dire qu'il faut vraiment qu'on change de logiciel, pas simplement parce que c'est efficace, c'est efficace l'apprentissage, mais parce qu'on se trompe, on se trompe depuis longtemps. Je vais citer Stanislas DEHAENE, qui est professeur au Collège de France, membre de l'Académie des sciences, président du Conseil scientifique de l'Education nationale, et une autorité reconnue en sciences cognitives, c'est-à-dire les sciences de, comment le cerveau marche et comment on apprend. Qu'est-ce qu'il dit ? il dit, enfin il écrit : “les sciences cognitives démontrent qu'on apprend mieux, plus profondément, en mettant régulièrement à l'épreuve pratique ce qu'on apprend. Il y a un lien intrinsèque entre la théorie et la pratique, le cerveau et la main.” Eh bien je crois qu'il est temps de s'en persuader en France. Donc la loi qu'on a faite il y a 1 an a libéré…

GUILLAUME ERNER
Donc vous allez faire beaucoup d'efforts pour l'apprentissage et vous êtes aujourd'hui…

MURIEL PENICAUD
On en a les premiers fruits.

GUILLAUME ERNER
Vous êtes satisfaite, dites-vous, Madame la ministre, des résultats obtenus.

MURIEL PENICAUD
Non, je suis satisfaite des premiers résultats, il faut aller beaucoup plus loin.

GUILLAUME ERNER
Bien sûr. Mais alors, justement, lorsqu'on observe la diminution du chômage, celle-ci a été largement commentée, on voit que le chômage diminue sur toutes les tranches d'âge, il y a une seule chose qui en revanche ne va pas aussi bien que le reste c'est le taux d'emploi des jeunes en-deçà de 24 ans, comment l'expliquez-vous justement ?

MURIEL PENICAUD
Justement parce que, on avait… il faut plusieurs voies. La bonne voie c'est celle qui fait réussir le jeune, certains seront plus heureux, plus épanouis et plus à l'aise dans une forme plus scolaire, et c'est très bien, et d'autres seront en voie mixte, élèves/ professionnelle, et puis… élèves en statut scolaire, mais en formation professionnelle, et d'autres ont envie de passer à l'action, c'est le faire pour apprendre, et non pas apprendre et puis un jour faire, et ce faire pour apprendre ça correspond aussi à des personnalités, à des envies de passer à l'action, c'est ça l'apprentissage. Et donc, ce qu'on a fait dans la loi, il y a 1 an, on a libéré… il y avait plein de freins, administratifs, réglementaires, financiers, on a balayé tous les freins, on a enlevé les cailloux qui étaient dans la chaussure, et c'est pour ça que c'est en train de se développer, et effectivement on a, en juin, 458.000 apprentis en France, du CAP à l'ingénieur, on n'a jamais eu ce chiffre-là en France, mais il faut aller plus loin.

GUILLAUME ERNER
Alors, il faut aller plus loin, notamment parce que le taux d'emploi des jeunes a diminué, comment l'expliquez-vous ?

MURIEL PENICAUD
Alors, le taux d'emploi c'est parce qu'il y a plus de jeunes qui font des études, et c'est très bien, et donc… le sujet n'est pas d'opposer les études, l'apprentissage c'est des études sous une autre forme, on prépare les mêmes diplômes, on prépare des diplômes professionnels, et certains diplômes sont les mêmes, et donc aujourd'hui la bataille, dans notre bataille de lutte contre le chômage, la bataille de l'emploi des jeunes est prioritaire.

GUILLAUME ERNER
Plutôt que d'imaginer que ces jeunes fassent des études, est-ce qu'on ne peut pas imaginer qu'il y a…

MURIEL PENICAUD
Ce sont des études, autrement.

GUILLAUME ERNER
Au contraire, de plus en plus de jeunes qui sont découragés de trouver un emploi, qui n'arrivent pas à accéder à l'apprentissage, qui ne sont pas dans un cursus d'études qui leur paraît satisfaisant ou qu'ils peuvent continuer à suivre, bref, est-ce qu'il n'y a pas une partie de la jeunesse française aujourd'hui qui est dans une situation de décrochage, Muriel PENICAUD ?

