Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à France-Info le 2 septembre 2019, sur la rentrée scolaire et la réforme du baccalauréat.

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Média : France Info

Texte intégral

LORRAIN SENECHAL
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

LORRAIN SENECHAL
Douze millions d'élèves font leur rentrée aujourd'hui, près de 900 000 professeurs, et pour vous, c'est la troisième rentrée. Comment vous vous sentez, est-ce que tout est prêt ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je me sens bien, parce que le jour de la rentrée scolaire, ça doit être un jour heureux, et ça doit l'être pour l'ensemble des enfants. Vous savez, je parle toujours d'école de la confiance, bon, je souhaite d'abord une bonne rentrée à tout le monde, aux enfants comme aux parents. Et je pense qu'on doit l'aborder en confiance. Et finalement, notre premier but, c'est de donner confiance en eux-mêmes aux élèves.

LORRAIN SENECHAL
France Info vous fait vivre ce matin cette rentrée des classes en direct du lycée Racine, de Montdidier, dans la Somme, on va retrouver justement marc FAUVELLE. Marc, vous êtes aux côtés d'élèves justement qui font leur rentrée aujourd'hui.

MARC FAUVELLE
Alors, une élève et un enseignant, regardez derrière moi, ça y est, il n'y a pas eu de cloche, à 08h30, mais l'appel a commencé, l'appel par ordre alphabétique évidemment, c'est le jour de la rentrée, ce sont les élèves de seconde qui sont derrière moi, dans ce lycée picard. Deux invités donc pour interroger le ministre de l'Éducation qui est à vos côtés, tout d'abord Amandine. Bonjour Amandine.

AMANDINE
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Elève de première. Vous allez donc, Première ?

AMANDINE
Oui, c'est ça.

MARC FAUVELLE
Vous allez donc… vous faites partie de cette nouvelle génération qui va étrenner la réforme du bac. Et vous avez une question à poser à votre ministre, on vous écoute.

AMANDINE
Oui, bonjour Monsieur le Ministre. J'aurais aimé vous demander si vous n'avez pas peur qu'il y ait des inégalités entre les établissements avec le contrôle continu ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est une très bonne question évidemment qui s'est beaucoup posée au moment où on a élaboré la réforme du baccalauréat, puisque, lorsqu'il y a eu cette consultation, qui d'ailleurs a inclus 40 000 lycéens, les lycéens exprimaient sans arrêt cette attente, et donc on a abouti à un système qui équilibre la simplicité, que tout le monde attend, et puis, l'objectivité que tout le monde attend aussi, l'objectivité, on l'aura de plusieurs façons, d'abord, par le fait que la copie sera anonyme, ensuite, le fait qu'elle sera corrigée par un professeur autre que le professeur qui fait le cours aux lycéens concernés. Et puis, en troisième lieu, il y a une banque de sujets nationale, et cette banque de sujets permet là aussi d'avoir, eh bien, un même vivier de sujets pour l'ensemble du pays.

LORRAIN SENECHAL
Il reste quand même 10% de la note finale du bac qui sera issue des bulletins vraiment dans chaque lycée, quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait, donc le contrôle continu compte pour 40%, 30% selon les modalités que je viens de dire, et sachant que ce contrôle continu correspond un peu à ce qu'est le bac blanc aujourd'hui, pour le moment qui sera consacré dans l'année à ça…

LORRAIN SENECHAL
… En quelque sorte des partiels, comme on connaît aujourd'hui à l'université…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, si on veut, c'est un petit peu de cette nature. Et puis, en effet, 10%, donc un quart du contrôle continu sur le bulletin scolaire, mais pourquoi est-ce qu'on a fait ça, à chaque fois, il faut rappeler le sens, c'est parce qu'on souhaite qu'il y ait moins de bachotage dans le futur, autrement dit, un travail de dernière minute un peu superficiel, mais plus de travail en continu, et donc il est normal aussi de valoriser ce qui a été fait tout au long de l'année au travers du bulletin. Donc c'est ce qui est arrivé d'ailleurs sur certains sujets dans le passé, et puis, pour les trois quarts de la note de contrôle continu, eh bien, que ce soit plusieurs notes qui comptent, de façon, là aussi, à montrer qu'il y a eu un effort en continu.

