Texte intégral
M. Le président L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de l'accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre (nos 1631, 2430).
- Présentation -
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Nous le savons, les accords stratégiques, les accords de défense, les accords de coopération sont des textes extrêmement importants pour nos relations bilatérales, aussi bien dans notre voisinage qu'à travers le monde. Je viens vous présenter ce matin, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant l'approbation de deux accords bilatéraux de coopération en matière de défense, avec Chypre et avec l'Albanie, signés respectivement en avril 2017 et en mars 2017. L'élaboration et la conclusion de l'accord franco-chypriote et de l'accord franco-albanais s'inscrivent dans des contextes très différents.
Le nouvel accord franco-chypriote abrogera l'accord de coopération en matière de défense signé par les parties le 28 février 2007. Dix ans plus tard, en 2017, il s'agissait d'étendre le champ de notre coopération militaire et technique en tenant compte de nos intérêts communs, de nos activités dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune – ou PSDC – de l'Union européenne, ainsi que de l'évolution des technologies. La partie chypriote avait exprimé dès 2014 le souhait d'étendre le champ de la coopération à l'échange d'expériences et de connaissances des forces armées pour faire face aux menaces actuelles comme le terrorisme, la piraterie, les actes d'hostilité ou encore les catastrophes naturelles, et donc d'approfondir avec les armées françaises le soutien des forces. Nos États sont convenus en janvier 2015 de conclure un nouvel accord conforme à ces demandes, et les négociations ont abouti en mars 2017.
Quant à l'accord franco-albanais, il vise à actualiser et à rénover le cadre juridique de la coopération bilatérale en matière de défense, jusqu'à présent fondée sur un arrangement technique datant de mai 1996 et évidemment rendu obsolète par l'adhésion de l'Albanie à l'OTAN – l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord – en 2009. Dans la continuité des accords récents avec la Croatie et la Lituanie, la France et l'Albanie ont engagé, dès 2012, des négociations en vue de conclure un accord intergouvernemental. La dernière proposition française a recueilli l'accord définitif du conseil des ministres albanais, à Tirana, en mars 2017.
Chacun des deux accords vise à renforcer la coopération bilatérale française en matière de défense. Si je peux le formuler ainsi, nous y voyons les prémices de la concrétisation de notre volonté toujours croissante de créer une défense européenne, une puissance continentale qui nous donnerait les moyens d'une véritable autonomie. Cette coopération nous permet de répondre avec plus de force aux défis que les parties ont à relever.
L'accord franco-chypriote poursuit l'objectif d'inscrire dans la durée l'engagement de la France et de Chypre, dont, je le rappelle, nous sommes le deuxième partenaire militaire. Nous cherchons également à renforcer et à étendre le champ des domaines de coopération prévus en 2007, en particulier la formation et l'échange de connaissances et d'expériences concernant le rôle des forces armées dans les domaines de la sécurité énergétique, de la sûreté maritime, de l'alerte précoce, de l'évacuation des ressortissants et enfin de la gestion des crises, Chypre occupant, vous le savez, une place géographique stratégique aux portes du Proche-Orient.
L'accord prévoit en outre une coopération plus étendue en matière de recherche militaire scientifique et technique, en matière d'armement et de technologies de défense, mais également, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, en matière d'organisation, d'entraînement, d'armements et de transport des forces en cas d'opérations militaires de l'Union européenne.
Il convient en outre de souligner que Chypre constitue un point d'appui important pour la France dans la conduite de ses opérations militaires en Méditerranée orientale, gage de conservation d'un point de libre accès à cette zone stratégique. Le renforcement de notre coopération en matière de défense avec Nicosie s'avère d'autant plus important dans le contexte que vous connaissez : montée des tensions en Méditerranée orientale, hausse préoccupante de l'insécurité au Levant, besoins accrus en matière d'évacuation des ressortissants.
Sur ce point, je tiens à porter à votre connaissance l'accord auquel a abouti la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Égypte, de la France, de Chypre et de la Grèce…
Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères. Et de l'Italie !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. …qui s'est tenue la semaine dernière, l'Italie étant observatrice de la concertation. Le quatrième paragraphe du communiqué final de cette réunion à laquelle a participé Jean-Yves Le Drian, indique : "Les ministres ont également rappelé la nécessité du plein respect de la souveraineté et des droits souverains de tous les États dans leurs zones maritimes en Méditerranée. À cet égard, les ministres ont fermement condamné la poursuite des actions turques dans la zone économique exclusive et dans les eaux territoriales de Chypre. Les ministres ont appelé la Turquie à cesser immédiatement toutes ses activités d'exploration illégales." Il me semblait important de vous apporter ces précisions, puisque la discussion qui nous occupe ce matin porte sur notre coopération en matière de sécurité et de défense.
Quant à l'accord franco-albanais, il vise à permettre le développement des relations bilatérales entre nos deux pays. Encore une fois, la France exprime sa solidarité à l'égard du peuple albanais et de son gouvernement après le tremblement de terre dévastateur qui a secoué le pays il y a quelques semaines ; une conférence des donateurs, réunie à l'initiative d'Ursula von der Leyen, de la France et de l'Allemagne, se tiendra le 17 février prochain à Bruxelles en soutien à l'Albanie.
L'accord franco-albanais couvre tous les domaines de coopération en matière de défense : organisation et fonctionnement des forces, formation, armement, équipement. L'arrangement technique en vigueur, nous le savons, limite la coopération franco-albanaise. Le nouveau cadre juridique offert par le présent accord devrait permettre d'élargir la coopération et d'intégrer les capacités albanaises, notamment dans le cadre des opérations de l'OTAN.
L'accord avec l'Albanie permettra de développer des coopérations utiles concernant des sujets d'intérêt pour les deux États, comme la lutte contre la radicalisation, la sécurisation des espaces maritimes européens ou l'équipement des forces armées. L'accord permettra en outre de fixer le statut des membres du personnel français et albanais amenés à participer à des activités de coopération sur le territoire de l'autre État.
J'ajoute que, pour renforcer concrètement notre coopération de défense avec l'Albanie – ce qui est l'objectif de cet accord –, nous pourrons nous appuyer sur la mission de défense qui a rouvert l'été dernier à Tirana, avec à sa tête un colonel, attaché de défense.
En outre, l'entrée en vigueur de l'accord de coopération de défense avec l'Albanie – que j'espère prochaine, grâce à votre soutien – s'inscrit dans le contexte, que vous connaissez, du réengagement de la France dans les Balkans, conformément à la stratégie interministérielle pour les Balkans occidentaux validée en mars 2019. Vous le savez, dans le cadre de cette stratégie, le Président de la République s'est rendu en visite en Serbie en juillet dernier, et Jean-Yves Le Drian, Geneviève Darrieussecq et moi assurons une présence renforcée dans la région depuis notre prise de fonctions, qui sera renforcée dans les mois à venir. Par ailleurs, nous menons actuellement des discussions avec la Commission européenne pour déterminer les voies et moyens pour arrimer fermement cette zone géographique de haute importance au développement européen.
Telles sont les principales observations que je tenais à porter à votre connaissance concernant l'accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre et l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 28 janvier 2020