MURIEL PENICAUD
Alors, il y a des jeunes en situation de décrochage, et ce qui est intéressant c'est que l'apprentissage il répond à des jeunes très différents. On voit de plus en plus de jeunes qui réussissent très bien sur le plan scolaire, ou universitaire, et qui ont envie d'aller à l'apprentissage parce qu'ils ont envie d'un métier où la tete et la main se réconcilient. L'autre jour j'étais… il y avait une jeune qui avait fait un master d'Art déco, elle disait « mais j'ai toujours rêvé de faire des meubles moi-même », elle a fait, grâce à la loi on peut faire en accéléré les diplômes, quand on a déjà le bagage théorique, elle a fait un CAP d'ébénisterie, aujourd'hui elle conçoit ses meubles, elle les dessine, elle les crée, elle les fabrique, et elle est en train de créer une entreprise, et elle va embaucher. Eh bien, voyez, ce genre d'histoire il y en a de plus en plus, des jeunes qui n'opposent pas, je crois que, eux ils ont déjà compris, et la preuve c'est que, avec Jean-Michel BLANQUER, le ministre de l'Education nationale, dans la loi, on a changé beaucoup de choses sur l'orientation, et ça se voit déjà, il y a des jeunes, quand on leur laisse la liberté de choisir vraiment, on a eu en 2 ans +45% de demandes pour aller vers l'apprentissage, ce n'était jamais arrivé en France. Donc je crois que, les jeunes, ils ont compris…

GUILLAUME ERNER
Ce qui veut dire aussi qu'on a une marge de progrès importante, parce qu'on a moins de 5% des 15-24 ans aujourd'hui en apprentissage, alors qu'on peut monter jusqu'à 8, 9, 10%.

MURIEL PENICAUD
On est à 7%, en Allemagne c'est 15…

GUILLAUME ERNER
Voilà, donc on a une marge de progrès importante.

MURIEL PENICAUD
Et en Suisse il y a 65% des jeunes qui à un moment donné passent par l'apprentissage, bon, ce n'est pas des pays qui… ça marche pas mal sur le plan économique.

GUILLAUME ERNER
Madame la ministre on a aujourd'hui un marché…

MURIEL PENICAUD
Et maintenant dans la loi – pardon, excusez-moi, c'est moi qui vous interrompt cette fois-ci – dans la loi on a mis aussi qu'on pouvait aller jusqu'à 30 ans, parce qu'il y a beaucoup de jeunes, à 16 ans ou à 20 ans on ne sait pas forcément ce qu'on veut faire, qui trouvent leur voie au hasard d'un stage, une rencontre, et qui avant étaient bloqués, ils ne pouvaient plus faire un cursus long professionnel, maintenant ils peuvent le faire du CAP à l'ingénieur.

GUILLAUME ERNER
Le marché du travail est aujourd'hui en mutation, on va en reparler dans quelques instants, n'avez-vous pas peur qu'en faisant en sorte que plus de jeunes choisissent l'apprentissage ils n'aient pas la possibilité de se réformer, si d'aventure la filière dans laquelle ils sont, par exemple, est automatisée, robotisée, bref, si tous ces phénomènes qu'on observe dans le marché du travail arrivent jusqu'à leur secteur ?

MURIEL PENICAUD
Alors, c'est vrai pour tous les salariés en général, d'où ce qu'on fait en matière de formation, mais ce que je voudrais dire c'est qu'on a aussi prévu, avec Jean-Michel BLANQUER et Frédérique VIDAL, qui est ministre de l'Enseignement supérieur, des passerelles. On va faire des campus communs, où il y aura des apprentis, des étudiants, des lycéens, parce que pourquoi pas commencer au lycée professionnel, en statut d'élève, finir son bac pro sous forme d'apprentissage, revenir, refaire un BTS, sous statut d'étudiant ou statut d'apprenti, il ne faut pas mettre les jeunes dans les silos, il faut leur mettre à chacun de pouvoir s'épanouir et réussir.

GUILLAUME ERNER
Madame la ministre, Muriel PENICAUD, on vous retrouve dans quelques instants, on va continuer d'évoquer la manière dont vous envisagez la lutte contre le chômage, les dossiers chauds, les retraites par exemple, quelle est la réforme en cours, on a du mal à en voir les desseins, vous nous ferez un peu de pédagogie.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2019