LORRAIN SENECHAL
Et il reste donc 60% qui seront issus du grand oral, ça, c'est une nouveauté.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Enfin, 60 % qui seront issus des quatre épreuves finales dont le grand oral, mais aussi la philosophie et les deux enseignements de spécialité que l'élève aura choisis en terminale.

LORRAIN SENECHAL
Alors, Jean-Michel BLANQUER, on a vu tout à l'heure Marc FAUVELLE, on va le retrouver en direct du lycée Racine, à Montdidier, dans la Somme, à ses côtés donc, cette lycéenne qui vient de vous interpeller, également, un professeur de philosophie.

MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER parlait de la philo, effectivement, Laurent VANESLAND (phon), vous êtes donc prof de philo, représentant académique également du SNES, le premier syndicat du second degré. Votre question au ministre de l'Éducation, il vous écoute.

LAURENT VANESLAND
Bonjour Monsieur le Ministre, j'aurais souhaité savoir si vous aviez pleinement conscience, si vous avez été pleinement informé des conséquences concrètes de la mise en place de ce nouveau bac dans les établissements, et notamment du fait que nous soyons désormais astreints à l'organisation quasi permanente d'épreuves, qui va mordre, qui va rogner de façon considérable sur le temps de cours, la question toute simple que les enseignants se posent aujourd'hui, c'est quand allons-nous pouvoir faire cours.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, je comprends tout à fait votre question, elle est d'ailleurs très complémentaire et très symétrique de la question précédente, puisque la question précédente portait sur l'objectivité, et votre question, elle porte sur la simplicité, et ce que je disais, c'est que justement, on cherche à trouver un équilibre entre objectivité, qui oblige à certaines règles que j'ai énoncées, et puis, la simplicité que vous réclamez à juste titre. Donc cette simplicité, je pense que nous y arrivons, parce que loin d'avoir des épreuves en permanence, là, je pense qu'il ne faut pas avoir cette crainte-là, vous aurez…

LORRAIN SENECHAL
Les épreuves commencent quand même dès janvier…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais c'est ce que vous avez déjà avec les bacs blancs, aujourd'hui, dans les établissements, vous avez les bacs blancs, et c'est un espace de temps que les établissements savent gérer…

LORRAIN SENECHAL
Mais qui n'ont pas un impact aussi important que maintenant, puisque cette fois-ci, il ne s'agit pas d'une épreuve de bac blanc, il s'agit d'une épreuve réelle…

JEAN-MICHEL BLANQUER
… Non, mais par rapport à la question du professeur, elle ne portait pas sur l'impact, dont j'ai parlé finalement précédemment…

LORRAIN SENECHAL
Mais sur l'organisation…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Elle porte, sur, en gros, la complexité de l'organisation…

RENAUD DELY
Et sur le contenu des enseignements…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et évidemment, c'est une question tout à fait légitime, et s'il n'y avait pas une bonne réponse à ça, ce serait gênant, mais je pense que nous avons une bonne réponse, puisque ça ne va pas monopoliser tout le temps de l'établissement, bien au contraire, d'autant plus qu'il y a des grandes marges de manoeuvre sur la façon de l'organiser par l'établissement. Et puis, nous avons fixé à deux heures maximum cette épreuve de contrôle continu, donc ça n'est pas l'exact équivalent de l'épreuve finale avec toute son ampleur horaire. Donc je pense qu'on arrive au contraire à quelque chose de simplifié…

RENAUD DELY
Vous avez créé, Jean-Michel BLANQUER, un comité de suivi de cette réforme. Est-ce que ça signifie donc qu'il va y avoir une évaluation, à quelle échéance, est-ce que ça veut dire aussi qu'en fonction d'éventuels dysfonctionnements, eh bien, il y a des choses qui pourraient être encore corrigées dans cette réforme du bac à terme ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, mais c'est, je pense, une des vertus du système dans lequel nous sommes en train d'entrer, c'est que, non seulement, pour l'année qui vient, mais même dans le futur, cela permettra de faire avancer les choses, de manière beaucoup plus souple que ça n'a été le cas jusqu'à aujourd'hui, dans notre système. Donc vous si avez…

RENAUD DELY
Cette réforme, elle n'est pas gravée dans le marbre, elle peut être encore amendée, modifiée, corrigée ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, il y a des choses qui sont crantées, si je puis dire, c'est-à-dire la fin des séries, le 60% de contrôle final et le 40% de contrôle continu. Ensuite, sur les modalités, il y a encore des choses à discuter, c'est ça qui est intéressant, l'exemple que je donne fréquemment, c'est celui de l'oral final, qui est une très grande innovation extrêmement intéressante, mais nous avons jusqu'à la fin du mois d'octobre pour définir les exactes modalités de cet oral qui durera 20 minutes, à la lumière d'un rapport qui m'a été rendu d'ailleurs en juin, par monsieur Delhay, et que chacun peut lire, et donc nous allons écouter pour arriver à la meilleure formulation, mais de même que les différentes modalités actuelles, celles que je viens d'expliciter par exemple pour le contrôle continu, nous avions écouté, encore une fois, je rappelle, il y a eu une très grande consultation pour faire cette réforme.

LORRAIN SENECHAL
Alors cette réforme, on va continuer d'en parler dans un instant, on parlera notamment de la disparition des mathématiques au sein du tronc commun, c'était le cas jusqu'ici, ça ne le sera plus à partir de cette rentrée, à partir de ce matin. Jean-Michel BLANQUER, invité de France-Info ce matin, juste après l'info à 8h40.

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C'est la rentrée des classes aujourd'hui, bonne rentrée aux 12,4 millions élèves précisément, qui font donc leur rentrée aujourd'hui, les 870 000 professeurs également, on est avec Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Éducation nationale, et nous vous faisons vivre cette rentrée des classes depuis le lycée Racine de Montdidier dans la Somme où se trouve Marc FAUVELLE, Marc avec d'autres intervenants qui souhaitent interpeller le ministre, et je crois notamment un lycéen pour qui la disparition des mathématiques dans le tronc commun de l'enseignement, ça le chiffonne un petit peu, je crois.

MARC FAUVELLE
Oui, il s'appelle Anthony, il a 16 ans, il va faire sa rentrée dans quelques jours en classe de première, il veut être agent de voirie plus tard, il a choisi ses trois spécialités parmi les 10 qui sont proposées ici dans ce lycée picard, il a donc cette question à poser à Jean-Michel BLANQUER, on vous écoute.

ANTHONY
Bonjour Monsieur le ministre, je voulais savoir pourquoi vous avez supprimé les maths du tronc commun ?

LORRAIN SENECHAL
C'est clair et précis.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est très clair et très précis. Alors, d'abord elles ne sont pas totalement supprimées du tronc commun parce que vous avez un peu de mathématiques dans les 2 heures qui s'intitulent « enseignement scientifique », mais c'est vrai que nous avons mis les mathématiques d'abord et avant tout comme enseignement de spécialité, autrement dit 4 heures en première et 6 heures en terminale, pour différentes raisons. D'abord nous savions qu'une majorité des élèves choisiraient mathématiques, c'est ce qui se passe en cette rentrée, il y a presque 70% des élèves de France qui ont choisi mathématiques, donc, bien entendu, les mathématiques ne s'en trouvent pas affaiblies de ce fait puisque, au contraire, nos programmes de mathématiques sont plus exigeants. N'oublions pas que, ce que nous avons voulu faire avec cette réforme c'est donner plus de choix aux lycéens, et comme on leur donne plus de choix, leur permettre d'approfondir davantage, donc hausser le niveau, et nous avions des constats, depuis un certain nombre d'années, disant que le niveau de mathématiques s'affaissait. Donc l'objectif c'est d'améliorer le niveau de mathématiques, et donc si on fait des mathématiques ça ne doit pas être malgré soi, ou par…

LORRAIN SENECHAL
Ça semble paradoxal !

RENAUD DELY
Augmenter le niveau en mathématiques en sortant les mathématiques du tronc commun, donc ce n'est pas les mathématiques pour tous.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, parce que vous avez des élèves qui n'ont strictement aucune envie de faire mathématiques, on les entend peu, mais moi j'en ai croisés si vous voulez…

RENAUD DELY
Vous disiez à l'instant, Jean-Michel BLANQUER, que 70% des élèves ont d'ores et déjà choisi la spécialité mathématiques, ce qui prouve que, de fait, en fait perdure l'ancienne filière S que vous vouliez supprimer.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, puisque la filière S c'est le combinaison, si vous voulez reconstituer la filière S, vous faites mathématiques, physique et SVT, c'est une combinaison qui vous permet de la reconstituer, or vous avez 25% des élèves qui ont choisi cette combinaison que je viens de dire, alors qu'auparavant vous aviez 50% des élèves qui faisaient S. donc les élèves à vocation scientifique ont fait des combinaisons plus variées, c'est exactement ce que l'on pouvait souhaiter, et puis ceux qui aiment les mathématiques, c'est-à-dire les mêmes, ceux qui ont une vocation scientifique, mais aussi certains autres, par exemple ceux qui font sciences économiques et sociales, ou d'autres, eh bien ont pris mathématiques. Donc, si vous voulez, c'est beaucoup plus de choix pour les lycéens, mais en plus, faisant ce choix, ils vont avoir des programmes plus approfondis. J'ajoute que pour les mathématiques nous avons créé, pour la classe de terminale, ce qu'on appelle mathématiques complémentaires et mathématiques de spécialité, et ceci permet de rajouter de 3 heures, donc un élève de terminale qui veut approfondir les mathématiques fait 6 heures + 3 heures, donc plus qu'un élève de S jusqu'à présent, qui faisait 8 heures. Donc, les mathématiques se trouvent renforcées par la réforme, maintenant c'est vrai qu'il y a certains élèves qui à partir de la première vont laisser un peu les mathématiques, mais ce sera leur choix et ça existait déjà en partie pour certains élèves de L, donc ce n'est pas vraiment nouveau et ce n'est pas du tout le signe d'un affaissement des mathématiques, au contraire, on a 70% des élèves qui continuent à en faire et qui vont en faire plus et mieux.

LORRAIN SENECHAL
Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Éducation nationale, invité de France Info ce matin, on retourne au lycée Jean Racine de Montdidier dans la Somme, Marc FAUVELLE, avec une nouvelle question pour le ministre.

MARC FAUVELLE
Oui, question de Julien DEVILLERS (phon), bonjour.

JULIEN DEVILLERS
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Vous êtes professeur d'Arts appliqués.

JULIEN DEVILLERS
Oui, c'est exact, en section d'enseignement professionnel.

MARC FAUVELLE
Voilà, on va parler de l'enseignement professionnel, le bac pro, d'abord parce qu'on en parle peu, et c'est un tort, ensuite parce qu'ici, dans ce lycée de la Somme, environ un tiers des élèves sont dans cette filière, le ministre écoute votre question.

JULIEN DEVILLERS
Bonjour Monsieur le ministre. Par rapport à la réforme et le fait que les établissements vont pouvoir proposer de l'enseignement par rapport aux familles de métiers, nous voulons savoir si ça ne va pas enclaver en fait les régions par rapport à un type d'activité professionnelle et du coup limiter l'accès pour nos élèves à différentes formes de formations ? Merci.

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord je suis très heureux que vous interveniez Monsieur, parce que c'est important qu'on souligne la réforme de la voie pro en cette rentrée. J'ai souvent dit que je la considérais comme encore plus importante que la réforme de la voie générale et technologique parce que l'enjeu est essentiel pour nos élèves et notre pays, et je veux rendre hommage aux professeurs de lycée professionnel au travers de vous. Ensuite sur votre question précise, c'est-à-dire ce qu'on appelle les familles de métiers, qu'avons-nous voulu ? Je l'explique aux auditeurs. Nous avons voulu qu'en classe de seconde, dans certains domaines, pas tous, mais on regroupe certaines formations pour que l'élève, justement, ait une vision plus large des métiers auxquels il va destiner, par exemple plutôt que d'avoir cuisinier, pâtissier et service en salle, avoir une famille de métiers, et donc en seconde on étudie les trois dimensions et puis après on se spécialise davantage en première pro. Nous avons voulu cela parce que nous avons constaté sur le terrain que souvent les élèves de seconde considéraient qu'ils étaient trop rapidement dans un couloir de spécialité alors qu'ils avaient envie d'avoir un spectre large, donc c'est pour éviter aussi le décrochage en voie pro. Je pense que ça ne va pas créer un enclavement, ça c'était la crainte que vous exprimiez, puisque, au contraire, ça doit nous permettre d'avoir une possibilité d'implantation de filières plus vaste que ce que nous faisons jusqu'à aujourd'hui. Il va se passer ce que nous avons fait pour l'enseignement général et technologique, c'est-à-dire plus un territoire est enclavé, plus nous considérons qu'il est défavorisé, plus nous pourrons être volontaristes pour implanter des formations d'avenir. Alors, parmi les éléments de la réforme de la voie pro il y a justement la volonté de créer les formations qui correspondent à des métiers, et c'est l'inflexion forte qui est donnée aussi en cette rentrée.

LORRAIN SENECHAL
On parlait tout à l'heure d'une sorte de comité de suivi de la réforme sur le lycée, réforme sur le lycée général, est-ce qu'il y a le même type de choses qui va être mis en place pour le lycée professionnel ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a des réformes très importantes, il y a celle que mentionnait ce professeur, il y a la notion de chef-d'oeuvre, tout lycéen professionnel, désormais, va préparer un chef-d'oeuvre, ça peut être quelque chose de matériel, par exemple en menuiserie, mais ça peut être quelque chose d'immatériel, par exemple dans le domaine numérique, mais en tout cas c'est quelque chose qui à la fois donne prestige et esprit de projet à ceux qui le font.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce que les partenaires sociaux vont être associés dorénavant à cette réforme et à sa mise en place ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il y a un comité de suivi de la voie professionnelle exactement comme pour le baccalauréat, qui est présidé par Monsieur FOUCAULT, et ce comité de suivi est en place dès cette rentrée.

LORRAIN SENECHAL
Alors, la mise en place des comités de suivi ça fait également suite à ce mouvement de contestations que nous avons vécu il y a quelques mois seulement, c'était fin juin, début juillet, au moment du baccalauréat dernière version, il y a eu donc ces copies du bac qui ont été maintenues par des professeurs grévistes qui ne souhaitaient pas les rendre en protestation à votre réforme. Vous avez revus les syndicats à cette rentrée, est-ce que le dialogue est renoué selon vous ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il y a un dialogue qui est noué, qui est tout à fait réalisé, je pense qu'il y a une bonne atmosphère, une atmosphère de rentrée, c'est-à-dire on a tous envie d'être constructifs…

LORRAIN SENECHAL
Sachant que les syndicats appellent à la grève dès le 10 septembre prochain.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas tous les syndicats ; vous savez, on dit toujours les professeurs, les syndicats, non, c'est des professeurs, des syndicats, fort heureusement vous n'avez pas 850 000 professeurs contre…

LORRAIN SENECHAL
Vous les entendez quand même ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je sais entendre ceux qui ne sont pas contents, je sais aussi entendre ceux qui peuvent l'être et qui parlent souvent moins, à qui on donne moins la parole, mais bien sûr qu'il y a des éléments de satisfaction en cette rentrée.

RENAUD DELY
Vous aviez annoncé, Jean-Michel BLANQUER, à propos de ces correcteurs qui avaient retenu les copies, qu'ils seraient sanctionnés, notamment par des retenues sur salaire, est-ce que vous savez si ces sanctions ont été mises en oeuvre et combien ont été sanctionnés ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, non mais là il se passe juste la mise en oeuvre de la règle normale, c'est-à-dire le fait que quand on fait grève il y a retrait de salaire, donc c'est en train de s'accomplir et…

LORRAIN SENECHAL
Donc ce n'est pas une pénalité, c'est simplement…

RENAUD DELY
Ça va concerner combien… ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça concerne environ 2 000 personnes, je rappelle qu'il y avait 2 000 personnes qui se sont mises dans cette situation, sur 200 000 correcteurs, ça prolonge la question précédente, c'est-à-dire 1%, 1% des gens, et ça a fait beaucoup de bruit pour 1 %, rappelons-le quand même…

LORRAIN SENECHAL
Donc retenue sur salaire, mais qui est uniquement ce qui est prévu dans le cadre d'une personne qui fait grève.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est prévu, on applique les règles, et ça se répercute normalement sur les bulletins de salaire de septembre, octobre, novembre, pour que ce soit réparti, mais c'est ainsi que ce sera fait.

LORRAIN SENECHAL
On va parler justement du bulletin de salaire des enseignants dans quelques instants avec vous Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Éducation nationale, invité de France Info ce matin.

///

Jean-Michel BLANQUER, ministre, j'allais dire professeur, ministre de l'Éducation nationale…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça me fait plaisir…

LORRAIN SENECHAL
Est l'invité de France-Info aujourd'hui. La semaine dernière, vous avez annoncé un coup de pouce salarial aux enseignants, une augmentation de 300 euros bruts annuels, en moyenne, sauf que vous n'aviez pas précisé que ces augmentations avaient été négociées, décidées au quinquennat précédent.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors double erreur dans ce que vous venez de dire, d'abord, je l'avais précisé, je l'ai dit. Et deuxièmement, ce n'était pas une annonce, autrement dit, je l'avais déjà dit, après, il y a eu une sorte de bruit médiatique…

RENAUD DELY
Donc pas de coup de pouce salarial aux enseignants ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, il y a un coup de pouce, non, mais vous savez, il faudrait faire des études sur la façon dont les informations sont traitées dans notre pays, pardonnez-moi, mais là, par exemple, c'est un cas d'école ce qui s'est passé la semaine dernière, j'ai juste rappelé, à l'occasion d'une l'interview comme celle-ci, quelque chose que j'avais déjà dit précédemment. A ce moment-là, on met alerte info comme si c'était une annonce, ça n'en était pas une, après, on fait comme si c'était la seule chose que j'allais faire, ce n'est évidemment pas le cas, et ensuite, lorsque je l'ai dit, j'ai dit, j'ai précisé que, en effet, ça avait été décidé par le précédent gouvernement, mais enfin, vous savez, je crois que, entre quelqu'un qui fait un chèque en blanc et quelqu'un qui paye ce chèque en blanc, je ne sais pas qui a le principal mérite.

RENAUD DELY
Alors, en l'occurrence, 300 euros de moyenne, est-ce que c'est suffisant, est-ce que c'est fini, ou alors qu'est-ce que vous allez faire, vous…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, bien sûr que non…

LORRAIN SENECHAL
18 euros nets par mois…

RENAUD DELY
Que va faire ce gouvernement, puisque…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je n'ai cessé… je ne sais pas parfois comment se faire entendre, je n'ai cessé de dire ça. Je n'ai cessé de dire ce que vous êtes en train de dire. Je suis frappé à quel point les commentaires, à chaque fois, décontextualisent, prennent un petit morceau, le caricaturent, je n'ai cessé de dire ce que vous venez de dire. C'est-à-dire que bien sûr, ce n'est pas assez, mais c'est un pas dans la bonne direction, par ailleurs, il ne faut pas le négliger, quand on dit, je veux dire quand on dit 5 euros en moins d'APL, on dit : c'est une catastrophe, quand on dit 30 euros en plus de salaire, on dit : ce n'est rien du tout, donc il faut parfois savoir quelle est l'échelle de grandeur des commentateurs. Alors je ne dis pas…

RENAUD DELY
En l'occurrence, c'est une question qui concerne plus les enseignants que les commentateurs, donc en l'occurrence, les enseignants attendent davantage, qu'est-ce que vous êtes susceptible d'engager ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais bien sûr que ça n'est pas… 30 euros par mois…

LORRAIN SENECHAL
18 euros nets par mois…

JEAN-MICHEL BLANQUER
30 euros par mois, ce n'est certainement pas la panacée, je suis le premier à le dire, simplement, c'est un signal qui est envoyé, qui s'ajoute à d'autres choses. Je rappelle qu'en cette rentrée, nous rajoutons 1 000 euros annuels pour tous ceux qui travaillent en réseau d'éducation prioritaire renforcé, ça concerne 50.000 personnes, ça s'ajoute aux 1 000 euros de l'année dernière, donc ça veut dire 2 000 euros de plus par an depuis que ce gouvernement est là pour ces personnels-là, donc ça s'ajoute aux heures supplémentaires qui sont plus nombreuses, qui sont défiscalisées, pour une personne, ça peut représenter par an un gain de 450 euros pour une heure, enfin, pour une heure annuelle, pour la défiscalisation, donc tout ça n'est pas rien, mais c'est encore insuffisant, je suis le premier…

RENAUD DELY
Mais on sait qu'en France, les enseignants, voilà, sont globalement moins bien payés que nos voisins européens, notamment en Allemagne…

JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas, ce qui se passe…

RENAUD DELY
Est-ce que vous diriez que les enseignants en France sont sous-payés ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, enfin, je pense qu'il faut bien entendu améliorer la rémunération des professeurs et des personnels de l' Éducation nationale, je suis le premier à le dire, et je suis celui qui porte ça au sein du gouvernement, au Parlement, et donc, qu'on ne me fasse pas le procès de penser autre chose ; nous devons arriver à ce progrès, mais j'hérite d'une situation qui est ce qu'elle est…

LORRAIN SENECHAL
Et comment rattraper ce retard ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, d'abord, en envoyant ce premier signal en 2020 avec les premiers petits progrès que je viens d'indiquer, qui ne sont pas négligeables, qui vont représenter plus d'un milliard d'euros d'augmentation du budget de l'Éducation nationale à la rentrée, et dont 300 millions pour la mesure dont je viens de parler, ensuite, sur la durée, c'est-à-dire sur l'ensemble des années prochaines, justement, le dialogue social approfondi qui se réalise avec les organisations syndicales tout au long des prochaines semaines et des prochains mois, avec en plus un dialogue aussi sur les retraites, va nous permettre de définir cette augmentation nécessaire au cours des années…

RENAUD DELY
Un effort particulier pour les débutants dont le niveau de rémunération est très faible de l'ordre d'à peu près 2 000 euros bruts mensuels pour la première année de titularisation ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est pour ça que j'ai parlé d'un observatoire de la rémunération que nous sommes maintenant capables de mettre en place, c'est que les situations sont différentes selon beaucoup de critères, et notamment les débutants sont particulièrement mal payés en France, ensuite, vous avez les professeurs des écoles primaires qui sont plus défavorisés que dans le secondaire. Vous avez donc des différences qui existent, et il faut, là aussi, savoir traiter ça…

LORRAIN SENECHAL
Mais même un professeur agrégé qui a 31 ans de carrière touche 2 800 euros nets par mois, ça semble quand même dérisoire…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui… il y a des coups de pouce à donner, mais qui peuvent être de nature différente selon les cas, vous avez aussi à prendre en compte pas seulement le salaire, mais d'autres éléments du pouvoir d'achat, j'ai parlé des heures supplémentaires, mais il faut parler aussi du logement par exemple, lorsque vous êtes professeur débutant en Ile-de-France ou par exemple, près d'Annecy, aujourd'hui, vous avez des logements qui sont très chers, et donc vous ne vous y retrouvez pas en termes de pouvoir d'achat, donc on peut aussi faire de l'aide au logement par exemple ciblée pour certains professeurs. Nous allons avoir des…

RENAUD DELY
Ça, c'est un projet, là, que vous engagez…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, bien sûr…

RENAUD DELY
De l'aide au logement pour les professeurs débutants qui s'installent.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Absolument, ça fait partie des mesures visées par le dialogue social que nous sommes en train de réaliser, de même que nous allons avoir tout un travail de gestion des ressources humaines de proximité, c'est-à-dire dès cette rentrée, ça concerne un quart des professeurs, une personne, à 10, à 20 minutes de leur lieu de travail…

LORRAIN SENECHAL
Une sorte de relais RH ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Un relais RH, exactement, leur permettant d'être complètement dans une situation non anonyme, de pouvoir parler de leur carrière, éventuellement, de leurs difficultés, de façon à pouvoir être appuyés. Mais le but, effectivement, c'est, je dirais, la reconnaissance par notre pays de la place centrale du professeur dans notre société.

LORRAIN SENECHAL
L'une des nouveautés de cette rentrée, c'est aussi l'entrée en vigueur de la loi sur l'école de la confiance, et donc l'obligation de l'instruction pour les enfants dès 3 ans, et à ce sujet, vous avez fait une petite erreur, on peut le dire, chez nos confrères de France Culture, on va coûter exactement ce que vous avez dit.

JEAN-MICHEL BLANQUER (SAMEDI SUR FRANCE CULTURE)
Aujourd'hui il y a plus de petites filles, que de petits garçons, qui ne vont pas à l'école maternelle pour des raisons sociétales, et puis appelons un chat un chat, le fondamentalisme islamiste dans certains territoires a fait que certaines petites filles vont à l'école le plus tard possible, ou avec une assiduité plus faible.

LORRAIN SENECHAL
Sauf qu'en fait, dans les faits, les petites filles ne vont pas moins à l'école que les garçons.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pardon mais, c'est encore une erreur, excusez-moi de vous le dire. Désormais, j'entends souvent le mot décodeur, mais parfois je me demande s'il n'y a pas une consonne qui est erronée si vous voulez. En l'occurrence, ce que j'ai dit n'est pas contradictoire avec ce que vous venez de dire, je n'ai pas dit qu'il y avait un effet statistique. Autrement dit, ce qu'on m'a répliqué, depuis que j'ai dit ça c'est, premièrement, que les enfants qui sont scolarisés à 2 ans, qui représentent une minorité, dans ces enfants-là il y a une majorité de filles, mais ce n'est en rien contradictoire avec ce que j'ai dit, puisque ce que j'ai dit c'est que, sur le petit pourcentage d'enfants qui ne vont pas à l'école maternelle jusqu'à présent, donc 2 à 3 %, on observe que certaines filles n'y vont pas pour des raisons sociétales.

LORRAIN SENECHAL
Et l'observez où ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'ici à la fin du mois de septembre je ferai un point sur les questions de laïcité, dans notre pays, à l'école. Vous savez, pendant des années, on a dit que l'Éducation nationale mettait les problèmes sous le tapis, y compris les problèmes de laïcité, une des choses que j'ai faites c'est de créer des équipes laïcité dans chaque académie, pour avoir une remontée exacte des problèmes, et oui, j'ai en tête tel ou tel endroit de France, même si ce n'est pas significatif statistiquement…

RENAUD DELY
Statistiquement ça représente combien de… ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais statistiquement, on peut parler de quelques dizaines d'enfants, mais ça…

LORRAIN SENECHAL
Donc on a fait une réforme nationale pour quelques dizaines d'enfants ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, parce que l'instruction obligatoire à 3 ans ne vise pas que cela, mais regardez les débats parlementaires, je le disais déjà à ce moment-là, c'est que le but c'est à la fois de résoudre des problèmes sociaux, par exemple dans certains territoires d'Outre-mer, ou certains territoires de l'Hexagone, où vous avez des enfants qui n'y vont pas pour des questions de pauvreté, par exemple d'éloignement rural, ça c'est un premier… mais il y avait aussi des raisons sociétales, c'est-à-dire, pas seulement d'ailleurs le fondamentalisme islamiste, mais ça peut être d'autres raisons, par exemple des gens qui sont dans des sectes ou des choses comme ça, et donc, oui, nous voulons que l'instruction obligatoire permettre de contrôler ce qui se passe pour les enfants de 3 à 6 ans, si on ne veut pas qu'il y ait des marginalisations.

LORRAIN SENECHAL
Instruction obligatoire pour les enfants de 3 ans dès ce matin, merci à vous…

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est quand même étonnant, dès que vous pointez des problèmes qui sont des réalités de terrain, d'avoir tout le monde qui vous tombe à bras raccourci parce que, simplement, vous énoncez une vérité, mais dans peu de temps, je donne un rendez-vous d'ici à fin septembre pour expliciter l'ensemble du tableau en la matière.

LORRAIN SENECHAL
Merci Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Éducation nationale, qui était l'invité de France Info ce matin.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2019